you and me, we belong together just like a breath needs the air. (kezai 4)

Cette soirée c’était clairement pas une bonne idée. Et ce jeu encore moins. Franchement, si j’avais imaginé que ça finirait comme ça, jamais je n’aurai pris la peine de les inviter tous les deux. Au début je trouvais ça marrant, je pensais que j’allais pouvoir bien m’amuser à les faire tourner en bourrique, mais le jeu s’est retourné contre moi, putain de karma. J’ai dû mettre un terme à cette soirée très vite pour éviter que ça dégénère vraiment, et c’est pas plus mal. Depuis avec Kezia, on s’évite, et moi j’aimerai pouvoir discuter calmement avec elle mais j’y arrive pas. Ça fait quelques jours que j’organise un truc avec mon père. C’est risqué, je le sais, pour tout un tas de raisons, mais je sens à l’intérieur de moi que je dois le faire, absolument. Tant pis si ça rate. J’ai fait part à mon père de la peur que son état se dégrade en mon absence mais il m’a fait promettre de me prévenir si tel était le cas, pour que je puisse rentrer tout de suite. J’ai bien conscience que je perds un peu de temps avec lui avant qu’il ne parte pour de bon, mais j’ai le sentiment que c’est ce que je dois faire, même si j’ignore pourquoi.

J’ai tout organisé, déposé un mot sur le lit de Kezia en lui disant qu’une surprise l’attendait. Je n’ai pas signé et j’ai fait en sorte de ne pas écrire à la main pour qu’elle ne puisse pas forcément penser que c’est moi. Je sais pas si elle préfèrerait que ce soit moi ou Wyatt, mais dans le doute, je préfère prévenir que guérir. Le mot stipule qu’elle doit préparer une valise pour quelques jours, et se laisser guider. C’est mon père qui l’emmènera à l’aéroport où je l’attendrai. Je suis prête, j’attends sur le parvis de l’aéroport. Je viens de recevoir un sms de mon père qui me dit qu’ils partent, et mon coeur s’accélère. Elle a accepté, ou la curiosité a été plus forte, peut-être. Les minutes sont affreusement longues, j’essaie de passer le temps mais c’est difficile. Nouveau sms de mon père. Il vient de la déposer devant, elle va entrer. Je scrute l’entrée et pose les yeux sur la silhouette de la jeune demoiselle. Mon coeur s’emballe un peu plus, j’ignore comment m’approcher d’elle, j’ai imaginé ce scenario tellement de fois que je me demande encore si c’est une bonne idée. « Salut… » je me risque enfin à son attention, attirant son regard sur moi. Je sens la surprise dans son regard, mais j’arrive pas à déceler si elle se doute de quelque chose, ou si elle s’attendait à rejoindre Wyatt… « J’ai deux billets aller-retour, ils sont remboursables si tu veux pas partir avec moi… » Je hausse les épaules, oui, j’ai pris soin de prendre une assurance, au cas où. Je lui tends l’enveloppe avec les billets pour Bali. Je sais qu’elle en rêve depuis longtemps, elle aurait peut-être aimé partager ça avec sa mère, ou avec quelqu’un d’autre j’en sais rien. Mais on avait parlé d’y aller toutes les deux y’a quelques années, et pour une fois j’ai eu envie de tenir ma promesse. Juste elle et moi. A elle de décider.

Un jeu pour tout foutre en l'air. Ou comment finir la soirée de la pire des manières. Toutes les vérités ne sont pas forcément bonnes à dire - encore moins à entendre. C'est quelque chose que tout le monde devrait savoir. Et quitte à choisir, je crois que j'aurais préféré ne jamais savoir justement. Wyatt et Kai. Kai et Wyatt. Tous les deux, ensemble. Putain… non. C'est un cauchemar, c'est pas possible autrement. Depuis la révélation, c'est comme si tout avait été brusquement remis en question. Mon couple avec Wyatt et sa sincérité. Mon amitié avec Kai ou du moins le peu qu'il en reste. Je me sens trahie, humiliée. Comme la cinquième roue du carrosse qu'on prend pour une conne depuis des années. C'est même pas tant leurs parties de jambes en l'air qui me dérangent. De toute façon, à cette époque là, je n'avais rien à dire. Mais c'est le principe en soit. Nous avons toujours été une équipe tous les trois, un trio. Je pense que je méritais de savoir. Ces non-dits sont pour moi comme une trahison. J'ai été mise à l'écart et cette sensation n'est pas agréable. Et surtout je ne comprends pas pourquoi Wyatt n'a pas été honnête avec moi lorsqu'on s'est mis officiellement en couple. Pareil pour Kai quand elle a su que nous étions ensemble. Mais merde quoi, c'est pas un détail insignifiant putain. Au contraire même. Il s'agit là des deux personnes les plus importantes dans ma vie. Et dans mon cœur. Deux personnes pour qui je ressens des choses… bordel. J'ai volontairement pris mes distances depuis cette soirée-là. Autant avec l'un qu'avec l'autre. J'ai besoin de temps pour digérer la nouvelle. J'ai besoin d'être seule. Et je ne suis surtout pas encore prête à me confronter à eux. Pas maintenant. D'autant plus que toute cette histoire est tombée en plein milieu de mes examens à l'université. Une bonne raison d'essayer de penser à autre chose. Mon dernier examen s'est d'ailleurs terminé ce matin même avec une petite semaine de vacances à la clé. La première chose que j'ai envie de faire est de rentrer me réfugier dans ma chambre. Dormir jusqu'à n'en plus finir. Mais au lieu de ça je tombe sur un mot. Une surprise. Je laisse échapper un long soupir persuadée qu'il s'agit là d'une combine de Wyatt. Qui d'autre ? Pour être honnête mon premier choix est de ne pas vouloir y aller. Surtout pas. Mais rapidement la curiosité finit par l'emporter sur le reste. Le mot en dit trop - ou pas assez. J'ai besoin de savoir. Même si je me fais secrètement la promesse de ne pas craquer trop facilement et de garder une certaine distance. J'arrive à l'aéroport un peu anxieuse sans trop savoir dans quoi je me suis réellement embarquée. Et alors que je m'attends à tomber sur mon petit-ami, c'est la voix de Kai qui vient m'accueillir. « Salut… » C'est quoi ce bordel ? « Kai ? » Le regard perplexe en signe d'incompréhension, je n'arrive pas à comprendre. Le mot, c'était elle ? « J’ai deux billets aller-retour, ils sont remboursables si tu veux pas partir avec moi… » J'ouvre l'enveloppe que ma demi-sœur me tend et commence doucement à comprendre. Deux billets pour Bali, un à mon nom et un autre au sien. Si je m'écoutais, je lui sauterais au cou. Là, tout de suite, maintenant. C'est mon rêve de retourner à Bali. Dans ma ville natale, ma ville de cœur. J'y suis partie à l'âge de douze ans en me faisant la promesse d'y revenir dès que j'en aurais l'occasion. Kai le sait mieux que personne. Et pour cause nous en avions déjà parlé toutes les deux. Je n'arrive pas à y croire. Une certaine émotion peut se lire sur mon visage même si cette surprise garde tout de même un léger goût amer. Non, c'est trop facile. Je secoue un peu la tête avant de lui redonner l'enveloppe. « Qu'est-ce que tu essayes de faire au juste ? » Je me doute qu'elle ne s'attendait pas à cette réaction là de ma part. Mais c'est plus fort que moi, je n'arrive pas à la regarder dans les yeux sans penser à toute cette histoire. J'ai besoin d'une explication. Je ne peux pas tout effacer comme ça en un claquement de doigt. Même devant le plus beau cadeau du monde. Je suis quelqu'un d'entière et je l'ai toujours été. On me prend avec mes valeurs ou on me prend pas, c'est comme ça.

Je sais pas si j’ai un jour eu aussi peur de me faire remballer qu’aujourd’hui. Des peurs, j’en ai eu un paquet, de mémoire, elles sont beaucoup liées à Kezia quand même, je sais pas trop ce que je dois en conclure, j’essaie de ne pas trop y penser pour le moment. Et puis, je suis trop focalisée sur sa réaction, sa réponse qui semble tarder à venir. Je vois bien dans son regard au moment où elle ouvre l’enveloppe qu’elle aimerait crier son bonheur mais elle se retient. Je n’attendais rien de mieux de toute manière. Elle ne m’aurait pas sauté dans les bras, je ne le mérite même pas. Elle finit par secouer la tête et me tendre l’enveloppe avec les billets. « Qu'est-ce que tu essayes de faire au juste ? » Ma gorge se serre et je la regarde un peu bête, esquissant un sourire mal à l’aise. « Me faire pardonner ? » C’est la stricte vérité. Je ne suis pas du genre à acheter les gens, et c’est pas vraiment ça. Mais j’ai besoin de prendre l’air loin de tout, de tout ça, et j’avais envie d’être avec une seule personne : elle. « Je sais que tu m’en veux beaucoup, mais c’était pas à moi de t’en parler Kez… ça signifiait rien ni pour lui ni pour moi quand c’est arrivé, et quand tu t’es mise avec lui j’étais pas là pour te le dire, et après c’était trop tard… » Je soupire un peu, resserrant ma main sur la poignée de ma valise. « C’était à lui de te le dire, je cherche pas à remettre la faute sur quelqu’un, mais après tout, toi et moi on se voyait plus déjà depuis un moment, je vois pas comment j’aurai pu t’en parler… » Et lui en parler quand on était encore proches ? J’aurai eu peur de tout faire foirer. Parce que avant qu’on dérape elle et moi, je tenais à notre relation plus qu’à n’importe quoi, et même si je voulais pas mettre de mots dessus, m’avouer ce que ça représentait, c’était là, et j’aimais ça. J’en ai sans doute pris conscience un peu trop tard, auparavant aveuglée par mes propres peurs, mes démons, mes angoisses. J’ai peut-être un peu plus de recul aujourd’hui. Peut-être. Je soupire un peu, dévie mon regard du sien une seconde avant de reprendre la parole. « Je sais qu’on t’a blessée, je comprends, j’aurai mal réagi aussi si j’avais été à ta place. Mais j’ai besoin de prendre l’air, de partir de L.A. une semaine, me dépayser, pas penser à mon père, pas penser à tout ce qui me bouffe la vie. Et quand j’me suis demandé avec qui j’avais envie de partir, c’est à toi que j’ai pensé sans même réfléchir… » Je me mords un peu l’intérieur de la joue, nerveusement. « L’avion part que dans 3h. T’as le temps de réfléchir… »

Je suis un peu étonnée que ce soit Kai qui soit à l'origine de cette surprise. Mais une part de moi ne peut s'empêcher d'en être heureuse. C'est toujours comme ça avec elle. C'est quelque chose que je n'ai jamais réussi à contrôler - que je n'ai jamais voulu contrôler. C'est tout aussi puissant qu'inconscient. Mais cette fois-ci je ne peux pas tout lui pardonner en un claquement de doigt. Il faut que j'arrive à penser à moi, à me protéger. Kai est la seule personne capable de me faire autant de bien que de mal. Elle a ce don inexplicable pour me rendre plus heureuse et épanouie que jamais avant de tout foutre en l'air. De tout détruire en me brisant le coeur. Avec elle, c'est un peu comme les montagnes russes. Le chaud et le froid. Elle représente ma pire corde sensible, mon point faible. Et mon coeur est loin d'en être immunisé. C'est justement ça le problème. Est-ce que le jeu en vaut vraiment la chandelle ? Avec tout ce qu'il s'est passé ces derniers temps, je me demande en réalité si ce n'était pas mieux avant. Quand nous étions séparées à des centaines de kilomètres l'une de l'autre. Quand elle n'était plus dans ma vie, que je n'étais plus dans la sienne. Quand tout était fini entre nous. Mais étais-ce vraiment le cas finalement ? « Me faire pardonner ? » Je la connais par coeur, et je sais qu'elle est sincère. Ça se voit dans son regard, ça se sent. « Je sais que tu m’en veux beaucoup, mais c’était pas à moi de t’en parler Kez… ça signifiait rien ni pour lui ni pour moi quand c’est arrivé, et quand tu t’es mise avec lui j’étais pas là pour te le dire, et après c’était trop tard… » Je secoue vivement la tête avant de rétorquer. « Non, ce n'est jamais trop tard Kai... » J'aurais préféré le savoir autrement. Pas l'apprendre comme ça dans un jeu stupide, à cause d'une parole à la con balancée sans faire attention. « C’était à lui de te le dire, je cherche pas à remettre la faute sur quelqu’un, mais après tout, toi et moi on se voyait plus déjà depuis un moment, je vois pas comment j’aurai pu t’en parler… » Même si certains de ses arguments peuvent s'entendre, ça n'explique et ne pardonne pas tout. « Arrête de parler de Wyatt. C'est avec toi que je parle, pas avec lui. Tu aurais dû me le dire tout de suite, à l'époque même où ça s'est passé. On se disait absolument tout sur tout... je croyais bêtement qu'on avait aucun secret l'une pour l'autre. » Ma voix est étonnamment calme et posée. Ce qui s'en dégage en réalité n'est pas de la colère mais plutôt une déception et une tristesse infiniment profonde. « Même si c'était peut-être à lui de prendre ses responsabilités en premier, tu aurais quand même dû m'en parler... » Surtout quand elle a su que nous étions ensemble. « Enfin si tu tenais un minimum à moi. » Que j'ajoute en murmurant du bout des lèvres. Si ça ne signifiait rien pour eux comme elle dit, pourquoi me l'avoir caché à l'époque ? Et surtout pourquoi continuer à me le cacher après ? C'est plus fort que moi, je ne peux m'empêcher de rester méfiante. « Je sais qu’on t’a blessée, je comprends, j’aurai mal réagi aussi si j’avais été à ta place. Mais j’ai besoin de prendre l’air, de partir de L.A. une semaine, me dépayser, pas penser à mon père, pas penser à tout ce qui me bouffe la vie. Et quand j’me suis demandé avec qui j’avais envie de partir, c’est à toi que j’ai pensé sans même réfléchir… » Je sens mon coeur se serrer dans ma poitrine. Je ne peux pas être plus perdue que je ne le suis à cet instant. « Je sais pas Kai... je sais pas quoi te dire. » Ça me parait complètement fou de partir avec elle... et pourtant. « L’avion part que dans 3h. T’as le temps de réfléchir… » Le coeur ou la raison ? « Je crois que j'ai besoin d'être seule. » Je ne lui dis pas oui, je ne lui dis pas non. Juste je sais pas. J'ai besoin de temps pour moi, pour réfléchir. Je tourne alors les talons dans la direction opposée, laissant Kai, là, en plan, sans lui adresser un regard.

« Arrête de parler de Wyatt. C'est avec toi que je parle, pas avec lui. Tu aurais dû me le dire tout de suite, à l'époque même où ça s'est passé. On se disait absolument tout sur tout... je croyais bêtement qu'on avait aucun secret l'une pour l’autre. » Je serre un peu les dents, ça fait mal d’entendre ça. Parce que c’est vrai, on avait aucun secret l’une pour l’autre, mais j’avais peur que mes bêtises avec Wyatt puissent avoir une quelconque incidence sur mon lien avec Kezia. Parce que c’était particulier, parce que j’ai pris conscience d’à quel point c’était particulier cette nuit là dans le jaccuzzi des voisins. « Même si c'était peut-être à lui de prendre ses responsabilités en premier, tu aurais quand même dû m'en parler... Enfin si tu tenais un minimum à moi. » Je soupire un peu et secoue la tête. « Ne dis pas ça… » J’ai tellement peur qu’elle le pense, qu’elle croit que je n’ai jamais été sincère avec elle, que je jouais ou que sais-je… J’essaie de me dépatouiller comme je peux, c’est loin d’être simple mais je fais du mieux que je peux pour essayer de la convaincre de me suivre. J’ai besoin de deconnecter et je voudrais que ce soit avec elle. Même si mes sentiments pour elle sont clairement flous, encore plus depuis cette soirée, depuis que j’ai senti ses doigts me frôler, nos lèvres se retrouver… J’en dors plus. « Je crois que j'ai besoin d'être seule. » Je souffle un peu, sans trop faire de bruit, juste pour moi, parce que ça me pèse et que même si ça me fait chier, ce serait mentir de dire que je ne m’y attendais pas. « Ok… » je lâche seulement en la voyant me tourner le dos pour s’éloigner. Le coeur lourd, je reste immobile et la regarde jusqu’à la voir disparaître à travers la foule pourtant pas si dense que ça. Résignée, je récupère ma valise et pars en sens inverse pour trouver un café dans lequel me poser quelques temps, le temps que Kezia réfléchisse et me donne sa réponse. Je ne suis pas sûre d’arriver à partir seule à Bali, pas en ayant imaginé partir avec elle. C’est chez elle là bas, ça rimerait à rien de partir seule. Les minutes s’égrainent à une lenteur folle et je peine à garder patience. Assise dans un fauteuil au starbucks, je cherche à tuer le temps, bougeant de position toutes les trois minutes. Les yeux rivés sur mon téléphone, je m’arrête avant de manquer de batterie, au cas où elle m’appellerait. Elle est peut-être déjà partie, et moi je suis là à attendre comme une conne. Est-elle capable d’une chose pareille ? Un regard sur l’heure, l’avion part dans une heure et si on part, on doit enregistrer nos bagages sans attendre. Je me mets en quête de retrouver Kezia, et pars dans la direction qu’elle a prise. L’aéroport est grand mais je regarde dans tous les cafés et les restaurants, un à un, pour finir par la trouver. Je m’approche doucement et me racle la gorge une fois près d’elle pour attirer son attention. « L’avion part dans moins d’une heure, j’ai besoin de savoir si j’appelle un taxi ou si on va enregistrer nos valises… » Mon ton est posé, ma voix un peu étouffée par le stress, j’attends juste qu’elle donne son verdict final.

C'est le bordel dans ma tête, le bordel dans mon coeur. Et une fois de plus c'est elle qui en est responsable. Comment est-ce possible que Kai puisse avoir autant d'impact sur mon coeur ? C'est fou et pourtant si évident à la fois. Même si c'est encore trop dur à comprendre... trop difficile à avouer. Mon premier réflexe est de me réfugier dans les toilettes de l'aéroport. M'enfermer dans une cabine à double tour et ne plus jamais en sortir. Je reste là, assisse contre le mur des toilettes, un temps indéfiniment long. Tout se bouscule alors dans mon esprit. Les souvenirs de nos moments passés ensemble à San Francisco. Les sourires complices et les instants volés. Cette fameuse soirée dans le jacuzzi des voisins. Je repense à ses mains enroulées autour de mon corps, à ses doigts frôlant la nudité de ma peau. A nos lèvres scellées ensemble dans ce magnifique baiser. Mais je repense forcément aussi à la douleur immense qui s'en est suivie. A notre séparation, à ce terrible manque. A ce trou béant dans ma poitrine. Et enfin à nos récentes retrouvailles. A notre nuit passée ensemble dans les bras l'une de l'autre. A cette fameuse soirée où tout a encore basculé. Après avoir pris soin de me rafraîchir un peu le visage, je décide finalement de sortir pour errer dans les boutiques de l'aéroport. Quelque chose me pousse inconsciemment à ne pas partir. A rester encore un peu. J'hésite même plusieurs fois à lui envoyer un message. Pour lui dire oui et la rassurer. Courir la rejoindre sans me soucier de tout et du reste. Suivre simplement les battements de mon coeur. Mais c'est justement ça qui me terrifie le plus. J'ai peur de souffrir davantage, peur d'espérer des choses qui finiront une nouvelle fois par me briser le coeur. Est-ce que je peux vraiment lui faire confiance ? Est-ce que je peux surtout ME faire confiance ? Après tout, c'est peut-être de moi que je devrais avoir le plus peur. De moi-même et de mes sentiments. L'heure commence à défiler alors que je tourne toujours en rond dans les boutiques. Je ne sais toujours pas vers quelle décision me pencher lorsque je sens la présence de ma demi-soeur à mes côtés. Elle est toujours là, elle aussi, et n'a pas abandonné. Je ne peux m'empêcher d'en être rassurée. Et si elle avait changé d'avis ? Et si elle n'avait pas voulu prendre le risque de m'attendre ? A cet instant, au plus profond de moi-même, je sais. « L’avion part dans moins d’une heure, j’ai besoin de savoir si j’appelle un taxi ou si on va enregistrer nos valises… » Je jette un rapide coup d’œil à ma montre avant de reporter mon attention sur un chapeau posé sur le présentoir juste devant nous. Je lui montre d'un signe de la tête avant d'ajouter. « Tu crois que je pourrais en avoir besoin là-bas ? » Insinuant évidemment là-bas, à Bali. J'ancre mon regard dans le sien dans un fin sourire et ajuste le chapeau sur ma tête pour l'essayer. Je n'ai pas besoin d'en dire plus, le sourire qui s'affiche instinctivement sur les lèvres de ma demi-soeur prouve qu'elle a compris. Oui, la réponse est oui. « Comment tu me trouves ? » Je laisse échapper un petit rire amusé d'entre mes lèvres. « Allez viens, on va être en retard. » Je repose le chapeau et viens loger ma main dans la sienne avant de prendre la direction du hall d'enregistrement. Là, tout de suite, j'essaye de ne penser à rien d'autre qu'à l'instant présent. Carpe diem.

J’ai peur. J’angoisse. J’ai aucune idée de si je vais trouver Kezia, et si je la trouve, aucune idée de la réponse qu’elle compte finalement me donner. Et si elle était déjà partie, et si elle finissait pas me dire qu’elle n’avait pas envie de partir avec moi ? Je crois que je comprendrai, malgré la douleur que ça pourrait me faire. Après tout, je pourrai m’en prendre qu’à moi même. C’est moi qui ai fait des conneries, j’en paierai les conséquences si ça peut me permettre d’un jour pouvoir la retrouver. Lorsque mon regard se pose sur sa silhouette, je suis d’un côté rassurée qu’elle n’ait pas fini par prendre la poudre d’escampette, mais l’angoisse est toujours présente malgré tout, tant que je n’aurai pas sa réponse définitive. Kezia se tourne vers un chapeau qu’elle me désigne d’un geste du menton. « Tu crois que je pourrais en avoir besoin là-bas ? » Mon coeur s’emballe lorsque j’ai l’impression de comprendre qu’elle me signifie qu’elle a pris sa décision. Je souris. « C’est possible oui. » Elle le pose sur sa tête et mon sourire s’élargit. « Comment tu me trouves ? » « Magnifique, comme d’habitude. » Et le pire, c’est que je le pense sincèrement. Son rire ravit mes tympans, je me sens tellement plus légère, tellement rassurée. J’imagine qu’on aura à en reparler, mais ce n’est pour le moment pas le sujet. Elle accepte de m’accompagner, et c’est la plus belle réussite de ma vie je crois. « Allez viens, on va être en retard. » Kezia repose le chapeau et se saisit de ma main, me donnant un long frisson. « On en trouvera un plus joli là bas. » Nous nous dirigeons vers l’enregistrement des bagages. Je suis excitée comme une puce. Une fois nos valises enregistrées, c’est vers le hall d’embarquement. « J’ai réservé un truc pour notre arrivée, mais après c’est à la roots. Je connais rien là bas, je compte sur toi pour nous guider ! » J’ai envie de découvrir le Bali qu’elle connaît, celui qu’elle aime, celui qui lui manque. J’ai l’impression de rêver, j’ai du mal à croire que je pars avec elle. Juste elle et moi. Ça me semble tellement dingue. « Tu sais déjà ce que tu veux me faire visiter ? » Mon regard ancré dans le sien, j’ai cette envie, ce besoin même de m’imprégner de chaque seconde passée avec elle. J’ai eu l’impression que j’allais la perdre, et cette sensation m’a été insupportable. Pourtant, c’est moi qui suis partie il y a un peu plus d’un an, parce que j’ai eu peur. J’ignore aujourd’hui ce qui a changé, je ne veux pas y penser, pas y réfléchir, pas laisser parler mes angoisses. Je sais une seule chose essentielle : je tiens à elle et je ne veux plus la perdre.

C'est comme si d'un seul coup toute ma rancœur à son égard s'était envolée. Volatilisée. Il a suffit d'un seul de ses regards pour me faire tout oublier. Un seul sourire et c'est fini, perdu d'avance. Le coeur avant tout. « J’ai réservé un truc pour notre arrivée, mais après c’est à la roots. Je connais rien là bas, je compte sur toi pour nous guider ! » Je lui souris et hausse les épaules comme une évidence. « Tu peux compter sur moi, je serai ta femme. » Les mots se délient de mes lèvres sans que je puisse vraiment les contrôler. Je n'ai pas réfléchi à la tournure de ma phrase et à ce sous-entendu involontaire et terriblement lourd de sens. Je me sens d'ailleurs rougir légèrement au moment où j'en prends conscience. « Tu sais déjà ce que tu veux me faire visiter ? » La liste est longue, il y a tellement de choses à voir et à faire à Bali. Les temples, les rizières, les volcans, les cascades ou encore la forêt des singes... c'est tout un programme. Mais j'ai la chance de connaitre les dessous secrets de la ville. Des lieux privilégiés et des endroits sacrés très peu connus par le tourisme de masse. C'est grâce à mon père et son amour inconditionnel pour la culture de son pays. Les racines qu'il a tenu à me transmettre dès mon plus jeune âge. Nos nombreuses activités et randonnées dans les terres, tous nos moments de partage et de complicité qui resteront à jamais ancrés dans mon coeur. « Je veux t'emmener dans tous les endroits où je suis allée avec mon père. » Si elle s'attendait à se la couler douce pendant tout le séjour, c'est raté. Je suis prête à me lever tous les matins à l'aube pour pouvoir profiter de chaque instant sur les chemins de mon enfance. Et je suis heureuse d'avoir l'opportunité de partager mon histoire avec elle. Rien qu'avec elle. Elle et personne d'autre. « Te faire visiter mes terres, le village où j'ai grandi. Te montrer mes endroits préférés, les cachettes où je pouvais rester pendant des heures. » Mon regard s'illumine alors que je trépigne déjà d'impatience d'arriver à destination. Mais avant ça, un long voyage en avion nous attend. Nous embarquons rapidement et nous nous installons à nos places respectives. Côté hublot pour moi. « Merci Kai, vraiment. » Je plonge mon regard dans le sien alors que mes doigts viennent se glisser entre les siens. « C'est le plus beau cadeau que l'on pouvait me faire. » Ce cadeau vaut tout l'or du monde à mes yeux et bien plus encore. C'est un rêve qui devient réalité. « Comment je vais pouvoir te remercier ? » De toute évidence aucun remerciement ne peut arriver à la hauteur de son cadeau. Je soupire un peu et viens poser ma tête sur l'épaule de ma demi-soeur, ma main gardée précieusement dans la sienne. C'est plus qu'elle et moi à présent. Elle et moi à l'autre bout du monde. Le début de notre belle aventure.

Il y a longtemps que je ne me suis pas sentie aussi bien, aussi entière. J’avais tellement peur qu’elle refuse ma proposition, un voyage aussi loin, juste elle et moi, après la soirée merdique qu’on a passée tous les trois. Ça semblait vraiment pas gagné. Et pourtant. Je lui annonce quand même que je suis pas la meilleure organisatrice qui soit, et j’ai juste réservé pour le soir même une fois arrivées sur place. C’est tout. J’espère qu’elle sera un bon guide. « Tu peux compter sur moi, je serai ta femme. » Je bug un peu en entendant sa phrase. J’imagine qu’elle fait référence à cette expression à la con ‘je serai ton homme’, mais c’est vrai que là c’est un peu étrange, pas désagréable pour autant, mais mon coeur a dû comprendre autre chose que mon cerveau vu les palpitations que je me tape. « Je veux t'emmener dans tous les endroits où je suis allée avec mon père. Te faire visiter mes terres, le village où j'ai grandi. Te montrer mes endroits préférés, les cachettes où je pouvais rester pendant des heures. » Je ne peux que sourire plus largement en l’entendant parler, en voyant les étoiles dans ses yeux. Je suis tellement heureuse qu’elle ait dit oui, j’ai du mal à réaliser que je vais vivre cette expérience hors du commun avec elle. Nous montons dans l’avion et nous installons côte à côte, galante, je lui laisse même la place côté hublot. Elle me remercie, et de but en blanc je lui réponds : « Non merci à toi d’avoir accepté de m’accompagner. » Evidemment, je n’avais pas choisi l’Indonésie par hasard, et encore moins Bali. Cette île si chère à son coeur. « C'est le plus beau cadeau que l'on pouvait me faire. » me dit-elle en venant glisser ses doigts entre les miens, que je viens serrer doucement en souriant. « Comment je vais pouvoir te remercier ? » Je secoue la tête légèrement. « Je te l’ai dit, d’avoir accepté c’est toi qui m’a fait le plus beau cadeau. Tu n’as pas besoin de me remercier. » Et je suis sincère. Je la laisse poser sa tête sur mon épaule et pose la mienne par dessus après avoir déposé un baiser sur ses cheveux. Une journée complète de voyage, ça me semble tellement long, mais je suis sûre que ça vaut le coup. Après quelques bonnes heures de sommeil, quelques films, deux repas, quelques bonnes crises de rire et de complicité, nous arrivons enfin. « J’ai les jambes toutes engourdies… » Je me penche à son oreille pour murmurer la suite « … et le cul aussi ! » avant de rire comme une enfant. Je suis excitée comme une puce. Nous descendons de l’avion et cette fois c’est moi qui me saisis de sa main pour rejoindre le hall, nos valises, et enfin nous sommes dehors. Je laisse balader mes yeux sur l’arrière plan, juste magnifique. Je sors finalement de mon sac le papier de l’hôtel. « On peut aller déposer les valises à l’hôtel, et aller se balader, qu’est-ce que t’en penses ? » C’est parti pour l’aventure !

Avec toutes les émotions du moment, j'ai presque failli oublier de prévenir Wyatt de mon départ. Je grimace légèrement à cette pensée, plus honteuse que jamais. Je crois que je ne suis pas la plus parfaite des petites-amies moi non plus. Faut croire qu'on à ça en commun tous les deux. Je profite alors des quelques minutes restantes avant le décollage pour lui envoyer un message. Je lui annonce mon départ à Bali pour quelques jours sans m'étaler davantage sur le sujet. J'ai besoin de faire un break, de prendre un peu de temps pour moi. Mais j'omets volontairement un détail. Kai. Il pensera sans doute que je pars là-bas avec ma mère. Et je n'ai pas envie de lui dire la vérité. Ce n'est pas réellement mentir que de ne rien dire si ? Bon ok, c'est pas comme si je venais justement de lui reprocher la même chose dans toute cette histoire. Disons que c'est quand même légèrement différent comme contexte. Même si je ne suis pas certaine qu'il comprenne pourquoi j'ai accepté de partir avec elle alors que je m'efforce toujours d'être distante avec lui. En soit ils sont tous les deux en tord et ce n'est pas logique que je fasse une sorte de préférence. Mais merde, tant pis. Après tout ce n'est pas lui qui m'a proposé ce voyage. Je chasse rapidement ces pensées de mon esprit avant de réussir à m'assoupir quelques heures. C'est une chance, le temps partagé avec ma demi-soeur ne me parait jamais être une éternité. Au contraire, je ne le vois généralement pas passer. Et même si le voyage est long, les heures défilent à une vitesse folle. Je suis bien avec elle, juste bien. Et nos moments de rires et de complicité me réchauffent instinctivement le coeur. J'ai eu peur de la perdre moi aussi. Peur que toute cette histoire finisse véritablement par nous briser. Briser ce lien indescriptible qui a toujours su nous lier. Il y a des hauts, il y a des bas, mais rien ne pourra jamais égaler la relation que je peux avoir avec elle. C'est une évidence. Nous arrivons finalement à destination pour mon plus grand plaisir. « J’ai les jambes toutes engourdies… et le cul aussi ! » Je pouffe de rire avant d'ajouter. « Je te parle même pas du mien. » J'ai l'impression de ne plus rien sentir mais c'est pour la bonne cause. On est à Bali, putain. Je n'arrive pas encore à y croire. C'est comme si j'étais dans un rêve éveillée. Littéralement. Je sautille comme une enfant sur mes pieds lorsque nous atteignons l'extérieur de l'aéroport. L'excitation qui s'empare de mon corps tout entier me fait complètement oublier la fatigue accumulée durant la journée. Et je suis déjà impatiente de voir ce que cette aventure ensemble va nous réserver. « On peut aller déposer les valises à l’hôtel, et aller se balader, qu’est-ce que t’en penses ? » J’acquiesce d'un simple signe de tête avant de monter dans le premier taxi qui s'offre à nous. Nous arrivons assez vite à l'hôtel pour récupérer les clés de notre chambre. L'endroit est cosy, assez typique des lieux. Je m'écroule instinctivement sur le grand lit - celui qui sera le notre pour cette nuit, avant de soupirer de bien-être. « Tu m'autorises à prendre une douche avant ? » Après ce long voyage, c'est tout ce dont je rêve, là, tout de suite. Bah quoi ? J'ai un peu l'impression de me sentir sale après une journée entière dans un avion. Kai acquiesce et je m'éclipse en un éclair dans la salle de bains. Quelques minutes sous la douche me suffisent pour me sentir de nouveau d'attaque. Ça fait quand même du bien. C'est en sortant de la douche que je me rends bêtement compte que j'ai oublié de prendre mes affaires. « Kai ! » J'appelle ma demi-soeur en laissant échapper un petit rire amusé d'entre mes lèvres. Je suis une boulette à moi toute seule. « J'ai oublié mes aff... » Je n'ai pas le temps de terminer ma phrase que ma demi-soeur est déjà là, mes vêtements à la main. Un peu prise par surprise, je ne m'attendais pas à ce qu'elle arrive aussi vite. Mon corps se tétanise pendant quelques secondes - un réflexe, avant de me précipiter sur une serviette pour l'enfiler autour de mon corps.

Mon dieu ce que ça fait du bien d’arriver. Pas que le voyage était nul, le vol a été plutôt calme, pas trop de perturbations, et puis j’étais avec Kez alors il pouvait rien m’arriver de grave. C’était juste long, et je suis toute engourdie. Je suis bien heureuse d’être enfin sur place, et je me délecte du regard pétillant de ma demi-soeur. Sans attendre, je lui propose d’aller déposer nos affaires à l’hôtel, ce à quoi elle répond à la positive. Un coup de taxi, et nous voilà rendues à notre hôtel pour ce soir. J’ignore si on restera ici ou pas, je m’en remets un peu à Kezia pour l’organisation, du moment qu’on dort pas dehors, moi ça me va. « Tu m'autorises à prendre une douche avant ? » Je hoche la tête en souriant, je sais même pas pourquoi elle me demande l’autorisation. « Evidemment ! J’irai après toi, histoire de me donner un petit coup de fraicheur ! » En plus il fait vraiment chaud ici. A Los Angeles on a pas à se plaindre, mais c’est pas le même climat qu’ici. Kai disparaît dans la salle de bain pendant que j’ouvre ma valise pour sortir de nouvelles fringues, quand je me rends compte qu’elle a rien prévu pour elle. Alors j’ouvre aussi la sienne, récupère un sous-vêtement un t-shirt propre. Je m’avance jusqu’à la salle de bain et quand j’entends mon prénom, je souris, poussant la porte de la salle de bain, imaginant qu’elle s’est au moins entourée d’une serviette, mais ce n’est pas le cas. Je m’immobilise instinctivement et perds mon sourire en une fraction de seconde, au profit d’une gêne palpable. Je baisse les yeux après en avoir vu largement assez. Je me racle la gorge et lui tends ses affaires qu’elle récupère juste après avoir caché son corps nu d’une serviette. Je relève alors les yeux et esquisse un sourire, pour ne pas qu’elle se mette à culpabiliser ou que sais-je, surtout pour ne pas plomber l’ambiance. « J’ai été trop rapide, désolée ! » Je tente un petit rire, qui s’avère être plus idiot que je ne l’aurai voulu. « Ça fait du bien ? » Faut que je planque mon trouble, j’ai franchement pas envie que ce soit comme ça tout le séjour. Mais c’est plus fort que moi, je repense à la soirée avec Wyatt, au baiser que j’ai été obligée de donner à Kezia, puis le premier me revient et j’ai un coup de chaud. Bordel mais c’est quoi ce cerveau qui pense pour moi là ? J’ai rien demandé ! « Je peux prendre ta place ? » Elle me laisse faire et quitte la salle de bain, me laissant seule. Je soupire un peu pour reprendre mes esprits et me rends compte que du coup, j’en ai oublié moi aussi mes affaires que j’avais posées sur le lit. J’ouvre la porte de la salle de bain et mon regard accroche la silhouette à nouveau nue de Kezia, cette fois de dos. Le destin me joue des tours. Ok. On respire. Je re rentre dans la salle de bain et vais prendre une douche glacée pour essayer d’effacer de ma tête la vision de son postérieur. Mon dieu. Une fois ma douche terminée, je m’enroule dans une serviette et sors de la salle de bain pour récupérer mes affaires. J’enfile ma lingerie sous la serviette, et ni vu ni connu, me voilà changée. « Prête pour l’aventure ! » On va essayer d’oublier cet incident gênant. C’est pourtant pas la première fois que je la vois toute nue, mais là c’était… bizarre…

Je suis pris d'un violent malaise lorsque le regard de ma demi-soeur se plante sur mon corps dénudé. Je crois même que mes joues virent instantanément au rouge vif - pour ne pas changer. Je fuis son regard, le corps complètement paralysé. Quelle idée aussi, je n'ai même pas eu le temps de la prévenir que Kai était déjà devant moi. Trop rapide. Note à moi-même ; éviter de prendre trop mes aises à l'avenir si je ne veux pas revivre des situations aussi gênantes que celle-ci. D'autant plus que nous allons partager la même chambre d'hôtel, la même salle de bains et le même lit durant tout le séjour. Si je ne veux pas passer mon temps à être mal à l'aise, il va falloir que je prenne sur moi. Plus facile à dire qu'à faire. Ce n'est pas comme si je pouvais contrôler mes émotions. Encore moins mes sentiments. Les battements de mon coeur qui s'intensifient à chaque fois que je suis un peu trop proche d'elle. A chaque fois que la situation peut paraître équivoque. « Merci. » Je récupère mes affaires dans un sourire un peu gêné. « J’ai été trop rapide, désolée ! » Je tente un haussement d'épaules pour essayer de faire comme si de rien n'était afin de dédramatiser quelque peu la situation. Il faut absolument que je pense à autre chose. Après tout, c'est rien, ce n'est pas la première fois que Kai est amenée à me voir dans mon plus simple appareil. Mais bizarrement c'est beaucoup plus déstabilisant qu'avant. Encore pire même. Comme si quelque chose avait changé entre nous... comme si notre relation ne se cantonnait plus uniquement qu'à un simple lien fraternel. Je quitte finalement la salle de bains pour lui laisser la place. Je profite de ce moment seule dans la chambre pour faire glisser la serviette jusqu'à mes pieds. Dos à la salle de bains, je ne remarque même pas que la porte de celle-ci vient de s'ouvrir une nouvelle fois. J'enfile finalement un haut propre et un petit short en jean. Tenue idéale et décontractée pour partir à l'aventure. Je m'installe en tailleur sur le lit quelques minutes, une carte en main, et commence doucement à endosser mon rôle de guide que je prends très à coeur. Il ne me faut d'ailleurs pas très longtemps pour réussir à repérer les lieux. Kai refait alors son apparition dans la chambre. « Prête pour l’aventure ! » Je me relève du lit, un large sourire aux lèvres. « Alors tu veux commencer par quoi ? » Bon, j'ai déjà une petite idée en tête et ne tarde pas à lui en faire part. « Si mes souvenirs ne me font pas défauts, je crois qu'on est pas très loin d'un petit village où il y a de magnifiques cascades. » Je lui montre le village en question sur la carte à quelques kilomètres de là. C'est un village du centre de Bali très authentique où la beauté naturelle des paysages est digne d'une carte postale. Un havre de calme et de paix comme on en rêve tous. « On peut louer un scooter à l'accueil de l'hôtel pour y aller, comme ça on pourra bouger comme on veut. » C'est la solution la plus simple pour ne pas être dépendante des transports en commun. Et ici, ça se fait beaucoup. Je prépare alors à la hâte un sac avec quelques affaires pour notre expédition - notamment maillots de bains et serviettes. « Une fois là-bas, il faudra marcher un peu mais tu verras c'est magnifique. » De mémoire la randonnée n'est pas très longue, une petite heure de marche pas plus pour accéder aux premières cascades. Ça y est, c'est bon, je me sens déjà dans mon élément. Une vraie petite aventurière indonésienne sur l'île des Dieux. Parée du sac sur l'épaule, je tends mon bras en direction de ma demi-soeur en m'exclamant. « Qui m'aime me suive. » Je lui adresse un petit sourire innocent du coin des lèvres.

Une fois le moment étrange passé, je le mets dans un coin de ma tête pour ne plus y penser, plus trop en tout cas, et rejoins Kezia, fin prête pour partir à l’aventure. J’ai envie de tout découvrir, de tout vivre avec elle. Je suis là pour ça, pour apprendre à connaître cet endroit qu’elle aime tant, et passer du temps avec elle, retrouver notre complicité d’antan. « Alors tu veux commencer par quoi ? » me demande-t-elle, visiblement aussi enthousiaste que moi. J’avais peur que l’épisode de la salle de bain nous ait un peu coupées dans notre élan, mais tout à l’air d’aller bien, et je suis rassurée. « Ce que tu veux, je suis prête ! » Je sautille sur place comme un boxeur avant un combat, comme un sportif avant une performance, comme un coureur à L.A. lorsque le feu piéton est rouge. Kezia a l’air d’avoir potassé le parcours, sa carte entre les mains, et je suis attentive à ses propositions. « Si mes souvenirs ne me font pas défauts, je crois qu'on est pas très loin d'un petit village où il y a de magnifiques cascades. » Il faut pas m’en dire plus, je suis déjà prêt à partir. « On peut louer un scooter à l'accueil de l'hôtel pour y aller, comme ça on pourra bouger comme on veut. » Voilà, je trépigne comme une gosse. « Oooohhh ouaiiis ! J’ai fait du scooter quand j’étais ado, c’est comme le vélo ça s’oublie pas ?! » Est-ce que ça se voit que je suis excitée comme un acarien au salon de la moquette ? « Une fois là-bas, il faudra marcher un peu mais tu verras c'est magnifique. » Je hoche vivement la tête. « Pas grave, je suis là pour marcher, regarde j’ai acheté des godasses de marche exprès ! » C’est loin d’être glamour, mais si je voulais ne pas avoir mal aux pieds de crapahuter toute la journée, il fallait bien ça. J’enfile donc mes pompes, et tape dans mes mains pour dire que je suis prête, pleine d’énergie. « Qui m'aime me suive. » Je ne cherche même pas à comprendre et me saisis de son bras pour sortir de notre chambre. Je crois que je la suivrai au bout du monde. Oh. Wait. Je l’ai suivie au bout du monde, à moins que ce ne soit l’inverse ? Peu importe. Le terme d’amour n’est plus à prouver, je me convainc seulement qu’il ne s’agit là que d’une forme d’amour fraternel. Voilà tout. Kezia est comme une soeur, nous avons évolué comme tel, ou presque. Je tente au maximum de me le rappeler pour ne pas laisser mon cerveau repenser à toutes ces choses qui pourraient faire chavirer mon coeur. Nous quittons donc l’hôtel pour nous rendre dans une agence de location de scooters. Une fois nos papiers renseignés, nous récupérons les clés, et le bolide. « Tu veux conduire ? Vu que tu sais où on va ? Sinon je veux bien, mais faut que tu me guides ! » J’ai pas encore pensé au fait qu’on serait collées sur ce machin, carrément même. Chaque chose en son temps…

Ma demi-soeur est partante pour l'excursion et semble même encore plus enthousiaste que moi à cette idée, c'est dire. Je suis contente de la voir comme ça, rassurée aussi. Rassurée de voir que notre relation n'a finalement pas été entachée par nos récents conflits. Ils sont toujours dans un coin de ma tête, je ne les oublie pas, mais j'essaye simplement de profiter de l'instant présent et du voyage. De Kai aussi. Parce que nos moments à deux sont devenus aussi rares que précieux. J'ai besoin de retrouver notre complicité d'antan, cette relation fusionnelle si importante à mon coeur. Je ne peux plus vivre sans elle, c'est une certitude maintenant. Même si j'ai longtemps essayé de le nier. Nous nous occupons rapidement des formalités à l'agence et récupérons le scooter en question. « Tu veux conduire ? Vu que tu sais où on va ? Sinon je veux bien, mais faut que tu me guides ! » Question pratique. « Je vais plutôt te guider. » C'est plus judicieux que je m'installe derrière elle si je veux pouvoir continuer de jeter un œil à la carte. Certes je connais déjà un peu les environs mais je suis incapable de me souvenir exactement du trajet. Kai s'installe la première et je me faufile à l'arrière, mon corps venant alors épouser le sien à la perfection. Mes mains s'agrippent naturellement au niveau de sa taille lorsque le scooter se met en marche. Cette proximité n'a rien de plus anodin en soit, et pourtant. Je sens mon coeur battre à tout rompre contre ma poitrine, et je suis incapable de me concentrer sur quoi que ce soit d'autre. « A droite. » Je désigne du doigt une petite route sur la droite avant de me rendre compte de mon erreur. « Merde non, c'était pas là. » Oups. Après plusieurs erreurs de guidage du même genre, nous arrivons finalement à bon port laissant le scooter sur un parking à l'entrée du village. « Bon ok, je crois que je suis pas la guide la plus douée qui soit. » Je grimace légèrement avant de laisser échapper un rire nerveux d'entre mes lèvres. « On va dire que c'est l'émotion. » L'émotion de Bali et de tous les souvenirs de mon père qui remontent à la surface. Ouais on va dire ça, ou pas. Je crois plutôt que j'ai de plus en plus de mal à gérer mes sentiments. N'importe quel rapprochement entre elle et moi devient à la limite de l'obsessionnel, c'est troublant. Si je pouvais éviter ce genre de situation à Los Angeles, là, c'est différent. C'est quasiment mission impossible. Je ne peux plus vraiment me cacher. Et dire que c'est que le début du séjour.. ça promet. Il va falloir que je trouve quelque chose, n'importe quoi, mais ça ne peut pas continuer comme ça. Il faut que je prenne un peu mes distances. Pour mon bien avant tout. « Allez, c'est parti. » Le tracé qui nous guidera jusqu'aux cascades est matérialisé par un parcours fléché. Aucun risque cette fois de se tromper, c'est déjà une bonne chose. En espérant que ça me fasse du bien de marcher un peu. Sur le trajet, je reste volontairement silencieuse et distante. En réalité je ne sais plus trop comment agir avec elle. Faut croire que je commence à me perdre un peu moi-même dans tout ça. Et j'ai peur que Kai finisse par s'en rendre compte.

Elle me laisse prendre les commandes et choisit de me guider. Toute manière je vais pas aller vite, déjà parce qu’elle a besoin de pouvoir lire la carte, et puis parce qu’il n’est pas question que nous ayons un accident. Kezia prend place à l’arrière et j’essaie de ne pas être trop perturbée par notre proximité, ses mains sur ma taille et finalement ses bras autour de moi lorsque je démarre un peu brutalement. Bon faut que ça revienne. Je suis ses indications et me fous un peu d’elle gentiment. « T’es plus précise que mon GPS, t’en fais pas ! » En même temps, on a pas besoin d’être rapides, y’a pas de temps perdu, tant que je suis ici avec elle. Finalement, on trouve l’endroit qu’elle cherchait et je gare le scooter sur la parking. C’est parti pour crapahuter pendant une bonne heure selon ce qu’elle a dit, mais je suis sûre que ça en vaut la peine. Kezia est étrangement silencieuse sur le trajet, ça ne lui ressemble pas. Je me saisis de sa main et la regarde, sans pour autant arrêter de marcher. « C’est les souvenirs avec ton père c’est ça ? » Oui. C’est sûrement ça, en même temps, ça pourrait être quoi d’autre hein ? Je glisse mes doigts entre les siens et lui souris tendrement. « T’en fais pas, t’es pas obligée de parler, si tu veux juste, j’en sais rien… penser à lui. T’as le droit, mais je suis là si tu as besoin. » Je m’approche pour plaque un baiser sur sa joue et nous continuons le chemin sans se lâcher la main. Une bonne heure à marcher donc, à parler d’un peu tout et rien. Elle m’explique certaines choses qu’elle connaît sur la végétation, ou l’histoire du pays. Et enfin nous arrivons. Je reste interdite devant la beauté du paysage, mes yeux parcourant l’endroit qui ressemble à s’y méprendre à une carte postale. « Je suis déjà au paradis c’est ça ? » Je souris et plonge mon regard dans celui de la jeune femme. « C’est maintenant qu’on a le droit de se baigner ? Non parce que je meurs de chaud ! » Je lâche sa main et récupère le sac sur son dos pour boire un peu et sortir nos maillots de bain et nos serviettes. On enfile ça en se tortillant l’une et l’autre derrière nos serviettes pour ne pas se mettre à nue devant l’autre. Tout un exercice. Et une fois en maillot, on peut descendre et nous glisser dans l’eau. Je soupire même tellement ça fait du bien. J’ai de toute évidence moins de facilité à rentrer dans l’eau, elle a l’habitude faut croire. La différence de température est pas dingue, mais assez pour que je joue les princesses. Je la vois sourire et l’arrose d’eau grâce à mes mains. « Te fous pas de moi, j’ai pas vécu ici moi ! Mon corps est brûlant et l’eau glacée ! Oui. Glacée ! » Je ris un peu et entre doucement dans l’eau. Une fois fait, je la rejoins un peu plus loin et on se tourne littéralement en se bouffant des yeux. J’arrive pas à faire autrement, elle est tellement belle là avec le reflet de l’eau…