happy birthday (lela#3)

« T’inquiètes ! Je me fais confiance pour deux. » Pour tenir debout et danser… mouais, c’était plus de la confiance dans le hasard et ses converses parfaitement plates plus qu’en elle-même mais ce n’était qu’un détail. Le principal était qu’elle avait confiance, quoi qu’il en soit, et qu’elle allait lui prouver qu’elle pouvait y arriver. Elle s’en faisait une bête promesse, coûte que coûte. Et puis la route défilait. L’euphorie retombait un peu. C’est qu’elle était presque en train de s’endormir quand Leah parquait la voiture, la réveillant de sa voix qui l’informait qu’il s’occupait lui-même d’aller chercher ses viennoiseries d’anniversaire. Tant mieux parce que sur le moment, elle n’avait pas franchement envie de bouger, se contentant d’hocher la tête et de l’attendre sagement. Un bâillement plus tard, elle se donnait une petite claque pour se réveiller. Il était hors de question qu’elle s’endorme en arrivant à l’appart, elle lui avait promis un show et elle allait s’y tenir. Alors, dans le seul but de rester éveillée et dans le mood de la fête, elle avait mis la radio de la voiture en bluetooth avec son téléphone et avait balancé la meilleure playlist qu’elle avait sur youtube pour s’ambiancer. Le moment opportun que choisissait son coloc pour revenir dans la voiture, le bras tendu vers elle avec un gros paquet dans sa main. Dès qu’elle a attrapait le sac, elle sentait la chaleur diffuse entre ses mains et ça faisait du bien. « Merci Leah, c’est toi mon chou à la crème de la journée. » Est-ce que l’alcool la rendait plus mielleuse et lui donnait l’occasion de petits surnom ridicules ? Sûrement, en souhaitant que Leah ait oublié demain matin.

Bien évidemment, estomac oblige, elle avait profité de la route pour ouvrir le sachet et se saisir d’un croissant qu’elle avait dévoré avec bon appétit, faisant extrêmement attention à ne pas mettre des miettes partout – réflexe louche de personne alcoolisée sûrement. Et puis il fallait dire que manger l’aidait aussi à rester éveillée et ce n’était pas plus mal comme ça, elle en avait bien eu besoin pour tenir le coup jusqu’à l’appartement. Le pauvre Leah aurait été obligé de la porter et même si elle n’était pas grosse, il n’en était pas moins vrai qu’elle était grande et qu’elle pesait naturellement un certain poids. Les pieds à peine à sol, le paquet de viennoiseries plaqués contre elle comme s’il s’agissait de son bien le plus précieux, elle se dirigeait vers l’appartement, impatiente que le brun ouvre enfin la porte. Quand c’était chose faite, elle s’installait directement à la table : la bouffe d’abord ! « Hé, j’ai pas oublié, tu me prends pour qui ? » Une meuf alcoolisée sûrement. « Est-ce que tu en veux ? » Bonne initiative Nicola, après avoir dévoré deux croissants et un pain au chocolat, il était grand temps de proposer. « Ça sera pour demain les bougies, d’accord ? » Avec un peu de chance, il allait rester une viennoiserie pour y planter une petite flamme et faire son vœu.

Quelques instants de dégustation intense – elle avait même pris le temps d’aller chercher le jus d’orange dans le frigo pour accompagner tout ça – et le constat était sans appel. « J’ai envie de faire pipi, je reviens. » Ça aussi c’était un réflexe d’alcool : annoncer tout ce que l’on va faire, même les choses les moins glamours. Heureusement qu’elle n’avait pas envie d’autre chose hein. Finalement, ce n’était qu’en revenant des toilettes qu’une musique se faisait entendre. Son téléphone en main, elle avait de nouveau lancé cette fameuse playlist, optant pour une musique plus dansante que motivante, alors qu’elle revenait des toilettes en roulant des mécaniques. Elle avait promis, elle s’exécutait, au bord du rire parce que forcément, elle se trouvait immanquablement ridicule. « Si tu rigoles, je ressors la hache de guerre. » Mais est-ce qu’il y avait vraiment de quoi rigoler quand elle s’approchait dangereusement de lui, profitant qu’il soit assis pour dominer la situation et lui mettre ses courbes sous le nez ? Ce n’était sûrement pas une bonne idée mais elle avait promis une danse à l’image de ces filles dans ce club et elle ne comptait pas lésiner sur ce détail. Détail qui prenait de suite beaucoup plus d’importance quand il s’agissait de le faire pour un homme et d’autant plus pour Leah dont elle ignorait bêtement son attirance pour elle.

Je vois que Nicky avait faim. Elle se jette sur le paquet que je viens de lui donner comme si elle n’avait pas mangé depuis des jours. J’en doute. D’ailleurs en y pensant, je me demande bien comment elle peut être aussi bien foutue avec tout ce qu’elle avale. Je vais essayer de ne pas réfléchir à une réponse plausible à cette question, mon esprit est trop embrumé et je risquerai de me perdre. Une fois à la maison, ma coloc me propose enfin de piocher moi aussi dans le paquet. Je lève les mains en l’air. « Vu comme t’as l’air d’y tenir plus que ta propre vie, j’ai préféré ne pas risquer d’aller y glisser mes doigts… » Erf. Avec l’alcool, je ne fais plus attention aux potentiels double sens de mes paroles, je n’y réfléchis pour ainsi dire même pas. Mais la jeune femme me laisse petit déjeuner avec elle, heureusement j’en avais prévu un bon paquet, elle a la descente facile autant en viennoiseries françaises qu’en alcool. Ça me fait rire. Je continue de la regarder, j’ai l’impression que ce soir, j’ai le droit, qu’elle s’en rendra pas vraiment compte.

La jeune femme déclare avoir besoin d’aller ‘faire pipi’, dans le thème glamour de Nicky, c’est ce qui fait son charme aussi, à n’en pas douter. Je me laisse tomber contre le dossier de ma chaise en soupirant, le ventre plein, le cerveau un peu en pause, je préfère ne pas trop réfléchir. C’est mieux. Surtout avec ce que j’ai bu. Et puis soudain, une musique. Une musique aussi entraînante que sensuelle, juste ce qu’il faut pour que la jeune femme puisse se dandiner, ce qu’elle fait sans tarder. « Si tu rigoles, je ressors la hache de guerre. » Je souris très largement, laissant mon regard traîner sur elle sans même y faire attention. « J’ai aucun intérêt à faire une chose pareille. J’ai trop à perdre. Et puis c’est même pas… drôle. En plus. » Voilà je crois qu’on arrive au moment où mon cerveau est grillé. On ne remercie pas Nicky. Elle s’approche, continue son manège et j’ai un coup de chaud, bordel. J’essaie de me concentrer pour ne pas me laisser aller. Ce serait n’importe quelle autre fille, que mon corps réagisse, ça aurait été normal, et je m’en serai pas voulu, mais là, faut que je contrôle. J’essaie de penser à des trucs loin d’être glamour mais bordel elle est tellement belle, tellement… pouah, c’est un supplice. Elle s’approche, encore, je me rends pas compte que j’ai un peu la bouche entre ouverte et que j’ai du mal à respirer correctement. Ma main sur la table est légèrement crispée, mon souffle s’accélère à mesure qu’elle approche. C’est quitte ou double. Soit je tente un truc et je risque de le regretter, soit je tente rien et je vais le regretter. Je me lève, me retrouvant du coup quasiment nez à nez avec elle, et elle continue de danser, je vais pas tenir. « Nicky… » Cette fois elle s’arrête, je plante mon regard dans le sien, le coeur battant à mille à l’heure, et je me jette dans la gueule du loup. Tant pis pour les regrets. Je glisse une main dans sa nuque, assez rapidement, et réduis la distance entre nous pour venir l’embrasser. Evidemment, je m’attends à ce qu’elle me foute une raclée. Mais au moins j’aurai tenté, con que que je suis.

Elle non plus ne faisait plus spécialement attention à grand-chose. L’alcool, la bonne soirée qu’ils venaient de passer, elle n’avait aucune raison valable pour grogner, peu importe la raison. Il pouvait la regarder autant qu’il le voulait, elle ne lui en tiendrait pas rigueur, non seulement parce qu’il était méritant – pour lui avoir fait passer une excellente soirée d’anniversaire capable de lui faire oublier son séjour catastrophique dans sa famille – mais parce qu’il avait raison : elle ne se rendrait compte de rien. Elle était trop bien pour ça et pas spécialement attentive. Si peu attentive qu’elle lui balançait de but en blanc qu’elle s’en allait faire pipi, ni plus ni moins. Sans alcool, elle lui aurait sûrement dit qu’elle allait pisser… il y avait de quoi gagner au change. Un moment de calme rapidement cassé par le retour de la demoiselle, et en fanfare. Enfin, façon de parler. Elle avait opté pour une musique sur laquelle elle était capable de danser, ni plus ni moins. Elle ne cherchait pas spécialement à le séduire – elle avait beau être complètement défaite, elle n’oubliait pas que Leah restait un mec pour autant – mais simplement à tenir sa promesse : celle de se fondre dans le décor. Une promesse qui aurait fonctionné s’ils étaient encore au club. Chez eux, au contraire, elle était loin de s’y fondre dans le décor. Leah n’en était que plus attentif sur elle, sur ses formes aussi petites soient-elles, sur le roulement de ses hanches désinhibé par l’alcool.

Un instant particulier dont elle ne se rendait pas forcément compte. Elle continuait de danser, comme si de rien était, de s’approcher dangereusement. Et puis il se levait. Sur l’instant, elle avait failli lui demander s’il comptait danser aussi, presque sur le point de l’entraîner avec elle. Jusqu’à ce qu’il souffle son nom, la faisant s’arrêter net, dans un sérieux qui ne leur ressemblait pas vraiment. Nez à nez, son regard planté dans le sien, elle n’avait même pas le réflexe de lui demander ce qu’il voulait. Elle aurait pu le deviner en voyant son regard s’abaisser sur ses lèvres. Ça aurait pu être le cas si elle avait été sobre et si Leah n’avait pas été aussi rapide. Avec une douceur relative, il avait glissé sa main sur sa nuque, réduisant à néant la distance entre eux, attrapant ses lèvres des siennes dans un baiser plus doux que son empressement. Quelques secondes, littéralement pendue à ses lèvres, interdite sous la surprise, incapable de vraiment réagir. Est-ce qu’elle baissait sa garde ? Était-ce l’alcool ou simplement l’admission qu’elle avait été élevé dans le mensonge et façonnée sous l’influence de sa mère ? Elle n’y réfléchissait pas quand elle répondait enfin à son baiser, ses lèvres se pressant davantage contre les siennes alors que ses mains s’étaient (un peu trop) naturellement posées sur son torse.

Elle ne savait pas combien de temps s’était écoulé mais elle sentait bien que le baiser était sur le point de muer en quelque chose de plus fiévreux que doux. Une pensée qui la faisait quelque peu paniquée. L’idée même qu’ils puissent chercher la langue de l’autre en signe de désir l’effrayait beaucoup. Alors avant même que cela puisse se produire – bien peu consciente que le désir de Leah s’était réveillé pour elle depuis des mois –, elle profitait de ses mains contre son torse pour le repousser gentiment. « Arrête... » Une main devant elle, un stop physique, elle était perdue, peu sûre d’elle. C’était bizarre, trop peut-être, comme si sa conscience revenait à elle et qu’elle se rendait compte de ce qu’ils venaient d’échanger. Le stress lui prenait l’estomac, elle n’osait même plus le regarder dans les yeux, au point où elle préférait lui tourner le dos avant que de ses instincts ne se réveillent et qu’elle se mette à le frapper. « Bonne nuit Leah. » Sans même attendre une quelconque réponse, elle fuyait face à la situation. Elle prenait la direction de sa chambre dans l’objectif de dormir. Ça irait mieux demain, pas vrai ?