you and me, we belong together just like a breath needs the air. (kezai 4)

Il ne faut pas longtemps à Kai pour se douter de quelque chose. Mon soudain silence n'est pas anodin, elle me connait mieux que personne. Quand je vous dis que je suis incapable de lui cacher quoi que ce soit. Et croyez-moi, c'est justement là tout le problème. Sur le coup, ça m'arrange quand même bien de lui faire croire qu'il ne s'agit que des souvenirs avec mon père. D'un côté, elle a raison. Je ne peux m'empêcher de repenser aux moments passés avec lui. C'est lui qui m'a fait connaitre la plupart des lieux de cette île. Notre île. Je revois son visage, son sourire. Je repense même au son de sa voix, aux éclats de son rire. C'est fou à quel point ces souvenirs resteront à jamais ancrés au fond de moi. Le trajet se poursuit, nos mains restant toujours étroitement liées ensemble. Comme des aimants. Des gestes affectifs que nous avons toujours eu l'habitude d'avoir l'une envers l'autre. Après tout, rien de plus normal ? Oui, bien sur. Nous arrivons finalement à destination pour une pause bien méritée. La randonnée ne vaut rien si nous profitons pas du spot final. « Je suis déjà au paradis c’est ça ? » La réaction de Kai est à la hauteur de mes attentes. Je savais qu'elle ne pourrait pas être insensible au charme du paysage. En même temps, qui le serait ? C'est impossible de ne pas trouver cet endroit magnifique. Le bruit des cascades, la couleur de l'eau, l'environnement qui nous entoure... tout est absolument parfait. Divin même. « C'est presque ça oui. » Je souris un peu niaisement profitant simplement de la vue qui s'offre à nous. C'est exactement comme dans mes souvenirs. Encore plus beau même - si c'est possible. « C’est maintenant qu’on a le droit de se baigner ? Non parce que je meurs de chaud ! » J’acquiesce d'un petit hochement de tête avant de me précipiter pour enfiler mon maillot de bain. Je n'ai jamais été aussi rapide qu'aujourd'hui pour rentrer dans l'eau. C'est un peu comme si ma vie en dépendait, comme si mon corps ne voulait faire qu'un avec la nature. Je suis comme un poisson dans l'eau. Kai, par contre, ne semble pas avoir la même aisance que moi. Je la surprends même à grimacer à cause de la fraîcheur de l'eau et je ne peux m'empêcher d'en rire. « Non mais sérieusement ? » La scène est quand même comique à voir. « Te fous pas de moi, j’ai pas vécu ici moi ! Mon corps est brûlant et l’eau glacée ! Oui. Glacée ! » Je pouffe de rire faisant mine de m'étouffer. « Pour une fois que c'est toi qui joue les poules mouillées. » D'habitude c'est moi, et Kai n'est pas du genre à se gêner pour me le faire remarquer. Elle rentre finalement dans l'eau et nous nous éloignons un peu du bord. J'ai l'impression d'être dans un rêve. Se baigner là, dans ce lieu paradisiaque. Juste elle et moi. C'est comme si le temps s'arrêtait, comme si mon cerveau se mettait sur pause. A cet instant, je ne pense à rien d'autre qu'à elle et à ce moment privilégié que nous sommes en train de partager. Je réduis la distance qui nous sépare pour me rapprocher un peu de ma demi-soeur. Je laisse alors mes doigts glisser le long de ses bras tout en ne la lâchant pas du regard. « Je crois que je vais jamais m'en remettre... » De ce cadeau qu'elle m'a fait, de ce voyage à l'autre bout du monde. « Non mais t'as vu où on est ? » Je balaye les alentours d'un geste de la main avant de secouer un peu la tête. « Je suis en train de rêver en fait... ça ne peut définitivement pas être vrai. » Toujours face à elle, je continue de laisser courir mes doigts sur son corps. « T'as froid ? » Je fais évidemment référence aux frissons s'échappant de sa peau à mon contact. « Pourtant t'as la peau brûlante... » Ou bien est-ce pour une toute autre raison ?

Kezia se fout de ma gueule parce que j’arrive pas à entrer dans l’eau. Je me défends comme je peux, mais c’est vrai que sur le coup, j’ai plus du tout l’air de la fille super téméraire que je suis en général. « Pour une fois que c'est toi qui joue les poules mouillées. » Je ris bêtement et lui envoie de l’eau, contractant mon ventre en prévision d’une potentielle riposte. Mais ça va, elle est bonne joueuse. Je finis pas entrer dans l’eau, et j’avoue que ça fait un bien fou. Nous nous éloignons du bord pour nager un peu dans cette eau à la couleur indescriptible. C’est vraiment paradisiaque. Kezia s’approche finalement et laisse glisser ses mains sur mes bras, ce qui me fait immédiatement frissonner. Son simple contact a toujours eu le don de me rendre toute… chose. « Je crois que je vais jamais m'en remettre… Non mais t'as vu où on est ? Je suis en train de rêver en fait... ça ne peut définitivement pas être vrai. » Je souris largement et regarde avec elle les environs, c’est vrai qu’on se croirait plongées dans une carte postale irréelle. « Je pensais même pas qu’on pouvait voir des paysages aussi beaux en vrai. » J’ai pas beaucoup voyagé, ma mère trop focalisée sur son boulot, mon père pas forcément très aventurier. Alors que j’aurai rêvé partir à l’aventure avec eux, même si j’avoue que j’aime bien mon petit confort, je peux pas le nier. Mais ça n’a pas toujours été, petite j’aurai sans doute pu partir avec mes parents juste un sac sur le dos. « T'as froid ? » demande la jeune femme en sentant visiblement les frissons sur ma peau. Je repose mon regard sur elle avec une intensité que je ne maîtrise pas. « Pourtant t'as la peau brûlante... » Et je répond quoi à ça moi hein ? « Ouais, c’est juste la différence de température, faut que mon corps d’habitue c’est tout. » C’est pas déjà l’excuse que j’ai donné un peu plus tôt ? Il va falloir que je trouve autre chose pour ne pas re sortir la même à chaque fois. Et si moi c’est les bras, Kezia c’est les côtes. Avant, quand on dormait encore ensemble, il m’arrivait de lui faire des caresses sur le flanc lorsqu’elle était allongée sur le côté, pour l’aider à s’endormir. Et elle frissonnait, toujours. J’ignore pourquoi j’ai cette envie de retrouver cette sensation, là, maintenant. « Mais tu peux parler, j’suis sûre que tu peux avoir des frissons toi aussi. » Je m’approche et fais glisser mes deux mains sur ses côtes, créant immédiatement une vague de frissons que je peux sentir à même sa peau, même dans l’eau. « Tu vois ! » Je ris un peu et sors mes mains de l’eau pour les agiter devant elle. « Je sais, j’ai des doigts de fée ! » Oui alors on va se calmer avec ce genre de phrase quand même.

« Ouais, c’est juste la différence de température, faut que mon corps s’habitue c’est tout. » J'esquisse un petit sourire d'entre mes lèvres, peu convaincue. « Mais tu peux parler, j’suis sûre que tu peux avoir des frissons toi aussi. » Kai vient alors déposer ses mains sur mes côtes provoquant une vague de frissons incontrôlée sur mon corps tout entier. Et ce n'est pas à cause du froid, c'est une évidence. « Tu vois ! » Ouais bon ok, c'est pas juste. Kai connait tous mes points faibles. Pour l'avoir déjà expérimenté par le passé, elle sait que je ne peux pas rester indifférente quand on me touche les côtes. C'est mission impossible. Mais là, la sensation est encore plus intense. Comme si mes sens étaient décuplés. Le mélange entre l'humidité de l'eau et la sensation des doigts fins de la blonde courant le long de mon corps me font complètement perdre pied. « Je sais, j’ai des doigts de fée ! » Je fais mine de m'étouffer avant de finir par pouffer de rire lorsque Kai agite ses mains sous mes yeux. Il n'en faut pas plus pour attiser mon côté joueur. Elle veut jouer, on va jouer. « Si tu veux jouer à ça... » Je me rapproche encore un peu plus de ma demi-soeur laissant mes doigts dessiner la ligne de ses épaules avant de remonter doucement dans son cou. En parallèle, ma main libre vient s'aventurer sur son ventre. Ces caresses laissent place à une certaine ambiguïté qui nous connait bien, mais que je prends agréablement plaisir à redécouvrir. Ça faisait longtemps que nous nous étions plus permis ce genre de rapprochement. Trop longtemps même. Comme si c'était quelque chose d'interdit dont mon coeur s'était inconsciemment protégé. Et c'est sans aucun doute cet aspect là de notre relation qui m'avait le plus manqué jusqu'à présent. Même si je suis consciente qu'il s'agit là d'un jeu dangereux. On joue avec le feu et les limites à ne pas franchir. Mais encore faut-il savoir où sont-elles exactement ? Je finis par m'éloigner de ma demi-soeur pour la contourner et venir me positionner juste derrière elle. Mon corps contre le sien, mes bras venant s'enrouler autour de sa taille. Je laisse à nouveau glisser mes doigts le long de sa peau avant de murmurer quelques mots à son oreille. « Tu vas vraiment finir par attraper froid si ça continue. » Je fais volontairement référence à sa pseudo excuse de tout à l'heure. On sait toutes les deux que ce n'est pas de ça dont il s'agit. « Ça serait quand même bête de tomber malade et de ne pas pouvoir profiter de Bali. » J'en joue, ça m'amuse. « Vaudrait peut-être mieux que j'arrête non ? » A cet instant, je rêve secrètement qu'elle me dise non. Comme une perche tendue, un appel pour me pousser à continuer. Un besoin de tester ses limites, au risque d'aller trop loin encore une fois et de tout gâcher. C'est elle qui a désormais les cartes en main.

Je ne devrais pas jouer à ce jeu là, je le sais, c’est dangereux, mais c’est plus fort que moi. Je n’arrive pas à me contrôler quand je suis avec elle, c’est pas faute d’avoir essayé maintes et maintes fois. Je suis attirée vers elle comme un aimant incontrôlable. Mes doigts viennent déjà effleurer ses côtes et je ne peux m’empêcher de sourire en sentant les frissons sous mes phalanges, même à travers l’eau qui nous entoure. « Si tu veux jouer à ça... » Merde. C’est à ce moment que je me rends compte que j’ai peut-être été un peu trop loin. Je l’interroge du regard et sens déjà ses mains se faufiler sur mon corps, l’une sur mon épaule et qui remonte dans ma nuque, l’autre sur mon v… oh mon dieu. Je sens gronder dans mon ventre cette chaleur indescriptible que j’avais encore ressenti qu’avec elle, la même que dans ce foutu jaccuzzi où tout avait dérapé. Fait chier. Qu’est-ce qui m’arrive ? Kezia est près, très près. Je peux sentir son souffle autant qu’elle peut logiquement sentir le mien. J’essaie de contrôler ma respiration pour ne pas qu’elle sente trop mon trouble, mais mon regard doit me porter préjudice. Elle me contourne sans quitter le contact de sa main sur ma peau, entourant ses bras autour de moi. J’ai chaud. J’ai super chaud. « Tu vas vraiment finir par attraper froid si ça continue. » Elle se fout de ma gueule, je l’entends au ton de sa voix, les petites notes plus aigues, taquines. Je la connais par coeur. Je laisse échapper un léger rire, parce que je me sens un peu conne du coup. « Ça serait quand même bête de tomber malade et de ne pas pouvoir profiter de Bali. Vaudrait peut-être mieux que j'arrête non ? » demande-t-elle me poussant dans mes retranchements. « Non ! » Autant dire que celui-là il est sorti du coeur ! Je pose mes mains sur les siennes, croisées et entrelace nos mains. La parfaite même position que dans le jaccuzzi, mais à l’envers. Ne pas me retourner. Je ferme les yeux et soupire. « J’ai pas froid. » Non c’est vrai. J’ai pas froid. Et elle le sait très bien d’ailleurs. « Toi aussi t’as des doigts de fée alors… » Je souris, plus pour moi-même qu’autre chose, et reste là un moment, à regarder devant moi pour voir la beauté du paysage, caressant les mains de Kezia à l’aide de mes pouces. Comme si rien ne pouvait être plus merveilleux que cet instant. Et c’est le cas. « Le soleil se couche à quelle heure ici ? J’voudrais pas qu’on soit bouffées par l’obscurité, j’te préviens j’en mène pas large dans la forêt en pleine nuit ! » Me montrer vulnérable, ce n’est pas quelque chose que j’ai l’habitude de faire. Mais avec Kezia je sais que je peux être moi-même, je l’ai toujours été.

Comme un air de déjà vu. J'ai l'impression de revenir un an en arrière et de revivre le même rapprochement que cette fameuse soirée dans le jacuzzi. Je ressens exactement les mêmes picotements dans le ventre, les mêmes palpitations dans le coeur. Des sensations qui me font complètement perdre la tête. C'est même encore pire que la première fois. A croire que le contact avec l'eau a tendance à nous faire faire n'importe quoi. C'est pas une bonne idée finalement de se baigner quand on est rien que toutes les deux. Mais il ne faudrait pas que ça dérape cette fois-ci. Surtout pas. Et pourtant, il m'est impossible de mettre un terme à ce moment. Je suis incapable de la repousser et encore moins de m'éloigner. C'est juste elle et moi, là, maintenant. Elle et moi à l'autre bout du monde. Comme une parenthèse irréelle qui n'appartient qu'à nous et à nous seul. « Non ! » Un sourire un peu béat vient se loger au coin de mes lèvres. C'est tout ce que je rêvais d'entendre de ses lèvres. Et ma demi-soeur ne semble pas avoir hésité une seule seconde avant de répondre. « J’ai pas froid. » Elle n'essaye plus de se cacher derrière de fausses excuses et ça fait du bien. Nous sommes sur la même longueur d'onde, et pourtant. Il y a toujours ces doutes et ces peurs. La dernière fois aussi je pensais qu'on pensait la même chose. Et on sait toutes les deux comment ça s'est terminé. « Toi aussi t’as des doigts de fée alors… » Mon coeur tambourine contre ma poitrine à un point tellement fort qu'il est presque impossible que Kai ne le sente pas. Elle est en train de me rendre complètement dingue, est-ce qu'elle en est consciente ? Nous restons collées l'une contre l'autre comme ça pendant un moment, simplement bercées par le bruit de l'eau. Je pourrais rester là des heures entières sans finir par m'en lasser. « Le soleil se couche à quelle heure ici ? J’voudrais pas qu’on soit bouffées par l’obscurité, j’te préviens j’en mène pas large dans la forêt en pleine nuit ! » Je laisse échapper un petit rire amusé d'entre mes lèvres. « Ça joue les durs à Los Angeles mais une fois à l'autre bout du monde y'a plus personne hein. » Ajoutais-je sur le ton de la plaisanterie. Bon ok, c'était facile. Un petit pique pour envoyer valser la foutue carapace de fille forte que Kai s'efforce toujours de garder. Moi, je la connais. Je la connais vraiment. Mais qu'elle se rassure, je n'ai pas envie de pousser le vice à jouer aux apprentis aventurières en pleine nuit non plus. Faut pas trop m'en demander quand même. Mes réflexes de trouillarde ne sont jamais loin. « Mais t'as raison, il va falloir qu'on y aille. » Je mets à contre coeur un terme à notre étreinte avant de sortir de l'eau. La fatigue du voyage nous rattrape rapidement et nous ne traînons pas trop sur le chemin du retour. Une fois arrivées dans la chambre, mon premier réflexe est de m'écrouler sur le lit dans un long soupir. « Putain je suis morte, ça m'a tué. » Pour une première journée, c'est déjà bien.

C’est un moment rempli d’une infinie tendresse, qui nous ramène un an en arrière. Mais si cette boule de chaleur est toujours aussi présente chaque fois que nous sommes aussi proches, il n’empêche que la peur finit toujours par prendre le dessus, en ce qui me concerne. Je ne sais pas comment me comporter, je ne sais pas ce que je dois dire, ni même si ce que nous sommes en train de faire est bien ou mal. Ou disons, j’essaie de faire en sorte que ça ne dérape pas , une fois a suffit, et le souvenir de ses lèvres - même furtivement - sur les miennes lors de la soirée avec Wyatt me laisse un goût étrange. « Ça joue les durs à Los Angeles mais une fois à l'autre bout du monde y'a plus personne hein. » Je ris un peu, c’est vrai qu’elle a raison, je suis loin de faire la maligne, mais il n’y a qu’avec elle que j’ai l’impression de pouvoir être totalement transparente. Ou presque. Il y a certaines choses qui ne sont pas même encore bien claires dans mon esprit. Kezia me donne raison, nous devons rentrer, même s’il semble difficile de nous séparer à ce moment précis. Il faut bien. Le retour est moins rapide que l’aller, plus difficile à cause de la fatigue du voyage, sans doute. Le décalage horaire aussi, ça doit y jouer grandement. Je suis exténuée, et redouble de vigilance sur le chemin retour en scooter. Une fois à l’hôtel, Kezia se laisse tomber mollement sur le lit et je ris un peu. « Putain je suis morte, ça m'a tué. » Juste pour l’emmerder, je me laisse tomber sur elle, en travers, et je l’entends rire. « Espèce de grosse loque ! » Je roule et me relève avec difficulté tant la fatigue est présente, j’ai même pas faim. Je vais chercher mon pyjama, un simple petit shorty et un débardeur un peu ample. Rien de bien fou, juste de quoi pas avoir trop chaud, et être un minimum couverte. « J’vais mettre mon pyj et me laver les dents, j’te laisse la place dans 5mn ! » Je file droit dans la salle de bain et me change, me lave les dents, rapidement comme promis, mais une fois dans la chambre, j’ai beau parler je n’ai aucun répondant. Kezia s’est endormie. Je m’approche d’elle doucement, la regarder dormir quelques secondes, paisiblement, avant de glisser doucement une main dans ses cheveux. « Princesse… tu vas pas dormir toute habillée ? Tu veux que je t’aide ? » Je l’entends grogner un peu, un grognement beaucoup trop adorable. « Ok je t’aide. » Je déboutonne son short en jean que je fais glisser sur ses longues jambes en prenant soin de pas emmener son sous-vêtement avec, ce serait quand même fortement gênant. Pour le t-shirt, elle aura qu’a garder celui là. Je l’aide à se mettre sous le drap, et me faufile à ses côtés. « Bonne nuit Kez… » Je déposer un baiser sur son front et le regarde dormir quelques minutes avant de plonger à mon tour à corps perdu dans les bras de Morphée.

Je crois que le mélange entre la fatigue et le décalage horaire ne font pas vraiment bon ménage. Kai s'éclipse la première dans la salle de bains, alors que je reste allongée sur le lit incapable de faire quoi que ce soit. Faut croire que j'ai plus vraiment l'habitude de jouer les aventurières comme ça et mon corps n'arrive pas à suivre. Une vraie loque comme elle dit. Finalement je me laisse très vite emporter dans les bras de Morphée. Je crois que je n'ai jamais été aussi rapide pour m'endormir, mais là c'est radical. « Princesse… tu vas pas dormir toute habillée ? Tu veux que je t’aide ? » Je laisse échapper un petit grognement dans un demi-sommeil alors que ma demi-soeur déboutonne déjà mon short. Je me laisse faire, plus ou moins inconsciente. « Bonne nuit Kez… » Elle dépose un baiser sur mon front et me voilà déjà plongée dans un profond sommeil. La nuit fut agréable et reposante. En réalité je n'ai pas dormi aussi bien depuis bien longtemps. Trop longtemps même. Je pense que la présence de la blonde à mes côtés y est forcément pour quelque chose. Sans aucun doute même. Je dors toujours très bien quand je suis avec elle. Un petit rayon de soleil se faufile dans la chambre alors que je commence doucement à émerger. Je sens le corps de ma demi-soeur contre le mien, son bras logé sur mon ventre. Un sourire se dessine alors inconsciemment au coin de mes lèvres. Elle et moi, dans la position de la cuillère. Comme avant. Je crois que je ne peux pas me sentir aussi bien qu'à cet instant. Je suis reposée, complètement détendue. Juste apaisée et heureuse. Aujourd'hui est un jour particulier pour moi, c'est mon anniversaire. Si j'avais imaginé il y a encore quelques jours pouvoir fêter mes dix-neuf ans à Bali, je crois que je n'y aurais pas cru. Mais je ne pouvais pas rêver mieux. Je viens caresser l'avant-bras de ma demi-soeur à l'aide de mon pouce en attendant qu'elle se réveille à son tour. On a tout le temps devant nous et si je peux rester dans cette position encore un petit moment, je ne suis pas contre. Mais ça c'était sans compter sur la sonnerie de mon téléphone portable qui se fait entendre. Merde, c'est Wyatt. Je me lève doucement et m'enferme dans la salle de bains pour faire le moins de bruit possible. Je n'ai pas eu mon petit-ami au téléphone depuis mon départ. Ça me fait un peu bizarre, mais bon. Il m'appelle pour me souhaiter un bon anniversaire, malgré qu'à Los Angeles ça ne soit pas encore le bon jour. Mais Wyatt a pris soin de faire le calcul selon le décalage horaire pour être le premier à me le souhaiter. Une attention de sa part agréablement mignonne, il faut bien le reconnaître. Je lui donne un peu de mes nouvelles - tout en m'efforçant de rester la plus vague possible, alors que je le sens tout de même un peu déçu de ne pas pouvoir être avec moi pour ce jour si spécial. Après avoir raccroché, je retourne rapidement dans la chambre. Mais sans grande surprise, Kai est déjà réveillée. Je ne sais pas si elle a entendu que c'était Wyatt, mais bizarrement et sans comprendre exactement pourquoi, ça me fout un peu mal à l'aise. Je me rallonge à ses côtés et lui adresse un petit sourire gêné. Je ne voulais pas la réveiller. « Je suis désolée... » Je viens remettre une mèche de ses cheveux derrière son oreille avant d'ajouter. « J'espère que tu as bien dormi. »

Les vieilles habitudes reviennent rapidement, et au cours de la nuit je ne peux m’empêcher de venir me blottir contre Kezia, en cuillère, mon bras autour d’elle, ma main sur son ventre. Je devrais avoir trop chaud vu la température extérieure mais je suis juste bien, paisible, à ma place. Je la sens bouger, grogne un peu quand elle se lève pour répondre au téléphone mais reste bien confortablement allongée dans le lit, ma main reposant à l’endroit où était encore le corps de Kezia il y a quelques minutes. Le temps s’égraine, j’ai du mal à émerger. « Je suis désolée... » dit-elle en venant se rallonger près de moi, alors qu’elle remet une mèche de mes cheveux en place. « J'espère que tu as bien dormi. » Je m’étire, gémit un peu et soupire finalement. « Super bien oui, j’avais oublié à quel point tu étais un oreiller confortable. » Je ris un peu, étrangement calme et sereine malgré le fait d’avoir conscience d’avoir dormi contre elle toute la nuit, comme avant. « Quelle heure il est ? T’as bien dormi toi ? » Je tends le bras pour récupérer mon téléphone sur la table de nuit et lis l’heure, en même temps que la date, machinalement. Je me redresse d’un bond. « Eh mais ! » Et me tourne vers Kezia, qui sourit. Elle a pas oublié elle. Enfin, à ce stade, on peut pas dire non plus que j’ai oublié. « Bon anniversaiiiiire ! » Je lui saute littéralement dessus, la dévore de bisous tout en me délectant de ce rire enfantin qui ravit mes oreilles. « Tu croyais pas que j’avais oublié hein ? » Bon, à la toute base je lui ai pas offert ce voyage pour son anniversaire, c’était surtout pour me faire pardonner, mais faut avouer que ça tombe plutôt pas mal. Qui ne serait pas heureux de passer son anniversaire à Bali sérieusement ? « Alors alors ? Ça fait quoi d’avoir 19 ans ? » Je m’arrête de l’embêter et de la bisouiller sans trop me rendre compte que je suis pourtant toujours au-dessus d’elle, à califourchon, mes jambes entourant son bassin et mes deux mains posées à côté de ses épaules. Mes cheveux lui tombent légèrement sur le visage mais le sourire qu’elle m’offre n’a pas son pareil. Elle est tellement belle…

Et dire que Kai s'évertue encore à dormir sur le canapé de la maison à L.A. Bon d'accord, ici, il n'y a qu'un grand lit dans la chambre, c'est pas comme si nous avions eu vraiment le choix. Mais quelque chose me pousse à croire que les choses n'auraient pas été tellement différentes même si ça avait été le cas. Cette nuit ensemble, dans les bras l'une de l'autre, n'est que le prolongement évident de cette journée rythmée par nos nombreux rapprochements. Comme si nos cœurs avaient finalement choisi quand même, comme une évidence. « Super bien oui, j’avais oublié à quel point tu étais un oreiller confortable. » Je ne peux m'empêcher de répliquer, un petit sourire amusé au coin des lèvres. « C'est dommage de t'en être privé jusqu'à maintenant. » C'est plus fort que moi, il ne fallait pas me tendre la perche. Je ne sais pas si Kai a oublié mon anniversaire ou si elle met juste du temps à comprendre quel jour on est. Elle vient à peine d'émerger et je lui laisse donc le bénéfice du doute sans rien dire pour le moment. C'est difficile de ne rien laisser paraître, je suis toujours excitée comme une gamine le jour de mon anniversaire. Je ne sais pas trop pourquoi mais c'est quelque chose qui a toujours compté pour moi. « Quelle heure il est ? T’as bien dormi toi ? » Je n'ai pas le temps de répondre que ma demi-soeur se redresse du lit d'un bond. « Eh mais ! » Je crois que c'est bon, elle a compris. « Bon anniversaiiiiire ! » La blonde se jette sur moi et me couvre littéralement de bisous. Une attaque à laquelle je me laisse complètement faire et que je savoure sans doute plus que de raison. Mon rire se mélange au sien dans la plus belle des harmonies. « Tu croyais pas que j’avais oublié hein ? Alors alors ? Ça fait quoi d’avoir 19 ans ? » Kai reste à califourchon sur moi, alors que mon regard se perd au fond du sien. Dans cette position, nos visages sont proches. Beaucoup trop proches. Son corps surplombant le mien me procure une bouffée de chaleur incontrôlée. Si je reste comme ça encore une seconde de plus, je ne pourrais plus rien contrôler. Faire quelque chose, n'importe quoi. Je retourne la situation en basculant son corps sur le côté pour reprendre l'avantage sur elle. La position est désormais inversée alors que je prends volontairement une petite moue boudeuse pour la taquiner. « T'as failli oublier quand même. » Bah quoi ? C'est ma journée, j'ai le droit d'en jouer un peu. « Honte à toi en plus, t'es même pas la première. » Bon ça, j'aurais pu éviter. Pourquoi aurais-je préféré que ça soit elle la première à me le souhaiter au lieu que ce soit Wyatt ? C'est pas vraiment normal. « Va falloir te faire pardonner. » Mes yeux pétillent de malice. « Alors c'est quoi mon cadeau ? » Finalement cette position est peut-être encore pire que la précédente. Mon regard ancré dans le sien, je sens mon coeur battre à tout rompre dans ma poitrine. A ce rythme là, je ne donne pas cher de ma peau. Rien ne va plus.

« C'est dommage de t'en être privé jusqu'à maintenant. » Elle n’a pas tout à fait tort, mais faut dire que jusque là, c’était un peu bizarre, nos retrouvailles, et puis si elle ça la dérange pas de dormir collée contre moi alors qu’elle est en couple, moi j’en aurai été incapable en étant avec Todd. Je sais pas pourquoi d’ailleurs, ça fait pas de ces nuits là une tromperie, ça veut rien dire pas vrai ? Juste deux amies, presque deux soeurs, qui dorment l’une contre l’autre, et c’est tout. Voilà. C’est tout. Je regarde finalement l’heure et me rends compte du jour qu’on est, j’avais pas encore totalement immergé pour m’en rendre compte, mais c’est chose faite. Et sans plus tarder je me rue sur elle pour lui faire plein de bisous en guise de premier cadeau. Je finis par m’arrêter pour la laisser respirer, mais je reste sur elle, sans analyser la situation, vaut mieux pas. Je souris juste un peu bêtement, et fais en sorte de ne pas non plus me focaliser sur cette boule de chaleur au creux de mon ventre. Finalement, Kezia inverse la position pour se retrouver au-dessus de moi, j’ai l’impression de vivre la fameuse scène du Roi Lion quand Simba et Nala sont enfants et roulent l’un sur l’autre jusqu’en bas d’une pente. « T'as failli oublier quand même. Honte à toi en plus, t'es même pas la première. » Je fronce les sourcils, et mes neurones se connectent. « C’est ta mère qui t’a appelée ? » C’est la première à qui je pense, qui ferait bien attention au décalage horaire pour souhaiter à sa fille chérie son anniversaire. Je ne pense pas immédiatement à Wyatt, et il vaut mieux d’ailleurs, si je ne veux pas m’énerver. « Va falloir te faire pardonner. Alors c'est quoi mon cadeau ? » Je fais une petite moue et pose naturellement mes mains sur ses cuisses dénudées, le seul endroit confortable où poser mes mains, sans même y réfléchir. « Hum… parce qu’un voyage à Bali ça suffit pas ? » Je ris un peu et poursuis. « En fait, j’avais eu une idée, mais je sais pas si ça pourrait te plaire. J’ai regardé, j’ai une adresse. Je te propose qu’on y aille, et si ça te plait pas on fait pas. Deal? » Je voudrais garder un peu de surprise, un minimum. Parce que je sais absolument pas si ce serait son genre de faire un truc pareil, mais le partager avec elle, ce serait juste le rêve. « Par contre avant de partir, me faut un café, et un petit dej’ de l’espace ! » C’est reparti pour un tour, je nous fais rouler pour me retrouver sur elle, au bord du lit cette fois, c’était moins une ! Je récupère le téléphone de l’hôtel sur la table de nuit, et me redresse pour appuyer sur le bouton d’appel à la réception. Je ne quitte pas Kezia des yeux, je la regarde, lui souris même, et ne me rend pas du tout compte que ma main se trouve actuellement sur son ventre, sous son t-shirt, en train de la câliner le plus naturellement du monde…

« C’est ta mère qui t’a appelée ? » Ça aurait pu mais non. Peut-être que j'aurais préféré finalement. « Non, c'est Wyatt. » Que je lui réponds du bout des lèvres, fuyant légèrement son regard. Je sais pas pourquoi mais ça me gêne un peu de parler de lui, là, comme ça. Peut-être parce que c'est bizarre d'évoquer son petit ami quand on est à califourchon sur quelqu'un d'autre. Non, y'a rien de bizarre en soit. C'est juste... normal. Oui tout à fait normal. Comme deux sœurs qui se chamaillent, comme deux amies qui ne cessent de se chercher. Sans aucune ambiguïté possible. Les mains de ma demi-soeur se posent naturellement sur mes cuisses alors que je les fixe dans un regard. Non aucune ambiguïté, bien sur. « Hum… parce qu’un voyage à Bali ça suffit pas ? » Je secoue la tête avec un petit sourire malicieux au coin des lèvres. Autant profiter de la situation jusqu'au bout, ça ne sera pas tous les jours possible. « En fait, j’avais eu une idée, mais je sais pas si ça pourrait te plaire. J’ai regardé, j’ai une adresse. Je te propose qu’on y aille, et si ça te plait pas on fait pas. Deal ? » Voilà, ça m'intrigue déjà. Quelle idée Kai peut-elle avoir derrière la tête ? « Deal, je te fais confiance. » Prise dans mon élan, je viens déposer un baiser sur sa joue en guise de remerciement. « Enfin pas trop quand même, je te connais... avec toi, on sait jamais. » Ajoutais-je en rigolant. Pour le coup je ne sais pas trop à quoi m'attendre mais je suis déjà impatiente de voir ce qu'elle nous prépare. « Par contre avant de partir, me faut un café, et un petit dej’ de l’espace ! » Kai bascule à son tour pour se retrouver de nouveau sur moi, cette fois-ci au bord du lit. Elle se redresse légèrement pour actionner le bouton de la réception. Je me surprends à glisser mon regard sur son décolleté plongeant qui s'offre juste sous mes yeux. Dans cette position, la vue est imprenable et c'est loin de me déplaire. Mon corps se raidit lorsque je sens sa main s'inviter sur mon ventre. Le t-shirt légèrement relevé, ses doigts me caressent à même la peau. L'effet est immédiat et de nombreux frissons apparaissent à son contact. Elle veut me tuer en fait. A-t-elle au moins conscience de ce qu'elle est en train de faire ? Le soleil qui se reflète sur son visage l'a rend tout simplement magnifique. Je suis à deux doigts de faire une bêtise lorsque une tonalité se fait finalement entendre. Sauvée par le gong. Kai nous commande alors deux petits déjeuners service en chambre avant de m'offrir un de ces plus beaux sourires. Je me défais de son emprise et me redresse plaquant mon dos contre l'oreiller. Le petit-déjeuner arrive dans la chambre et nous nous faisons pas prier. Toutes ces émotions, ça creuse. « C'est de loin mon plus bel anniversaire. » Et la journée ne fait pourtant que commencer. Je crois que je suis pas au bout de mes surprises. « J'ai tout ce qu'il me faut ici en fait. » Je joue avec mes jambes sur le lit comme le ferait une enfant de dix ans. « Bali, le soleil, la mer... » Mon regard vient accrocher le sien alors que mes doigts viennent se glisser dans sa main. « Toi. » Surtout elle. C'est peut-être là l’élément le plus important en fin de compte. Le reste est en bonus. Maintenant que nous avons le ventre plein, il est temps de s'activer pour se préparer. « Bon alors on va où ? Tu peux me donner un indice ? » Je prends mes airs de biche et mon regard de chien battu. « Faut que je sache comment m'habiller, c'est important quand même. » J'essaye de jouer de mon charme pour tenter de lui soutirer des informations.

« Non, c'est Wyatt. » Je me raidis instantanément, mais choisis de ne pas me flinguer la journée à cause de lui, à penser à lui, à penser au fait qu’il a été le premier à lui souhaiter son anniversaire, que c’est lui son petit ami, blah blah blah. En attendant, elle est avec moi, c’est moi qui passe cette journée spéciale en sa compagnie, et ça ça vaut tout l’or du monde. Alors je vais pas bouder parce qu’elle vient de prononcer son prénom, sûrement pas. Je lui propose un deal en guise de cadeau d’anniversaire, j’ai une idée derrière la tête mais je ne veux pas en dire trop, autant garder un peu de mystère. « Deal, je te fais confiance. Enfin pas trop quand même, je te connais... avec toi, on sait jamais. » Je ris un peu et la laisse déposer un baiser sur ma joue. Un geste tendre qui me réchauffe, peut-être même plus qu’il ne le faudrait. Ni une ni deux je renverse la tendance pour avoir un peu plus de liberté dans mes mouvements, et me rapprocher du combiné pour appeler la réception. Mes gestes sont complètement automatiques, je ne les réfléchis pas, je me contente juste de les vivre sans en prendre conscience. Le petit déjeuner arrive et nous reprenons une attitude dire ‘normale’, rien qui ne pourrait faire croire à qui que ce soit la position dans laquelle nous étions un peu plus tôt. Mais une fois encore, je cherche à me convaincre que ça ne signifie absolument rien d’autre que notre forte amitié. « C'est de loin mon plus bel anniversaire. J'ai tout ce qu'il me faut ici en fait. Bali, le soleil, la mer… Toi. » Je lui offre un large sourire, complètement conquis. Et moi, je pouvais pas rêver mieux que de lui offrir tout ça pour son anniversaire. Moi y compris. Enfin… je me comprends. Une fois le petit déjeuner terminé, nous commençons à nous préparer, et Kezia commence déjà son investigation, ce qui me fait beaucoup rire. « Bon alors on va où ? Tu peux me donner un indice ? Faut que je sache comment m'habiller, c'est important quand même. » Je secoue la tête en passant à côté d’elle, non sans glisser une main à sa taille, furtivement, avant de partir en direction de ma valise. « Pas d’indice, juste des chaussures fermées. Pour le reste c’est comme tu veux ! » J’avais pris soin de regarder les détails avant, quand même. Une fois prêtes, nous voilà reparties sur notre scooter loué pour quelques jours, le temps de notre séjour. Finalement, je crois qu’on va rester à cet hôtel, il est pas si mal, il est même bien, et j’ai pas envie de perdre de temps à chercher autre chose, on a largement assez de quoi faire aux alentours, je crois. Il nous faut une petite demi-heure pour arriver sur le lieu de la surprise. « Ferme les yeux, et tu triches pas, sinon on fait demi-tour ! » Je la sens se cramponner un peu plus à moi, signe que la vue lui manque. Parfait. Je tourne et parcours les derniers mètres avant d’immobiliser le scooter. Je descends et prends sa main pour la faire descendre aussi. « Tu peux ouvrir. » Nous sommes dans un centre de parachutisme. Je sais que Kezia est un peu une poule mouillée, mais voir Bali du ciel, et sauter avec moi, c’est une expérience qui se tente non ? « Si tu le sens pas, on peut remplacer par un tour d’hélicoptère au dessus de la mer… » Je suis prévenante, je sais.

Malgré ma tentative pour l'amadouer, Kai reste stoïque. « Pas d’indice, juste des chaussures fermées. Pour le reste c’est comme tu veux ! » Voilà tout ce qu'elle me dit. Avec ça, je ne vais pas aller bien loin. Mais je n'insiste pas pour autant. Nous ne perdons pas de temps avant de mettre les voiles sur notre scooter, toujours installée derrière elle. J'essaye de guetter le moindre indice que je pourrais croiser sur la route mais rien. Je n'ai pas la moindre idée de là où elle nous emmène. « Ferme les yeux, et tu triches pas, sinon on fait demi-tour ! » On ne doit plus être bien loin maintenant. « Ok chef. » Je m'exécute, ferme les yeux et me cramponne un peu plus fort à elle. Le scooter s'immobilise quelques minutes plus tard et ma demi-soeur m'aide à descendre. « Tu peux ouvrir. » Je mets quelques secondes à me réadapter à la lumière du jour avant de jeter un œil à l'environnement qui nous entoure. Il y a des avions un peu partout et des gens en combinaison apparemment déjà prêts à embarquer. Je comprends très vite que nous sommes dans un centre de parachutisme. Mon dieu. Je panique déjà rien que d'y penser. « Si tu le sens pas, on peut remplacer par un tour d’hélicoptère au dessus de la mer… » Kai sent déjà l'angoisse s'emparer de mon être et me propose une éventuelle solution de repli. « Tu veux te débarrasser de moi c'est ça ? » Répliquais-je en rigolant un peu nerveusement. « Il y a d'autres moyens peut-être un peu moins catégoriques tu sais. » Bon ok, j'ai la frousse. Pas besoin de faire un dessin à qui que ce soit, ça se voit. Le visage crispé et la boule au ventre, je n'en mène pas large du tout. Mais Kai a voulu me faire une surprise et je n'ai pas envie de tout faire tomber à l'eau. « J'ai que dix-neuf ans, je suis trop jeune pour mourir. » Le jour de mon anniversaire en plus. Je rigole jaune avant d'agripper la main de ma demi-soeur en guise de soutien. Elle, elle n'a peur de rien - ou presque. Mais pas moi. Je redeviens un peu sérieuse avant de lui demander. « Tu l'as déjà fait toi ? » J'essaye de savoir si c'est sa première fois à elle aussi. De tâter un peu le terrain. Elle secoue la tête à la négative, ça sera son premier saut aussi. C'est quand même une expérience qui se tente une fois dans sa vie comme on dit, non ? Kai a déjà fait énormément pour moi avec ce voyage. C'est peut-être le moment de lui rendre la monnaie de sa pièce. Lui prouver que je suis capable de me surpasser. Pour elle, pour ses beaux yeux. « Bon d'accord, on va le faire. » Toujours ma main dans la sienne, je viens alors m'agripper à son cou comme un koala agrippé à sa branche. Je ne veux plus la lâcher, j'ai besoin d'elle. « Notre première fois ensemble. » Ouais, bon ok, dit comme ça, c'est un peu étrange. Mais elle a compris. Je lui adresse un petit sourire pas très rassuré quand même.

Sur le trajet, j’angoisse un peu, parce que j’ignore totalement la réaction qu’aura Kezia quand elle va découvrir mon idée. C’est fou, je sais, je prends des risques, mais je ne la forcerai jamais à rien, et si elle ne le sent pas, elle n’aura qu’à le dire et je trouverai une autre idée. « Tu veux te débarrasser de moi c'est ça ? » Je laisse échapper un rire autant amusé que stressé. « Il y a d'autres moyens peut-être un peu moins catégoriques tu sais. » Je secoue un peu la tête, toujours en souriant. Jamais de la vie. Me débarrasser d’elle ? Quelle idée… Elle ajoute qu’elle est trop jeune pour mourir. Je sens son stress, c’est indéniable, mais je me dis que se surpasser, en ma compagnie, ça peut être un bon défi, non ? Kezia vient glisser sa main dans la mienne et j’entrelace mes doigts avec les siens, naturellement, attendant qu’elle donne sa réponse. « Tu l'as déjà fait toi ? » Je secoue la tête. « Jamais non. Je te rassure j’en mène pas large non plus ! » J’ai beau avoir plus de caractère qu’elle, être plus tête brûlée, je crois que le premier saut en parachute, il peut bien y avoir l’excitation, il y a quand même beaucoup d’appréhension. « Bon d'accord, on va le faire. Notre première fois ensemble. » Je récupère la jeune femme qui vient se pendre à mon cou, glissant mes mains dans son dos en souriant. « T’en fais pas on est pas livrées à nous même ! On saute en tandem, on aura des professionnels avec nous, on aura rien à faire, juste kiffer. » Et stresser aussi mais ça j’ai pas besoin de le dire. Je m’écarte juste assez pour la regarder, le coeur battant, son visage si près du mien que je peux sentir son souffle sur mes lèvres. « On pourra dire qu’on a vécu un truc de fou ensemble ! On s’en souviendra toute notre vie ! » Je lui souris et dépose un baiser sur sa joue, un peu près des lèvres mais je n’en avais pas pris conscience jusqu’à ce que mon coeur s’accélère vivement. Je récupère finalement sa main et la tire près de moi pour nous diriger ensemble vers l’accueil. La préparation est excitante, je fais en sorte de garder le contact visuel avec Kezia, et lui sourire sans cesse pour la rassurer. Nous grimpons dans l’avion et le stress continue de monter. Je demande à sauter la première, laissant le choix à Kezia de changer d’avis si elle veut, au dernier moment. La chute libre, c’est complètement fou. Mais je ne me sens entière que lorsque je lève les yeux et que je vois qu’elle a sauté, elle aussi. C’est grisant. L’autre parachutiste qui est harnaché à Kezia s’approche et arrive à notre niveau, juste assez près pour qu’on puisse se toucher les mains. Mais tout va vite, et l’arrivée est imminente. C’est complètement dingue. Une fois libérées de nos parachutes, je cours vers elle, les jambes encore un peu tremblantes, et la prends dans mes bras. « On l’a fait, on a réussi ! » Dans l’excitation, je ne réfléchis même pas et plaque mes lèvres sur les miennes dans un baiser des plus sincères. Merde alors.

Un saut en parachute, une idée aussi folle que surprenante. Si on m'avait dit un jour que j'aurais le cran de le faire, je n'y aurais pas cru. Moi, la pouille mouillée qui a peur d'un rien. Mais avec Kai, c'est comme si je me sentais pousser des ailes. Littéralement. Comme si elle était capable de canaliser mes peurs et mes émotions à la fois. Elle a ce don pour m'apaiser et me faire sentir en sécurité. « T’en fais pas on est pas livrées à nous même ! On saute en tandem, on aura des professionnels avec nous, on aura rien à faire, juste kiffer. » Kiffer juste elle et moi. « On pourra dire qu’on a vécu un truc de fou ensemble ! On s’en souviendra toute notre vie ! » Oh ça, c'est certain. Kai a les yeux qui brillent rien que d'en parler, et c'est ça qui me donne la force de me surpasser pour elle. Pour nous. Nos moniteurs nous équipent chacune notre tour avant de grimper dans l'avion. Ça y est, c'est le moment. Mon coeur s'accélère dans ma poitrine lorsque je vois ma demi-soeur sauter la première. Puis c'est à mon tour. Et là, c'est indescriptible. La chute libre ne dure que quelques secondes, une minute tout au plus, mais la sensation est tellement puissante que ça vaut tout l'or du monde. J'ai l'impression d'être légère, complètement libérée. Comme un petit oiseau en train de voler au dessus du ciel. Une sensation ô combien vivifiante. Nos moniteurs arrivent même à suffisamment nous rapprocher pour qu'on puisse se toucher les mains l'espace d'un bref instant. Un souvenir qui restera à jamais gravé dans ma mémoire, c'est une certitude. Vient alors en second temps le déclenchement du parachute qui amorce notre descente en douceur. On a encore le temps d'observer un peu la vue qui s'offre à nous et de profiter du moment jusqu'à la dernière seconde. Je ne perds pas des yeux Kai, légèrement plus basse en altitude que moi. Une fois sur la terre ferme, ma demi-soeur se jette sur moi encore toute excitée. « On l’a fait, on a réussi ! » Elle me sert dans ses bras alors que ses lèvres viennent se poser sur mes lèvres. Là, tout de suite, c'est l'apocalypse dans mon coeur. Dans ma tête aussi. Un mélange entre l'excitation du saut, l'adrénaline et l'émotion. En réalité je ne réalise pas trop ce qui est en train de se passer et je me laisse faire un peu immobile. Je prends même part un instant au baiser avant que les connexions se fassent dans mon cerveau et que je recule malgré moi. Quelle conne. « C'était complètement dingue. » Le saut, elle. Tout à la fois. Même si je ne sais pas trop à quoi m'en tenir par rapport à ce baiser. C'est elle qui en est à l'origine cette fois, ça devrait me rassurer. Et pourtant... ça me fait peur. Est-ce qu'il a le même goût pour elle que pour moi ? Ça, c'est une autre histoire. Je ne sais même pas réellement ce que je ressens moi-même, tout est encore confus dans ma tête. Je préfère faire comme si de rien n'était, ne surtout pas en parler. Comme si le fait de ne rien dire ne rendait finalement pas les choses totalement réelles en soit. C'est con mais c'est comme ça. Nos moniteurs nous guident à nouveau jusqu'à l'accueil où nous pouvons regarder les photos et les vidéos souvenirs de notre épopée. C'est le rituel, le centre de parachutisme remet une clé USB à tous les clients. Un des moniteurs reste un peu avec nous pour faire défiler les photos à l'écran et s'arrête finalement sur la dernière photo ; le baiser de tout à l'heure. « Et cette photo là est un petit bonus personnel. Je vous trouve très mignonnes toutes les deux, je n'ai pas pu m'en empêcher. Vous faites vraiment un beau petit couple. » Merde, le malaise. Je n'ose pas regarder ma demi-soeur ni répondre quoi que ce soit au moniteur.