ruben (+) Music is a world within itself, it's a language we all understand.

(01) Ruben n’était pas un enfant attendu. Camber, sa tendre mère, venait tout juste de divorcer de son précédent époux, Henry. Mère d’un enfant de trois ans, elle était en tournée en Angleterre pour quelques jours. Pianiste de métier, elle avait du mal à coordonner son métier avec sa vie familiale, principale cause du décès avec Henry. Philip est arrivé dans sa vie comme une belle bouffée d’air. Il avait le regard pénétrant, gris et un sourire éblouissant. Il lui a permis de retrouver la femme qui sommeillait en elle et qu’elle avait perdue de vue après toutes ces années de concubinage. La découverte de sa grossesse a été une surprise, mais cruellement attachée aux valeurs familiales chrétiennes acquises par ses parents, elle n’a pas eu le cœur d’avorter. Après tout, c’était peut-être un cadeau du ciel, après avoir eu tant de mal à tomber enceinte la première fois.

(02) Ruben a été accueilli les bras ouverts par sa mère et sa famille. La gestion d’un enfant à temps plein l’a contraint à mettre un terme à sa carrière. C’était la meilleure décision à prendre et elle ne l’a pas forcément regretté malgré une certaine mélancolie. Elle a pris un poste de professeur de piano dans une école d’arts à Los Angeles où elle enseigne toujours. Très sa plus tendre enfance, Ruben a développé très jeune une affection toute particulière pour le piano et a d’abord joué à quatre mains avec sa mère dès l’âge de quatre ans. Appréciant particulièrement les sonorités de cet instrument, il pouvait passer des heures à rejouer les morceaux que sa mère l’aidait à apprendre.

(03) Jouer du piano lui a toujours apporté un sentiment de sérénité dont il a toujours été friand. Son enfance n’a pas été chaotique, si ce n’est d’avoir un sentiment d’infériorité vis-à-vis du premier enfant de sa mère, qui avait un père, contrairement à lui. Cela a été longtemps une source de conflit entre cet enfant et lui, les conduisant souvent à se disputer et à s’insulter. Ruben a souffert de ne pas connaitre son père, d’être berné par une histoire qu’il a vite supposée fausse, car il ne comprenait pas pourquoi il ne serait pas là s’il avait connaissance de son existence. Sa relation avec son ainé s’est réellement allégée à l’époque où la vérité lui a été faite.

(04) Il avait douze ans lorsque la vérité lui a été révélée. Elle avait au moins le mérite de lui retirer une sensation de n’avoir pas été désiré par son père. Finalement, c’était sans doute le cas, mais le fait qu’il ne connaisse pas son existence le portait à croire que si ça avait été le cas, il serait présent à ses côtés. En conséquence, petit à petit, il a fini par se faire à cette idée et a accepté la réalité. Sa mère ne cherchait qu’à le protéger, mais il lui en a voulu plusieurs mois, s’enfermant dans sa chambre et en sortant que pour se mettre au piano sans rien dire.

(05) Ses relations avec sa fratrie s’est allégée avec le temps. Passer les vacances dans la demeure familiale de leurs grands parents en campagne leur a permis de se retrouver, de tisser de véritables liens malgré la différence d’âge. Il a même fini par être invité à passer des week-ends avec lui dans sa deuxième famille. C’est ainsi qu’il a rencontré Henry et qu’il a pu découvrir une figure paternelle. Ruben est resté très discret dans un premier temps, mais son entrée au collège, sa popularité lui ont rapidement permis de s’extirper de son image propre.

(06) La nature lui a permis d’avoir un charisme qui a rapidement fait ses preuves dans la cour de récréation. Même s’il ne faisait pas partie des garçons populaires, son caractère avenant et amical lui ont permis d’acquérir une certaine réputation sans être la victime des brutes. Il avait cette capacité et ce cynisme qui arrivait toujours à faire mouche sans forcément les ridiculiser. Il a fait partie du club de musique, devenant rapidement une figure phare du groupe et apprécié parmi ses pairs. C’est à cette période qu’il s’est lancé dans l’écriture de morceaux, mais également de chansons pour les autres. Tout cela pour préparer son admission à la Julliard School, son ambition première, comme sa mère, vingt ans plus tôt.

(07) Beaucoup plus intéressé par son art et son perfectionnement, Ruben n’avait cure de la sexualité durant une grande partie de son adolescence. Avec du recul, il sait que cette indifférence était due à une autre réalité que celle qu’il mettait en avant. Les valeurs chrétiennes inculqués par ses grands parents l’ont poussé à contrer une attirance qu’il avait pour les hommes. Pour la contrecarrer, il a fini par sortir par une demoiselle, une amie au lycée, jolie, adorable et qu’il appréciait réellement, mais qui ne l’attirait pas du tout. Ils ont essayé à plusieurs reprises, mais il n’a jamais pu terminer en elle. Son corps était gracieux, mais cela n’éveillait rien en lui et il ne désirait pas lui manquer de respect à ce point. Bien entendu, la demoiselle a bien vite compris ce qui le bloquait et contre attente, elle lui a permis d’embraser sa nature.

(08) Il a fini par avoir sa première fois avec un gars de l’équipe de basket-ball. Collègue en classe, ils devaient travailler ensemble pour un devoir commun. Ce qu’ils ont fait. Il a bien senti son regard sur lui, alors il s’est lancé dans un jeu de séduction qui a finit par un baiser torride et une partie de jambe à l’air particulièrement grisante. Cette première fois, il en sourit encore en y pensant. Cela avait été tellement passionné et spontané. Ils ont eu une relation de quelques mois ensemble, se voyant en secret pour batifoler jusqu’à la fin de leurs études au lycée. Cela a été une relation passionnée, inspirante pour son art, mais pas assez puissante pour le détourner de ces objectifs. En conséquence, lorsqu’il a réussi les auditions à la Julliard School, il a été évident de mettre un terme à leur relation. Ils étaient bien trop jeunes pour se lancer dans une relation sérieuse.

(09) Sa scolarité au sein de la Juliard School était un rêve qui devenait réalité. Plongé dans cet univers où se mélange différents arts, il s’est complètement imprégné au gré des rencontres que ce soit auprès de musiciens tels que lui, de danseurs ou même des acteurs. Ce fut cinq années de bonheur à l’état brut, durant lesquels il a pu faire ses preuves, envisager une carrière et faire les bonnes rencontres pour obtenir cette possibilité. Il a été rapidement considéré comme une personne talentueuse et pris sous l’aile d’un label qui l’a projeté sur le devant de la scène tout juste à 21 ans, après son bachelor de music.

(10) Il a rencontré son premier amour lors d’une soirée mondaine. C’était un homme plus âgé que lui, ayant une prestance qui l’a tout de suite envouté et attiré. Au début, leur relation s’est faite naturellement. Sensible à la musique, ils pouvaient passer des heures à discuter des morceaux de musique de ce monde, de ceux qu’il composait à ses heures perdues. Ruben s’inspirait de cette tension érotique qui les liait l’un à l’autre avant qu’ils ne succombent à cette attirance et à la naissance de sentiments qu’ils ont embrasés durant de nombreux mois, années. Il est resté deux années avec cet homme, le voyant qu’entre deux voyages. Cela semblait les convenir puisqu’ils étaient toujours en contact par téléphone, par sms, par caméra. Ils s’impatientaient l’un de l’autre, mais se soulageaient autant qu’ils le pouvaient en saisissant ces moments volés. Ils se disputaient souvent, car la passion les rendait particulièrement jaloux des hommes entourant l’autre, mais l’amour était là, brûlant leur poitrine.

(11) Et puis, il y a eu ce voyage où il a senti son amant plus distant et fuyant. Au début, il le pensait occuper parce qu’il a un travail aussi prenant que le sien. Ils supportaient de moins en moins le temps entre leurs rencontres, car ils voulaient l’autre à ses côtés, mais Ruben était sans doute trop focalisé sur sa carrière. Il vivait son rêve à fond, le partageait avec cet homme, qu’il sentait plus lointain à chaque appel. Alors à son retour, il s’est pointé à la porte de son amant pour qu’ils discutent de leurs tracas, comme deux hommes traversant une mauvaise passe due à une mauvaise communication. C’est ce soir où tout a basculé. Le besoin de prendre une pause pour réfléchir a été évoqué par cet homme qui en l’évoquant lui a retourné le cœur, même s’il n’en a rien laissé paraître. Il a cherché à comprendre ce qu’il y avait et quand l’aveu d’une tromperie a été dévoilée, c’était comme si cet homme l’avait poignardé en plein cœur. Complètement bouleversé, il a juste pris la décision de quitter la demeure sans un mot et a embarqué rapidement dans sa voiture qu’il a propulsé sur la route. Son état de fébrilité était profond. Les membres tremblants, le cœur complètement lourd dans sa poitrine, il avait du mal à se concentrer sur sa conduite. Sans doute qu’il aurait pu voir cette voiture venir de sa gauche à ce croisement s’il avait prêté plus attention, mais il n’en fut rien. La force de l’impact a été trop violent pour qu’il ne saisisse ce qu’il lui arrive. En une seconde, ce fut le néant. Plus rien durant de longue minutes, heures, semaines, mois.

(12) Entouré par l’ensemble de ses amis, qui faisait un relais autour de son chevet durant sa période dans le coma, qui aura duré plusieurs mois, c’est le cœur lourd qu’il a dû faire face à une pénible réalité : l’accident avait été dévastateur. Une raideur du côté gauche lui a été diagnostiquée, pas irréversible, mais qui allait significativement l’impacter au quotidien. Il a joué les durs, s’est efforcé de garder la face, mais ceux qui le connaissent vraiment ont su voir à travers lui, sa douleur, à la fois physique et psychologiquement. Il a passé de longs mois en rééducation pour tenter de retrouver la motricité de sa jambe gauche et de sa main. Les séquelles étant importantes, il est victime de douleurs insupportables et consomme des anti-inflammatoires à fortes doses – la plupart du temps en secret – pour retrouver un semblant d’autonomie.

(13) Son accident et son destin tragique ayant fait la une des journaux peoples, son ami Yaël lui a proposé de s’isoler quelques temps dans sa ferme pour prendre le temps de se retrouver, de reprendre gout à la vie, parce que même s’il s’efforce de garder le sourire, le soir, la douleur est si vive qu’il se tord de douleurs et laisse ses larmes de tristesse, de frustration et de rage ravager ses paupières et ses joues. Il a l’impression d’être brisé, d’être une machine défaillante, une âme à la dérive. Pourtant, il s’efforce de lutter, jour après jour, car il refuse de succomber à ses sombres. Alors, il puisse en lui la force d’avancer, jour après jour et apprivoiser ce corps et cette vie qui sera désormais diamétralement différente de sa vie avant l’accident.