The drunk duo ((Eddyung))

La fatigue commençait à s'abattre sur lui. Sept heures de cours, pas de repas, juste eu le temps de se changer avant de bosser. Eddy avait déjà eu un client, il avait de quoi se payer un petit truc avant de rentrer. Il attendait alors, adossé à son réverbère. Pourquoi exactement ? Et bien parce que, d'ordinaire, il pouvait enchaîner une moyenne de trois personnes par soirée. Et qu'une seule ne lui permettra en aucun cas de pouvoir payer son loyer ce mois-ci. Jouant alors avec la chaînette accrochée à sa veste, songeur, il tentait en réalité de rester réveiller. Tout l'épuisait beaucoup trop vite en ce moment. La chaleur, le violon, les gens. Il commençait à saturer du monde et cela se sentait. Seul Rain lui permettait de ne pas s'abandonner sous sa couverture et à ne plus bouger de sa vie. Et puis, il y avait ce gentil flic aussi. Il lui avait redonné envie de faire quelque chose de son existence. Ce qui était un réel exploit.

Discrètement, faisant quand même attention aux gens autour de lui, il glissa dans sa bouche un petit paquet. Le khat était une plante qui commençait à voir sa popularité fleurir un peu partout autour du monde. Une drogue, comme les autres, qui permettait à Eddy de tenir encore un peu. Et surtout, de ne pas se rendre compte lorsqu'on y allait un peu trop fort. Avec paresse, il mâchonna le paquet, regardant le trottoir en face du sien. Son dernier client lui avait offert une petite boite en contenant, lui disant qu'il pouvait l'utiliser comme il le voulait. C'était une sorte de promo. « Parle s'en à tes potes putes. » Eddy fit un geste de la main peu recommandé en y repensant. Bien sûr qu'il n'allait pas en parler aux autres, du con ! Tout le monde était déjà dans une merde noire, alors on n'allait pas commencer à en faire un peu plus. La nuit était déjà tombée autour d'eux. Et Eddy sentit que sa soirée était bien loin d'être finie.

Soudainement, un bruit de chute le sortis de ses songes. A quelques mètres de lui, une jeune fille venait de s’effondrer au sol. Il se stoppa de tous mouvements, une longue ligne d’horizon dans la tête pour toutes pensées. « Qu’est-ce que… ? »  Clignant des yeux de surprise, il recracha son paquet, avant de le jeter au sol, se dirigeant alors vers la personne à terre. Il ne savait pas vraiment qui elle était, mais en tout cas, pas de coin. Ses vêtements n’étaient pas flashy de la même manière que tout le monde. Ils étaient beaucoup plus… propres et… chers ? Tentant de garder une contenance tout de même, même s’il ne sentait plus vraiment certaines parties de son esprit, il se pencha au-dessus d’elle, lui offrant une main d’aide.

« Tout va bien ? » demanda-t-il, poliment.

Même s’il savait très bien qu’il ne lui serait pas d’une si grande aide que ça, il ne voulait pas la laisser par terre. Surtout pas ici. Un peu plus loin, il y avait des coéquipières à lui, qui attendaient, comme lui. Et si cette jeune fille restait, elle allait peut-être se faire prendre pour l’une d’elles. Et elle n’en avait pas la dégaine. Mais dans le noir, tous les chats sont gris. Un sourire un peu lointain étirant le visage de l’orphelin, il lui attrapa la main pour la redresser. Elle était plus petite que lui, et semblait maladroite. Mais mignonne. Il l’observa un instant, essayant de voir si elle était blessée quelque part ou non. Son cerveau marchait au ralentit. Sans doute à cause de ce qu’il venait de prendre. Mais il souriait tout de même, voulant être gentil. Un peu. Après tout elle venait de tomber non ? Il fallait être agréable dans la vie. Oui, Eddy commençait très clairement à ne plus être lui. Il témoignait de l’affection pour quelqu’un qu’il venait de rencontrer. Mais ça, elle ne le savait pas.

Toute une journée à essayer de comprendre le monde était assez fatiguante. Des cours de civilisation, pour finir par bosser un peu au salon dans l’après-midi. Elle était un peu perdue dans ses pensées, naviguant dans les rues de sa ville pour s'en libérer. Ce n'était pas chez elle qu'elle pouvait le faire. Entre toutes ces interdictions, tous ces gens qu'elle voulait fuir, il n'en restait pas beaucoup qu'elle voulait voir. Et pourtant, il était là, en plein milieu de sa tête ce type au café. Insupportable pour ne pas dire autre chose. D'habitude, elle ne s'attardait pas autant sur les gens, mais là, c'était tout le contraire. Plus elle pensait à lui et plus elle voulait le revoir. Soupirant alors grandement, elle défilait dans les rues, se demandant si elle n'allait pas se boire un coup au passage. Ça détendait toujours énormément. Fallait la voir, elle finissait toujours à rester jusqu'à des heures pas possible, et à se faire virer au dernier moment. Mais bon, jouer la petite rebelle elle aimait bien, et elle ne comptait pas s'arrêter.

Elle ne comprenait pas trop où elle était, quand elle releva la tête, croisant le regard de plusieurs personne. Ce n'était pas vraiment les rues habituelles qu'elle avait emprunté, alors elle se sentit un peu déstabilisée. Comme d'habitude à vrai dire. Sauf que cette fois-ci, elle ne le vit pas venir. La pointe de son pied s'agrippa à une rainure sur le sol, la faisant partir rapidement en avant. De ses mains, elle se retint rapidement de cogner sa tête, le sol un peu trop près de son nez. Ses genoux avait frotté contre le bitume, ayant tout de même évité le pire. C'était ça de ne pas regarder où allait dans le noir. Au final, elle avait fini par terre, sur les genoux, à essayer de ramasser quelques bricoles. Frottant un peu ses mains éraflée en grimaçant, elle regarda légèrement ses genoux écorchés, soupirant encore de plus belle. Rien que ça, pour bien finir la journée. On aurait dit une blague. Mettre des shorts c'était bien, mais il ne fallait pas se ramasser, sinon on finissait en sang. Et oui. C'était tout une technique. Cette journée, elle en avait terriblement assez. Tout se passait mal. La preuve.

Sursautant en sentant une présence à ses côtés, elle tourna rapidement sa tête, détaillant alors le jeune homme qui se présenta à elle. Un visage doux, un sourire un peu à l'ouest, elle le lui rendit tout doucement. Elle avait l'impression que tout le monde lui venait toujours en aide. C'était sans doute sa tête un peu perdue qui faisait cet effet là, ou alors elle semblait juste un peu bête. Qu'importe. Venant tout doucement prendre la main qu'il lui tendait, elle se redressa, venant un peu frotter ses genoux éraflés et ses yeux qui avaient larmoyé sous le choc. Puis, elle se reprit juste un peu, ne voulant pas paraître trop faible face à cette personne qui était bien plus grande. Elle lui était reconnaissante. En tout cas, il semblait vraiment adorable. Et il était plutôt mignon. Lui souriant alors d'un de ses grands sourires, elle se pencha un peu pour le remercier, comme d'une habitude, rigolant un peu de sa bêtise.

"Merci beaucoup ! Je ne suis pas très douée !" lui dit-elle en se redressant, Désolée de vous déranger !" rigola-t-elle en se regardant un peu.

Tirant légèrement sur son short pour le remonter, elle fixa ses genoux un peu dubitativement. Bon, et bien elle était bien belle avec ses coudes et ses genoux assortis. Autant en rire. Regardant alors le jeune homme en face d'elle, elle pencha un peu la tête, essayant de le décrypter un peu à sa manière. Ses vêtements étaient assez voyants, sans doute qu'elle ne se trouvait pas dans une rue normale, mais elle s'en fichait complètement. Elle voulait tout de même le remercier pour si peu. Myung aimait les gens, et l'idée de pouvoir leur offrir un peu de bonheur lui traversait toujours l'esprit. Souriant alors en grand, elle ne s'imaginait même pas que la personne qu'elle avait en face d'elle n'était pas vraiment lui même. Il lui paraissait charmant, et c'était tout ce qui comptait pour elle. Alors, s'approchant un peu de lui en frissonnant, elle se pencha en avant, toute rayonnante.

"Moi c'est Myung Hae ! Enchantée ! , articula-t-elle tout doucement, Je peux vous remercier pour votre gentillesse ?" demanda-t-elle, sautillant un peu sur place.

Elle était toujours comme ça, pleine d’énergie, à vouloir rencontrer de nouvelle personne. Et celui qui l'avait aidée lui semblait parfait pour ça. Bon, en réalité elle ne le connaissait pas. Mais elle finirait par sans doute passer la soirée avec lui. C'était ce qu'elle voulait elle. Inviter des inconnus, comme ça, juste parce qu'il l'avait ramassée par terre n'était peut-être pas judicieux, mais en tout cas, si ça se passait bien, elle n'aurait plus à retenir ses manières. Le pauvre.

Elle s’est abimée les genoux et les coudes, songea Eddy, un peu lentement, son esprit ralentit par vous savez quoi. Puis il cligna des yeux en l’entendant, amusé quelque peu, par sa manière si candide de lui parler. Comme s’il était une personne tout à fait normale, dans un univers tout à fait normal, et que cette rue était tout à fait normale aussi. Elle rigolait même. Ce qui était surprenant. Mais agréable aussi. Peu de gens rigolait réellement ici. C’était plus souvent des gloussements identiques pour attirer la clientèle là où on voulait qu’elle soit. Pas d’éclat de rire et pas de rire gêné non plus. Juste des gens qui attiraient l’attention pour pouvoir supporter un monde qui ne voulait pas d’eux. De la joie en bouteille.

« Ce n’est rien, articula-t-il de nouveau. Vraiment, tout va bien ? »

Si ça se trouve, elle s’était tapée la tête aussi. Ou alors, c’était juste Eddy qui perdait un peu ses sens là. Mais il allait les reprendre. Au bout de deux heures, ça devrait aller un peu mieux. Normalement. Souriant légèrement, il l’observa tenter de se redonner une contenance. Puis elle lui proposa de lui offrir quelque chose pour sa gentillesse. Quelle gentillesse ? Il était juste venu lui demande si elle allait bien après être tombée. C’était normal, non ? Ou alors, il n’était pas normal et c’était ça qui la perturbait ? Ou alors, elle n’était pas normale et c’était ça qui le perturbait ? Dans tous les cas, elle n’avait pas besoin de le remercier de quoique soit. Mais la perceptive étrange de lui parlait encore un peu lui allait. Etrangement.

« Eddy, répondit-il simplement. Et… pourquoi pas, oui. »

Après tout, il n’allait pas non plus refuser quelque chose de sa part. Bon, si c’était un verre, il n’allait pas tenir longtemps. Rien dans le ventre et un peu de drogue dans le système ne feront pas bon ménage avec de l’alcool. Mais il était aussi sûr de finir sur les genoux avec du jus de raison à ce niveau-là de sa vie. Alors, un léger sourire éclaira ses lèvres tandis qu’il observait la jeune fille sautiller sur place. Elle était mignonne en soit. Un peu plus petite que lui, avec un visage particulièrement joli qui la rendait tout à fait agréable et tout à fait délicieuse à la discussion. Wow, il pensait comme un pervers maintenant. « Délicieuse » oula.

D’ailleurs, en parlant de ça, Eddy remarqua une personne se rapprochait d’eux, sur leur gauche. Tournant la tête vers l’individu, il le reconnu plutôt rapidement. Il était déjà venu par ici, pas pour lui, mais pour l’un de ses « collègues » qui avait d’ailleurs finis dans un état plutôt horrible. Frissonnant en repensant à ça, Eddy détourna les yeux. Il ne voulait pas qu’il vienne vers lui, qu’il l’approche même. Il savait reconnaître les fous dangereux. Même si leur visage était comme tous les autres, leur sourire identique, il y avait une aura qui ne trompait jamais. Et l’homme là, qui se rapprochait d’eux dangereusement, l’avait, cette aura. Eddy songea un instant à sa propre sécurité et à celle de la jeune fille. Puis il pensa à l’argent qu’il allait sans doute perdre. Puis il se dit que, au point où en était, perdre vingt balles allait juste lui retarder un payement déjà en retard. Et il ne mangera pas pendant deux jours et c’était bon.

Comme s’ils se connaissaient depuis toujours, Eddy attrapa alors le bras de la jeune fille, tournant le dos à l’homme qui rôdait, avant de se mettre en marche, la maintenant comme par peur qu’elle ne retombe. Il fuyait oui, il avait peur oui. Et il ne voulait pas qu’elle comprenne ce qu’il faisait là à une heure pareille. Tout comme lui n’avait pas non plus envie de savoir pourquoi elle était là ou encore la raison qui l’avait fait trébucher. Ils venaient de se rencontrer, ce serait bizarre autrement. Et puis, il devait aussi passer pour un taré un peu. Mais ce n’était pas grave. Après tout, il l’était. Fragile et fou. Un cocktail explosif.

« Alors ? demanda le violoniste. Où allons-nous ? »

Le voyant réitérer sa question, elle hocha bêtement la tête, toute charmée sans trop comprendre. Elle se sentait étrangement heureuse après être tombée comme une idiote, juste devant lui. Elle devait faire pitié, non ? C'était peut-être pour cela qu'il était aussi attentionné d'un coup. Elle ne connaissait de toute manière pas vraiment les environs, alors elle pouvait dire qu'elle s'était tout simplement perdue. Voyant alors que le jeune homme avait accepté sa proposition de le remercier, elle se sentit complètement satisfaite, rayonnant alors de joie devant lui. Lui faisant alors un énorme sourire, elle aurait très bien pu lui sauter au cou à vrai dire s'ils se connaissaient, ce qui n'était absolument pas le cas. C'était sa manie à elle de toujours rester en contact physique avec les autres. Des câlins, des bisous sur la joue, une main sur une épaule. Elle ne pouvait tout simplement pas s'en empêcher. Mais elle faisait des efforts.

Son sourire, bien que léger, était plutôt mignon en réalité. Cela rendait le tout un peu plus irréel. Continuant de doucement trottiner sur place de joie, elle ne remarqua la présence de l'autre homme que quand ce fameux Eddy tourna la tête, comme perturbé. D'un regard un peu étrange, cet homme ne lui semblait pas là pour jouer aux cartes, et était en un sens assez effrayant par l'aura qui se dégageait de lui. Mais heureusement, celui qui l'avait ramassé semblait être du même avis. Peut-être se connaissaient-il, ou quelque chose du genre. Enfin, en reposant son regard sur le plus grand, elle cligna un peu des yeux en voyant l'expression de peur qui se rependait sur son visage. Cet homme qui s'approchait peu à peu d'eux, il lui faisait peur. Elle ne connaissait ni l'un ni l'autre, mais ce qu'elle savait, c'est qu'elle ne devait sûrement pas rester ici, et partir avec Eddy pendant qu'elle le pouvait encore. Mais étrangement, elle attendait que sa rencontre inattendue ne lui fasse signe.

Mais sans comprendre, son bras se fit alors agripper doucement par la grande main du jeune homme qui allait l'accompagner. Leurs pieds se mirent alors en marche, tandis qu'elle jeta un regard derrière elle pour voir si on les suivait encore.  Elle connaissait se sentiment de peur  dans la rue. Lorsqu'elle se retournait, elle avait toujours l'impression que quelqu'un suivait ses pas. On pouvait dire qu'elle avait un plutôt bon instinct pour cela. Le suivant alors, un peu rassurée par sa présence tout de même. En plus elle avait l'impression qu'accrochée à lui comme cela, elle ne pouvait tout simplement pas tomber. Incroyable non ? Eddy avait l'air si attentionné ainsi, même si elle ne connaissait pas les détails de cette gentillesse apparente. Elle pouvait déjà dire qu'elle l'appréciait en quelque sorte, sans même se méfier. En entendant enfin sa voix, elle se reprit un peu, venant alors tourner la tête vers lui, le regard tout de même un peu inquiet.

"O-Oui ! Je connais un bar plutôt sympa ! On pourrait aller boire un verre ? C'est pour vous remercier bien évidemment." hocha-t-elle la tête avant de doucement demander, "T-Tout va bien, hein ?"

La curiosité était pourtant à son comble, mais étrangement elle voulait tout de même comprendre ce qu'il s'était passé, et savoir si la peur qu'elle avait vu dans ses yeux était bien réelle. Finalement, lui souriant encore plus en venant resserrer doucement sa main sur son bras, elle se mit à essayer de se repérer comme elle pouvait, trottinant alors doucement en le traînant. Les rues, elle ne les connaissait pas si bien que ça. Enfin de compte, elle se retrouvait au bras d'un inconnu dans un endroit qu'elle maîtrisait si peu. Inconsciente et naïve. Complètement. Personne de vraiment censé ne se baladerai en faisant confiance à une personne qu'elle avait rencontré aussi tard dans la nuit. D'ailleurs, elle ne le remarquait que maintenant mais ses vêtements étaient plutôt voyants. Qu'importe. Ce qu'il faisait ne l'intéressait que trop. Il l'avait aidé, et c'était tout ce qui comptait. Marchant alors doucement, comme elle pouvait, à son rythme, elle essayait d'imiter les enjambées du jeune homme aux jambes deux fois plus grandes que les siennes.  

"Ça...ne vous dérange pas au moins de boire un verre hein ? Je ne voudrais pas vous obliger !" dit-elle en penchant un peu la tête vers lui, voulant tout de même savoir.

Et recommençant ensuite à sautiller tout doucement, ses doigts encore accrochées à la manche du jeune homme, elle l'emmena finalement devant son endroit préféré. Là où elle se dirigeait souvent pour sortir de ses idées ou alors pour inviter des amis. Et puis les limoncello y étaient délicieux, le service client sympathique, alors elle ne pouvait faire qu'y revenir à chaque fois. C'était peut-être pour cela qu'elle y emmenait cet inconnu au final. Entrant, s'installant au comptoir comme si de rien était, elle l'invita à faire de même, les yeux pétillants de malice. Elle lui commanderait tout et n'importe quoi selon son choix, c'est elle qui invitait après tout..

« Bien évidemment ! » approuva Eddy, en continuant de marcher.

Il avait l’impression de se fuir lui-même, d’éviter la connexion avec ce qui était pourtant son gagne-pain. Mais il ne voulait pas avoir affaire à ce genre d’individu. Il était de ceux qui les traitaient comme des objets, de vulgaires poupées de chairs, uniquement faites pour satisfaire le besoin durant quelques minutes. A en faire frissonner d’horreur beaucoup. Toutes ses remarques désobligeantes qu’il avait pu entendre au lycée. Il ne s’y était jamais identifié à l’époque. Mais maintenant, il était en plein dedans. Combien de ses camarades de classes de l’époque lui cracheraient dessus s’ils découvraient l’Eddy d’aujourd’hui ? Il n’avait pas honte de ce qu’il faisait. C’était son boulot, ce qui le faisait vivre. On ne peut juger quelqu’un qui essaye de survivre. Qui tente de sortir la tête de l’eau autant qu’il le peut.

« Tout va bien, répondit-il à Myung en lui tapotant la main. Sache juste que tu m’as sauvé la soirée. »

Ou peut-être la vie. Qui sait ? Car si elle n’avait pas été là, il n’aurait pas pu partir. Il se serait retrouvé avec lui, coincé dans une chambre minable à souffrir, en se forçant à imaginer de la musique dans sa tête. Il lui sourit tendrement, la suivant alors qu’elle le guidait vers ce fameux bar. Elle était vraiment petite, aussi énergique qu’une pile malgré l’heure tardive. Intrigante aussi. Elle semblait pleine de bonne volonté, voir même heureuse de passer un moment avec ce parfait inconnu qu’il était. Mais d’un côté, cela lui fit chaud au cœur, à Eddy. Peut-être qu’il n’était pas aussi impropre que cela. Elle devait bien être tout à faire à mène de comprendre ce qu’il faisait de ses nuits. Ou alors, il lui dira tout à l’heure. Après deux verres. Ou même la moitié d’un seul.

« Bien sûr que non, cela ne me dérange pas ! »

En plus, il avait des sous sur lui, pour une fois. Certes, il allait en économiser la plus grande partie pour payer son loyer à la fin du mois, ainsi que de la nourriture et le nécessaire de vie. Mais il pouvait bien profiter un peu, pour une fois. Au lieu de vivre en parasite et de profiter de tout le monde et de leur gentillesse dévouée. Avec d’autres, il se serait fait jeté depuis longtemps. Mais Myung était charmante. De quoi faire battre le cœur d’Eddy un peu plus. Il ne rencontrait que des gens merveilleux récemment. Il n’y avait qu’à voir ce flic qui l’avait sortie de la cellule avant de le raccompagner chez lui. Pourquoi fallait-il qu’il est autant de chance maintenant ? Peut-être que la vie se rendait compte qu’elle s’était un peu trop acharnée sur lui. Maintenant, elle devenait clémente. Sauf que c’était peut-être un peu trop tard.

Après encore un petit moment de marche, ils finirent par arriver au bar de la jeune fille. Ou, en tout cas, à ce qui ressemblait à quelque chose qu’elle semblait connaitre. Entrant à l’intérieur, le jeune violoniste fut aussitôt happé par la chaleur et la convivialité du lieu. Il dut cligner des yeux un petit instant avant de sourire et de suivre la plus petite vers une table libre. En s’installant, Eddy comprit qu’il était réellement débraillé en voyant comme les autres étaient habillés. Même si certains semblait aussi sortir du lot. Tentant de ne pas trop attirer l’attention toute de même, il observa les lieux calmement. Cela faisait un moment qu’il n’avait pas pris une pause dans un bar ou un restaurant. Normalement, il passait son temps à voir les réductions dans la petite supérette du quoi, se préoccupant plus de ne pas dépasser une certaine somme que de réelle choisir ce qu’il aimait. Il avait finit par aimer le chou à l’eau d’ailleurs. Un plaisir.

« Et donc… hum… commença-t-il, aussi stressé que s’il était à un vrai rendez-vous. Pourquoi traînes-tu de ce côté-là de la ville ? Tu ne sembles pas du coin… Sans vouloir te vexé hein ! »

Son cerveau était encore embrouillé par la drogue douce qu’il avait ingéré, et il était difficile pour lui de comprendre réellement ce qu’il disait. Peut-être qu’il avait fait une grosse connerie. Ou alors que c’était tout à fait poli. Il n’avait aucune idée de ce qu’il se passait. D’ailleurs, le serveur les sauva en venant prendre leur commande. Et bien sûr, très intelligemment, il prit quelque chose avec de l’alcool dedans. Comme s’il allait pouvoir survivre à un verre alors qu’il n’avait rien dans le ventre. Vraiment, Eddy ne gérait plus rien. Il était juste soulagé de ne pas être en train de travailler. Il était aussi soulagé de ce dire qu’il pouvait peut-être un peu profiter. Juste un peu. Même s’il savait que tout retombera demain matin. Parce que, même si elle avait clémente, la vie finissait toujours par le faire revenir à la réalité.

Elle n'avait pas tout compris à ce qu'il s'était passé, mais dans tous les cas, elle était contente de pouvoir passer la soirée avec quelqu'un d'aussi sympathique. Puis, elle n'était pas idiote, elle avait très bien compris ce qu'il faisait dans cette rue en réalité, mais ça ne l'intéressait que trop peu. Elle, elle le trouvait juste adorable. Et puis à ses mots, elle cligna un peu des yeux avant de sourire complètement. Un grand et large sourire comme elle savait les faire. Elle ne savait pas trop en quoi elle lui avait sauvé sa soirée, sans doute un rapport avec l'homme qu'ils avaient vu il y a quelques minutes. En tout cas, elle en avait été effrayée. Il lui avait semblé dangereux, qui qu'il puisse être. Alors elle le traînerait avec lui jusqu'au bout de la nuit s'il le fallait. Il n'avait plus qu'à assumer d'avoir accepté de l'accompagner ce soir.

"Je suis contente alors que ça t'aide et que ça t'aille ! Vraiment ! On va bien s'amuser tu verras !" sourit-elle alors en le tirant un peu plus avec elle.

D'un naturel gai et complètement joyeux, elle ne pouvait pas s'empêcher de l'être, même en plein milieu de la nuit. Certes, elle était plus petite que lui, mais cela ne l’empêchait pas de s’agripper un peu à son bras pour le guider sans aucune gêne. Puis ils marchèrent jusqu'à son bar, pour s'installer au comptoir. C'était beaucoup trop amusant cette soirée. Le regardant alors discrètement observer les lieux, elle pencha un peu la tête vers lui en écoutant sa question. Il avait l'air complètement stressé à entendre ses hésitations à sa petite voix, ce qui avait le don de le rendre encore plus mignon. Les yeux alors brillants, rigolant doucement en hochant la tête en signe de compréhension, elle n'avait pourtant pas une excuse très élaborée. Il avait complètement vu juste. Les rues, elle ne les connaissait pas du tout. Elle était juste complètement étourdie, tellement, qu'elle en était arrivée à prendre des rues qu'elle ne connaissait pas du tout. Il allait croire qu'elle était complètement paumée aussi mentalement il faut croire.

"Tu vas me prendre pour une idiote...Je faisais pas attention à là où j'allais. J'ai juste pris les rues comme je le sentais." qu'elle dit alors en rigolant avant de reprendre. "Alors tu as vu juste ! Je ne suis absolument pas du coin !" affirma-t-elle avec un grand sourire.

Elle avait un peu honte de l'admettre, mais il le fallait tout de même. Laissant alors le serveur s'approcher pour commander, elle en profita pour commander l'un de ces limoncello préférés, car de toute manière, c'était tout ce qu'elle buvait, elle. Une vrai accro, il fallait se le dire, mais elle n'en était pas non plus dépendante, et ça, c'est le meilleur. L'invitant a commander tout ce qu'il voulait, elle en profita pour demander des biscuits, histoire d'accompagner leurs verres solitaires. Puis elle attendit sa boisson, et celle de son acolyte du jour. Autour de quelques verres et boissons, tout semblait toujours plus facile. Et c'était sans doute le cas. Peut-être que cela les décontracterait un peu, surtout que lui aussi avait l'air tendu. Se redressant alors doucement, elle revint l'observer gentiment, comme une enfant un peu admirative devant son sauveur du jour. C'est vrai, il pouvait très bien bosser dans cette ruelle, mais elle n'y voyait que l'humain, elle. Naïve sans doute, pourtant il l'avait aidé, et il avait juste été adorable. Alors un ou deux verres s'imposaient. Venant doucement poser sa main sur son épaule en souriant, elle se pencha un peu plus.

"On commence par quoi ? Quitte à boire autant trouver un sujet de discussion...Vous en pensez quoi ? " qu'elle demanda innocemment avant de s'y remettre et de ne plus s'arrêter.

Puis elle commença doucement à se présenter, comme si elle passait une interview. C'est qu'elle parlait beaucoup, elle. Etudiante en langue, pierceuse indépendante, une vie pas intéressante, elle lui raconta au moins le début, comme si de rien était. Elle n'avait pas peur de parler d'elle même à un strict étranger. De toute manière, elle aurait bien fini par le lui sortir après son premier verre. D'ailleurs, ces derniers arrivèrent, et sans plus tarder elle trinqua avec lui avant de venir prendre la première gorgée. C'est que c'était bon ce truc, il fallait le dire. Et le problème, c'est qu'elle avait envie de faire taire ses pensées sans les dire haut et fort. Sans doute que le jeune homme à côté d'elle était dans la même situation, et qu'ils pourraient se défouler un peu ensemble en parlant de tout et de rien. Enfin, elle l'espérait, parce qu'il était dur de trouver des gens aussi agréable pour simplement quelques verres. Elle, elle ne voulait rien d'autres au final que passer du temps avec une personne à parler de n'importe quoi. Peut-être que cela l'aiderait aussi après tout. Une autre gorgée qui lui coula au fond de l'estomac, et elle le regarda de nouveau avec un sourire un peu plus émotif.

"J'avoue que ça peut paraître étrange de se livrer à une personne qu'on ne connait pas...Mais pourquoi pas au final ? Ça te dit qu'on parle de tout et n'importe quoi ? Qu'on ragote...Qu'on parle de nos problèmes idiots autour de quelques verres ?" demanda-t-elle doucement, venant poser sa tête au creux de sa main. "Je te parais pas trop bizarre j'espère..." rigola-t-elle alors, avant de baisser un peu les yeux.

Elle avait l'impression de ne pas arrêter de parler, et que peut-être elle l'embêtait au final. Lui, qui était si gentil et mignon avec elle, tandis que elle, n'arrêtait pas de lui parler avec des phrases incompréhensibles. Et encore, elle n'avait même pas fini son verre. Ça promettait si Eddy entrait dans son jeu.

Etonné, Eddy cligna des yeux en écoutant son explication. Perdue, sans s’en rendre compte. Quelle étrange créature. Mais elle semblait plutôt amusée par la situation, comme si la discussion qui allait suivre lui plaisait et qu’elle pouvait s’adapter à tout. C’était étrange pour lui, qui n’avait pas l’habitude de côtoyer quelqu’un d’aussi ouvert et frais. Certes, il y avait quelques exceptions. Mais Myung rayonnait là où les autres l’auraient simplement regardé de haut. Ils ne vivaient pas dans un monde où il était facile de se faire des amis ou même des connaissances en général. Il fallait souvent lutter pour avoir de l’attention. Mais avec elle, cela ressemblait plus à un mythe urbain qu’à une réalité. Bien sûr, Eddy la trouva d’autant plus mignonne que la légère pointe de honte qu’il aperçue dans ses yeux après l’aveu était surement dû à cela. Le serveur s’approcha, il commanda un daïquiri à la fraise, offrant un léger sourire au jeune homme avant qu’il n’aille faire leurs cocktails. C’était un peu idiot de sa part de prendre un alcool tel que du rhum alors qu’il n’avait rien dans le ventre et l’esprit déjà embrouillé. Mais à ce moment-là, il n’y pensa pas trop. Même, pas du tout. Sans même savoir pourquoi.

Alors, la discussion débuta. Et le jeune homme l’écouta d’une oreille attentive. Donc, elle était aussi étudiante, en plus d’être perceuse. C’était plutôt inattendu, mais ses yeux tombèrent sur les oreilles recouvertes de bijoux de Myung, et il comprit rapidement. En plus, si cela lui plaisait, il n’allait pas la critiquer. Lui aussi travailler, pour quelque chose qu’il détestait. Alors il était plutôt mal placé pour juger quoi que se soit. Souriant à son tour, il se mit lui-même à se présenter. Eddy pour Edward, mais personne ne l’appelait comme ça. Snow, comme la neige. Etudiant en musique, en violon plus précisément. Travailleur de nuit, bien sûr elle avait dû s’en rendre compte. Peut-être qu’ils pourront se revoir sur le campus, ou même autre part. Il lui précisa alors qu’il n’y avait pas besoin de se vouvoyer. Après tout, ils avaient quasiment le même âge. Se mordillant la lèvre en observant leurs boissons arriver, Eddy finit par se détendre un peu en trinquant avec elle, avant de boire une gorgée légère de son cocktail incroyablement sucré. La bouche pincée, les yeux fermés, il subit plus qu’il n’apprécia le passage éclair du rhum dans son œsophage. Mais aussitôt, le goût tranquille de la fraise recouvrit ses papilles. Et déjà, une petite teinte rose lui montait aux pommettes.

« Ce qui peut être étrange, corrigea-t-il en souriant, c’est de, justement, ne pas se livrer à des étrangers. Pourquoi avoir peur de parler, alors que c’est tellement agréable ? (Il lui sourit comme il ne l’avait jamais fait dans son état normal.) Tu n’es pas bizarre. C’est le monde qui ne tourne pas rond. »

Sur ses paroles pleine de sagesse (dans son esprit en tout cas, ça passait plutôt bien), le jeune violoniste décida de reprendre une gorgée de son cocktail, grimaçant toujours de la sensation de brûlure du rhum. Ses doigts habiles tournèrent autour de la bordure du verre alors il profitait un peu de la douceur du sucre sur sa langue. Il sourit de nouveau, songeant que c’était vraiment une bonne idée d’avoir accepté de boire un verre avec une parfaite inconnue. De toute façon, qu’avait-il à perdre ? Il n’avait pas de famille, si ce n’est son chien. Sa dignité avait disparue depuis longtemps. Et il ne voulait que profiter un peu, pour ce soir, oublier le monde. Ses yeux se fermèrent un cours instant, des couleurs variant entre le bleu et le rose courant derrière ses paupières. Puis il les rouvrit, plongeant son regard dans les yeux magnifiquement bien maquillés de Myung. Si elle aussi avait des choses à oublier, il sera ravi de l’aider.

« Parlons donc ! dit-il de nouveau. Raconte-moi tes peines de cœur et je te raconterais les miennes ! »

Car oui, lui aussi il en avait. Des clients, il n’en parlerait pas. Car tous avaient leur part de secret et ce n’était pas de l’amour, même pas de l’affection. Mais il y avait lui. Lui, et sa tendresse étrange, son sourire confortable, sa voiture tard dans la nuit. Ses yeux rassurants. Oui, il y avait lui. Eddy était romantique. Mais juste assez pour garder les pieds sur terre. Un flic, quelle idée ! Il ne lui apportera que du malheur, il le sait. Alors pourquoi donc continuait-il de lui faire voir autant de choses ? Et pourquoi l’avoir embrasser alors que rien ne l’y obligeait ? Pourquoi la sensation pulpeuse de ses lèvres sur les siennes étaient devenues la seule chose qui lui revenait en tête lorsque d’autre tentaient de le faire ployer ? Il en avait embrassé des gens. Mais s’il voulait être réellement honnête, la maladresse d’Alan Ueda avait été son goût préféré.

Présentations qui se faisaient naturellement, comme si l'ambiance c'était naturellement détendue. C'était assez amusant de voir que le jeune homme semblait réellement intéressé par elle alors qu'elle n'était qu'une simple étudiante qui se perdait un peu trop vite dans n'importe quel domaine qu'il soit. Etudiant en musique, art des merveilles qu'elle idolâtrait sans doute un peu trop. Et de toute manière, continuant à l'écouter, elle ne fit aucun commentaire sur son métier plus sombre, n'ayant de toute manière rien à juger ou à dire si ce n'est qu'il était courageux. Alors elle se contenta de sourire, de l'observer sagement avec des yeux brillants, s'étonnant sur le fait qu'ils avaient pratiquement le même âge. Il fallait dire qu'il était d'une beauté éclatante, tellement qu'elle n'avait pas pu penser qu'ils étaient si proches que cela. Adorable, tellement qu'elle avait passé outre les détails importants. D'un côté il n'y avait pas de quoi en faire tout un cirque, et elle aimait se rapprocher des gens comme elle avait pu le faire avec Eddy. Liqueur entre ses doigts qu'elle fit légèrement couler entre ses lèvres, elle le regarda, grand sourire aux lèvres en voyant qu'il n'était absolument pas dérangé.

"C'est bien vrai...Et c'est sûrement plus facile de parler à un inconnu qu'à des proches n'est-ce pas ? En plus t'es tellement adorable que je peux pas m'empêcher de parler. Faut m'excuser ! Tu as complètement raison en plus de cela." qu'elle rigola tout doucement en souriant, avant de reprendre une gorgée.

Paroles si philosophiques dans sa tête alors qu'elle balançait doucement ses jambes dans le vide, toute excitée. Il fallait dire que boire avec quelqu'un d'autre la rendait toujours heureuse comme pas possible. Pas qu'elle était alcoolique, elle n'irait pas jusque là, mais elle appréciait pouvoir savourer ces liquides chauds qui pouvaient lui réchauffer la peau. Sans doute n'étaient-ils que deux âmes en perdition qui cherchaient à se retrouver un chemin traversable. Perdus sans doute, qui se cherchaient une lueur simple et efficace. Alors ils allaient pouvoir parler, faire comme si la vie n'était d'un tissus de rêves sur lesquels ils pouvaient s'extasier. Alors, dos se redressant un peu à sa demande, elle se mit à rire doucement en réfléchissant légèrement. Parler de leurs peines de cœurs. Sans doute en avait-elle, des histoires à partager, à raconter, entre ces lippes écarlates et gravées sur sa peau. Alors elle réfléchissait sagement à ce qu'elle pouvait lui raconter à ce qu'elle pouvait avoir en tête à lui offrir de croustillant.

Et bien...Parlons de cœur alors !" commença-t-elle tout doucement avant de se lancer, "Hmmm....En ce moment je...Je vois quelqu'un. Et...Ca passe nickel entre nous ! Vraiment je crois que c'était un coup de foudre...Du moins de mon côté. Mais en vrai, mis-à-part que je vais devoir en parler à mon père et que ça va mal se passer mais sinon..." affirma-t-elle, n'ayant en réalité pas grand chose à dire sur le sujet.

S'il voulait , elle pourrait s'extasier encore et encore sur le fait qu'elle voulait encore pouvoir le voir et passer du temps. Les yeux pétillants délicatement alors qu'elle sautillait presque sur sa chaise, elle entama la suite de son verre, lui expliquant alors un peu comment ils s'étaient rencontrés ensemble. Maladresse qui avait sûrement accentué son charme, pour avoir pu avoir un rendez-vous avec le jeune homme. Alors elle continuait sur sa lancée, passant de l'étape de la salle à manger au salon, à la salle de bain. Véritable récit des plus intéressants et divertissants. Il fallait dire qu'elle accentuait les mots, faisant par moment de grands gestes comme pour lui illustrer la scène. Une vie passionnante en outre, comme l'une de ces romancières qui savait si bien s'exprimer. Et les minutes passaient, encore et encore, tandis qu'elle arriva sur la fin du récit tranquillement.

"Voilà~ En gros je l'ai ébouillanté ! Franchement on pouvait pas faire mieux tu trouves pas ? Je trouve ça déjà miraculeux qu'il ait bien voulu me revoir !, qu'elle lança d'un rire nerveux, venant alors se frotter un peu le visage en souriant, Mais passons ! Et toi ? Des choses passionnantes à me raconter ? Une relation qui t'a marquée peut-être ?" qu'elle lui demanda alors, d'un sourire conquit.

Et son verre se finit plutôt rapidement, alors qu'elle s'amusait déjà à en commander un nouveau pour elle. Les limoncello, sa faiblesse ultime en plus de Liang. Mais passons. Alors elle se rassit correctement, le fixant tout doucement avec un regard assez intense, comme prête à écouter tous les discours que pourrait lui sortir le jeune homme. Tête au creux de sa paume alors qu'elle le détaillait doucement, et il était évident qu'il allait pouvoir s'exprimer comme il le voulait avec elle. Au final, ce groupe de discussion s'annonçait bien, si cela se faisait par pur hasard complet. Sourire élégant, pupilles brillantes, il n'y avait plus aucun doute, la noiraude était impatiente de tout, et surtout de connaître les aventures du jeune homme.

"Je suis sûre que tu dois avoir quelqu'un dans le cœur non ? N'importe qui ! Du moment que ça te va d'en parler !", reprise furtive pour l'encourager à se confier, alors qu'elle était prête à tout entendre.

N’était-ce pas le principe de la psychologie ? Aider de parfait inconnu à s’en sortir. Lorsque l’on a peur de dire la vérité à ses proches, lorsque l’on sent qu’on pourrait être jugé, voir décevoir, ou encore blesser ses personnes qui nous font tellement de bien en tant normal. La psychologie. Ecouter et répondre, faire sortir des pensées, les libérer un instant donné pour se rendre compte que nos sentiments sont valables. Un être humain vit, découvre, apprend, se blesse et blesse les autres sans s’en compte. Il ressent de la tristesse, de la jalousie, de la colère. Il devient méchant, susceptible, vénéneux. Alors que tout ce qu’il faudrait dire est que les sentiments sont totalement normaux. La peur, la frustration, le désarroi. Si la société ne nous répétait pas en boucle qu’il faut être heureux, en bonne santé, souriant et avenant, encastré dans une case comme tout le monde, parce que c’est bien d’être comme tout le monde. Eddy n’a jamais été comme tout le monde. Il n’a pas de case, même s’il s’en cherche désespérément une. Alors que tout le monde pense qu’être différent, c’est la nouvelle mode, lui espère du plus profond de lui rentré enfin dans ce monde qu’il ne connait pas, et qui le méprise en retour. Lorsqu’il lève les yeux vers ses buildings immenses, lorsqu’il aperçoit les voitures hors de prix passer dans sa rue. Des clients riches, il en a eu et il en a. Mais il n’appartient pas à leur monde. Il n’est qu’une parenthèse. Myung pense qu’elle était étrange, à parler autant, à lui proposer un verre comme ça, sans raison. Mais elle était tout ce qu’il y avait de plus normal. Parce qu’elle est elle-même, vraie, véritable, épanouie, heureux. Et si les autres la considéraient comme étrange, c’était eux le problème. Pas elle. Lui rendant son sourire discrètement, Eddy hocha la tête. Ils étaient d’accord, au moins là-dessus. Cette rencontre allait être amusante.

L’ayant lancé sur ses histoires de cœur, il fut surpris de voir à quel point elle racontait bien les histoires. Ce pauvre garçon allait sans doute en subir encore, des bourdes, mais Eddy trouvait cela tout à fait adorable. Ce type de rencontre, et le fait qu’il veuille bien la revoir, montré que quelque chose s’était passé. Il ne croit pas au coup de foudre, tout comme il ne pense pas avoir une âme-sœur dans le monde. Son cœur a été trahi alors qu’il pensait avoir trouvé celui qui le rendrait heureux. Il était tombé de si haut, qu’il en avait cassé ses ailes. Icare, ayant traîné trop proche du soleil, s’en retrouva à sombrer dans l’océan. Eddy pouvait bien se comparer à ce mythe grec. Il avait cru avoir trouvé l’éclatant amour de son adolescence, celui que tous les films dépeignent comme le parfait et le meilleur. Le premier amour, celui qu’on n’oublie pas. Mais lui, il ne se souvient même pas de son nom. Il a des souvenirs horrifiques, qui surplombent les bons et agréables. Mais si Myung pense avoir vécu un coup de foudre, qui est-il pour lui dire que non ? Glissant son verre jusqu’à ses lèvres, il se lécha ses lèvres gercés avant d’en prendre une gorgée, écoutant son récit comme un conte de fée. Elle était passionnée par son livreur de colis. Et vu comment elle le décrivait, le violoniste se demanda même s’il n’était pas mannequin en réalité. Peut-être le voyait-elle avait des étoiles ? Un simple colistier. Qui lui avait attrapé le cœur, en même temps que perdu son pantalon (en sens propre du terme, Eddy se demandait toujours comment il avait pu réagir avec autant de calme en ayant failli être ébouillanté).

« S’il veut te revoir, c’est que tu lui plais, dit-il, en grand penseur aux joues rosies. Et pour ton père, franchement, on s’en fiche un peu non ? Tant que vous êtes heureux. »

Sans connaître sa vie, peut-être qu’il venait de faire une grosse boulette. Mais il le pensait réellement. Un père peut être tyrannique, certes, il n’en savait rien, mais si elle l’aimait vraiment, et si lui aussi, alors tout se passerait bien. L’amour, il l’imagine, peut bien dépasser cela tout de même. De temps à autre, il imagine ce que ça ferait de se faire aimer. De recevoir de la vraie affection, d’être accepté pour ce qu’on est, le côté étrange remis au même niveau que les autres. Mais il se gronde, se disant qu’il n’a pas le droit d’espérer l’impossible s’il veut s’en sortir sans avoir le cœur de nouveau brisé. Une coquille vide, qui se demande pourquoi est-ce qu’elle a mérité tout ça. Et ce n’est pas dans les draps de clients, qu’il trouvera un réconfort à ses blessures encore ouvertes. Au contraire. Il est là pour leur donner de l’affection, pour leur permettre de se relâcher et d’être eux-mêmes. Mais lui ? Qui l’aide à être lui-même ? Des rencontres comme Myung. Ou alors comme… A sa question, il fronça des sourcils, le nez légèrement rebroussé. Il y avait bien quelqu’un oui. Enfin il n’en sait rien. Mais cette histoire est la seule qu’il peut lui raconter.

« J’ai embrassé un flic, lui avoua-t-il en fixant son verre à moitié vide. En fait, il m’a aidé, et pour le remercier, je l’ai embrassé. Je ne sais même pas pourquoi ! (Son regard atterrie de nouveau sur elle.) Il était beau… Mais je… Je ne pense pas le revoir. Après tout, je ne suis pas réellement de bonne compagnie. »

Car elle avait compris non ? Que ce soir, il n’attendait pas un rendez-vous galant, mais bien quelqu’un à qui réchauffait le cœur le temps de quelques minutes. Alan Ueda et ses lèvres, seulement goutée comme un songe, pour l’avoir aidé alors qu’on lui avait toujours tourné le dos. Eddy ne se sentait même pas honteux de l’avoir fait. Il savait que s’il ne l’avait pas fait, il s’en serait voulu. Parce qu’un baiser, ce n’est rien, et en même temps, cela veut tout dire. Ils ne sont que des étrangers. Mais en une nuit, pour Eddy, recevoir de l’attention, c’est comme un rayon de soleil une journée d’orage : inattendu, bienvenu et réconfortant. S’il avait pu, il l’aurait remercié d’une toute autre manière, le faisant succomber pour ses jambes, ou autre chose. Mais il avait compris, dans les yeux du policier, qui ne réagissaient pas comme les autres, que cela ne marcherait pas. Le faire plier ainsi, quelle idiotie. Il ne le voyait pas comme un morceau de viande à goûter. Mais plutôt comme un humain à découvrir. Toute la différence, entre un homme bon, et un homme tout court.

Et elle racontait, elle, lancée comme une fusée dans cette histoire d'amour qui semblait tout droit tirée des pire romans à l'eau de rose que l'on pouvait retrouver sur les étagères d'une adolescentes dans son genre. Parce qu'elle était passionnée, un peu trop, à en faire peur sans doute aux autres clients. Mais on la connaissait, elle, adorablement féroce, celle à la chevelure noiraude qui lui tombait souvent dans les yeux et qu'elle n'arrivait souvent pas à gérer comme il se le devait. Mais bon, elle n'était pas une princesse, et encore mois l'une de ces filles qui misaient tout sur leurs têtes. Elle avait bien des manières de se faire remarquer, et si par moment, elle ne ressemblait à rien du tout, et bien tant pis. Bref, passons. En complète admiration sans doute pour celui qui lui faisait tourner la tête, alors elle s'extasiait un peu trop, elle illustrait comme pour garder l’intérêt du plus jeune, car elle savait se montrer captivante. Détails sans doute parfois trop futiles, dans lesquels elle mettait pourtant un entrain flagrant. "Tu...penses ? Puis pour mon père de toute manière je m'en fiche...J'en fais toujours qu'à ma tête de toute manière. " qu'elle lui dit alors en venant doucement lui tirer la langue, beaucoup trop amusée par son énergie débordante. La jeune femme était un cas assez particuliers en vrai, il n'y avait qu'à voir la manière dont elle pour tout et pour rien. Ou alors était-elle simplement inspirée par les histoires d'amour romancées version Myunghee. Assez intéressant en y pensant, suffisamment pour avoir réussi à décrocher des mots aux plus vieux.

Alors, se penchant vers lui, regard pétillant complètement en l'attente de son récit à lui, elle plissa doucement des yeux pour mieux le fixer, tout aussi curieuse. Elle voulait tout savoir elle, après lui en avoir autant raconté. Alors elle bu une gorgée, puis deux, avant d'enfin l'entendre s'exprimer. Rougeurs discrètes au visage, s’imaginant la scène beaucoup trop enthousiaste. Un policier avec une prostituée, elle trouvait cela étrangement romantique en réalité. Lui souriant alors d'un coup, venant poser sa main sur son épaule comme une gamine, elle sautilla pratiquement sur place, les prunelles illuminées comme ces soirs d'été à l'écart des villes qui tuaient les étoiles. "Et il a réagit comment ton policier ? Et puis moi je te dis pourquoi pas ! T'as ressenti un truc ? Puis dis pas ça ! T'es adorable vraiment pfff ! " qu'elle continua en une moue légère, y croyant vraiment elle. Car tout le monde avait le droit à sa chance, à trouver une personne qui lui convenait. Et ce n'était pas commun, c'était bien vrai. Mais qu'importe, si les sentiments y étaient, il n'y avait pas de quoi avoir peur. Puis lui aussi, avait le droit au bonheur. Ce n'était pas parce que les gens mettaient un point noir sur ce boulot que la personne n'en restait pas pour autant moins humain. Alors qu'importe. Elle, elle voulait y croire. "Dis moi tout~ Il est comment ce flic ? Il t'a repoussé ? Parce que si ça se trouve t'a une chance ! Il t'a aidé ? C'est qu'il est plutôt cool non ? Enfin après je connais pas trop les policiers ici, mais bon..." qu'elle commença à le harceler de question avant de se redresser d'un coup et de rougir un peu en s'en rendant compte.

"D-Désolée ! J-Je voulais pas poser autant de questions...C'est sorti tout seul...Te trouve pas obligé de répondre si...si ça te dérange..." qu'elle ajouta en respirant d'un coup, venant un peu se calmer en reprenant son verre entre ses mains et en finissant par se taire. On aurait dit un enfant auquel on avait donné trop de sucre. Et c'était presque le cas en regardant bien, mais cela venait également de la présence à ses côté. Car il avait beau lui dire l'inverse, elle s'amusait à passer du temps avec ce quasi-inconnu qui la connaissait presque mieux que n'importe qui à présent. Elle avait tout lancé si rapidement, comme un déballage de vie complet sans même faire attention à si cela dérangeait le jeune homme ou non. Après tout c'était fort possible, elle n'avait pas grand chose d'intéressant à part des catastrophes ou alors se plaindre de sa famille complètement bordélique. Ce n'était pas positif, et elle flippait pas mal en sortant dehors maintenant, même si elle se perdait assez souvent comme aujourd'hui. Fallait dire que même en suivant les panneaux d'affichage de la ville elle parvenait à se tromper de chemin. Il ne fallait pas la quitter des yeux plus de cinq minutes au risque de la voir disparaître à l'autre bout de la ville. Une boule d'énergie fatiguante, il fallait le dire. C'était tout elle. "Ah et dis moi si tu veux autre chose...Niveau boisson...Surtout si c'est pour pouvoir me supporter haha !" Elle rigolait toute seule, elle, comme pour animer la chose alors qu'elle savait pertinemment que rien n'était forcément très amusant très appréciable. Mais tant pis si elle faisait un bide, tant pis si on la trouvait un peu beaucoup chiante.

Et son verre, elle le finit une nouvelle fois, regard un peu perdu dans le vide tandis que ses jambes battaient de plus en plus dans les airs comme une gamine surexcitée. Peut-être que c'était comme cela qu'il la voyait, les pensées un peu en vrac alors qu'elle réfléchissait aussi à sa situation, à ce qu'il lui avait dit. Car elle était sans doute beaucoup trop enthousiaste pour un rien, un peu trop contente de juste avoir pu le rencontrer. Un peu sensible sur les bords, un peu étrange aussi, elle était à sa manière attachante, chose que son père avait eu du mal à apprivoiser. Une petite bouille qui courait partout dans ses jambes et qui le dérangeait, qu'il faisait garder par sa mère. Oui, c'était l'époque où tout allait parfaitement bien dans son petit monde, l'époque où personne ne la troublait, là où elle était celle qui faisait peur aux autres en leurs sautant dessus, celle qui était une petite princesse sans couronne, qui courait après les méchants, et qui osait crier à la vie dans les ruelles tard le soir.

Elle avait bien raison de s’en foutre de son père. Si Eddy avait eu un père, il s’en foutrait aussi. Mais il n’avait pas cette chance. Il ne lui fera certainement pas la moral de « au moins toi… tu as un père » parce que pour tout dire, il se disait actuellement que si son père avait été un connard capable de les abandonner, lui et sa mère, il n’aurait jamais voulu l’avoir comme figure paternelle. A la place, il s’était construit sur sa propre personne. Pas de repères. Les seuls qu’il avait été médiocre, alors il les avait occulté de sa vie. Myung Hae n’avait même pas à se sentir coupable d’avoir un père. La vie était comme ça, c’était ainsi. Et lui, il souriait en l’écoutant parler ainsi, réellement amusé par son enthousiasme. Autant autour de cet homme qui semblait lui avoir capturé le cœur et l’esprit, que par ses réponses toujours spontanées. Il aimait ça. Elle ne semblait pas se cacher derrière un air de quelqu’un qui voulait paraître bien. Elle était une bonne personne tout court. Cela lui faisait du bien, à Eddy. Les gens toxiques, il en côtoyait tout les soirs.

Des teintes rouges prirent place sur ses pommettes alors qu’elle commençait à lui poser des questions sur ses aventures à lui. Eddy se souvenait très bien de cette soirée, de ses lèvres, de la raison qui l’avait poussé à faire ça. Mais, alors que l’alcool montait doucement dans son cerveau, les choses s’embrouillaient un peu. Y avait-il mis tout son cœur ? Etait-ce dans la voiture à l’extérieur ? Etait-il devant chez lui ? Comment était-il habillé déjà ? Ah oui, Alan lui avait donné des vêtements. Avait-il récupérer ses propres vêtements alors ? Et bien sûr, pour ne pas arranger les choses, il finit son verre, préférant s’enfumer encore plus, plutôt que de réfléchir. Il n’était pas là pour ça d’abord. Il voulait juste passer du temps avec elle, une inconnue, plus si inconnue, qui la comprenait. Cela le surprit lorsqu’elle s’arrêta toute seule. Ouvrant de grands yeux, il mit ses mains en évidence devant lui, les levant comme s’il voulait lui dire que « noooon ! tout va bien ! ». Ce qui était le cas. Elle n’avait rien fait de mal. Bien au contraire. Peut-être que la boisson lui faisait tourner la tête, mais aussitôt, il se mit à rire.

« T’inquiète pas ! C’est drôle ! (Puis il se reprit, ne pouvant tout de même retirer son sourire.) Ueda, de son nom de famille. C’est un bon flic je pense. Il fait attention en tout cas, à être un bon flic. C’est rare. En tout cas, j’espère qu’il va pas finir soudoyé pour fermer les yeux comme la plupart des autres le sont, dit-il, un peu amer. Mais après tout… il ne m’a pas repoussé… »

Cette fois, sa voix était plus douce, plus tendre, presque rêveuse, alors qu’il revoyait son regard sur lui. Eddy était dans la brume, mais il se souvint de ses yeux, complètement ouverts de surprise, qui le fixaient alors qu’il partait vers son propre appartement, retournant à sa vie dans la rue. Il avait un vague souvenir de sa voix, de son allure, assis derrière le bureau de son office. Eddy sourit, un soupçon de fantaisie dans son expression. C’est vrai que l’image était jolie. Un prostitué, à peine habillé, assis négligemment dans un siège, seulement séparé par une table, d’un policier en uniforme qui travaillait. On aurait presque cru au début d’un bon film X. Même si, dans ce genre de film, les scénarios sont souvent au second plan. Un léger rire lui échappa de nouveau, alors qu’il tendait volontiers son verre vers elle pour avoir une rincette, comme on dit. Non vraiment, il devait commencer à voir trouble pour en redemander comme ça. Mais il assumait. Tant qu’il réussissait à rentrer chez lui après, on verra demain s’il a la gueule de bois ou pas. Au pire des cas, il enverrait son cher et tendre Shinji en mission pour lui donner les cours. En brave camarade de promotion.

Une fois son verre de retour dans sa main, il trinqua (enfin, il essaya) avec Myung avant de prendre une nouvelle gorgée, riant doucement de son propre malheur. Il ignorait superbement les regards du barman, ou des autres clients, parce qu’ils ne leur prêtaient pas attention de toute façon. Et même si c’était le cas, il s’en foutait. Comme Myung avec son père d’ailleurs. Posant son coude sur le bar, signe concret qu’il commençait à flancher, il sourit doucement à la jeune fille, une idée faisant doucement chemin dans son esprit. Elle avait dû mal à avancer, surtout bloquer par son absence de sommeil et sa prise très récente de stimulant couplé à l’alcool qui circulait dans ses veines. Mais une fois qu’elle atteignit la bonne partie de son cerveau, il se redressa, lui attrapant alors les mains pour l’obliger à lui faire face. Tous les deux, face à face, se regardant dans les yeux. Wouaw, le début d’une bonne blague, d’une scène tragique ou du plus brillant très d’esprit de la soirée.

« Toi qui est étudiante ! (Supposons qu’il est oublié qu’il en était un aussi.) Dis-moi, pourquoi est-ce qu’on n’arrive à rien dans nos vies alors qu’on est censé être super fort ?! »

Etre étudiant signifiait avoir un rang d’éducation assez important. Or, Eddy était bien loin de réussir dans sa vie. Il était même, plutôt perdu. En termes de caractère, ça allait. Il avait son identité et tout ce qui va avec bien sûr. Sexualité, genre, préférence, couleur, animaux, douceur, bipolarité du travail et j’en passe. Mais autrement, il était complètement or clous. Il était en pamoison devant un flic, alors qu’il couchait avec un homme friqué quasiment tous les soirs. Myung, elle, parlait de son livreur comme de l’homme de sa vie, alors qu’elle avait clairement la prestance pour désirer un prince. Sentimentalement, ils étaient des brêles. Et cela se voyait dans la manière dont ils agissaient l’un avec l’autre. Perdus, amoureux (?), en dehors de la société, mais en même temps, étudiants et inclus dedans. Et si, en plus, leur rencontre démarrait une série de moments particuliers comme celui-là, ils n’allaient très clairement pas s’en sortir.

Voix enjouée de celle qui profitait des liqueurs venimeuses, envies de tout simplement pouvoir se délivrer à un inconnu qu'elle commençait à apprécier particulièrement. Et ô ce n'était pas à cause de l'alcool; car elle était de ceux qui chérissait les âmes les lus sensibles sans se contrefaire de ce qu'ils étaient. Car pour elle il y avait bien plus que les apparences : et lui était bien plus que ce qu'il montrait aux autres. La noiraude avait ce genre de présentiments, car même si elle côtoyait beaucoup de monde, elle finissait par bien les cerner, par bien se rendre compte de comment certains étaient. Amis banals, ceux qui préféraient l'appât du gain, ou encore trahison complète : elle avait finit par se désintéresser de ceux qui prétendaient, de ceux qui ne faisaient qu'attendre quelque chose des autres. Et c'était sans doute pour cela qu'au final elle ne faisait plus attention, car dans tous les cas elle était surveillée : épiée. Elle ne le savait que trop bien la noiraude, surtout quand hommes en costumes tentaient d'être discrets. Qu'importe, elle profiterait de l'instant présent sans avoir à se déjouer des lumières de la ville.

Rougeurs sur le visage d'un jeune homme qu'elle trouvait de plus en plus intriguant, elle se mettait à apprécier écouter ces histoires de coeur, celle qui avait toujours été beaucoup trop niaise. Car le sien palpitait pour un seul regard, et sans doute que Eddy comprendrait ce qu'elle ressentait. Mais elle préférait se languir de ces paroles, s'imaginant déjà de quelle manière tout avait pu se passer, ou alors comment cette rencontre avait pu tout changer, et étrangement elle trouvait cela beaucoup trop doux à son goût. Un peu trop intrusive, sourire aux lèvres qui orna rapidement son beau visage, elle le regarda alors de ses grands yeux brillants et délicats. "Oh ?! Mais c'est un bon début déjà ! C'est le seul flic que tu apprécies alors ?" qu'elle lui demanda encore une fois avant de cacher un peu sa bouche beaucoup trop découverte. "Moi je te dis que s'il ne t'a pas repoussé, c'est qu'il a apprécié et qu'il t'aime bien ! C'est tellement clair !" qu'elle s'extasia alors d'un coup, l'encourageant presque à continuer ainsi : car elle y croyait, elle. Elle s'émerveillait devant son visage rêveur, devant celui qui semblait bien perdu dans ses pensées. Elle aussi aurait aimé avoir avancé à ce niveau là. Profiter d'un baiser quelconque, éphémère, et des plus romantique.

Mais peut-être ne se faisait-elle que des illusions sur ce sujet, et qu'elle était au final beaucoup trop optimiste sur ce sujet. Mais qu'importe, au final elle ne pourrait que voir ce que leur offrirait le temps : meilleur moyen de laisser les choses se faire. Rire qui la fit à son tour rayonner, elle ne put que le suivre dans un nouveau verre, esprit qui s'embrouillait déjà par moment. Elle ne tenait pas l'alcool, Myung, mais pour autant elle se laissait aller aux ivresses des endroits les plus risibles. Sans doute pour se camoufler les esprits, ou alors tout simplement ne plus penser à rien d'autre de ce monde qui l'énervait un peu trop. Moyen de s'évader toujours plus sous ces liqueurs au citron. Tout montait un peu trop vite, tandis que si elle le pouvait, elle laisserait son corps s'affaler sur le bar devant elle. Mais ses mains furent rapidement prises entre celles du jeune homme qu'elle voyait pratiquement double. Double beauté, double sourire, double prunelles. Bref elle ne s'en plaignait pas elle d'avoir deux beaux inconnus rien que pour elle. Non, elle n'avait rien à envier à personne, et ça elle ne pouvait qu'en être fière.

Question qui la fit cligner tout doucement ses longs cils, elle agrippa un peu ses mains aux siennes en essayant de réfléchir légèrement. "Hmmm...Moi je dirais que...C'est juste...un maaaaanque de chance !" qu'elle hocha vigoureusement la tête, essayant de se redresser bien droite pour le fixer dans les yeux. "Ou alors...Parce qu'on est pas...nés...dans la bonne période ! Tu sais ! Notre pays c'est un peu l'bordel. Comment tu voudrais qu'on ne le soit pas ? Moi je dis faudrait qu'on essaie de plus cacher les choses et de foncer dans le tas." Technique qui n'avait fournie aucune preuve de réussite pourtant avec elle au cours de ses dernières années. Et elle n'était pas pleinement sûre que si elle se pointait dans cet état face à son livreur, lui criant de tout cœur de l'embrasser qu'il ne la prendrait pas pour une folle hystérique - ce qu'elle était - . "Parce qu'au final...On perd...notre temps à étudier...Alors qu'on va mourir je sais pas quand ? Non...Vraiment on profite de rien là...." qu'elle bougonna en soupirant un bon coup, venant se frotter un peu le visage. "Tu sais quoi ? Faudrait qu'on aille s'amuser dehors ! Gueuler un bon coup~ Dehors, comme si de rien était !" De toute manière, ils étaient sans doute déjà trop saouls pour se rendre compte de quoi que ce soit.

Et elle tenait à moitié sur sa chaise elle, tandis que sa tête se laissa tomber au creux de sa main, buvant son dernière verre comme s'il était des plus précieux. Non pas parce qu'elle se rendait compte que sa tête était complètement écrasées par les liqueurs. Regards qui ne quittaient plus le plus vieux, alors qu'elle sautillait pratiquement sur place, elle finit par lui sortir son téléphone en le glissant devant lui. "J-J'imagine...Que t'as un numéro non ? Ca te dit...qu'on reste en contact ? Pas que...c'est la fin de la soirée mais...J'ai peur de zapper après sortir de là... Enfin...t'es pas obligé ! Et c'est pas parce que t'es mignon non plus ! T'es juste fun...Puis faut dire que j'aurais envie de savoir la suite de ces histoire moi..." Ô mais elle ne savait plus réellement ce qu'elle disait alors qu'elle aurait très bien pu lui dire tout simplement qu'elle l'appréciait, qu'il était réellement intriguant. Il ne fallait pas se tromper : elle ne se fiait pas qu'aux apparences, et sans doute que cette nuit leur offrirait bien plus qu'ils n'auraient pu le penser. Car tout n'était que détente en ce moment même, même si les questions existentielles allaient sans doute les prendre toute la nuit.

Jamais il n’aurait cru parler d’Alan à une parfaite inconnue autour d’un verre. C’était plutôt agréable en tout cas. Eddy posait tout ça sur les verres qu’ils avaient enchaîné et la chaleur du lieu. Tant d’excuses, oui, alors qu’il n’était que le seul responsable. Parce qu’il aurait très pu refuser. Mais elle était si gentille et si prévenante envers lui, contrairement à tous les autres. Enfin, non, il avait rencontré des gens bien récemment. Plein de gens bien. Shinji, Matthew, Alan. Ils s’accumulaient, lui faisant comprendre qu’il n’était pas si seul. Peut-être que sa bonne étoile avait finalement décidé qu’il était temps pour lui d’avoir un peu de chance et un peu de reconnaissance après autant d’années à trimer pour des broutilles. Le rouge sur ses joues s’étendit jusqu’à son cou, alors qu’il y portait la main pour essayer de camoufler sa gêne. Parler ainsi à cœur ouvert était nouveau, lui qui avait plus l’habitude de raconter tous ses secrets à son fidèle chien, dans le noir de leur appartement.

« Ouais, c’est le seul, avoua-t-il en retenant un toussotement. Tu penses ? Parce que je l’ai un peu pris par surprise quand même… (Soudainement, il s’agrippa les cheveux, se rendant compte de son erreur.) J’ai même pas demandé s’il voulait ! J’ai pas vérifié son consentement ! »

Pour lui, qui vendait son corps pour une bouché de pain, c’était presque comique de parler de consentement. Il n’avait jamais donné de sa personne volontairement parce qu’il en avait envie. Jamais. Son premier petit-copain lui avait fait comprendre que c’était un devoir qu’il avait en tant qu’amant, ses clients ne voulaient que se détendre le temps d’une soirée. Eddy ne connaissait pas le plaisir qu’un autre pouvait lui offrir. Et il avait volé – littéralement – un baiser à un flic sans lui demander son avis. Mais pour qui se prenait-il ? Face à cette réalisation, il demanda un nouveau verre, se l’enfilant plus rapidement encore que les autres, faisant monter des larmes au coin de ses yeux sous la brûlure de sa gorge. Il s’en voulait maintenant. Si ça se trouve, Alan n’aimait même pas les mecs, et il s’était totalement fourvoyé. Peut-être même qu’il était en couple et qu’il venait de participer à une sorte d’adultère. (C’est un peu ironique de sa part, en sachant qu’il voit des hommes mariés toutes les semaines.) Oui mais ça, on parlait d’un flic, d’un mec droit dans ses bottes. Peut-être même qu’il venait de foirer toutes ses chances avec lui en fait. La réalité le frappait avec un peu trop de force. Alan devait même l’avoir oublié, si ça se trouve, et il était repartie à sa vie de justicier à ne voyant en Eddy qu’une seconde de trop dans leur rencontre. Alors que le Snow était littéralement accroché à la simple perceptive de pouvoir le revoir. Idiot. Il était un parfait idiot.

Mains dans les mains, les deux compères se regardaient, face à cette question qui avait laissé septique Eddy pendant tout le temps où il la cherchait. Il ne se sentait absolument pas inclus dans la société alors qu’il devait, normalement, en faire partie. Et Myung Hae devait peut-être vivre la même chose que lui. Etait-ce un sentiment commun ? Tout le monde était-il dans cette situation ? Shinji semblait plutôt bien dans sa vie lui, malgré sa phobie des voitures et transports routiers. Mais ça, ce n’est pas le moment d’en parler. Un manque de chance d’après elle, donc. Plissant des yeux, il écouta la suite de son explication, la trouvant plutôt cohérente alors que sa tête était embrouillée par l’alcool. Oui, tout avait un sens maintenant. Pourquoi cherchait aussi loin lorsque la vérité était devant eux ?

« T’as raison ! conclut-il. On va aller s’amuser un peu avant de mourir ! »

Sur ses mots, il se releva, bousculant un peu sa chaise qui ne tomba pas. Une migraine fit tourbillonner ses yeux alors qu’il essayait de se trouver une balance dans son équilibre. Dit comme ça, on aurait cru aux dernières paroles d’un personnage tragique. Ou d’un adolescent en manque d’action. N’était-il pas un peu des deux ? Ses yeux s’arrêtèrent sur le téléphone que lui proposa Myung. Essayant de rassembler toute sa concentration, il s’en saisit, faisant attention à ne pas le lâcher. C’est que c’était précieux ces trucs. Avec plus ou moins de dextérité, il parvint à écrire son numéro – ou ce qu’il pensait être, parce que clairement le huit et le deux se ressemblent – avant de lui rendre. Une fois fait, il se saisit de son bras pour l’embarquer dehors. L’air frais de la nuit de Los Angeles les accueillit. Pas de quoi dessoûlé, mais juste assez pour lui faire reprendre un minimum de conscience. Il n’y avait personne autour. Pas de voitures, pas de passant. Il devait être tard, même pour Los Angeles. Se tournant vers elle, il descendit du trottoir en décrochant leur bras.

« Tu voulais qu’on cris c’est ça ? » demanda-t-il, les yeux lumineux.

C’est ce qu’il fit. Il hurla, dans les rues vides de la ville des gens, se libérant de tout le poids de sa vie. Sa mère qui l’avait traité de démon, son père qui les avait abandonné, son orphelinat qui fermait les yeux sur les bêtises de certains, son premier violon brisé par jalousie, son premier copain qui l’avait forcé, son travail à la con, son appartement minable. Mais il cria aussi pour le jeune homme qu’il avait rencontré à l’orphelinat, aussi pale que lui, pour cette professeure qui l’avait poussé à commencer la musique, pour son chien qui dormait paisiblement, pour ses amis qui continuaient de lutter pour survivre, pour Myung, pour Alan. Pour tout ce qu’il aimait. Il cria pour ceux qui détestaient. Mais aussi pour ceux qui avaient rendu sa vie bien plus vivable.

Jeune homme embarrassée, alors qu'elle se délectait des récit intemporels qu'il pouvait venir lui compter. Romance incroyable à laquelle elle attrapait toutes les informations, sourire aux lippes comme pour ne faire que montrer un peu plus que les veines s'étaient d'ores et déjà enivrées de doux délices amers. "Et qui te dis que la surprise ça fonctionne pas ? Je pense que s'il avait pas apprécié, il serait pas resté sans rien faire !! " qu'elle prononça presque convaincue, comme une enfant tout juste excitée à l'idée que son nouvelle ami pouvait avoir posé les yeux sur quelqu'un. Rire délicat sous les paroles du jeune homme, manquant de s'étouffer tout doucement en l'observant s'enfiler un nouveau verre, elle secoua vivement la tête en s'avachissant contre sa paume. "T'as paas à avoir peur ! Moi je pense...que de toute...s'il avait eu un truc contre...comme il est flic il t'aurait fait un truc non ? Genre pfioooou ! Une convocation au poste !" qu'elle s'amusa à mimer avec ses doigts fins dans les airs comme une apparition divine. Gamine ne faisant que s'amuser, aux côtés de son nouveau compagnon de jeu.

Alors venant doucement tapoter le dos d'Eddy, yeux pétillant de malice et de joie, elle ne pouvait qu'essayer de le rassurer un maximum, car elle y croyait, à cette histoire. "Commence pas à paniquer pour ça ! Comment tu vas faire si tu le recroises de nouveau hein ? Faut pas te décourager ! Moi je pense que tout est possible, puis qui sait ? Si ça se trouve il t'aime bien !" Un peu optimiste en n'y connaissant rien, mais elle se devait d'apporter cette dose de douceur à celle qui semblait bien plus enjouée que les espoirs du jeune homme. Lui changer les idées, faire que tout ne s'éclaircisse qu'un peu plus dans les soirées bien sombres. Alors quand les doigts attrapés, elle tenta de monter sa théorie entière complètement assommée par les alcools qu'elle avait pu ingurgiter un instant avant. Idées folles qu'elle voulait accomplir : parcourir le monde comme une enfant en proie aux découvertes. Car il n'y avait pas à réfléchir plus selon elle, ils n'avaient qu'à se lancer, courir et parcourir le monde de leurs simples envies ironiques. Enfers qui ne lui faisait pas peur, et dont elle comptait bien se débarrasser le plus vite possible.

Regard scintillant, alors que sur ses paroles elle le regarda se relever d'un coup, elle se précipita à ses côtés, ne faisant que vouloir garder les contacts avant qu'ils nr soient plus en état de rien du tout. Téléphone tendu sous les rires de la belle, elle préférait s'amuser de le voir taper sur son écran un peu hasardeusement avant de ne regarder les numéros flous qu'il avait bien pu lui offrir. Bras emporté, venant se resserrer contre lui en trottinant comme s'il n'y avait rien de plus parfait au monde, elle profita de l'air frais qui ne fit que doucement faire flotter ses mèches ébènes avant de n'observer les alentours merveilleux. Calme des nuits, sensibilité nocturne qu'elle appréciait particulièrement, elle cligna tout doucement des yeux avant de sourire au plus grand. "Ouuuuiiiii ! Faisons du bruit !!" qu'elle préféra s'amuser alors tandis que les éclats de rire ne purent qu'éclore sous les vocales enfin exprimées. "Yes ! Comme ça !" qu'elle tournoya tout doucement sur elle-même, laissant les bras s'envoler alors qu'elle se mit à simplement hurler, joie au ventre pour en ressortir les frustrations. Car il y en avait, plus qu'elle ne voulait l'avouer, plus qu'elle ne voulait le voir.

Regard pétillant alors qu'elle s'empressa d'agripper la main de celui qui l'accompagnait pour ne faire que le tirer avec elle, le faire danser un peu, pour en découvrir les beautés d'un monde déjà bien trop moche à son goût. Alors elle riait pour tout ce qu'elle n'avait pas pu faire, elle riait pour ce qu'elle avait encore à faire : emportant avec elle au milieu de la route celui qui se devait d'être aussi perdu qu'elle. Car éclat de rapidité quand d'un geste rapide elle ne put que l'attirer avec elle sur les trottoirs au passage d'une simple voiture. "Ca fait du bien non ?!" qu'elle ne put que lui sourire au visage, alors que les joies rayonnaient au creux de l'estomac. "Bon évidemment si on s'écarte du danger...maaais ! Je trouve ça bien de pouvoir faire touuuut le bruit qu'on veut ! Y'a personne pour nous en empêcher !" Certitude affirmée alors qu'elle ne pouvait que lui tenir de nouveau le bras comme pour ne pas tomber comme une enfant sur les sols. "Hmmm....Qu'est-ce qu'on pourrait faire...T'habites loin ? Je peux te raccompagner si tu veux ! Ou alors on peut aller manger un bout en plus !" qu'elle sautilla au devant de lui, éclat sans fin et énergie indéniable.

Car les rues tardives pouvaient être remplies de nourritures en tout genre à emporter : hot-dog ou encore sandwichs, et elle s'en fichait plutôt bien, car du moment qu'elle pouvait juste passer un peu de temps avec lui, tout lui irait. "Mais il est taaaaaard ! Mais j'ai pas envie de te lâcher ! Tu crois que si on traîne assez on arrivera à user toutes les heures de la nuit, et comme ça j'aurais pas à rentrer chez moi ?" Question idiote aux mots vaguement prononcés, car elle même ne savait plus réellement où elle était, ou bien ce qu'elle faisait. Ironie du sort alors qu'elle ne voulait que pouvoir s'amuser, se détendre en faisant un peu plus connaissance. Après tout, ce n'était pas tous les jours qu'elle pouvait passer un temps si agréable avec un inconnu qu'elle considérait à présent comme un ami en plein cœur. Ô il lui en fallait peu, pour elle, de simplement se lier à une personne qui lui semblait bien plus agréable que ce qu'elle n'aurait pu en réalité paraître. Même si en réalité, elle ne se fiait jamais aux apparences, bien au contraire : elle était l'une des première à venir sauter sur ceux qui ne voulait pas des compagnies ordinaires. Et elle ne comptait pas le lâcher de si tôt.

« Tu le penses réellement ? demanda Eddy en faisant une légère moue. Je suis parti tellement vite après, peut-être qu’il n’a juste pas eu le temps… »

A bien y réfléchir, Eddy n’aurait pas été contre de retourner au poste et de rester un peu plus longtemps avec lui, dans son bureau, à le regarder travailler. Mais il avait un chien qui l’attendait et auprès de qui il se devait d’être toujours fidèle. Et puis, le lieutenant semblait plus être un homme de terrain qu’un comptable sur une chaise. Observant Myung mimer la contravention, il rigola légèrement, s’avouant que si Alan lui mettait les menottes, il se laisserait faire bien gentiment. Le privilège de la beauté et de la gentillesse dont il avait fait preuve. En l’entendant lui parler d’une prochaine rencontre, il se mit à se mordiller l’ongle du pouce, anxieux. Comment allait-il faire ? Il avait dû lui laisser une mauvaise impression en soi. Un prostitué qui offrait un baiser comme si de rien n’était, c’était vraiment le cliché du mec facile. Il était désespéré d’affection et recevoir la moindre miette de réels sentiments altruistes lui avait fait perdre la tête. Eddy n’embrassait pas les gens sur un coup de tête. Il n’avait certainement pas prévu d’embrasser Myung à la fin de la soirée, ni même Shinji pour une quelconque raison. Alors pourquoi n’avait-il pas pu résister avec Alan ? Sans s’en rendre compte, il cassa son ongle. La douleur le réveilla alors.

« Comment pourrait-il bien m’aimer avec l’impression que je lui ai laissé ? Il doit être fou… »

Il fallait bien l’être pour ne serait-ce que trouver quelque chose de remarquable en Eddy. Souriant alors, bêtement, il se dit que Myung devait l’être un peu aussi, à sa façon, pour avoir accepté de boire avec lui, alors qu’il n’avait fait que l’aider à se relever après une chute. Chute dont elle n’avait pas semblé souffrir plus que ça. Ils devaient être totalement saouls, car lorsqu’Eddy se redressa, l’alcool lui remonta dans la tête, la faisant tourner bien plus vite que la normale. Heureusement, son cœur ne se souleva pas et son estomac resta à sa place. C’était plutôt bon signe. Ils échangèrent sommairement leurs numéros, comme promesse qu’ils allaient remettre à un autre jour. Saluant le barman en quittant le bar, il retenait autant à la jeune fille qu’elle ne le faisait avec lui. Une fois dehors, ils se mirent à faire du bruit et à danser. Le Snow oublia momentanément qu’il se trouvait dans une des plus grandes villes des Etats-Unis, qu’il devait y avoir des gens qui dormaient et que d’entendre deux idiots crier de tout leurs poumons dans la rue ne devaient pas les ravir. Mais au point où il en était, ce n’était pas cette classe moyenne simpliste et monotone qui allait lui dire comment agir. Il entendait assez de conneries dans la rue et à la fac pour se dire que ce n’était peut-être pas si mal d’être en dehors de la société.

Sans trop savoir comment, il termina sur le trottoir d’en face, tenant la main de Myung, qui, aussi essoufflée que lui, souriait de toutes ses dents. Ils rayonnaient, sous les lampadaires un peu sales de la rue. Tandis que la nuit continuait sa course irréversible vers le lendemain. Quelle heure était-il ? Impossible à dire, Eddy n’arrivait même pas à se repérer. Elle recommença alors à parler, Eddy la regardant avec affection. Ce petit bout de femme était tout à fait passionnant et il l’appréciait beaucoup. Il aurait aimé pouvoir en apprendre plus sur elle et peut-être la considérer comme une proche amie. Elle était joyeuse et resplendissante, tout le contraire de lui. Seul son joli visage arrivait à cacher la brume de son être perdu dans les limbes d’une vie en fil de coton. Il ne voulait pas la laisser seule dans la rue, il ne voulait pas non plus la quitter pour le moment. Avait-il cours demain ? Oh, mais Rain l’attendait. Et s’ils allaient le chercher ? Et s’ils faisaient une balade nocturne tous les trois ? Rester éveillé toute la nuit ne faisait pas peur à Eddy, mais sans doute que Myung ne sera pas trop d’accord. Après tout, faire une nuit blanche, c’était signe de mauvais teint le lendemain.

« J’ai une proposition à te faire, articula Eddy en le regardant dans les yeux. On va chercher à manger, on passe par chez moi et on continua la nuit tous les deux en promenant mon chien. T’en penses quoi ? »<

C’était un plutôt bon compromis non ? Comme ça, ils pouvaient continuer de passer du temps ensemble, loin de la maison de Myung, à décuver sous la nuit de Los Angeles. Pour Eddy, en tout cas, cela faisait sens dans ça tête. Mais, peut-être ne fallait pas trop croire à son esprit emboué par l’alcool. Il pouvait très bien raconter n’importe quoi. Après tout, il venait de crier dans la rue, sans aucune raison particulière. Gardant le bras de la jeune fille autour du sien, il se mit à tourner légèrement sur lui-même, l’entraînant avec lui dans sa petite dance sur le trottoir. Qui aurait pu lui dire qu’un jour il danserait dans la rue, là même où il ne voyait que misère et épuisement ? Eddy se dit qu’il vivait pour ce genre de moment. Ces évènements imprévus, qui bouleversaient une journée, et la rendait un peu plus agréable à goûter du bout des lèvres.