fatal attraction (kezai 13)

Cette escapade au parc de Yosémite était comme un rêve éveillé. Je me suis souvent demandé ce que je pouvais faire pour la surprendre autant que lui faire plaisir, et je crois qu’avec un peu de recul, je ne m’en sors pas si mal à cet exercice. Chaque fois que je repense à ces instants avec elle, cette première nuit dans la tente de toit, et même la seconde, c’est juste comme dans un rêve. Le retour à la réalité est un peu difficile, je vis toujours chez ma mère - enfin entre sa maison et celle de Lise chez qui elle vit désormais - et Kezia vit toujours chez mon père. Quand je m’endors seule dans ma chambre, je laisse mon inconscient imaginer ce que pourrait être ma vie avec Kezia, juste elle et moi dans un appartement, à vivre comme un couple. Mais chaque fois que j’en viens à cette image, le tableau se noircit comme si mon peintre intérieur avait eu une pulsion aussi dépressive que diabolique. Un voile sombre s’abat sur mes pensées et je n’arrive pas à assumer publiquement ce que je ressens, et ce que je vis avec elle. Lorsque nous sommes toutes les deux, c’est comme dans un rêve, mais une fois sorties de notre bulle c’est la réalité qui refait surface et qui m’agresse de toutes ces craintes. J’ai peur. Peur d’être jugée, peur d’assumer, peur qu’on me regarde autrement, qu’on me ferme les portes du métier que j’ai choisi, juste parce que je suis amoureuse d’une autre fille. Ok, et que cette fille c’est ma demi-soeur. Enfin, pas réellement si on creuse bien. Elle est juste la fille de la nouvelle femme de mon père, et nous n’avons aucun lien sanguin. Je me raccroche à ça comme je peux, même si ce n’est pas suffisant.
Mais le manque d’elle se fait trop pressant, trop important. Alors quand mon père me propose de venir dîner ce soir pour fêter sa rémission complète, je saute sur l’occasion. Fêter cette bonne nouvelle avec lui, et passer du temps avec Kezia, ça ne pouvait que me ravir. Lorsque je sonne à la porte, c’est ma belle-mère qui ouvre, et je la gratifie d’une accolade sincère et chaleureuse. « Bonsoir tout le monde, j’ai ramené le dessert ! » Pas fait main, je suis pas assez douée, mais je me suis dit qu’une galette des rois serait de circonstance. « Et j’ai décidé que peu importe qui aurait la fève, elle reviendrait à papa, parce que c’est lui notre roi ! » Joviale, je cours presque dans les bras de mon père et le laisse me serrer contre lui. Un instant, je redeviens cette enfant aussi forte que fragile, lovée dans les bras de l’homme de sa vie. Et cet adage est d’autant plus vrai aujourd’hui, que je suis amoureuse d’une femme. Kezia se montre et je lui adresse un large sourire avant de m’approcher d’elle pour la serrer contre moi comme je l’ai fait avec les autres membres de ma famille. A l’exception près de mon nez qui frôle un peu son cou, tout en respirant son odeur que j’aime tant. « Tu m’as manquée… » avoue un murmure au creux de son oreille.

Tout simplement magique. Voilà comment résumer en quelques mots l’escapade amoureuse que nous avons vécu à Yosemite. Comme notre précédent séjour à Bali, mais à un niveau supérieur encore. Je n’aurais jamais imaginé que ce soit possible d’ailleurs. Et pourtant, je crois que je n’ai jamais été aussi heureuse de toute ma vie. Mais ce n’est pas difficile à comprendre. Elle et moi, seules au monde. Dans cette bulle qui n’appartient qu’à nous. Pendant ces quelques jours loin de tout, Kai a vraiment été aux petits soins avec moi enchaînant les démonstrations et les surprises. Elle a réussi à me faire tout oublier, et bien plus encore. Je me suis même autorisée à rêver. Rêver à un « nous » et à la possibilité d’un avenir commun. A une véritable vie partagée ensemble. Elle et moi, comme un couple. Quand je repense aux événements passés, j’ai toujours un peu de mal à croire que tout ceci soit réel. Tout ce qu’on a vécu depuis notre rencontre, les hauts, mais surtout les bas. Pourtant, dans mon cœur, ça a toujours été une évidence. Mais jusqu’à maintenant, je n’avais encore jamais osé espérer quelque chose de concret. Avec le recul, je pense que mon cerveau se mettait ses propres barrières. Comme pour se protéger inconsciemment du mal que cette relation pourrait me faire. Mes sentiments enfouis au plus profond de mon cœur pour ne pas souffrir. Parce que la réalité du quotidien est toute autre, et elle finit malheureusement toujours par nous rattraper... si seulement c’était plus simple. Nos vies respectives reprennent alors son cours, chacune de notre côté. Et le manque est de plus en plus difficile à supporter. Ce soir, mon beau-père a voulu organiser un repas en famille pour fêter sa rémission. Cette bonne nouvelle a été un soulagement pour tout le monde, et je suis contente de pouvoir marquer le coup. D'autant plus de passer du temps avec Kai aussi, forcément. D'ailleurs je ne peux m'empêcher de sourire un peu bêtement lorsque j'entends sa voix dans l'entrée. « Bonsoir tout le monde, j’ai ramené le dessert ! » Je finis de tartiner le toast d'apéritif que j'avais commencé, avant d'aller l'accueillir dans la pièce de vie. « Et j’ai décidé que peu importe qui aurait la fève, elle reviendrait à papa, parce que c’est lui notre roi ! » C'est effectivement lui le roi de la soirée, et de notre vie aussi. En tout cas il est bien entourée avec toutes ses femmes rien que pour lui. « Tu m’as manquée… » Kai vient me serrer dans ses bras alors que j'ai déjà envie de me fondre sur ses lèvres. C'est difficile de rester de marbre quand elle est dans les parages. « Toi aussi tu m'as manquée... » Ma main vient se loger dans le bas de son dos pour attirer son corps un peu plus près du mien. Ça va, c'est un geste discret. Et puis... rien de choquant en soit, on a toujours été très tactiles toutes les deux. Même avant qu'il ne se passe quoi que ce soit. J'en profite pour lui glisser quelques mots à l'oreille avant qu'elle ne prenne ses distances. « Et mon dessert à moi, t'y as pensé ? » Je lui souris, le plus innocemment du monde. « Tu viens m'aider ? » Demandais-je en désignant la cuisine d'un signe de tête. « C'est nous qui nous occupons du service ce soir. » Ma mère a cuisiné presque toute la journée, et maintenant, j'ai envie qu'elle mette les pieds sous la table. Il est évidemment que mon beau-père ne doit rien faire non plus, c'est sa soirée.

Je suis hyper excitée de cette soirée, déjà parce qu’on fête une nouvelle merveilleuse, et aussi parce que je vais retrouver Kezia. Ça fait presque une semaine qu’on s’est pas vues et le temps m’a paru infiniment long. On s’est appelées, envoyé une tonne de sms, mais pouvoir la serrer contre moi, sentir son odeur, c’est encore autre chose. Je me suis dit quelques fois cette semaine que je pourrai revenir vivre ici, pour être tout près d’elle, mais c’est dangereux. Et puis j’aime mon indépendance chez ma mère, surtout depuis qu’elle habite chez Lise, la plupart du temps. Note à moi-même, inviter Kezia chez ma mère/chez moi le plus vite possible, histoire qu’on ait du temps juste toutes les deux. Cette simple idée me donne un coup de chaud quand je pense à tout ce qu’on pourrait faire. Et la main de ma demi-soeur au creux de mes reins ne m’aide pas du tout. J’ai affreusement chaud. « Et mon dessert à moi, t'y as pensé ? » Je laisse échapper un petit rire amusé, et lorsque je plonge mon regard dans le sien une fois à distance raisonnable, je me rends compte de tout ce qui peut se passer à travers ce dernier. Sans compter que je le laisse glisser sur les lèvres de Kezia un court instant, avant de me mordre la lèvre inférieure. Ça commence bien. « Tu viens m'aider ? C'est nous qui nous occupons du service ce soir. » Je retrouve ma belle-mère dans la cuisine où j’ai suivi Kezia, tout en hochant la tête. « Ça me va ! » Je prends la mère de Kezia dans mes bras un instant et lui dis. « Allez, va t’installer avec papa dans le salon, servez-vous un truc à boire, on arrive avec le reste. » Tu parles, j’ai qu’une envie, me retrouver seule avec ma demi-soeur. Je vérifie que belle-maman est bien parti dans le salon, et je les entends discuter. Le bruit des bouteilles et des verres en fond sonore, je plaque Kezia contre le plan de travail, à l’abris des regards, et viens l’embrasser sans un bruit, mes mains retrouvant leur place sur son corps. Une onde de choc me saisit, y’a vraiment qu’elle pour me faire ressentir ça. « Faut que t’arrêtes d’être aussi belle… » que je lui murmure avec un petit sourire en coin avant de me séparer d’elle pour tenter de reprendre mes esprits et ne pas éveiller les soupçons. On finit ensemble et complices, de tartiner les toasts avant de rejoindre le salon où se trouvent nos parents. L’apéritif se passe très bien, dans la bonne humeur, on leur raconte notre week end à Yosemite, je leur montre quelques photos - heureusement j’avais pris soin de sauvegarder les plus compromettantes sur mon ordi avant de les supprimer de mon téléphone - et on passe à table. L’air de rien je glisse mon pied le long de la jambe de Kezia qui se trouve à côté de moi, et pendant que nos parents partent dans un débat sur un de leur ami qui se serait fait embrigader par une sorte de secte, je glisse ma main sur la cuisse de ma demi-soeur, et me penche pour glisser à son oreille. « J’ai envie de toi… » Je sais, c’est dangereux, mais c’est foutrement excitant.

J'ai toujours l'impression que les jours défilent à une vitesse d'escargot quand je ne suis pas avec elle. Genre que ça fait une éternité que je l'ai pas vu. Même si ça ne fait qu'une petite semaine en soit. Mais ouais, c'est comme si ça faisait des mois. En réalité, elle me manque tout le temps. Encore plus depuis notre séjour à Yosemite, et tout ce qu'on a pu partager là-bas. J'en ai des frissons rien que d'y repenser. C'est une certitude maintenant ; je suis devenue dépendante d'elle. Mais c'est dur aussi. Parce qu'on ne peut pas profiter pleinement des sentiments que nous éprouvons l'une pour l'autre. Ni au grand jour, et encore moins devant notre famille. Ça réduit forcément les laps de temps où nous pouvons en profiter. Seul point positif dans cette histoire ? Nos retrouvailles. J'ai l'impression qu'elles sont à chaque fois encore meilleures. Ça, je ne vais pas m'en plaindre. Bien que ça me donne envie d'en vouloir toujours plus encore. C'est un cercle vicieux ces conneries. « Ça me va ! » Elle me suit dans la cuisine et propose à ma mère d'aller s'installer dans le salon avec mon père pour l'apéro. A présent seules, nos corps sont comme aimantés l'un à l'autre. Mes lèvres retrouvent le chemin des siennes, et c'est un énorme soulagement. Elle est un peu comme mon addiction. Je ne peux pas me passer d'elle, de ses baisers, de ses mains sur ma peau. « Faut que t’arrêtes d’être aussi belle… » Je souris bêtement contre ses lèvres, lui volant un baiser dans son cou. « Et toi alors, on en parle ? » Nous profitons de quelques minutes hors du temps avant de reprendre nos distances pour ne pas se faire griller. Cette situation a quand même un côté excitant, je dois bien le reconnaitre. Même si ces moments volés avec elle sont bien trop courts pour m'en contenter. Une fois les préparatifs de l'apéro terminé, nous rejoignons nos parents sur le canapé du salon. Ça nous met tellement de baume au coeur de voir mon beau-père aussi rayonnant que l'ambiance ne peut qu'être agréable. Il a traversé une période difficile, ma mère et nous aussi par la même occasion, et le soulagement de sa rémission ne pouvait pas mieux tomber. Il est désormais temps de passer à table. Kai est à côté de moi, nos parents installés en face, et elle en profite pour jouer un peu avec le feu. Avec son pied que je sens glisser le long de ma jambe, puis sa main qui se pose sur ma cuisse. Mon corps se raidit instantanément à ce contact. « J’ai envie de toi… » Je me mords la lèvre inférieure, essayant de contenir toutes les émotions qui se bousculent déjà dans mon corps tout entier. Avec elle, l'effet est immédiat. Mon dieu... ça va être tellement dur de me contenir si elle joue à ça. Je lui fais les gros yeux en murmurant tout bas. « C'est cruel ce que tu es en train de faire. » Elle a pas le droit, on est d'accord ? J'essaye de rester de marbre, mais la tâche s'avère compliquée. Je tente de me venger un peu, posant à mon tour ma main sur sa cuisse, attirée inconsciemment par une zone plus précise encore. Je plante mon regard dans le sien dans un air de défi. Même si je ne devrais pas vraiment jouer à ça avec elle. De quoi ils sont en train de parler au juste ? Je suis complètement déconnectée de la réalité, obnubilée par ma demi-sœur. Finalement, je me lève de table cherchant n'importe quelle excuse bidon pour reprendre mes esprits. « Je vais chercher une autre bouteille. » Mon beau-père me dit d'aller récupérer un vin en particulier dans la cave, pour l'occasion. Parfait. Mon regard croise alors celui de Kai, et... je sais exactement à quoi elle pense. Mais non, c'est trop risqué. Je secoue la tête de gauche à droite pour lui faire comprendre.

Je ne peux pas m’en empêcher, j’essaie pourtant, je vous assure. Ou plutôt j’essaie de me rassurer moi-même. Mais il y a quelque chose qui m’empêche de me tenir loin d’elle, pourtant je sais que c’est dangereux, que nos parents pourraient nous surprendre. Pourtant, mon corps est aimanté au sien, et c’est comme si je ne pouvais rien contrôler. Une fois à table, je continue de jouer avec Kezia, faisant monter la température entre nous, et le rose à ses joues. Elle est tellement belle. Chaque fois que je la vois rougir, je l’imagine frémir sous mes doigts, sous la chaleur de nos moments seules elle et moi. « C'est cruel ce que tu es en train de faire. » me dit-elle en me regardant, tentant de jouer la carte de la remontrance, mais ça ne marche pas, si bien que ma main remonte le long de sa cuisse. A son tour, elle en fait de même, et je ne peux réprimer un sourire, mon regard ancré au sien. La chaleur monte en flèche, j’adore ce jeu autant que je le déteste. Avant qu’on arrive au point de non-retour, Kezia finit par se lever d’un bond, comme un diable sortirait de sa boîte. « Je vais chercher une autre bouteille. » Mon regard ne la quitte que lorsque mon père la somme de récupérer un vin en particulier dans la cave. C’est son préféré, je sais qu’il en a quelques bouteilles quelque part, un vin hors de prix qu’il ne réserve que pour les grandes occasions. Comme aujourd’hui.
Kai comprend immédiatement ce qui me passe par la tête et je la vois déjà secouer la sienne comme pour m’en dissuader. « Je viens avec toi. A deux on devrait trouver plus vite. Parce que y’a une sacré collec’ en bas ! » Je regarde mon père en riant, complice, alors qu’il m’adresse un clin d’oeil. Personne ne voit rien, c’est parfait. Je suis Kezia jusqu’à la cuisine, puis le garage par lequel se trouve l’accès à la cave. Une fois la lumière allumée, nous descendons toutes les deux. Une fois en bas, je l’attrape par la taille pour la rapprocher de moi et l’embrasse sans plus tarder. « Il fait un froid horrible ici. On pourrait réchauffer la pièce de quelques degrés si on voulait… » Déjà mes baisers cherchent la chaleur de son cou, alors que mes doigts se faufilent sous son haut, se glissant dans son dos. Mon souffle est déjà plus court, je suis totalement inconsciente, mais je m’en fous. J’ai besoin de la sentir contre moi, l’embrasser, ne faire qu’un avec elle. Je la pousse jusqu’au frigo un peu plus loin, le souffle haletant. « Si on fait vite, personne se doutera de rien. » Et déjà, mes doigts déboutonnent son jean…

On est en train de jouer avec le feu, et pourtant, je ne fais rien pour l'en arrêter. Il y a une petite part de raison à l'intérieur de moi qui essaye malgré tout de se faire entendre. Mais le coeur, l'envie même, reprennent très vite le dessus lorsque celle-ci tente de pointer le bout de son nez. Je suis faible. Parce qu'il suffit à Kai de me murmurer quelques mots à l'oreille pour que je rende définitivement les armes. Ne parlons même pas de sa main qui se fraye un chemin un peu plus haut sur ma cuisse. Nos parents sont juste là, devant nous, à table, et les risques de se faire prendre augmentent au fur et à mesure que les secondes défilent. Mais c'est sans doute ce qui rend le tout encore plus excitant. Ouais... si je raisonne comme ça, je ne vais pas m'en sortir. Comment suis-je censée lui résister quand elle me regarde du coin de l'oeil comme ça aussi ? Finalement, je décide de fuir pour reprendre un peu contenance. Mais ce n'est peut-être pas la meilleure idée qui soit. « Je viens avec toi. A deux on devrait trouver plus vite. Parce que y’a une sacré collec’ en bas ! » Nous descendons toutes les deux jusqu'à la cave. Une fois en bas, Kai m'attrape déjà par la taille pour m'attirer à elle. Le regard qu'elle pose sur moi en dit suffisamment long sur ses intentions. « Il fait un froid horrible ici. On pourrait réchauffer la pièce de quelques degrés si on voulait… » C'est vrai qu'il fait un peu froid. Mais pour le coup, là, tout de suite, je ne pense absolument pas à ça. « Vraiment ? » Elle me cherche encore ou est-elle réellement sérieuse ? Ses lèvres se fondent dans mon cou en guise de réponse alors que je sens déjà ses mains se faufiler à même ma peau, faisant immédiatement réagir mon épiderme. « Si on fait vite, personne se doutera de rien. » Mais vraiment ? Là, comme ça ? J'ai même pas le temps de m'opposer à cette idée que Kai commence déjà à déboutonner mon jean. Je sais pas ce qui nous prend, mais de toute évidence, nous sommes toutes les deux incapables de résister à la tentation. Nos corps sont attirés comme des aimants, comme s'ils étaient dépendants l'un de l'autre. Et en réalité, c'est ça. Je ne peux plus me passer d'elle. « Kai... » Que je murmure d'entre mes lèvres entre deux baisers. Je viens à mon tour ouvrir un peu son pantalon pour glisser ma main directement sous le tissu de son sous-vêtement comme elle vient justement de le faire. Retrouver le contact de son intimité est une bénédiction. Et pouvoir calquer mon plaisir sur le sien est juste une sensation divine. A cet instant, je suis déjà loin. Complètement ailleurs. Je me focalise uniquement sur nos assauts respectifs, sur le même rythme, provoquant chez moi quelques gémissements incontrôlables. Le reste n'a plus aucune importance. Qu'on soit dans la cave ou que nos parents nous attendent à l'étage.

Je sais pas trop ce qui me prend, j’ai juste envie d’être avec elle, contre elle. C’est incontrôlable. Si bien que quand elle propose de descendre chercher une autre bouteille de vin à la cave, je ressens l’envie puissante de la suivre, juste pour avoir un moment d’intimité, juste elle et moi. Je prétexte un bobard et descends avec elle. Bien vite, nos corps se retrouvent, s’enlacent, se cherchent. J’ai envie d’elle, et je le lui fais savoir. Ce n’est pas une grande surprise vu la dynamique de ce début de soirée, depuis que je suis arrivée. Sans attendre, ma main glisse dans son pantalon, et elle en fait de même. Je soupire, l’embrasse à perdre haleine, j’ai juste envie autant que besoin de la sentir contre moi. Entendre ses soupirs, ou quand elle prononce mon prénom comme elle le fait maintenant. Je connais son corps, je sais exactement ce qui lui fait plaisir, et si on se démerde bien, on peut arriver vite au climax du plaisir sans que nos parents n’aient le moindre soupçon. Je tente de réguler ma respiration, ne pas me faire trop entendre même quand elle me donne un plaisir infini.
Nous arrivons ensemble au point culminant de notre désir, pour laisse finalement la tension retomber. C’est comme un shot de drogue, d’adrénaline, j’en avais besoin, et j’ai bien senti qu’elle n’était pas réticente, au contraire. « Si tu savais comme je t’aime… » J’attrape sa lèvre inférieure entre mes dents doucement, glissant sur cette dernière ma langue, avant de reboutonner mon propre jean. « Faut pas qu’on traîne. » Je lui souris, l’embrasse une dernière fois et récupère une bouteille comme celle que nos parents ont bu en début de soirée. Je connais la réserve de mon père assez bien, et surtout sa manière de ranger ses grands crus.
Nous prenons le chemin inverse pour remonter en direction du salon. Avant de passer la porte qui mène au garage, j’embrasse Kezia à nouveau, comme pour prendre ma dose avant d’en être privée un certain temps. Mais je ne m’attendais pas à ce que la porte s’ouvre, me faisant sursauter. J’en lâche la bouteille qui s’éclate à mes pieds dans l’escalier. Bordel de merde. Je tourne la tête vers ma belle-mère qui nous regarde tour à tour, silencieuse. Est-ce qu’elle a vu ? Evidemment qu’elle a vu. Papa va me détester d’avoir flingué une bonne bouteille, et on va passer un sale quart d’heure. « Je trouvais bizarre que vous mettiez si longtemps pour une bouteille de vin.. » Mon coeur bat à tout rompre, j’ose même pas regarder Kezia qui semble elle aussi paralysée. « Je… je vais chercher de quoi nettoyer. » J’ai qu’une envie : fuir. C’est de ma faute tout ça, si on s’est fait pincer, si j’ai tué la bouteille de vin. Je ne pensais pas que cette soirée allait se poursuivre de cette façon.

Bien que trop court, ce moment d'intimité volé n'en est pas moins intense pour autant. Au contraire. Je dois avouer que c'est plutôt excitant comme situation. Pourtant ça n'a rien de glamour en soit que de se retrouver toutes les deux au fond d'une cave. Mais justement. C'est le fait de devoir se cacher au risque de se faire prendre qui est grisant. C'est bien connu, le côté interdit a quelque chose d'attirant. Kai connait mon corps à la perfection et sait exactement quoi faire pour me faire grimper au septième ciel en un temps record. Et la satisfaction d'y arriver ensemble est un véritable délice. Mon dieu, ce qu'elle m'avait manqué. Comme une drogue à laquelle je ne peux m'empêcher de me shooter. Encore et encore. Sur le coup, je plaide totalement coupable. « Si tu savais comme je t’aime… » Un sourire béat s'installe sur mon visage. Je ne pourrais jamais me passer de l'entendre le dire. « Faut pas qu’on traîne. » J'ai perdu la notion du temps, et pour être honnête je ne sais même pas depuis combien de temps on est en bas. Je reboutonne mon jean à mon tour, essayant tant bien que mal de me remettre de ces émotions pour ne rien laisser paraitre. « La bouteille ! » Avec un peu de chance, on allait l'oublier celle-là. J'imagine bien la tête de nos parents en nous voyant revenir les mains vides. L'angoisse. Kai s'empare alors de l'une d'entre elles avant de remonter dans les escaliers. Arrivées juste derrière la porte, la blonde s'empare à nouveau de mes lèvres pour mon plus grand plaisir. Mais la porte s'ouvre brusquement dans un grand fracas, la bouteille gisant sur le sol. Mon corps se fige lorsque je croise alors le regard de ma mère. Putain. Là, franchement, je sais plus où me mettre. Si j'avais pu creuser un trou pour m'y engouffrer, ça serait déjà fait. « Je trouvais bizarre que vous mettiez si longtemps pour une bouteille de vin.. » Ok, si j'avais un semblant de doute, maintenant, j'en ai plus. Je connais ma mère sur le bout des doigts et son regard en dit long sur ce qu'elle vient de voir. « Maman... » C'est tout ce que j'arrive à articuler à cet instant comme paralysée. « Je… je vais chercher de quoi nettoyer. » Kai s'éclipse aussi sec, et je me retrouve toute seule face à ma mère ne sachant pas vraiment quoi dire pour ma défense. « Je... c'est pas vraiment ce que tu crois. » Tout ça pour dire ça ? Bel effort. Bien sur que c'est exactement ce qu'elle croit. Elle nous a vu nous embrasser quand même. C'est débile de croire une seule seconde que je vais pouvoir m'en tirer comme ça. Mon beau-père ne tarde pas à arriver derrière elle, affolé. « Mais qu'est-ce qu'il se passe ici ? » Son regard vient fixer la bouteille au sol alors que Kai refait son apparition avec une serpillère à la main. A l'aide. « Je crois qu'il faut qu'on parle. » Elle nous regarde tour à tour avant de tourner la tête vers mon beau-père. « Tous les quatre. » Qu'elle rajoute pour couronner le tout. Si j'espérais pouvoir m'expliquer auprès de ma mère en tête à tête, c'est raté. Qu'est-ce qu'on va bien pouvoir leur dire après ça ? La vérité ? Je ne suis pas certaine que ça soit sans conséquences...

Merde merde merde merde. Je fuis, j’ai que ça à faire. Le temps d’aller chercher la pelle la balayette et la serpillère, je tourne et retourne tout dans ma tête, cherchant une excuse à peu près plausible à servir à ma belle-mère. Mais rien ne vient. Elle nous a vues bouche contre bouche, qu’est-ce qu’on pourrait servir comme excuse ? Rien du tout. C’est mort, on est grillées. A trop vouloir jouer, on a perdu. Je tremble presque de nervosité, parce que je sais que je vais passer, qu’on va passer un sale quart d’heure. Je reviens vers la porte de la cave pour nettoyer, et je vois que papa est là lui aussi. Merde et re merde. « Je crois qu'il faut qu'on parle. Tous les quatre. » Bord-del-de-merde. Je croise à peine le regard de Kezia, mon coeur bat à tout rompre, j’ai l’impression d’être un putain de cabot qui vient de faire une connerie, et qui se retrouve la queue entre les pattes. Je tente un nettoyage en silence, pendant que j’entends mon père râler pour sa bouteille. S’il savait à quel point je suis désolée. J’ai presque envie de chialer tellement je flippe, je me sens vraiment comme une gosse. Une fois nettoyé, on se retrouve au salon tous les quatre. J’ai même pas envie de m’asseoir, je reste debout, les bras croisés contre ma poitrine, le regard fuyant. « Bon quelqu’un va me dire ce qu’il se passe une bonne fois pour toutes ? Si c’est pour la bouteille, c’est pas grave. Ce n’est que du vin. » « Non, il y a autre chose qu’elles voudraient te dire. Nous dire. » ajoute ma belle-mère, faisant s’accélérer mon coeur. Je regarde Kezia qui semble paralysée par la peur, et je lâche un soupir. De toute manière, on a pas le choix. « Kezia et moi on s’est embrassées voilà c’est tout on va pas en faire tout un plat. C’était juste comme ça, ça veut rien dire. » Bah voyons. Qui gobera ça hein ? Pas moi en tout cas. Et je sens directement mon coeur se serrer en prononçant ces mots. Pourtant, ce n’est rien comparé à l’instant où je croise le regard à la vois indigné et profondément blessé de ma demi-soeur. Je secoue la tête. Je me suis promis de tout faire pour ne plus jamais la rendre malheureuse, et c’est carrément pas ce que je suis en train de faire. Je soupire et décroise mes bras, passant mes mains dans mes cheveux. « Ok c’est faux. Ça veut pas rien dire. Je suis amoureuse d’elle. J’ai rien vu venir, mais c’est comme ça. » Voilà, il était temps de porter ses ovaires. Mon père me regarde avec des yeux de merlan fris. Je le revoir le jour où je lui ai tout balancé pour maman, que je l’avais vue nue sur le divan avec une femme blonde. Pitié Kez, dis quelque chose…

Ça y est, c'est foutu. Ma mère nous a surprise en train de nous embrasser, comment allons-nous bien pouvoir justifier ça ? Il n'y a aucune raison crédible qui pourrait justifier un tel geste de notre part. Enfin aucune... sauf une, la vérité. Et tout ce qui nous lie depuis déjà si longtemps. Parce que ce baiser n'est pas un simple baiser volé pour rigoler. Non, c'est bien plus profond que ça. Même si nous avons passé une éternité à se voiler la face l'une comme l'autre. Surtout Kai d'ailleurs. Pour ma part, j'ai toujours su réellement ce qui se tramait dans mon coeur. Les émotions intenses que ma demi-soeur provoque chez moi, les sentiments enflammés et les papillons dans le ventre. Mais c'est le drame maintenant. De nouveau installés tous les quatre au salon, le silence est horriblement pesant. Je suis incapable de regarder ma mère dans les yeux. Encore moins Kai, de peur que nos regards continuent de nous trahir. Même si à mon avis le mal est déjà fait. Je connais ma mère par coeur, et je sais qu'elle a compris dès l'instant où elle a croisé mon regard tout à l'heure. Je ne sais pas mentir, c'est pas nouveau. Et encore moins face à elle. « Bon quelqu’un va me dire ce qu’il se passe une bonne fois pour toutes ? Si c’est pour la bouteille, c’est pas grave. Ce n’est que du vin. » Si seulement c'était que pour la bouteille... « Non, il y a autre chose qu’elles voudraient te dire. Nous dire. » Je me fige sur mon fauteuil comme paralysée, incapable de prononcer quoi que ce soit. En réalité je ne sais même pas quoi dire. « Kezia et moi on s’est embrassées voilà c’est tout on va pas en faire tout un plat. C’était juste comme ça, ça veut rien dire. » Mon coeur se serre inconsciemment contre ma poitrine. L'entendre dire que ce n'était rien me ramène des mois auparavant, la douleur qui va avec. Pourtant je sais au plus profond de moi-même qu'elle dit ça juste pour nous sauver de cette situation. Mais je ne peux m'empêcher mon coeur d'avoir mal après toutes les obstacles que nous avons traversé. En même temps c'est pas comme si nous pouvions dire autre chose pour nous justifier. « Oui, c'était... » ...rien du tout. Mais Kai ne me laisse pas le temps d'aller dans son sens en me coupant la parole. « Ok c’est faux. Ça veut pas rien dire. Je suis amoureuse d’elle. J’ai rien vu venir, mais c’est comme ça. » Alors là, je ne sais plus où me mettre. Autant parce que je suis particulièrement touchée d'entendre ces mots de la bouche de ma demi-soeur que parce que je me rends brusquement compte qu'il n'y aura plus aucun retour en arrière possible après ça. Nos parents nous regardent tour à tour d'un air complètement perdu. « Comment ça ? » C'est maintenant que je dois dire quelque chose. « Il y a vraiment un truc entre nous. » Quelque chose de fort, intense, qui nous dépasse complètement. « Mais c'est pas comme si c'était quelque chose qu'on pouvait contrôler... » Que je murmure du bout des lèvres comme un aveu. Et maintenant alors, on fait quoi ? L'attente de leur réaction est un supplice et les secondes semblent interminables. J'ai bien peur que ma mère voit rouge. Faut dire qu'après ma grossesse, la perte du bébé, tout ça, c'est encore un nouveau tournant. « Mais vous êtes comme des soeurs ! » Ah. Voilà. Je peux lire toute l'incompréhension dans son regard bien que son ton soit resté presque neutre. Mais je crois que c'est ça le pire en fait. Qu'elle soit aussi... vide. Ce n'est pas nécessairement bon signe. « Techniquement non. » Répliquais-je en secouant la tête. Je n'ai jamais vu Kai comme ma soeur. « Arrête, c'est pareil. » Nous n'avons aucun lien de sang, ça n'a rien à voir. Mais je ne suis pas certaine que ce soit le moment pour rentrer dans ce débat. « Ça dure depuis longtemps ? » Euh... c'est une vraie question ?

On est dans la merde. C’est foutu, on peut plus faire machine arrière. La mère de Kezia nous a surprises, et même si on essaie de mentir, je pense que ça ne passera pas. On se retrouve comme des pauvres lapereaux pris dans les phares d’une grosse voiture. Je flippe, et je vois bien que Kez aussi. C’est normal. Je tente le tout pour le tout. Faute avouée à moitié pardonnée, non ? C’est ce qu’on nous a toujours appris. Alors j’avoue. J’avoue le baiser, mais pas le reste. C’est peut-être un peu trop d’un coup, non ? Je vois bien dans le regard de Kezia que mes paroles la blessent, j’aimerai pouvoir lui dire que je ne dis ça que pour nous protéger. J’espère qu’elle le sait, que je ne pense pas un traitre mot de ce que je dis. Mais je n’arrive pas à tenir le cap, il faut que je dise la vérité. Moi. Kai Battaggia. Je m’apprête à dire la vérité. C’est une bombe que je lâche et j’en ai bien conscience. Le regard de mon père et de ma belle-mère nous scrute tous à tour, Kezia et moi. J’me sens comme une pestiférée, bordel. J’ai rien fait de mal. Mon père demande des explications et c’est au tour de Kezia de répondre à l’interrogatoire. « Il y a vraiment un truc entre nous. Mais c'est pas comme si c'était quelque chose qu'on pouvait contrôler... » Les yeux rivés vers le sol, Kezia murmure plus qu’autre chose. Heureusement qu’il y a un silence de plomb. « Mais vous êtes comme des soeurs ! » ajoute ma belle-mère, visiblement affligée. Techniquement non. Kez a raison. Nous n’avons pas le même sang, même si on a presque grandit ensemble. C’est tout comme, selon ma belle-mère. Et je peux comprendre leur incompréhension. Mon père lui, est plus pragmatique. Et de sa voix grave il demande : « Ça dure depuis longtemps ? » Fait chier. Je soupire un peu, glisse nerveusement ma main dans mes cheveux. « Plus ou moins. C’est compliqué… » C’est compliqué depuis le début, parce que j’arrivais pas à assumer ce que je pouvais ressentir pour elle. « C’est pas vrai que ta mère t’ait fait devenir comme elle… » Je ne reconnais pas mon père. Je sais qu’il est choqué, en colère. Mais je refuse qu’il me mette dans le même panier qu’elle. « Arrête ! Elle n’a rien à voir là dedans ok ? On a rien contrôlé, ça fait des années qu’on partage plus qu’un lien de demi-soeurs. On est pas des soeurs, on l’a jamais été. » Je suis un peu sèche, mais tout ça m’énerve parce que je me sens bridée dans ma liberté. « On a pas choisi. C’est arrivé comme ça, on a essayé de lutter, mais on s’aime, c’est tout c’est comme ça. Et vous pourrez rien y changer. » Je suis catégorique, et je n’ai pas du tout envie qu’ils nous empêchent de faire quoi que ce soit. On est majeures, vaccinées, on peut faire ce qu’on veut. Merde. « Je ne comprends pas… est-ce qu’il y a quelque chose qu’on a mal fait ? » Je soupire un peu, je me doutais qu’on en viendrait là. « Ça n’a rien à voir avec vous. ». Ça se contrôle pas, c’est tout. Je peux pas réprimer ce que je ressens quand je regarde Kezia, c’est indescriptible.

J'ai l'impression de vivre un putain d'interrogatoire de police. Même si j'en ai jamais vécu dans ma vie, je suis persuadée que ça ressemblerait plus ou moins à ça. Leurs yeux sont rivés sur nous, comme si nous avions fait quelque chose de mal. Est-ce que nous avons fait quelque chose de mal ? Voilà, je commence moi-même à en douter. Pourtant, non. Kai et moi n'avons pas de sang en commun. Ce n'est que ma demi-sœur par alliance, juste ça. Qu'est-ce que ça change vraiment qu'on puisse avoir presque grandi ensemble ? Si nos parents n'étaient pas ensemble, la question ne se poserait même pas. Enfin... peut-être que si, sur le fait qu'on soit deux filles déjà. Il y a ça aussi. Ça doit commencer à faire beaucoup à encaisser pour eux. Mais comme je viens justement de le dire, c'est pas comme si c'était un truc que nous avions pu contrôler. L'amour et les sentiments ne se contrôlent pas. Voilà tout, c'est comme ça. Je ne vois pas qu'est-ce qu'on pourrait dire d'autre pour notre défense. Je laisse Kai répondre à la question de son père. « Plus ou moins. C’est compliqué… » En réalité tout a commencé depuis le début ou presque. De mon côté en tout cas. Quand nous étions encore ensemble à San Francisco. Avec le recul, je crois que j'ai tout de suite compris ce que Kai allait représenter à mes yeux. Et dans mon coeur aussi surtout. Comme si je l'avais su dès le premier instant. Son père remet alors sur le tapis l'histoire de la mère de Kai, et j'ai un peu de mal à comprendre où est le rapport. Ma demi-sœur doit se justifier, et rien que ça, ça m'énerve. Je sens que ça l'a fait sortir de ses gonds aussi. Parce que ça n'a franchement rien à voir. C'est justement ce que la blonde réplique. « On a pas choisi. C’est arrivé comme ça, on a essayé de lutter, mais on s’aime, c’est tout c’est comme ça. Et vous pourrez rien y changer. » Mon coeur rate un battement de l'entendre dire ça. C'est vrai quoi, c'est simple à comprendre. Je suis amoureuse d'elle, elle aussi, et tout va bien. Si seulement la vie était aussi facile... malheureusement je crois pas que ce soit suffisant. Pour nos parents en tout cas. « Je ne comprends pas… est-ce qu’il y a quelque chose qu’on a mal fait ? » Je secoue instinctivement la tête à la négative alors que je sens ma mère qui essaye tant bien que mal de comprendre où est le "problème". « Absolument pas. » Justement, il n'y a pas de problème. « Ça n’a rien à voir avec vous. » Leur éducation respective n'a rien à voir dans cette histoire. Et encore moins leur histoire à tous les deux. « Que vous soyez ensemble n'a rien à voir là-dedans. Si ça n'avait pas été le cas d'ailleurs, on se serait sans doute connues autrement. » Le destin, j'y crois. Et même si nos parents n'avaient pas été simples, je suis convaincue que nos chemins se seraient croisés à un moment ou à un autre. « Mais à votre âge c'est normal de tester des choses, moi aussi j'en ai eu des amourettes de passage comme ça... de là à penser que...  » Là, c'est trop. Je ne peux m'empêcher de la couper dans son élan sans lui laisser le temps de terminer sa phrase. « Maman, stop ! J'ai aucune envie d'écouter tes leçons de moral. C'est pas du tout une amourette de passage, encore moins une expérience de jeunesse ou je ne sais pas trop quoi encore. » Je m'oppose rarement à ma mère, parce que ce n'est pas dans mon caractère et surtout parce que j'ai un profond respect pour elle. Et pour la vie qu'elle a pu m'offrir malgré l'absence de mon père. Mais là... non. C'est juste pas possible. « Ce que je ressens pour Kai est réel. Je crois que vous imaginez même pas à quel point c'est intense ce qu'il y a entre nous... » Je sais que je suis probablement en train d'enfoncer le couteau dans la plaie, mais en même temps j'ai besoin qu'ils comprennent. « Ok, je crois que j'en ai trop entendu. » Mon beau-père se lève brusquement pour fuir le salon. « Kai, je pense que tu ferais mieux de partir. » Pardon ? C'est pas parce qu'elle n'habite pas officiellement ici que ce n'est pas vraiment chez elle ici. Je me lève à mon tour pour prendre la main de Kai, fusillant ma mère du regard. « Alors je pars avec elle. »

Je déteste cette discussion. Je me doute bien qu’il aurait fallu qu’on leur en parle un jour, mais pas comme ça. J’aurai largement préféré qu’on choisisse notre moment, pas qu’on soit prises sur le fait et qu’on ne sache pas comment se dépatouiller de tout ça. Mais on a plus le choix maintenant, les choses sont faites, il faut qu’on se débrouille avec ce qu’on a. J’essaie d’être le plus claire possible, mais c’est difficile, et encore plus quand mon père, amer, me parle de ma mère. Je sais qu’il a mal vécu sa trahison, et que de savoir que maintenant moi aussi je suis amoureuse d’une fille, ça peut le traumatiser un peu. Mais merde, ma mère et moi c’est pas pareil.
Ma belle mère se demande ce qu’elle a fait de travers. Est-ce que tous les parents posent cette questions aux gens qui font leur coming out ? Enfin coming out j’irai pas trop jusque là non plus. J’aime Kezia, ça fait pas de moi une lesbienne pour autant, n’exagérons rien. « Que vous soyez ensemble n'a rien à voir là-dedans. Si ça n'avait pas été le cas d'ailleurs, on se serait sans doute connues autrement. » J’esquisse un sourire, parce que j’aime cette idée qu’on en soit là aujourd’hui, même si nos parents ne s’étaient pas choisis eux-même. Je suis assez d’accord avec ça. Ils ont même plutôt été un obstacle. Mais on en est là où on devait en être, c’est tout. Ma belle-mère tente de se rassurer. Pour elle, ce n’est juste qu’une manière de nous tester, parce que c’est de notre âge. Cliché. Je soupire et lève un peu les yeux au ciel, pendant que Kezia s’énerve de son côté. Je ne l’ai jamais vue s’opposer de cette manière à sa mère. « Ce que je ressens pour Kai est réel. Je crois que vous imaginez même pas à quel point c'est intense ce qu'il y a entre nous... » Oh. Mon père se lève pour fuir, il en a trop entendu. Elle n’y va pas de main morte. Moi je m’en fous, mais je ne l’ai jamais vue comme ça face à l’autorité. Je déteins ? « Kai, je pense que tu ferais mieux de partir. » m’assène ma belle-mère sèchement. Je me lève du canapé, droite comme un i, le regard plus sombre et plus froid. Alors quoi ? Je suis la méchante qui a dévergondé sa fille ? Laisse-moi rire. Ce serait même plutôt l’inverse, si elle savait. Kezia a toujours assumé plus que moi ce qu’elle pouvait ressentir. Mais ça me fait mal qu’elle réagisse comme ça, parce que malgré tout, elle m’a un peu élevée aussi, et me sentir rejetée de cette manière me bouffe à l’intérieur. Mais c’est sans compter Kezia qui s’oppose à la décision de sa mère, venant chercher ma main, bien déterminée à ne rien lâcher. « Alors je pars avec elle. » Affirme-t-elle. Merde alors. Je tourne vivement la tête dans sa direction. Elle est sûre d’elle ? Elle a l’air. Je regarde à nouveau ma belle mère qui semble aussi surprise que moi, mais elle ne dit rien. J’hésite entre convaincre Kezia de rester, ou m’enfuir avec elle. « Ne faites pas ça… » nous supplie presque ma belle-mère les yeux pleins de larme. « On sera chez ma mère. Quand vous serez prêts à nous voir, on sera là. » Kai la maturité. Je fais signe à Kez d’aller chercher ses affaires, je l’attendrai dehors. J’hésite à aller voir mon père, mais je pense qu’il a besoin de temps pour encaisser. Alors j’attends Kez dehors, espérant qu’elle ne change pas d’avis entre temps. Même si je comprendrais. Ma mère vit chez Lise maintenant, j’ai la maison pour moi toute seule, on sera tranquilles.

Je n'aurais jamais imaginé que les choses puissent se passer de cette façon là. Ok, nous aurions forcément dû leur en parler à un moment donné. Mais pas tout de suite, pas comme ça. Nous aurions pu faire les choses différemment. Plus officiellement en tout cas. Mais encore fallait-il en pas se faire prendre. On a joué avec le feu, on a perdu. C'est comme ça, et il faut assumer maintenant. Même si c'est difficile d'avoir à affronter leur regard. Surtout quand ce qu'on y voit n'est que déception. Ouais ça fait mal. Je sais pas, je pensais peut-être un peu naïvement qu'ils pourraient comprendre. Parce que pour moi, c'est normal. En réalité je ne me suis jamais réellement posée de questions. Avec Kai, ça a toujours été comme une évidence. Et même s'il nous a fallu du temps pour le comprendre, nous sommes toutes les deux intimement liées depuis le début. Contre toute attente, je m'oppose à ma mère lorsqu'elle demande à ma demi-sœur de partir. Elle n'habite peut-être pas officiellement ici, mais nous formons tous les quatre une famille. Elle est autant légitime que moi autour de cette table. Pour être honnête, je ne réfléchis pas. Pour moi, c'est logique. Si Kai doit partir, alors je pars avec elle. « Ne faites pas ça… » Les yeux de ma mère deviennent humides, et ça me brise vraiment le cœur d'en arriver là. En même temps, c'est un peu comme si elle nous laissait pas le choix. « On sera chez ma mère. Quand vous serez prêts à nous voir, on sera là. » Il leur faut sans doute du temps pour encaisser la nouvelle. De la distance aussi, pour prendre du recul et accuser le coup. C'est le mieux à faire. Pour nous, comme pour eux. Kai s'éclipse à l'extérieur le temps que je récupère mes affaires. Je monte alors à l'étage, ma mère emboitant le pas derrière moi. « Kez… » Elle cherche à attirer mon regard, mais je sais que si je la regarde, je vais finir par craquer aussi. Et je ne veux pas qu'elle me fasse changer d'avis. Pourtant c'est dur, parce que je n'ai pas envie de lui faire du mal. Ma mère est un pilier pour moi, elle l'a toujours été. D'autant plus après ma grossesse et la perte du bébé. « On est pas obligées d'en arriver là... on peut prendre le temps d'en discuter calmement toutes les deux non ? » Ok, là, c'est encore plus difficile que je le pensais. Je ne la regarde toujours pas, me focalisant uniquement sur les affaires que je suis en train de mettre dans mon sac. « Tu ne peux pas partir comme ça... » Elle se rapproche et je suis finalement obligée de croiser son regard. La douleur qui me compresse le cœur est réelle. Je ne supporte pas de voir ma mère dans cet état, surtout quand je sais que c'est à cause de moi. « Je n'ai pas non plus envie d'en arriver là, mais ta réaction ne me laisse pas le choix. » Elle n'a pas l'air d'avoir envie de comprendre ni de faire des efforts, alors à quoi bon ? « Laisse-moi un peu de temps, ok ? Tu peux au moins faire ça pour moi ? » Je laisse échapper un soupir la voyant me supplier littéralement du regard. Alors oui, je me suis opposée à elle tout à l'heure, mais là, c'est différent. Je n'ai pas le cran que Kai peut avoir dans certaines situations. Ni sa force de caractère non plus. Et je suis le cul entre deux chaises. Parce que Kai est dehors, à m'attendre, et si je décide de rester là pour préserver ma mère, c'est à Kai que je vais faire du mal. « Ok je reste pour ce soir. On va discuter. » Les yeux de ma mère s'illuminent alors qu'elle hoche vivement la tête. Voilà, j'ai été faible. Fais chier. Il faut maintenant que je retourne voir Kai à l'extérieur. Elle me voit arriver sans mes affaires, et je peux lire toute l'incompréhension dans son regard. J'ai l'impression que c'est un peu les montagnes russes. « Kai... je peux pas... » Je ne peux pas partir comme ça. Mais je veux pas que ça remette en question quoi que ce soit entre nous. Il ne s'agit pas de ça, et j'espère qu'elle le sait.

Je suis surprise que Kezia s’oppose à sa mère et décide de partir avec moi. Mais je ne montre rien, ou du moins j’essaie, me contentant de serrer sa main quand elle la glisse dans la mienne. Je ne veux pas fermer la porte, je comprends que ce soit choquant pour eux, je ne leur en veux pas. Pourtant, j’aimerai qu’à terme ils finissent par accepter, parce que je ne tirerai pas un trait sur ce que je vis avec Kezia, maintenant que je l’accepte. Je sors de la maison, le coeur gros, laissant le temps à Kez d’aller chercher quelques affaires. Elle ne quitte pas définitivement la maison, c’est plutôt pour marquer le coup. Une fois dehors, je souffle un bon coup. J’ai une boule dans la gorge, je ne m’attendais pas à vivre ça quand j’ai passé la porte de la maison en arrivant tout à l’heure. Je tourne un peu en rond, ressassant tout ça dans ma tête. J’espère vraiment qu’ils finiront par tolérer. Je ne demande pas qu’ils comprennent, je crains que ça ne soit jamais le cas. Mais au moins qu’ils tolèrent, qu’ils acceptent.

Lorsque j’entends la porte s’ouvrir, je me retourne d’un seul coup, le coeur battant. Je ne sais pas si je dois m’attendre à voir mon père, ma belle-mère ou Kezia. C’est Kezia. Mais la satisfaction de voir son doux visage n’est que de courte durée, quand je me rends compte qu’elle n’a pas d’affaires avec elle. Mon coeur se serre d’autant plus. Sa mère a dû lui faire changer d’avis. Est-ce qu’elle va réussir à lui faire tourner la tête ? Je vois le mal partout. Kai, calme-toi. « Kai... je peux pas... » Je fronce un peu les sourcils. « Tu peux pas…? » J’essaie de comprendre. Elle parle juste de partir avec moi ce soir hein ? Il n’y a pas autre chose que ça ? J’angoisse, c’est pas dans mon tempérament, mais j’ai tellement peur de la perdre. Je m’agace, même si je ne veux pas rajouter d’huile sur le feu. Serrant les mâchoires, je fuis son regard. « Ok. Mais rappelle toi juste que… » Cette fois je redresse le regard, les yeux légèrement humides. « Je t’aime. » Parce que ça, c’est la réalité. Je glisse à peine mes doigts pour effleurer sa peau, au niveau de son poignet. « Ecris-moi, ou appelle-moi quand tu auras envie. » Je ne sais pas de combien de temps elle aura besoin pour discuter avec sa mère, peut-être même avec mon père. Moi, je ne suis plus la bienvenue, j’ai bien vu le regard de mon père. Et ma belle-mère m’a demandé de partir, il n’y a rien de plus clair. On verra si les choses changent. Je ne veux simplement pas perdre l’amour de ma vie…