Philippe / Le trou dans le coeur.

Marius. Philippe rencontre Marius en juin 2000 sur la côté d'Azur. Le musicien est là pour des concerts et doit y rester tout l'été. Marius lui y vit et expose pour la 1ère fois ses tableaux. Deux âmes d'artistes qui se croisent, l'alchimie est immédiate. Ils ont pas mal de points communs et le courant passe dés les premiers mots échangés. Philippe craque sur le regard émeraude du peintre. Mais il y a un hic : Marius est marié depuis 4 ans à la belle Solène. Il semble heureux. Alors le musicien se contente d'une amitié forte et sincère qui lui donne envie de prolonger son séjour et de s'installer prés de la mer. Lui homme de montagne il découvre avec bien plus d'envie les joies de la plage surtout quand il est en compagnie de Marius. Durant 5 ans cette amitié va se tisser de regards dérobés, de sourires timides, de non dits. Avant qu'un soir Marius embrasse par surprise Philippe qui se laisse emporter par toutes les émotions accumulées durant ses années. Ils s'avouent leurs sentiments. Et Solène est mise devant le fait, mais elle se doutait de ce rapprochement. Marius n'attend même pas le divorce pour emménager avec Philippe. Et 15 ans vont s'écouler dans une complicité parfaite. Ils s'aiment, c'est beau, puissant et ils le montrent, se le montrent. Pour Philippe il ne peut y avoir de fin à cet amour. Marius l'inspire, il est son oxygène, sa raison de vivre. Sa muse. Et l'inverse est vrai. Leurs carrières explosent, mais ils font tout pour se quitter le moins souvent. Philippe à la sensation de mourir loin de Marius au point que s'il dort seul il doit laisser une veilleuse et de la musique. Il ne supporte pas l'absence de son compagnon.
Le drame. Philippe est un grand romantique et pas question de laisser passer une St Valentin sans la marquer convenablement. Bien sur il n'attendait pas ce jour spécial pour montrer tous ses sentiments à Marius, mais ce jour là il jouait un peu plus la carte des roses rouges, de la boite à chocolat, des fraises, du champagne et des sous vêtements affriolants. De quoi faire souvent rire son compagnon. Ce 14 février 2020 le programme était déjà établi, les amoureux étaient même sur Paris pour fêter leur 15 ans de vie commune. Le grand jeu était de sorti pour le plus grand plaisir de l'un et de l'autre. Ils avaient passé la soirée dans un cabaret de la belle capitale. Ils sortent, rigolant et se taquinant avant que Philippe ne remarque l'oublie de son écharpe. Il abandonne son homme quelques secondes. Marius a appelé un taxi qui est déjà là, Philippe le voit le rejoindre alors qu'il avance. Le peintre passe côté conducteur. Il voit les phares, puis c'est le choc. Une voiture passant trop prêt, trop vite qui perd le contrôle et qui percute le corps de son compagnon qui rebondit sur la portière entre ouverte, la tête tape au sol violemment. Le musicien se précipite et prend le peintre dans ses bras. Le sang coule de l'oreille, du nez et il voit le regard de son homme s'éteindre dans un dernier je t'aime. Résonne alors dans le silence glacial qui s'impose le hurlement de désespoir de Philippe. Il faudra que la police s'impose pour que Philippe lâche le corps sans vie de son homme. A cet instant un trou se creuse dans son cœur ravagé par la douleur.
L'après. Philippe cette nuit là marchera dans Paris comme un zombie, il est perdu, et il a juste envie de mourir. Il rentrera chez eux qu'au moment ou le corps sera rapatrié pour être enterré. Les jours qui suivent la mort de Marius sont des jours sans vie, plein de bruits, ou on lui pose trop de questions. Il ne mange pas, boit à peine. Il ne dort pas, et pleure jusqu'à épuiser ses larmes. Il se traine et veut juste qu'on lui foute la paix. L'urne remplit des cendres de son homme en main il ira seul sur la plage, un endroit qu'ils aimaient tous les deux pour la vider dans les vagues. Il restera assis sur le sable le regard perdu dans l'horizon, songeant même à se noyer. Puis il se lève et s'occupe à la va vite des papiers et de la mise en place de la vente de la maison. Il voit avec un homme de loi pour que tout soit fait rapidement. Les meubles et affaires de la maison sont mis dans un garde meuble. N'ayant ni le cœur de trier, ni le cœur de jeter. Puis il choisit de tout quitter en n'emportant que l'essentiel. Le reste il verra pour se le faire envoyer plus tard une fois qu'il saura où il se pose. Avec toujours dans l'optique cette envie de se foutre en l'air. Il prend un billet d'avion, tirant au hasard sa destination. Il se fout de tout et notamment de la vie et de ce qu'elle lui réserve. A cet instant il veut juste fuir tout ce qui lui rappelle son bonheur passé. Toutes pensées le fait souffrir. Alors il ne réfléchit à rien. C'est comme ça qu'il se pose à L.A. Sans se dire qu'il va y rester.
La musique. Philippe y est tombé dedans tout petit, pas à cause de ses parents mais de ses grands parents maternels qui avaient un magasin de disque. Gamin il y a passé des heures, écoutant les vinyles, regardant les pochettes, débattant avec son papi de toute sorte de musique. Il découvre divers horizons et craque pour le jazz. Il est attiré par le saxo mais il doit attendre d'avoir presque 10 ans, parce que trop tôt cela peut déformer la dentition, pour avoir son 1er. Un saxo soprano courbe, il a ensuite un alto. Il les a tous gardé, même le 1er. Le dernier a été offert par Marius pour leur dernière St Valentin, celle qui a été fatale à son homme. Le saxo était posé sur leur lit quand il est retourné à l'appartement, entouré d'un nœud rouge avec une rose à peine éclose. Il a ouvert l'étui pour constater que l'instrument était gravé : "A Lippe mon amour pour la vie". Il ne l'a jamais porté à ses lèvres. De l'univers de la boutique de disque il a gardé un amour profond pour les vinyles, d'ailleurs il n'écoute que ça, il en a une collection imposante, collection qui trône dans une pièce de son loft. Tous les styles de musiques y sont.
Depuis un an. Phil vivote, il traîne souvent dans le loft en survêtement alors qu'il adore être bien habillé. Il sort tôt le matin pour croiser le moins de monde possible. Il parle peu, rester discret. Se fait livrer ses courses. Il ne sourit que très rarement. Il garde ses distances même avec ses voisins. Il a du mal à se lier, et il est souvent morose et déprimé. La seule chose qui le maintient à flot c'est écouter de la musique et encore pas toute. Celles qui lui rappellent Marius, leur histoire passée, il les évite. Il sort pour aller dans les bars, où il boit plus que de raison certains soirs avant de rentrer dans son appartement vide et silencieux. Il n'a plus joué de son saxophone. Il n'a plus touché à un homme. Il fuit par peur que son corps puisse ressentir des frissons mais ces frissons ne seront jamais assez forts pour le faire revenir à la vie. Alors il préfère s'en priver et combler ses envies seul.
Son caractère. Philippe était doux, tendre, romantique, souriant, avenant, drôle, taquin, toujours bien mis sur lui, sportif. Il aimait les plaisirs de la vie. A présent il est fermé, triste, sombre, en colère, rageux, il parle peu et pleure souvent. Il est une ombre, un fantôme, l'ombre de son ombre. La seule chose qu'il continue c'est le sport, il court alors que la nuit colore encore le ciel, parce qu'il n'arrive pas à dormir. Il cherche à s'épuiser comme il peut. Et il ignore quand il retrouvera son sourire, certainement jamais.
Sa carrière. Philippe a à peine 15 ans quand il monte sur une scène, bien sur il en avait fait avant avec le conservatoire. Mais là c'est tout autre chose, il est pris à l'essaie dans un groupe de jazz, il est le plus jeune des musiciens présents. Ils jouent dans une cave, ambiance feutrée et intimiste. C'est l'apothéose pour lui, la révélation. Il veut devenir saxophoniste professionnel et il se donnera tout pour y arriver. Il finira ses études, jouant dans diverses salles, au départ en Savoie et puis dans d'autres régions de France, puis à l'étranger. Il alliera parfaitement sa carrière à celle de Marius une fois qu'ils seront en couple. Il ne cherche pas la gloire, il veut juste jouer pour le plaisir de jouer. Il évitera les émissions de télévision, fera des disques, il est disponible pour les jeunes artistes. Il ne dit, enfin ne disait jamais non, même pour jouer dans une salle paumée sans être spécialement payé. Vu les cachets qu'il avait dans certains cas, il pouvait offrir de son temps gratuitement pour une cause ou juste pour le plaisir.
Son homosexualité. Philippe n'en a jamais eu honte, il n'en a jamais douté non plus. Il n'a jamais cherché à la fuir ou à expérimenter une autre sexualité. Et même s'il a été courtisé par de belles femmes, il les a toujours vu qu'en tant qu'amies. Après il n'est pas homme a aimé qu'on les mal traite. Les hommes ont toujours attiré son regard et ce très jeune. Par chance ses parents ne lui en ont jamais voulu et on très bien accepter son choix. De ce côté là il a eu de la chance et il ne les a jamais assez remercié. Ils adoraient Marius, ils le traitaient comme un fils. Et même si être avec un homme les privait de petits enfants, ils sont restés une famille unie.
Sa famille. Il est l'ainé d'une famille de 4 garçons, ses trois frères sont mariés et ils ont des enfants. Mais depuis qu'il est à L.A il n'a vu personne. C'était son souhait de couper un peu les ponts, ils s'appellent souvent, tous les jours avec ses parents, mais l'idée de les voir lui pèse. C'est encore trop tôt et les images de sa famille l'entourant pour l'enterrement de Marius le hantent. Alors il préfère avoir juste un contact par la voix, leurs assurant que tout va pour le mieux. Et puis c'est plus facile aussi de leur mentir, s'ils étaient en face de lui, ils verraient bien que tout ne va pas bien. Un jour ils les fera venir. Mais pas pour le moment.
Les petites choses à savoir. Comme tout bon français qui se respecte Philippe aime le bon vin, le fromage et le pain. Cliché peut être mais pour lui un petit déjeuner ne se fait pas sans tartines ou viennoiseries. Il ne fumait pas et buvait peu, la mort de Marius a réveillé des vices. Les cigarettes ont remplacées le bec de son saxo et les verres de whisky se sont multipliés. Il aime les animaux, avec Marius il avait des chats, deux siamois, il les a laissé en France chez ses parents, ne se sentant pas capable de garder Bulle et Bidule prés de lui. Philippe ne conduit plus depuis la mort de Marius il n'en était nullement le fautif mais dés qu'il monte en voiture, surtout en tant que conducteur, il n'a que cette vision d'une voiture percutant son homme. Il prend des taxis ou des ubers et ferme les yeux le long de la route. Dés qu'il est anxieux ses jambes tremblent, au point que parfois on dirait qu'il va s'écrouler. Philippe préfère le jour à la nuit surtout depuis qu'il est veuf, il a d'ailleurs du mal avec le mot veuf. Il aime les couleurs chatoyantes même si depuis un an il ne porte que du gris et du noir. Il s'autorise de temps à autre une pointe de vert la couleur favorite de son homme. Lui était plus dans le rouge et ses dégradés, les oranges aussi. Il mange sainement, même s'il mange peu, cuisine parfois, mais il en fait toujours trop du coup il se retrouve à se nourrir du même plan plusieurs repas à la suite, n'aimant pas gaspiller. Alors il commande, plus simple et moins routinier. En plus de parler français sa langue natale, et l'anglais, langue qu'il a facilité sa carrière, il parle aussi l'italien ayant vécu en Savoie, ils allaient de temps en temps en Italie.