Dans la famille chieuse, je voudrai Amy !

Los Angeles. La cité des anges. Une ville faite pour moi en soi. Ou pas. J’suis plutôt la diablesse venue foutre son bazar ; la petite peste qui adore perturber la tranquillité routinière et ennuyante des gens ; une vraie teigne. D’un côté, les chiens font pas des chats. J’ai d’qui t’nir. Puis si vous êtes une jolie demoiselle, il y a d'fortes chances que j’redevienne un parfait petit ange.

En parlant de t’nir d’personnes, évoquons mes parents. Lara et Jason Rise s’sont connus dans un festival de hard rock. Les deux loustics étaient voisins d’tentes. J’précise qu’aucun a dormi pendant les deux jours. Par contre, ça a picolé ; fait la fête et fait d’autres trucs pas très catholiques. C’qui devait être l’idylle d’un week-end est d’venue une histoire d’amour. Lara était sous l’charme de son barbu roux tatoué de 1m92 taillé comme une armoire à glace. L’grand gaillard d’Jason en menait pas large d’vant les 1m54 de cette rouquine aux cheveux lui descendant jusqu’en bas du dos et au visage parsemé de tâche de rousseurs. Tout ça pour vous dire qu’les deux sont rentrés ensemble l’dimanche soir, chacun sur sa moto, pour terminer au domicile d’mon futur père. Ils s’sont plus jamais quittés. J’peux même dire qu’ils gardent un souvenir mémorable d’leur rencontre. En effet, neuf mois plus tard, j’sortais du ventre d’la rousse.

La surprise fut énorme ! Ni l’un ni l’autre s’imaginait d’venir parent. Pourtant, ils m’ont gardé et m’ont donné tous leur amour. J’ai été choyée comme une princesse. Enfin, avec les moyens qu’ils avaient. L’salaire d’mécano d’mon daron combiné à la maigre paye de serveuse d'ma daronne faisait pas voler bien haut le budget. Ils ont cumulé du black pour mettre du beurre dans les épinards. Et aussi pour continuer de vivre pleinement leur passion. Motards dans l’âme, les deux pouvaient pas se passer de leurs deux roues. Ils ont bien acheté une p’tite citadine pour m’transporter. Puis dès qu’j’ai été assez grande, ils l’ont r’vendu pour m’poser les fesses sur une bécane pour m’trimballer dans leurs aventures et m’donner une éducation digne de ce nom, pas la pourrie transmise à l’école ordinaire.

J’vous rassure tout d’suite, j’sais lire, écrire, compter. Ma mère a été stricte là-dessus. J’ai beaucoup trainé dans l’garage du père mais pas avant d’avoir appris mes leçons. Par contre, contrairement à vous, moi j’savais changer une roue à quinze ans ; faire une vidange et il m’arrivait même de faire quelques rodéos sauvages dans des chemins de campagne. Evidemment, tout ça avec la complicité de Jason et en cachette de Lara. Elle aurait jamais accepté ça. Elle a toujours voulu surprotéger sa fille unique bien qu’la sagesse était pas son mode de vie. Mais p’pa était bien plus laxiste, complétement fan de sa fille chérie. A seize ans, j’lui ai demandé l’autorisation pour un tatouage. On a filé ensemble au salon voir son tatoueur attitré. J’suis ressorti avec un p’tit cœur planqué derrière mon oreille. J’savais pas encore que c’jour marquerait l’début d’ma passion.

M’man a été furieuse à notre rentrée. P’pa s’est fait enguirlander comme jamais. Il s’est marré et a mis de la zik à fond dans l’appart. En mode, j’m’en bats les co*illes. Et d’abord furax, Lara a vite rejoint son homme sur l’canapé. L’rock les réunit toujours. J’me suis éclipsée dans ma chambre. Debout sur mon pieux, j’dansais sur les riffs en faisant du air guitar. J’étais née dedans, j’aurai pu faire guitariste. Mais j’aimais trop les dessins encrés pour ça : j’voulais être tatoueuse. C’était décidé. J’étais trop jeune pour ça. J’devais attendre mes dix-huit piges. J’ai fini par bosser dans l’bar d’ma mère pour contribuer à la vie familiale. Ça m’a gonflé au plus haut point. J’ai cru qu’j’allais péter un câble. Sauf que j’ai rencontré une personne qui a changé mon existence : Carla.

Carla c’est la collègue blondinette de vingt ans de ma mère. Un bout d’femme qui m’a fait poser des questions. Jamais j’m’étais interrogée sur mon orientation sexuelle. La logique disait qu’j’aimais les mecs. Sauf que la première fois où mes yeux s’sont posé sur la blonde, mon cœur s’est emballé. Mon palpitant tambourinait ma poitrine à chaque fois que mon r’gard croisait sa silhouette. J’vous raconte pas les fois où j’me suis r’trouvée à ses côtés dans la réserve avec elle. J’ai cru plusieurs fois qu’ma poitrine aller exploser. Puis un jour j’ai craqué, en tête-à-tête au sous-sol, j’lui ai volé un baiser. Un baiser chaste ; furtif ; à peine perceptible. Sa réponse a été plus radicale. Elle a saisi mes deux joues pour m’en offrir un plus fougueux, plus langoureux. Elle m’a invité à venir diner chez elle le soir-même.

J’ai prétexté un truc bidon pour quitter le domicile. On a beaucoup discuté. Elle m’a dit aimé les femmes et quelques anecdotes la concernant. J’avais pas très faim c’soir-là. J’étais trop préoccupée par c’qu’il s’était passé dans l’après-midi. Carla me rassura. Ses yeux trahissaient son désir. J’l’le comprenais malgré mon inexpérience. Les miens l’appréhension puis rapidement mon envie. J’vous raconterai pas les détails mais vous l’avez sans doute deviné : j’ai perdu ma virginité ce jour-là. De retour chez moi, j’l’ai annoncé à mes parents. Après trente secondes d’un silence interminable, ils se sont rués sur moi pour me câliner. Leur amour était bien au-dessus de mon orientation sexuelle. Prenez exemple les intolérant.e.s.

Notre amourette a tenu un mois. Un mois où j’ai forgé ma carapace ; où j’ai appris à m’défendre contre les homophobes. Après deux ans, j’ai stoppé ce taf merdique. J’ai intégré une école de tatouage. J’suis sortie diplômée et j’ai ouvert mon salon. J’déteste être sous l’autorité de quelqu’un. Mes affaires tournent bien. Dix ans que j’suis dans l’métier ; dix ans j’enfourche ma propre bécane pour arpenter les routes dès qu'j'le peux ; dix ans que j’papillonne à droite à gauche aussi. Mon caractère m’interdit d’garder une conquête plus d’un mois. A moins qu’tu penses être la perle rare. Tu veux tenter ta chance ? Viens mais gaffe à toi, je mords.