une soirée mouvementée (stefen 03, rubried 03, wilman 04)

Comme si je pouvais laisser filer le serveur avec ces gâteaux multicolores ! C’est bien mal me connaître ! Après tout, si Stefan avait réussi à me faire me déplacer jusqu’ici, c’était grâce à sa promesse de me remplir l’estomac ! Bon ok, ça et le fait qu’il me manquait cruellement maintenant que j’avais une minute à moi en-dehors du studio. M’en voulait-il de l’avoir abandonné si longtemps ? D’ailleurs, qu’avait-il bien pu faire ces derniers jours ? Pas pisser dans tous les coins du jardin espérons. Je croquais déjà dans une mignardise – quel goinfre je faisais ! – lorsque le galeriste me répondit dans un éclat de rire. Visiblement, je n’avais même pas besoin de faire masse d’efforts pour être drôle. Prenons cela comme un compliment et non pas comme un l’aveu de ma stupidité. C’était impressionnant de se dire que le type me faisant la causette n’était autant que le propriétaire des lieux. Guère étonnant vu la classe, la fierté et le pouvoir qu’il dégageait. Oui, il dégageait cette aura de mec costaud, protecteur et de cousin éloigné de Rocky ou d’Arnold. En moins gonflé niveau biscoteaux. Juste qu’il ne donnait pas envie de le provoquer. Perso, je finirais à l’hosto en deux-deux avec mon physique de crevette lâche. Définitivement sexy mais taisons-nous. Quoique non, j’avais envie de causer. J’évitais juste de prononcer ça à voix haute.

- Eh bien je vous remercie dans ce cas ! Stefan l’a volé à votre artiste car il me trouvait trop insipide mais je ne doute pas d’être splendide avec.

Je lui jetai un regard en coin puis explosai de rire. J’étais terrible. Toujours à raconter tout et n’importe quoi. Même si dans ce cas-là je ne faisais que de reformuler la vérité en appuyant sur le bouton de l’exagération. Il faut avouer que je frôlais le danger de briser notre couverture avec cette « anecdote » mais un excellent ami aurait fait la même chose j’en étais persuadé ! À peu près. N’empêche que j’aurai aimé entendre mon interlocuteur chanter. Avec une puissance et des basses comme son ton de conversation les laissait deviner, il ne pouvait pas être une casserole à s’en boucher les oreilles dans l’urgence vitale.

Mes doigts vinrent boucler une mèche dressée sur mon crâne comme j’en avais pris le réflexe depuis un bail. Apparemment, cela me rendait charmant et encore plus gosse d’après… Yaël fut une époque et autres témoignages. J’aimais bien. C’était agréable. Puis je ne m’en rendais pas forcément compte en plus… Pendant ce temps, nous débattions d’un concert improvisé avec Roman. Il est vrai qu’en arborant ce splendide bijou j’avais peut-être des chances de rallier le public à notre cause ! Mais nous n’en ferions rien. Beaucoup avaient l’air trop pompeux et l’absence d’instruments n’aidait en rien. Je ne fis pas attention tandis que le violoniste fit un geste à Ruben, lui demandant de s’approcher. En outre, j’étais si étourdis de nature que je ne l’avais toujours pas vu. Notre groupe ne cessait de se recomposer, perdant des membres pour en trouver d’autres sans relâche. Je tirai profit de l’absence de témoin pour lâcher :

- Si je m’absente aux toilettes tu me rejoins ? Ils font toujours ça dans les films.

Sauf qu’avec ma chance un truc tournerait mal ! Puis nous n’en aurions tout simplement pas le temps si mon manager répondait positivement à l’invitation muette à côté de laquelle j’étais passé. Dommage. Mes mains et mes doigts commençaient à me démanger et ça n’avait pas le moindre rapport avec une quelconque allergie à ces succulents gâteaux. Je lui adressai un clin d’œil complice. Que pourrait-il bien arriver maintenant ? Combien de temps durerait encore cette soirée ? Déjà, je sentais la fatigue accumulée ces derniers jours en train de me revenir dans un effet frisbee. Violent.

HRP:

Je perdais le fil de la conversation quand le producteur de Simon Says rappliqua, flanqué d’un homme au visage surprenant. À quoi jouait-il en passant un bras derrière ma nuque, collant son buste contre moi comme si nous étions amants ou les meilleurs amis du monde ? Il ne se gênait pas pour me complimenter en dépit du groupe formé autour de nous. Étais-je passé à côté de signaux émanant de lui ces derniers mois ? Ou bien s’amusait-il aux dépends de Stefan ? Car oui, d’après ce qu’il raconta par la suite, tous les deux se connaissaient. Comment s’étaient-ils rencontrés je n’en avais pas la moindre idée mais cela attisa ma curiosité. Sujet à développer d’ici peu. Une main pendait contre ma cuisse, l’autre tripatouillait les bouchons qui entouraient mon cou, d’un geste un peu nerveux. Malgré tout, je ne pus m’empêcher de rebondir sur la perche qu’il me tendait.

- Je fais avec, soufflai-je dans un soupir exagéré. Il me tyrannise mais comme je suis un faible je le laisse faire.

Mine contrite. Quand mon regard croisa celui de mon petit-ami, un rictus se dessina sur mon visage. Qu’est-ce que c’était amusant de se faire plaindre en racontant des bobards ! Surtout que j’étais tout sauf crédible. S’il était outré il en retint les signes, me donnant tout de même envie de le serrer dans mes bras. En toute franchise, je n’avais besoin de rien pour le désirer ! Ma boutade passée, je culpabilisai à l’égard de Ruben à qui je n’avais pas renvoyer la balle de la flatterie. C’est donc avec précaution – pour ne pas provoquer de jalousie et de fumée sortant des oreilles du violoniste – que j’ajoutai :

- Tu es très élégant aussi !

Voilà. La remarque passe-partout. Je ne l’avais pas qualifié de « beau », de « sexy » ni d’« attirant ». Par conséquent j’étais irréprochable. Je fus quand même soulagé d’entendre la conversation prendre un nouveau tournant avant de me fiche sur la pente glissante. Avec un sourire et un simple « Enchanté. », j’accueillis chaleureusement le dénommé Björn. Drôle de prénom. Je me demandais d’où il sortait ! Ce type avait un je-ne-sais-quoi des aristocrates (ou de l’idée que je m’en faisais) britanniques s’étant accouplés avec des allemands. Ou pas loin. Il n’empêche que je préférais l’avoir en tant qu’ami plutôt qu’ennemi tant il devait paraître menaçant avec une mine sévère. Cet homme imposait le respect. Qui plus est, l’inconnu était affreusement charismatique. Je me sentais fourmis à côté de sa stature ! Cependant, il ne nous honora pas longtemps de sa présence et, peu après, Stefan m’entraîna vers la sortie. Ruben nous accompagnait.

En attendant le véhicule qui nous ramènerait tous chez nous, le musicien lui révéla notre petit secret. Allez savoir pourquoi mais je me sentis terriblement mal à l’aise. Sûrement car je fréquentais mon deuxième interlocuteur dans le cadre du travail et que le voir ainsi dans la confidence – sans mon consentement qui plus est – m’embarrassait. Qu’il connaisse l’artiste était logique, mais avait-il besoin d’en savoir plus que nécessaire ? Peut-être que Stefan ressentit ma subite crispation. Mes yeux, quant à eux, se fixaient sur une bouche incendie fixée sur le trottoir d’en face. S’il voulait se la jouer confidence, il n’y avait pas de raison pour que je baigne plus longtemps dans la confusion !

- Vous vous connaissez depuis longtemps ? Tu ne m’as jamais parlé de Ruben.

En prononçant ça, je ressentis un pincement de jalousie qui m’était étranger. Pourquoi avoir été ainsi dans l’ombre m’ennuyait tant ? Lui non plus ne connaissait pas tous mes proches ! Et pourtant, je préférais ne rien ajouter car je craignais que mon ton se révèle plus froid que habituellement.

Pourquoi ressentais-je cette vague jalousie en me retrouvant en compagnie de mon petit-ami et de Ruben ? Oui, ils étaient complices. Mais ne l’étais-je pas avec d’autres hommes ? Et même femmes ! Être contrarié qu’il ait révélé le pot aux roses sans me consulter au préalable n’aidait pas à me calmer les nerfs en toute franchise. Malgré tout, je détestais être comme ça. J’avais l’impression de me laisser dominer à nouveau par mes doutes, le manque de confiance en moi et tout le tintouin ! J’entrais en premier dans le véhicule et me posai contre la fenêtre à l’opposé, la mine toujours boudeuse ce qui, comme j’allais très bientôt le découvrir à son sourire, n’aurait pour effet que de séduire Stefan. Décidément, je ne pouvais rien faire sans me révéler adorable (selon ses critères). Flûte. Ça me retirait tellement de pouvoir ! Ha ha. Rien que cette idée fit apparaître un sourire en coin que j’essayais de dissimuler en attendant d’entendre toute l’histoire. Ses doigts dans les miens, son baiser dans mon cou… Tout ça me procura des frissons. C’était comme si une éternité s’était déroulée depuis la dernière fois où nous avions pu nous toucher aussi librement. Pendant un instant, j’en oubliais même la présence du producteur de Simon Says – gênant ! – et il était probablement de même pour mon assaillant.

La réalité ne tarda pas à me sauter à la gorge quand j’appris que mes soupçons étaient finalement justifiés. Tous les deux avaient eu une relation sérieuse. Romantique. Mon Dieu que le monde était petit ! Jusqu’ici, nous étions parvenus à éviter les ex de l’un comme de l’autre mais ce temps était révolu. J’étais confronté à une de ses anciennes conquêtes, apprenant par la même occasion que je la fréquentais depuis plusieurs mois. Sur le coup, je le vécu telle une trahison de leur part puis, par l’intervention du Saint Esprit sûrement, je me mis à rationaliser plus vite que jamais. Arrêter de me monter la tête. De voir le Mal partout. Aucun d’eux ne souhaitaient me blesser, et certainement pas le type avec qui je partageais ma vie. Il en serait incapable. Le hasard avait jeté les dés et maintenant nous étions regroupés tous les trois sous le même toit. L’ironie du sort. Comme pour détendre l’atmosphère – et moi au passage – je lançai :

- Chouette. Si c’est terminé entre vous et qu’en plus il aime les vieux, je n’ai pas à craindre de me retrouver dans un plan à trois particulièrement tordu.

Je pouffais, me libérant de la boule qui s’était réfugiée dans ma gorge et dans mon ventre. Je ne suspectais pas un instant que ma phrase puisse introduire des idées mal placées dans la tête de l’un ou de l’autre. Naïf à tort ? L’entendre me murmurer un discours particulièrement romantique n’était pas pour rien non plus dans mon soulagement. J’adorais quand il se révélait si adorable. Sans un son, je bougeai mes lèvres pour former les mots suivants : « Je t’aime. » Suite à quoi, je laissai tomber mon crâne contre son épaule et les laissai discuter entre eux. Qu’ils en profitent avant de devoir se quitter. Je devais lui faire confiance, c’était la base d’un couple. Ça, le respect et la communication. Ne venions-nous pas de respecter ces trois règles en une poignée de minutes ? Je me surprenais. Il ne me restait plus qu’à prier que je ne me réveillerai pas assommé de doute dès le matin venu.

Je retrouvai l’usage de la parole le temps de souhaiter bonsoir à l’homme puis laissai le violoniste retirer le collier qui pendait toujours à mon cou. Dire que je l’avais supporté toute la soirée ! Il faut dire qu’il n’était pas si laid que ça franchement… Ou alors j’avais des goûts discutables ? Ne pensons pas à mes chemises. Mes bras vinrent l’enlacer tandis que ses lèvres capturèrent les miennes avec passion. Sa réplique me fit pouffer et, avec plus de malice que jamais, je répondis :

- Si tu veux, on a un peu de temps devant nous pour que je t’offre un aperçu…

Je saisis sa main puis la fis glisser sous mon t-shirt.

- Sympa non ?

J’éclatai de rire puis l’embrassai fougueusement à mon tour. Mon ressentiment était bel et bien enterré pour le reste de la soirée.