Emotional outrage. ft Wilfried

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La folie. La vraie.
Celle qui entraîne l'âme dans de sombres dédales et la fait prisonnière. C'est certainement ce qu'est en train de vivre Philippe. Il reste lucide sur son état et sur ce que sa peine engendre. Il voit bien que rien ne va. Que tout bascule, qu'en une année aucun progrès n'a été fait.
Qu'il s'enfonce.
Et là il vient de chuter encore plus bas que jamais. Les mots de Hoffman doucement font leur chemin, traversant ses couches de voile noir. Pénétrant son esprit emmuré dans sa peine. Dans sa souffrance. Marius lui manque tellement.
Désespérément. Horriblement.
Que chaque jour est une épreuve nouvelle.
Vivre sans Marius n'est pas vivre.
Il se relève péniblement, aider par le galeriste qui lui dit que la douleur suffit à faire perdre la tête. Il n'ose répondre pensant que si cette douleur ne s'atténue pas il ne sera plus rien. Qu'une coquille vide qu'on devra enfermer pour sa propre sécurité. Mais il s'en moque un peu sur le coup. Parce que l'envie de passer une nouvelle année sans son mari ne le motive pas.
Pourtant il accepte avec l'aide de Hoffman de revoir les tableaux de Marius, de parler de leurs créations, des émotions ressentis quand il le voyait peindre.
Et son cœur s'emballe comme son âme.

Philippe n'est plus dans la galerie mais chaque nouvelle toile l'emporte vers l'atelier de leur maison. Les odeurs reviennent lui chatouiller le nez. Il revoit les scènes, entend rire Marius, monter le ton aussi quand il venait l'embêter, voulant le griser alors qu'il était en pleine inspiration. Il revoit les coups de pinceau savamment posés et calculés. Il revoit son visage s'orner d'un doux sourire quand la toile se paraît de vie. Et il parle sans détour avec son cœur de chaque couleur, de chaque paysage. Il donne par ses explications, vie aux toiles immobiles et figés dans leur passé. Dans leur bonheur qui transparaît alors que les mots sortent et s'envolent sans aucune difficulté. C'est autant douloureux que plaisant de faire partager à Hoffman :
leur moment.
Surtout que tout est bien fait, bien amené et que l'exposition est un fabuleux hommage au travail de Marius, même à sa vie. Même à leur vie. Car le musicien n'est nullement oublié, il est là présent aux côtés du peintre et ce fait lui réchauffe le cœur. Et le passé glisse et virevolte dans le présent. Et il semble que la vie s'invite à nouveau dans le corps vide de Philippe qui reprend doucement de la stabilité.

« Il avait un don avec les couleurs. J'en ai vu des peintres mais les œuvres de Marius ont ce petit plus que je ne pourrais pas expliquer. Peut être que je ne suis pas objectif parce que je l'aime et que chacun de ses tableaux est un bout de notre vie. Mais oui il est magique. Il savait saisir l'instant et l'immortaliser. Mais sans le figer. Le tableau vit quand on le regarde. » Et il stoppe devant un paysage de printemps. « C'est le jardin de notre maison côté arrière. Celui là Marius l'a peint à l'extérieur. Il s'était placé sous le saule pleureur c'est pour cette raison qu'on voit ces ombres. Si on le regarde bien, elles sont presque invisibles mais elles y sont. Et si on regarde les fleurs ont a la sensation qu'elles vont éclore. Et la plus part du temps je venais m'installer pas loin de lui et je jouais pendant qu'il travaillait. L'inspiration se faisait à deux, il y avait une complicité si intense que .. »
Sa voix trahit les émotions qui l'enlacent. « On était si complémentaire. Depuis qu'il m'a quitté je n'ai plus réussi à jouer ma musique, enfin notre musique. » Et en créer d'autres lui semble impossible, impensable. Et il s'avance et du bout des doigts sans toucher la toile, il refait les gestes de Marius. Pour montrer à Hoffman comment le tableau a pris vie. « Je connais chaque trait de peinture et comment ils ont été posés, dans quel ordre ils se sont mélangés. C'est drôle ce que la mémoire peut se souvenir quand elle est face à certains éléments. » Lui même est étonné de revoir les étapes sans difficulté. Au final il avait peur que tout s'efface mais tout reste aussi fort que lorsque Marius a peint ce tableau.

Ils continuent, prenant leur temps. Philippe reste fort pour voir tout, il admire le travail de son homme, s'émerveille à nouveau sur les œuvres. Sourit, pleure, parle, reste silencieux. Le regard s'éclairant de douceur et d'amour. « Oui c'était notre paradis, un Eden que l'on avait créé, un vrai cocon. C'est pour cette raison que je ne pouvais y rester. Trop de lui, trop de nous partout. Y vivre seul était une torture. Vivre ici l'est aussi mais .. c'est plus acceptable. » Peut être parce que Marius n'a jamais laissé sa trace dans ce lieu où il vit à présent. « Je ne pense pas un jour trouver la paix. Ce genre d'amour est immortel pour moi. Mais j'essaie de vivre .. de toute façon il est toujours avec moi .. même si je n'ai pas accroché ses tableaux aux murs de mon appartement. Même si nos photos sont restés dans des cartons. Que j'évite de toucher le saxo qu'il m'a offert ce jour fatidique. Ce qui est un peu débile en soit parce que je le sens toujours là présent .. J'ai la sensation de le rendre malheureux  .. de le bloquer là parce que je suis malheureux .. enfin c'est difficile à expliquer. » Il ne sait même pas pourquoi il en parle. Peut être parce que voir les tableaux de Marius bouscule un peu plus ses émotions encore à vif.

Parfois son regard croise celui de Hoffman. Philippe n'est pas tout à fait apaisé, mais être là lui fait du bien. Entouré de Marius il le sent comme en vie. Et cette sensation il y a longtemps qu'il ne l'avait pas éprouvé. « Cette exposition est vraiment une très bonne idée. Il serait dommage qu'elle ne voit pas le jour. Marius va l'aimer. Il l'aime déjà. Il doit certainement en avoir le cœur réchauffé. Vous avez fait un magnifique travail de recherche monsieur Hoffman. Marius aurait été fier qu'on voit ses œuvres de cette façon. » Ses yeux se mouillent de larmes. Et lui qui voulait au départ tout faire pour qu'elle ne voit pas le jour.
Il aurait regretté son geste tout le reste de sa vie.
Et puis le galeriste lui parle d'associer sa musique à certains tableaux. « Certains de ses tableaux et certains de mes morceaux ont été créés ensemble. Ce serait une bonne idée de les allier à nouveau. De quoi éveiller bien plus d'émotion chez les gens qui viendront voir. » Le musicien baisse les yeux et dans un souffle. « On était pas inséparable. On est inséparable. On est lié à jamais la vie a tissé entre nous un fil incassable. Quand mon cœur bat, le cœur de Marius bat avec. Je sais qu'il est aussi malheureux que moi n'importe où qu'il soit. Et cela me rend dingue parce que je sais qu'il a horreur de me voir triste comme j'ai horreur de le savoir peiné. Ma solitude est sa solitude. Mais je pense que là il est heureux, heureux de voir que ça me fait du bien de parler de lui. »
Il tourne sur lui même et regarde l'exposition dans son ensemble. « Il est là je le sens. Et vous ? » Philippe sourit. Instant de bonheur après toutes ces larmes versées et il se l'accorde au lieu de le refuser comme il le fait depuis ce maudit jour. « Oui il est là .. »
Son cœur le sent. Son âme le sent.
Et à nouveau Philippe sourit.

 

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Encore sous le choc.
Touché et ébranlé par les émotions.
Philippe réussit à reprendre le dessus. Il se laisse porter par les couleurs qui s'étalent devant ses yeux. Les toiles font doucement réapparaître les souvenirs. Leurs moments viennent lui caresser l'esprit, il pourrait presque les toucher du bout des doigts. Et il se laisse happer par ce bonheur éphémère mais à cet instant si présent. Il raconte et emporte avec lui Hoffman, le faisant traverser sa vie.
Leur vie.
Parlant sans détour, avec émotion et parfois hésitation de sa complicité avec Marius. De cette magie que leur amour mettait dans leur existence. Même son regard s'illumine, lui si terne au départ. Il reprend vie poussé par toutes les sensations que les toiles font vibrer dans son être. Il retrouve leur maison, leur jardin, leur paradis. Un Eden a jamais gravé dans sa mémoire et dans son cœur.
Ils étaient si heureux, si amoureux.
Il se sentait entier et comblé.
Et dans son fond intérieur il se dit que jamais plus il ne se sentira ainsi. Personne ne pourra lui offrir ce que Marius lui a offert.
La vie réserve des surprises parfois, mais à cet instant Philippe n'y croit pas. Pour lui son cœur ne pourra jamais battre pour un autre.
Ici ou ailleurs.
Il remercie également le galeriste trouvant son travail extraordinaire, s'en voulant d'avoir été odieux. Il va falloir qu'il maîtrise cette rage vorace qu'il éprouve à cause de la perte de Marius, cela finira par l'anéantir. Ce qui n'est pas un problème en soit, ce qui l'est c'est qu'elle lui fait faire n'importe quoi. Et là il regrette vraiment son comportement, cette faiblesse contre laquelle il n'arrive pas à lutter.
Un jour peut être tout sera plus doux.
Mais pour le moment l'enfer semble plus agréable que ce que la mort de son homme lui fait ressentir.
Il sent la pression de la main de Hoffman sur son bras et il sourit, content de cette sollicitude, content de ne pas avoir été jeté à la porte comme un mal propre. Ce qui aurait été mérité. « Merci pour Marius, merci pour moi. »  Peut être qu'au final cette exposition va l'aider à faire son deuil. Il ne le sait. Il a parfois l’impression de ne plus savoir grand chose le musicien.

Face à une œuvre de son mari, Philippe est plus emporté et il ose demander si Hoffman sent la présence de Marius. Il se dit après que c'est idiot comme demande, car il sait que ce n'est que son esprit qui joue le diabolique en lui faisant éprouver ces sensations diverses et déroutantes. Mais les mots sont dits. Et vu l'homme il se doute que celui ci ne se moquera pas de cette vérité qu'il dévoile avec tendresse.
« Nous étions aussi de grand romantique. » Il sourit. « Je sais que c'est son amour qui me tient en vie. Même si c'est douloureux, j'ai la sensation qu'il me dicte de tenir bon, que la vie va s'adoucir. » Il le regarde. « J'ai eu envie de me foutre en l'air à peine j'ai compris que plus jamais il ne serait à mes côtés. Mais à chaque fois que j'ai cru en trouver la force, une vague de chaleur, d'émotions, de parfum est venue me caresser pour me faire réfléchir. C'est difficile à expliquer. J'ai écris des lettres d'adieux mais elles ont toutes fini au fond d'une poubelle. Ici j'ai choisi un appartement au dernier étage .. » Il n'en dit pas plus se doutant que Hoffman comprendrait. « L'amour de Marius me maintient en vie. » Et c'est une bonne chose, même si c'est pour le moment il n'éprouve que de la souffrance et qu'il ne parvient pas à trouver la paix.
Il se doit de garder espoir.
Pour LUI.
Pour Marius.
Et peu à peu les traits tirés et tendus, deviennent plus ouverts. Le souffle de la vie reprend ses droits sur le visage abîmé par la douleur et l'absence. Une parenthèse qui permet à Philippe de respirer. D'apprécier à nouveau le talent de son homme. De se dire qu'au travers de ses tableaux il vivra toujours. Même quand lui ne sera plus qu'une ombre de souvenirs.
Puis ils parlent de musique car elle était complémentaire au talent de l'artiste. Ensemble ils s'accordaient et les couleurs se mariaient aux notes, une prolongation de leur amour.
Une fusion belle et sans fausses notes.
« Je vous ferais parvenir cela rapidement. Et je suis touché que vous m'y associez. » Il sent à nouveau les larmes emplir ses yeux, mais cette fois elles ne sont pas de dotées de tristesse amère mais d'une nouvelle joie. Celle de pouvoir retrouver sa musique liée au talent de son mari.
Il y a si longtemps que ce n'est pas arrivé que ça emplit son cœur de douceur.

Parfois la discussion se ponctue de moments de silence, mais ils permettent de souffler car les émotions sont intenses. Éprouvantes mais nullement dérangeantes. Elles coulent comme l'eau d'un fleuve tranquille enfin apaisé par cette nouvelle quiétude après des mois de tempête violente.
Il sourit une nouvelle fois. « Merci, j'essaierais d'être présent. Je vais tout faire pour être prêt à participer à cet événement. » Mentalement Philippe sait d'avance que cela sera dur et compliqué. Mais il le doit bien à Marius et qui mieux que lui peut parler de la passion du peintre. Qui mieux que lui peut faire vibrer les cœurs des visiteurs en leur parlant de la création de telle ou telle œuvre.
« C'est gentil merci. » Pour le moment il ne voit pas qui pourrait venir avec lui. Il est resté éloigné de la civilisation, du monde. Il a évité de se lier. Après il peut toujours en parler à la famille de Marius. Qui sait elle aura peut être envie de venir voir. Il verra, là sur le coup il se voit plus venir seul qu'accompagné.
Philippe s'arrête un instant pour jeter un coup d’œil à l'ensemble. Pour retracer ce parcours de couleurs et de vie. Il frissonne, ressent de drôle d'émotions. Bouleversement de l'être encore. Chavirement entre les ressentis.
Peut être un peu trop de joie après tous ces mois de tristesse et de peine.
Peut être trop de sourires alors que de ses yeux perlent encore des larmes amères.
Peut être trop de Marius après tout ce long silence visuel et volontaire.
Il l'ignore.
Mais il sent comme un déchirement au fond de lui. Comme s'il comprenait qu'à un moment il y aura un nouvel adieu. Même si jamais il n'oubliera. Car oublier Marius est impossible.
Mais il sent comme un effacement.
Douloureuse expérience qu'il met sur un trop plein de tout.
Puis il se reprend se demandant si Hoffman a vu cette cassure singulière. Cette petite coupure du temps.
Est-il le seul affecté ?

Les mots du galeriste lui montre que peut être il a saisi son mal être. « J'avoue que j'ai besoin d'une pause. » Sa voix se fait souffle, Philippe tremble à nouveau. Il se sent fébrile prêt à vaciller une nouvelle fois. « Les émotions trop vives. Je pense qu'il est plus prudent que je ne pousse pas plus loin. » Il remarque dans le coin de sa vision les deux étudiants qui attendent l'ordre de tout remettre sous cache. Cette idée lui arrache un soupir, mais c'est plus sage et il le sait. Continuer risquerait de le malmené et là il sent son corps perdre à nouveau le contrôle. « Oui ça va aller. C'est juste que revoir ses tableaux est .. éprouvant et bouleversant .. mais cela m'a fait du bien .. »
Qu'importe si là il semble revenir dans cette phase qu'il traverse depuis presque un an. Les larmes au bord des yeux il regarde les tableaux retourner à l'ombre. Mais ils retrouveront la lumière bientôt. Et pas que pour le plaisir de ses yeux.
Et cette idée l’émeut.
« Oui je vous jure que ça a été bénéfique … même si là cela ne se voit pas .. » Il est à fleur de peau. « J'ai quelques tableaux de Marius à l'appartement .. » Il marque une pause, hésite. «  Des tableaux que personne n'a jamais vu. Il les a fait pour moi  .. » Il soupire. « Et je ne les ai même pas accroché aux murs par manque de courage de les regarder .. je vais pouvoir le faire grâce à vous. » Une façon de lui montrer que oui même s'il n'allait pas super bien, être là a été positif. « Si vous voulez je pourrais vous les montrer. » Ce qui serait un privilège car c'est une chose rare que Philippe propose, il les garde jalousement pour son regard. Alors proposer de les partager et la preuve qu'il apprécie Hoffman et ce qu'il fait pour Marius. Qu'il apprécie sa sollicitude et ses attentions.

 

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Les émotions sont fortes.
Elles chavirent Philippe entraîné par ses souvenirs. Il revoit doucement son passé se colorer des tableaux de Marius. Tout lui revient par vague, c'est grisant. Et il partage leurs moments avec Hoffman. Dévoilant des pans de leurs existences.
Des instants secrets.
Alors que d'autres se diffusent dans tout son être avec audace et indécence. La mélodie de sa voix, la douceur de sa peau, la saveur de ses lèvres, la chaleur de leur corps s'aimant à perdre haleine, leurs cœurs battant au même rythme.
Leur vie d'avant.
Celle ou tout était permis. Celle ou leurs doigts étaient liés pour de vrai. Celle ou les je t'aime ne mourrait pas dans un silence étourdissant. Pesant.
Le tout réchauffe quand même le cœur du musicien, mais l'éprouve aussi avec violence.
Lui qui depuis un an muselle ses émotions, ses souvenirs.
Là l'implosion est intense, vibrante, bouleversante, puissante.
Un raz de marée qui finit par le mettre à mal. Et le galeriste le voit, c'est pour cette raison qu'il lui propose une pause. Ils se retrouvent dans un salon immaculé, comme si une couche de neige vierge en avait recouvert chaque parcelle. Pas que Philippe trouve la pièce froide. Loin de là. Mais elle l'apaise. Après toute cette avalanche de couleurs mirobolantes.

Il s'installe, écoute Hoffman. « Un café léger merci. » Parce qu'il sent que son estomac est tout retourné et qu'une boisson trop forte pourrait bien lui jouer un mauvais tour. Il écoute et sourit. Une nouvelle étincelle dans le regard. Ce n'est pas encore une victoire car il sait que tout reste à faire.
Mais c'est un pas vers la vie.
Sans vie sans l'homme de sa vie.
Un pas qui lui montre qu'il doit avancer. Il parle des tableaux, de ses tableaux. De ceux fait par amour, avec amour. Ceux qui ont toujours été dérobés aux regards des autres. Ceux que lui même n'ose admirer. Trop bousculé par les souvenirs. Ceux qui lui manquent et qui se doivent de trouver leurs places dans son nouveau chez lui. Une part de Marius a jamais gravé dans sa chair.
Leurs instants interdits.
Leurs moments inédits.
Leur vie.
Cette vie qui n'est plus. Cette vie qu'il doit laisser partir pour en créer une autre. C'est un mal pour un bien. Lui qui parle à son homme jour et nuit, nuit et jour comme s'il était encore avec lui. Comme si ses paroles pouvaient passer le seuil de la mort et le ramener en vie. Utopie. Mais il en a besoin. Il a besoin de le sentir là prêt lui, même à cette seconde. Besoin d'imaginer son regard plein de tendresse venir cueillir le sien comme une goutte de rosée sur une fleur de leur jardin qui s'offre au matin. Il a besoin de sentir sa main effleurer la sienne. De sentir ses lèvres contre sa peau frissonnante et en recherche de plaisir.
Marius lui manque.
Terriblement.
Mais le vouloir prêt de lui est un rêve et il doit le laisser s'échapper. Du moins un peu. Car son cœur lui sera toujours dédié. Nul autre n'aura cette place de choix. Il reste et restera l'homme de sa vie.
Sa moitié. Son âme sœur. Son complément.
Et Hoffman qui parle toujours et lui qui écoute.

Puis il y a ce bruit contre la porte et le galeriste doit le laisser. Il a d'autres obligations. « Je comprends parfaitement. Je vous ai assez retenu. Merci à vous aussi. Je n'oublierais pas. Non je pense que je vais rentrer, j'ai été assez bouleversé pour aujourd'hui. Mais je reviendrais pour voir les autres. Je reviendrais promis. » Ils échangent un sourire et une poignée de main. Philippe le regarde sortir. Puis il s'installe à nouveau sur le canapé et soupire en finissant son café. « Marius tu m'entends mon amour. Promis je vais accrocher tes tableaux aux murs de mon nouveau chez moi. Ils vont retrouver la lumière car tu mérites d'y être mon cœur. »
Une larme s'échappe.
Puis il se lève et sort de la pièce.
Il repasse par l’accueil. « Merci pour tout et encore désolé de vous avoir malmené » Il s'adresse aux stagiaires et à l'associée de Hoffman. Elle lui propose d'appeler un taxi « C'est gentil mais je vais un peu marcher. J'en ai besoin. Je repasserais un autre jour pour voir le reste. Remerciez encore monsieur Hoffman pour sa patience de ma part. Au revoir et bonne journée. » Il sort droit et digne. Un peu moins abîmé qu'à son arrivé.

Dehors la luminosité irrite ses yeux. Le brouhaha de la vie en ébullition irrite ses tympans. Les voitures, les gens.
La vie.
Philippe hésite un instant, le temps de s'habituer à ce qui l'entoure. Le temps de reprendre des marques lui qui a perdu toute notion du temps présent en revoyant les tableaux de Marius. Puis il se met à avancer.
Pas à pas.
Doucement.
Il marche prenant la direction de son appartement. Il ne sait pas s'il fera tout le chemin à pied. Il n'en sera peut être pas capable. Il ne sait pas s'il fera des haltes pour boire une verre, regarder une vitrine. Il avance juste et c'est déjà bien. Même si dans sa tête les couleurs des tableaux de son homme dansent et se mélangent, lui offrant une harmonie élégante et exquise. Une harmonie qui lui montre que sa vie a été belle.
Et qu'un jour elle le sera à nouveau.
Et au loin il entend les vagues. Il sent une brise fraîche. L'odeur des lavandes vient le titiller. Le soleil de la Provence vient le réchauffer. Et dans toutes ces images trônent Marius. Majestueux et magnétique. Irréel et magnifique. Son regard bleu irisé d'audace et d'amour se glisse dans le sien.
Jamais il ne l'oubliera. Il le sait. Même si enfin il comprend qu'il est temps. Temps de dire au revoir. Car entre eux il n'y aura jamais d'adieu.

Et dans sa tête résonne un je t'aime auquel est répondu moi aussi. Amour éternel que rien n'effacera. Pas même la vie sans lui.