Mexico - guns in my head

Tu as mal aux côtes, à la tête, aux genoux et ton épaule gauche a subit un mauvais choc. En fait, ton être entier semble te crier qu’il est en souffrance. Ton souffle est rapide et ton coeur semble vouloir sortir de ta poitrine. Malgré la forte lumière artificielle traversant les barreaux, tes pupilles sont pleinement dilatées. Tu te frottes les poignets sur lesquels les traces de menottes préalablement trop serrées te gênent encore. Les bâtards. Te faire ça à toi … ! Tu as du mal à te calmer, tu renifles frénétiquement. Sans raison. Tes jambes sont sans repos et les murs de ta cellule de fortune ne semblent que se resserrer. L’attente est infernale. Les images se bousculent en boucle et en flash dans ton esprit. Les unes après les autres. Encore et encore. La soirée de la veille, la nuit, les excès. L’alcool, la poudre, les rues du quartier festif. La musique, les lumières. Les souvenirs de ta dernière grosse dispute avec Inès se heurtent à ceux plus charnels de ta dernière rencontre. Ici même. Mais ça compte pas. T’façon, t’en as plus rien à foutre, pas vrai ? Ta tête est encore embuée. Tout autant par les vapeurs de ton intoxication que par l’accident. Parait que c’était grave. Que t’as bien merdé. C’est clair que ça a pas mal remué, cogné même. Si t’as pu t’extirper de la tôle froissée, la brune à tes côtés a dû être évacuée par les ambulanciers. Le tourbillon de gyrophares t’avait donné mal au crâne. Les flics t’avaient collés au cul comme des mouches affamées. Une batteries de tests plus tard, ils avaient pu t’extirper de ta civière pour te foutre au trou. Ces enculés ! On t’avait refusé toute info sur la fille qui t’accompagnait et dont tu n’avais pas réellement pris le temps de retenir le prénom. Pas d’info non plus sur ta voiture. Et cerise sur le gâteau : si tu avais cru que la corruption aurait pu t’offrir un passe-droit et t’extirper de la merde, tu as surtout vu tes billets verts disparaitre dans les mains d’agents véreux. Mais toi, pauvre petite américaine, tu restais coincées là dans cette cellule mexicaine aux allures de taudis. Pays de merde !

Ton seul droit : un coup de téléphone. Tu aurais pu hésiter longuement. Tu avais toutes les raisons pour que ce choix ne soit pas aisé. Mais sans réelle capacité de réflexion et poussée par un unique réflexe et instinct de protection, un seul numéro avait fini par être pianoté par tes doigts. C’était plus tôt dans la nuit. Ou hier déjà. T’avais plus trop la notion du temps. Entre l’accident, les heures à l’hosto et les heures dans ce trou, plus rien n’avait de réel sens et encore moins de réelle temporalité. Ainsi, lorsqu’un accent que tu reconnaitrais entre mille fini par résonner dans l’enceinte chaude et humide, tu te redresses d’un bond. Venant t’agripper aux barreaux, front contre le métal, tu prends soin de te faire entendre. “Texas !! Thank God !! Get me out of here before I turn completely insane or kill someone !” Ta voix est pressée. Presque électrique. Elle traduit le malaise et l’urgence mais ne considère pas une seule seconde la faveur de taille que Billie t’offre en étant là ce soir, de l’autre côté de la frontière …

Elle avait été réveillée par son téléphone, mais n’avait pas été assez vive pour y répondre à temps, c’est donc en entendant un étrange message, laissé sur son répondeur, qu’elle se retrouvait forcé de se tirer de son lit. A l’autre bout du fil, la voix de Sana, lui annonçait qu’elle était détenu à Tijuana après une longue soirée et qu’elle avait besoin qu’on vienne la chercher. Il fallait que ça tombe sur elle, évidemment, parfois c’était à se demander si elle était sa collègue ou sa mère. Prenant tout juste le temps de se changer, elle embrassait son chien sur la tête, attrapait son sac à main avant de grimper dans son imposante voiture noir. Un peu plus de trois heures de route plus tard et quelques bouchons à la frontière, elle rejoignait Tijuana et la station de police où devait normalement se trouver sa collègue. « Hi, I’m here for Sana Ben Ali. » Annonçait-elle au premier policier qu’elle croisait. Celui ci semblait un peu confus. « Soy americana, estoy aquí por mi amiga…» ajoutait-elle, dans un espagnol un peu rouillé. « Oh the drunk American. Yes. » Billie grimaçait un peu, gênée qu’ils aient du s’occuper d’une Sana dans un sale état. « Yes, sounds like her. I’m so sorry about that. I’m here to get her back home. » assurait-elle alors que l’homme lui faisait signe de la suivre. Soudain la voix cassée de Sana retentit dans un couloir: “Texas !! Thank God !! Get me out of here before I turn completely insane or kill someone !” Billie levait les yeux au ciel alors qu’elle s’approchait de la ridicule cellule dans laquelle se trouvait sa collègue. « It’s me you’re gonna kill Ben Ali. » Soufflait-elle en rajustant les larges manches sa blouse rose. « You look like shit, again. » ajoutait-elle alors que le policier ouvrait enfin la cellule pour la laisser sortir. « Is that blood on you head? What the fuck happened to you? » Lâchait-elle en plissant les yeux, avant de tourner le dos à Sana pour suivre le policier près d’un bureau non loin. Elle attrapait un stylo, survolant les documents que l’homme lui présentait pour les signer, avant d’être forcée de lui glisser quelques dollars. « Let’s get you out of here. » Annonçait-elle enfin en se retournant vers Sana, ou en tout cas ce qui ressemblait vaguement à celle qu’elle connaissait, l’attrapant par le bras pour la trainer vers la sortie du commissariat. Elle ouvrait sa voiture, la porte passager et aidait la brune à monter à bord du range rover. Elle rejoignait très vite le côté conducteur pour s’asseoir derrière le volant, sans pour autant démarrer, et se tournait vers le déchet humain qui se trouvait à côté d’elle avant d'annoncer, sévèrement: « I need details now. »

Tu trépignes. Impossible pour toi de rester en place. Tu n’avais probablement jamais été aussi heureuse de voir Billie qu’aujourd’hui, en cet instant précis. Et même si son visage à elle ne traduisait qu’épuisement et - possiblement - colère, … elle était là. Elle ne t’avait pas abandonnée. « It’s me you’re gonna kill Ben Ali. » Souffle-t-elle agacée. Tu grimaces à l’instar d’une gamine prise en flagrant délit de bêtise. Mais la petite moue ne suffirait pas à attendrir la texane. Pas cette fois, tu t’en doutais bien. « You look like shit, again. » Etrangement, plus que le désagréable commentaire, c’était ce petit ‘again’ qui venait te pincer. Tu avais, sans l’avouer, toujours fait attention. A ne pas trop montrer, à cacher, à gérer, à éviter les vagues. Mais pour l’instant, le contrôle semblait t’échapper et Billie faisait partie des spectateurs et témoins de premier rang. Elle, et Inès. “Fucking mexican air does not suit me well. Clearly.” Etait-ce sensé être de l’humour ? De l’ironie cynique ? Probablement. Mécanisme de défense automatique dont ta partenaire se serait bien passé, et tu le comprends aussitôt qu’elle te fusille du regard. Tu échappes à ces iris assassines lorsqu’enfin la porte de ta cellule s’ouvre. Tu t’en échappes aussitôt, bousculant l’officier en charge dans la précipitation. Hors de question que quelqu’un change d’avis. Te rangeant presque sagement du côté de Billie, cette dernière fronce les sourcils en apercevant ton visage de plus près. « Is that blood on you head? What the fuck happened to you? » Tu entrouvres les lèvres sans vraiment pouvoir t’exprimer. Tu portes une main sur le haut de ton front, te demandant à quoi le passage à l’hôpital avait bien pu servir, s’ils ne t’avaient même pas débarbouillée un peu … Bien sûr Sana ! Les infirmières et les médecins n’avaient que ta toilette en tête après votre arrivée remuée !! Soit …
Billie ne s’attarde pas, elle-même surement pressée de quitter les lieux. Tu la suis comme son ombre. Plus proche qu’à ton habitude, comme bercée par une peur que l’on ne t’arrache à elle pour te remettre en taule. Franchement, là tout de suite, tu aurais presque pu lui attraper la main pour être certaine qu’elle ne rentre pas sans toi. Thank God, le peu de dignité qu’il te reste, t’en empêche.

Tu ralentis le pas laissant Billie se rapprocher du bureau d’accueil et gérer les dernières paperasses administratives. Tu laisses ton corps lourd et épuisé s’écraser contre un mur en angle, épiant du coin de l’oeil ce qui semble s’y tramer. En fait, tu n’entends quasi rien et ta vue encore trop floue, ne te permets pas de distinguer quoi que ce soit de clair à cette distance pourtant correcte. Quelques minutes s’écoulent. Une éternité de plus selon ton point de vue. Et enfin Billie se retourne vers toi. Le ton et la mine sévère, sa voix claque comme un fouet : « Let’s get you out of here. » Au vu du temps et de tes gestes probablement trop lents ou incohérents au goût de ta partenaire, celle-ci fini par venir t’empoigner le bras elle-même afin de te tirer vers la sortie. “Hey ! That hurts !” Lâches-tu grimaçante, ne te rendant pas encore vraiment compte à quel point ton accident te laisserait une série d’ecchymoses et de courbatures impressionnantes le lendemain.

Plusieurs portes sont poussées, de grandes enjambées te pressent et te voilà dehors. Sur le parking du poste de police local. Le vent de cette nuit bien entamée est terriblement chaud. La couleur du ciel indique un jour qui ne devrait plus trop tarder à se lever. Tu inspires à plein poumons à la recherche d’une fraicheur non existante. Billie déverrouille le ranch Rover et t’aide à grimper côté passager. Une fois les deux portières refermées, et ce, sans délicatesse aucune, la texane installée au volant te somme : « I need details now. » Le silence enfin retrouvé ainsi que le confort du siège sous tes fesses et ton dos, te poussent à te laisser. Enfin. Ton corps se relâche un peu et tu pourrais presque sentir tes paupières vouloir se fermer, si l’adrénaline et certaines substances ne les tenaient pas encore bien ouvertes. “And I need my car ! Where the fuck is it ?” A la fourrière probablement. Mais tu aurais tout de même aimé observer l’étendue des dégâts toi-même. Te faire ton propre avis. C’était trop demander ? Oui, surement. Ton visage se chiffonne alors qu’une soudaine panique t’anime. “My stuff ! Did you get my stuff ? My papers. My badge, my gun. I had it all. On me. Or in the car. I don’t know but …” Tes mains tâtent à la hâte tes poches que tu sais pertinemment vides. La pointe de ton pied gauche se met à remuer frénétiquement faisant sautiller ton genoux. Merde. Merde. Merde. Cette fois, t’avais peut-être vraiment abusé … “I … I was not alone in the car. We had an accident. I have no idea where she is …” A l’hôpital surement. Mais aucun détail ne t’avait été donné. Ni sur son état, ni rien d’autre. De toute façon, tu n’aurais probablement rien compris. Entre l’espagnol et ton esprit embué, il aurait plutôt été miraculeux que quelconque information ne t’arrive au cerveau intacte.

“And I need my car ! Where the fuck is it ?” Billie levait les yeux au ciel. Le policier à l’intérieur avait su lui expliquer, dans un anglais hésitant, que la voiture de la brune était déjà en route vers la casse. Billie ne savait pas vraiment ce qu’il s’était passé, en dehors de ce que lui avait dit l’officier mexicain, elle n’avait pas de détail sur l’accident. « Peach, your car is dead. And so is my respect for you. » Soufflait-elle, marmonnant la dernière partie entre ses dents serrés alors que Sana paniquait à l’idée d’avoir perdu ses affaires. “My stuff ! Did you get my stuff ? My papers. My badge, my gun. I had it all. On me. Or in the car. I don’t know but …”  La blonde tirait de son sac à main, qu’elle avait posé sur ses genoux en rentrant dans la voiture, un sac en plastique transparent dans lequel se trouvait les effets personnels de sa collègue. « They coulant’t save the taylor swift album that was in your car but i think the rest is here. » lâchait-elle, froidement malgré la pointe d’humour.  “I … I was not alone in the car. We had an accident. I have no idea where she is …” Ses sourcils se redressaient en entendant ça, le policier mexicain ne lui avait rien dit à ce sujet. « wait so… you crashed your car with someone in it? You took the wheels while under influence and… » Elle préférait d’arrêtait là, échappant un long soupire, mécontente du comportement si irresponsable de sa collègue. « What the fuck is wrong with you Ben Ali. I swear it feels like you’re just asking to be thrown in jail. » lançait-elle avant d’enfin démarrer la voiture et d’enclencher la marche arrière pour quitter le parking. Elle roulait doucement jusqu’à rejoindre la route, déserte à cette heure du matin et d’enfin passer la seconde. Pendant un moment elle restait silencieuse, presque boudeuse, sortant de la ville. Tout allait à cent à l’heure dans son cerveau, elle repensait à tout les incidents similaires, au nombre de fois ou Sana était arrivé au boulot encore bourrée de la veille… Billie en avait assez de sauver les fesses de sa collègues, assez de faire comme si elle ne voyait pas ces pupilles dilatés par elle ne savait qu’elle substance. Sans dire un mot elle arrêtait la voiture sur le bas côté, alors qu’elles était déjà sortie de la ville et au milieu de nul part. Elle attrapait son téléphone portable, pianotant sur ce dernier pendant quelques minutes avant de mettre en route le tps pour non pas se rendre à l’adresse de Sana, mais ailleurs, dans un endroit toujours en Californie, mais pas à Los Angeles. un coin plus excentré, près de Palm Spring, au joli nom de Phoenix Rising Recovery Center. Puis toujours dans le plus grand silence, elle reprenait la route.

La panique t’envahi soudainement. Ton corps remue frénétiquement et tu questionnes Billie. Tu t’inquiètes pour ta voiture, tes affaires, la brune à tes côtés, … « Peach, your car is dead. And so is my respect for you. » Alors que la seconde partie de la phrase de Billie aurait pu te faire énormément de mal, cette fois, les mots glissent sur toi alors que tu ne les entends qu’à moitié. Et heureusement … Si Billie n’avait pas déjà verrouillé les portières, tu serais de nouveau sur tes jambes, dehors et à la veine recherche de ce que ta collègue sortait de son sac. A cette vision, tu te calmes et attrapes le tout d’un geste un peu brusque. Tu fouilles et, bien évidemment, ce qui a illicitement été trouvé sur toi lors de ta prise en charge, ne t’a pas été rendu. Tu grognes. Tu es persuadée que les flics se sont simplement servis et que ta cam n’a jamais fait le chemin la menant aux scellés … « They couln’t save the taylor swift album that was in your car but i think the rest is here. » Alors que tu t’affaires à ranger ton petit bordel à sa place dans tes poches, la phrase te fait froncer les sourcils. Tel un gosse qui boude avec sévérité, tu crachotes : “They can burn it for what it’s worth. It was Ines’s …” Et si t’étais là, dans ce merdier, à faire la conne outre-mesure, c’était bien de sa faute non ? Elle qui te rejetait, encore et encore à chaque pas de travers. Et bien cette fois, elle aurait de quoi se plaindre, pas vrai ? C’était petit Sana … très petit. Et surtout : Bullshit !! Au fond de toi, tu le savais pertinemment bien. Tu t’en voulais de lui faire traverser un enfer par ta faute. Mais c’était comme plus fort que toi. Cette simple pensée soudaine, son prénom, son visage qui traverse ton esprit, tout ça te fait mal. Quelque chose ne tourne pas rond chez toi et cette idée te donne juste envie d’avaler un verre de plus ou de t’anesthésier de quelconque façon.

La suite de tes aveux semble surprendre Billie. Et pas qu’un peu. Il semblerait que les agents de tout à l’heure ne lui ai pas évoqué tous les détails de l’aventure. « wait so… you crashed your car with someone in it? You took the wheel while under influence and… » Elle s’arrête. Son regard en dit long. Tout autant que le ton de sa voix ou le reste de son nonverbal. De ton côté, des flash te reviennent. De cette brune à tes côtés, de vos mains qui se baladent éhontément, de vos langues qui se cherchent et de la route qui défilent à toute allure. Ton attention n’était pas fixe, les contours de ta vision étaient flous. A croire que vous cherchiez l’accident. Tu avais eu une chance folle de ne percuter personne d’autre, de t’en sortir sur tes deux jambes. Mais pour ta conquête du week-end, c’était peut-être autre chose et tu n’en avais aucune idée … « What the fuck is wrong with you Ben Ali. I swear it feels like you’re just asking to be thrown in jail. » Ta mâchoire est crispée. Tout ton corps n’est qu’un muscle tendu et électrique. La voiture démarre enfin et tu ignores si tu allais pouvoir tenir tout le trajet, enfermée dans cette boite métallique. La première heure est en effet un enfer. Billie ne te décroche pas un mot et toi, non seulement tu n’arrives pas à dormir, mais tu n’as de cesse de remuer sur ton derrière. Lorsqu’enfin la voiture s’arrête à nouveau sur le bas-côté, tu ne te poses aucune question et ouvres la portière. “Oh yes, thank god” Debout dehors, tu inspires et expires longuement. Tu te plies en deux l’espace d’une seconde ou deux, comme pour tenter de faire disparaitre les quelques crampes d’estomac qui te rongent, et après un court instant de dégourdissement de jambes, Billie te fait signe de remonter. Non sans crainte de cette fin de trajet tu t’exécutes, sans avoir remarqué le petit manège de ta collègue.

Ce n’est que bien plus tard lorsque les directions empruntées ne font plus sens, que tu redresses le minois. “You took the wrong exit, Texas” Silence. Billie ne bouge pas d’un cil. “Hey, Billie, you’re getting us lost. Come on girl, wake up” Impassible et imperturbable, la blonde continue comme si de rien était. De ton côté, tu commences à perdre patience et l’excitation semble reprendre ses droits. “Silence treatment … really ?! Billie I’m serious ! I still know how to get around California. This is not how you get to L.A.” Ton corps se remets à remuer. L’idée de vous perdre, de faire un détour et de perdre du temps pourrait te rendre folle. Tu voulais rentrer et vite ! Sentant la nervosité t’atteindre à nouveau et probablement désireuse de mettre un terme à tes commentaires, ta partenaire finit trancher avec aplomb : “I perfectly know what I’m doing and where I’m going !” Son assurance te laisse pantoise. Soudain, un doute t’envahi et alors que tu n’avais pas encore vérifié, tu te concentres sur le GPS de la voiture. “What the fuck … ?!” Une adresse inconnue. Ton coeur s’accélère, soudain pris de panique. “Where do you take me ? Is this a joke ? Come on, talk to me !!” Mais Billie a retrouvé le silence. Tu en rages et tu commences à te poser beaucoup trop de questions pour l’esprit que tu possèdes actuellement. Tu aurais vite fait de devenir parano. Ayant quitté l’autoroute depuis un moment et au détour de petits chemins campagnards, une immense bâtisse se dessine. Ca pue. Ton ventre se tord d’avantage et la voiture fini par venir se stationner près de l’entrée, sur une des places prévues à cet effet. Ton nez, collé à la fenêtre, ton regard se visse sur l’imposante entrée et l’écriteau finement élaboré. “Phoenix Rising Recovery Center”. Ton coeur s’arrête ! Ta gorge se serre et lorsque tu te retournes vers ta coéquipière, ton regard effrayé croise le sien, cette fois plus désolé qu’autre chose. “No no no … Billie you can’t do that to me ….” La peur a pris la place de toute autre émotion. Ta voix est beaucoup plus basse, presque suppliante. Dans ton idée, tu ne survivrais pas à cette épreuve … "Please !"

Adresse entrée sur le gps, Billie faisait signe à Sana de remonter en voiture, et cette dernière s’exécutait, naïvement. Pendant une bonne partie du trajet, la brune ignorait encore que leur destination n’était celle qu’elle pensait. Puis bien vite, à l’approche de Palm Spring, Sana se réveillait enfin: “Hey, Billie, you’re getting us lost. Come on girl, wake up”” Billie restait silencieuse, un air un peu boudeur sur le visage alors qu’elle s’approchait de plus en plus du centre de désintoxe. Sana s’agitait un peu plus, poussant la blonde a sortir de son silence, lui assurant qu’elle savait où elle allait. Elle n’y était jamais aller mais les image sur google n’avait pas l’air mal, elle était certaine que sa collègue y passerait un très séjour… enfin quand elle aurait enfin passé la désagréable sensation de manque et les sueurs nocturnes.

La voiture s’arrêtait enfin sur une place de parking juste en face d’un panneau annonçant clairement la couleur: Phoenix Rising Recovery Center. C’était clair, elles n’étaient pas à disneyland et le ton de Sana changeait du tout au tout, passant de colérique à suppliante, tentant d’attendrir Billie. Pas de chance, aussi sympathique soit la texane, elle avait des années de formation sous le coude et n’était pas du genre à se faire amadouer par des supplications. Même venant d'une collègue et amie. « I’m doing this for you. You’re sick honey. You gotta get clean or you’re gonna lose everything. » Son regarde se voulait désolée, car au fond elle l’était, elle savait bien que ce n’était pas une décision facile qu’elle prenait, mais il fallait qu’elle la prenne pour Sana, sans quoi jamais la brune ne ferait ce premier pas. Elle allait y laisser sa santé, son couple et son boulot si elle continuait et Billie ne voulait pas la perdre. « It’s a great place, they’ve got some good reviews, there’s even a pool ! It’s Palm Spring it’s super fancy, some coachella kinda shit. And you don’t even have to pay for it, I’ll take care of everything. » Sana avait besoin d’aide et Billie n’était pas formé pour jouer les infirmières. Par contre elle pouvait être une bonne amie, voir même une très bonne amie et lui financer l’aide dont elle avait tant besoin. « We're gonna walk in there, you'e gonna sign some papers and have a great stay. Okay? »

Malgré une mine plus compatissante que tout à l’heure, Billie semble inflexible sur le sujet. Elle n’est pas ici par hasard et te le fait clairement comprendre « I’m doing this for you. You’re sick honey. You gotta get clean or you’re gonna lose everything. » C’est clair et précis. Cela faisait surement un moment que le sujet la tourmentait mais c’était aujourd’hui qu’elle agissait. De ton côté, ton ventre n’a de cesse de se tordre davantage. Tu comprends que le couperet est tombé. Qu’il n’y a pas de retour en arrière. Pourtant, tu tentes encore, envers et contre tout. “I’m fine. I really am. This is not necessary. I’ve had a rough couple of months, that’s all.” C’était peine perdue, mais tu n’arrives pas à lâcher. L’angoisse te dicte de te débattre. Elle te souffle à l’oreille que, ce centre, c’est la souffrance. Qu’accepter la défaite et la maladie, c’est tout perdre. Un comble sachant que c’est l’inverse qui t’attend. « It’s a great place, they’ve got some good reviews, there’s even a pool ! It’s Palm Spring it’s super fancy, some coachella kinda shit. And you don’t even have to pay for it, I’ll take care of everything. » Billie met toutes les chances de son côté pour t’aider à voir les choses autrement. Elle pousse les avantages du lieu sous ton nez. Elle te fait miroiter une merveilleuse retraite mais la crispation sur ton visage ne fléchit pas. Ta respiration est saccadée. “I’ll never be able to repay you for this. It’s too much. I … I’ve handled things my own way before, I can do it again. I promise. I’ll stop. No more shit, no alcool, no drugs, no nothing !” Tu gesticules sur ton siège de voiture. “You know I’m strong. You know it, right ?” Oui, la blonde le sait mais elle ne change pas d’avis pour autant. Tu sens l’émotion t’envahir et ton regard s’embuer. Cela devait être la première fois que Billie te voyait sur le point de pleurer. Et d’ailleurs, tu plonges la tête dans tes bras croisés et déposés sur le tableau de bord. Elle t’accorde quelques minutes avant de venir poser une main dans ton dos.« We're gonna walk in there, you're gonna sign some papers and have a great stay. Okay? » Tu te redresses doucement, renifles et essuies tes yeux d’un geste maladroit, mal à l’aise de te montrer si faible face à la texane. D’ailleurs, tu n’oses plus vraiment croiser son regard. Sans un mot de plus, tu finis par poser la main sur la portière et sortir. Une fois debout, dehors, tu souffles lourdement. Ton corps est frêle. Plus que d’habitude. Tu as déjà perdus quelques kilos depuis les dernières semaines de débauches mais, ce matin, à moitié en manque et au bord de craquer, tu as l’impression de trembler, que tes membres ne te soutiennent qu’à moitié. Cela dit, contre vent et marée, tu tentes une note d’humour, incapable de détruire toutes les forteresses qui t’entourent. "Better be some hot celeb’ in there. I’ll need distraction …” Tu tentes un sourire mais il a du mal à percer. Billie te rejoint et emprunte le chemin de terre menant à l’entrée. Tu la suis, lentement et juste avant de passer la double porte vitrée, tu attrapes le bras de la blonde, presque terrifiée : “What if I can’t do it ? What If I die alone here ? Uh ??” Ton esprit n'est plus capable de raison. Cela fait bien partie de la maladie. Ainsi, la question est bel et bien sérieuse dans ta tête et la soudaine peur de ne pas t’en sortir vient te frapper te plein fouet. Tu as besoin d’être rassurée, juste un peu. Mais tu as surtout besoin de professionnels. Et ces derniers se trouvent de l'autre côté de la porte. Billie te sauvait mais il était encore trop tôt pour que tu ne puisses en prendre conscience.

“Rough couple of months” C’était peu dire. Billie n’allait pas céder aussi facilement. Elle savait que Sana avait besoin d’aide et était assez réaliste pour se rendre compte que ni elle, ni ses proches étaient en mesure de lui apporter cette aide. “ I’ll never be able to repay you for this. It’s too much. I … I’ve handled things my own way before, I can do it again. I promise. I’ll stop. No more shit, no alcool, no drugs, no nothing ! You know I’m strong. You know it, right ? ” Billie échappait un court soupire. « i know Peach, i know. But you need some extra help this time. » C’était bien la première fois qu’elle voyait Sana au bord des larmes et très vite celle ci se cachait pour pleurer. Billie avait un pincement au coeur alors qu’elle venait gentiment poser une main dans le dos de la brune avant de lui proposer, même si elle n’avait pas le choix, de l’accompagner à l’intérieur. Sa coéquipière finit par se redresser et sortir du véhicule. Billie l’imite sans plus attendre, ne comptant pas la laisser ici, comme ça.  “ Better be some hot celeb’ in there. I’ll need distraction … ” Un sourire venait aussitôt étirer les lèvres de la blonde alors qu’elle claquait la portière derrière elle. «  I’ll need to know all about that! » plaisantait-elle en rejoignant Sana avant de s’avancer vers l’entrée du centre. “ What if I can’t do it ? What If I die alone here ? Uh ?? ” Billie secouait la tête. « You won’t die in here. It’s the safest place you could be at. They’re gonna take good care of you, make sure you eat and rest…. You’re gonna do great, I know it. You’re stronger than you know. » assurait-elle en poussant la porte, invitant Sana à rentrer. La décoration du hall d’entrée était épurée, ponctué de quelques plantes vertes. Billie s’avançait vers la jeune femme qui se trouvait à l’accueil. « Hi, I’ve sent you a quick email earlier, I’m here to drop miss Ben Ali. » La jeune femme hochait la tête, confirmant qu’elle avait bien reçu l’email. Elle esquissait un sourire à l’attention de Sana, avant de sortir un pamphlet et quelques feuilles de papiers et de les glisser sur le comptoir. « Here's all you need to know. Take your time to read everything. When you're ready I'll need you to sign these. » notait-elle en indiquant les deux feuilles qui accompagnaient le pamphlet. Billie attrapait les documents les tendant à Sana. «  Here, at least read this before saying no. »

“Extra help …” qu’avait dit Billie. Et ces mots tournaient déjà en boucle dans ton esprit pourtant embué. Tu n’avais jamais été du genre à demander de l’aide. Tu te démerdais. Seule. Et cela depuis toujours. Depuis même un âge où il aurait été bien plus normal que tu sois épaulée. Mais la vie était ainsi faite et cela n’avait pas été qu’un fardeau. Au fond, ce passé avait fait de toi une personne à la force d’esprit indéniable. Mais la vie s’était un peu acharnée. Ou tu t’étais épuisée. Ou un peu des deux. Quoi qu’il en soit, tu avais fini par glisser et chercher un appui là où le danger rodait. Le vice t’avait rattrapé et bien que l’instant soit terriblement désagréable et empli de honte, tu savais que la présence de Billie à tes côtés était une chance unique. Au fond, tu n’avais pas grand monde autour de toi. Pas grand monde pour prendre réellement soin de toi, voir les choses telles qu’elles étaient et te pousser à te reprendre en main. Pas grand monde, sauf Billie ! Et Dieu savait à quel point son caractère lui donnait la force nécessaire pour dompter ta tête de mule.

Sur une dernière note d’humour, et après lui avoir promis de la tenir informée du moindre potin croustillant, tu emboites le pas de la blonde. La peur t’envahi enfin. La vrai. La sérieuse angoisse. Impossible de la masquer. Pas cette fois. A nouveau, Billie est là. Rassurante. Du mieux qu’elle puisse. « You won’t die in here. It’s the safest place you could be at. They’re gonna take good care of you, make sure you eat and rest…. You’re gonna do great, I know it. You’re stronger than you know. » Tu écoutes, tu hoches et tentes de contrôler ta respiration. Tu n’es pas encore convainque mais faire confiance est tout ce qu’il te reste.

Une fois à l’intérieur, ton regard glisse sur tout ce qui t’entoure. De la peinture sobre au mur, aux cruches d’eau, en passant par la couleur des fauteuils et au sourire indescriptible de la réceptionniste. Tu sembles sonder l’endroit à la recherche d’un détail mais toi-même ignore lequel. Billie rejoint l’accueil, échange avec la rouquine quelques instants avant de revenir vers toi. Vous vous installez dans un petit divan 2 places dans un coin. «  Here, at least read this before saying no. » Tu attrapes les documents et tout semble tout d’un coup, beaucoup plus réel. Ta jambe droite se remet à frétiller, cognant à chaque fois ta bottine contre le pied de la table basse au passage. Tu te mords la lèvre inférieure. Celle-ci déjà fragilisée fini par se fendre. Merde. Tu essuies une petite goutte de sang du bout de ta langue et soupires en feuilletant les papiers. Tu lis mais tu n’es pas en état de tout comprendre. Certaines info te passent au dessus de la tête. Tu es épuisée de ta nuit, en manque, et le regard que Billie te porte est assez clair : tu ne rentrerais pas à L.A. tout de suite. Tu étais au pied du mur. D’accord ou non, tu allais signer. Là tout de suite, la simple idée de pouvoir t’allonger sur un lit est suffisante pour te convaincre. Tu attrapes le stylo et paraphes chaque feuille avant d’apposer ta signature complète en dernière page. Tu jettes le tout sur la table basse et laisses ton dos venir s’appuyer contre le dossier du divan. Tu plantes un instant tes pupilles au plafond. “8 weeks …” Probablement les plus longues 8 semaines de ta vie. Tu te redresses et plonges ton regard dans celui de Billie. “Can you … tell Ines about this ?” Ta voix est hésitante. “I mean, at least so she knows I’m not dead in a ditch.” Tu hausses les épaules avant d’ajouter “Even if she probably would prefer that idea but …” Nouveau soupire, nouveau haussement d’épaules et cette fois tu es debout sur tes deux jambes, agitée mais prête. Tu attrapes les papiers, rejoins l’accueil et tends le tout à la réceptionniste dont tu peux lire le prénom sur un petit pins accroché à sa chemise. “I guess this is for you, Edith.” Tu lui décroches un petit sourire franchement forcé avant de rejoindre Billie et de la prendre dans tes bras. Une longue accolade sincère. Silencieuse. Il n’y avait plus grand chose à dire. Lorsqu’enfin tu te détaches, tu sens ta gorge se serrer à nouveau. Mais tu ne pleurerais pas deux fois devant elle. “Thanks Texas …” Edith a quitté son comptoir et semble prête à t’accompagner dans l’enceinte. Tu t’éloignes de ta partenaire à contre coeur et comme un stupide réflexe voulant dissiper le trop plein d’émotion, tu termines sur une pointe d’humour : “Please Fedex me some panties …” Tu lâches un petit rire que tu sais plus triste que sincère. Tu clignes et lèves la main droite en signe d’au revoir. Tu abandonnes la blonde dans le hall d’entrée, jalousant déjà sa capacité à quitter les lieux. De ton côté, ton sourire à totalement disparu, ton regard rase le sol et tu n’attends qu’une chose : pouvoir te mettre en boule sous une couette et qu’on te foute la paix.