the past can hurt. (alysha)

Dans un sens je suis contente qu'elle soit au courant. Parce qu'après tout elle est de la famille. Et puis elle a raison, Ruben et moi on se retrouvera, je n'ai pas à avoir peur. Sauf qu'après je devrais le quitter à nouveau, définitivement. Alors dans un sens, je suis contente qu'elle sache, parce que je sais qu'elle pourra veiller sur lui quand je ne serais plus là. Parce que ce n'est pas l'idée de la mort qui me terrifie, c'est plutôt laisser Ruben seul. Alors c'est aussi le genre de truc auquel j'essaie de ne pas trop penser, histoire de pouvoir profiter pleinement du temps qu'il me reste. Et par dessus-tout, je suis contente d'avoir vu Penelope, parce que je me dis que je l'ai peut-être aidée ? Je ne sais pas, je n'en suis pas sûre, mais j'ai l'impression d'avoir aidé un peu, ou en tout cas j'ai essayé. J'espère vraiment que tout ira bien pour elle avec ses parents. "T'en fais pas, quand tu y seras, ça viendra tout seul." Après tout je n'ai jamais été dans ce genre de situation. Je me suis toujours bien entendue avec mes parents, même quand j'étais ado. Même quand ils ont voulu déménager au Canada, je ne les ai pas détestés ou quoi que ce soit. Certes ils me privaient des Etats-Unis, de mon lycée, de mes amis, de Ruben, et de tout ce qui me tenait à cœur à 17 ans. Mais comment aurais-je pu leur en vouloir de s'être rapprochés de Grand-Mère, qui était malade ? Alors oui, le concept d'être en froid avec sa famille etc, c'est un peu abstrait pour moi. Mais je comprends que ça doit être difficile, et ça doit l'être des deux côtés. "Ce serait génial oui, il faudra qu'on se fasse ça !" je m'exclame quand elle propose un dîner. Je ne trouve pas nécessaire de rappeler que je n'ai pas revu mon mari depuis un moment et que moi aussi je dois prendre sur moi et aller faire des retrouvailles possiblement embarrassantes et terriblement effrayantes. Tout ira bien. Je finis donc par me lever et je lui souris. "Allez, viens par là!" je lance, en la prenant dans mes bras. "Il faut que j'y aille mais, tu me tiens au courant d'accord !" Je crois bien qu'il est temps pour chacune de nous d'aller affronter nos petits démons...

Je m’étais sûrement un peu emballée à faire des plans sur la comète, comme ça. À proposer un repas chez moi, alors que le couple de mon cousin avec Alysha battait de l’aile ces derniers. J’avais bon espoir qu’ils recollent les morceaux ; j’avais bon espoir qu’ils se retrouvent enfin – même si ça leur prenait du temps. Je suppose que nous devions chacun, à notre niveau, combattre certains démons. Faire face à certaines réalités. Ce serait un travail de longue haleine et je savais que la douleur ne partirait pas aussi facilement. Alysha se savait condamnée – comment pouvait-on continuer de vivre le plus normalement possible après ça ? La brune était si courageuse – ou tout du moins elle donnait bien le change. Elle jouait sans doute bien la comédie. Qui aurait pu être aussi fort alors que l’adversité s’acharnait ? Alors qu’une épée de Damoclès était suspendue au-dessus de notre tête ?

Alysha finit par se lever et je l’imite, avant que ses bras ne m’entourent. Sa proximité est chaleureuse et j’ai alors l’impression d’avoir fait un pas de plus sur le chemin de mon passé. C’est une sensation très agréable qui me rend fière aussi car je ne m’en serais pas crue capable, après tout ce temps. Et si j’étais capable de retrouver Alysha, c’était peut-être le signe que je pouvais également retrouver ma mère. Peut-être pas demain, ou dans la semaine – mais un jour prochain. Très vite, je trouverai le courage de reprendre contact avec mes parents. « Bien sûr, je te dirai comment se sont passées nos retrouvailles, je promets avec un sourire alors que ma main vient serre la sienne. Et n’oublie pas que tu peux m’appeler si tu as besoin de quoique ce soit. » Je fouille rapidement dans mon sac à mains pour en sortir un morceau de papier, un vieux ticket de caisse tout froissé, où je griffonne à la va vite mon numéro de téléphone que je glisse entre les doigts de ma cousine par alliance. « Je suis vraiment contente de t’avoir revue, Alysha. » Je lui adresse un dernier sourire alors que je suis sa silhouette des yeux jusqu’à la voir disparaître derrière la porte du Starbucks, derrière les grandes baies vitrées du café.