karma is a bitch (marloan #3)

Je sais pourtant que le monde est peuplé de personnes sans ambitions, mais je m’en étonne à chaque fois. Où est le mal de se battre quand on veut gagner ? De se battre pour quelque-chose qu’on désire ? C’est plutôt louable selon moi. La fin justifie les moyens, tout simplement. Et j’ai été élevé par des parents trop tolérants pour l’être à mon tour. On voit où ça les a menés, le malheur les a frappés. Je ne dis pas que devenir un requin me protègera de tout mais au moins, ça m’évite certaines déconvenues, du moment que je parviens à devant les autres. Il me suffit de connaître l’être humain et en particulier ses failles, pour les exploiter.
Je sens bien que ma cliente rechigne à utiliser mes méthodes, son souci c’est mon succès ou elle préfère perdre ? Je peux entendre beaucoup de choses, mais quand même. « C’est juste qu’il y a des méthodes que je n’aime pas particulièrement. » « Et le fait qu’on vous attaque vous plaît ? » Je demande, on ne sait jamais. Visiblement ça n’a pas l’air de la perturber plus que ça ni même de la mettre hors d’elle, alors comment interpréter sa façon de faire ?
Et la pub, elle a quelque-chose contre la pub gratuite ? Non parce que vu la guerre permanente qu’il règne entre les commerçants de nuit de la Californie, tirer son épingle du jeu ne peut pas lui faire de mal. « A la seule condition de n’écraser personne en échange. Comme vous dites, ça marche déjà bien, je n’ai pas besoin de pub pour redorer l’imager de mon bar. Alors c’est à vous de voir. Si je dois avoir plus de mal à gagner, tout en étant intègre un minimum, c’est pas grave. Mais dans ce cas là dites moi de suite ce que vous avez dans la tête, pour voir si je vous laisse le dossier ou non. » Je soupire, appuyée contre le bureau. Et je me décide à jouer les avocates. « J’ai deux axes : soit on attaque la mère sur son incapacité à gérer son ado et la met ainsi en danger en la laissant sortir la nuit dans un bar interdit aux mineurs, soit on peut aussi intenté un procès pour acte homophobe. Après tout, attenter un procès contre un bar lesbien, ce n’est pas commun… » Je sens que j’ai son attention et sans doute ses réactions les plus vives, bientôt. « Imaginez que la gamine ait fait son coming-out il n’y a pas si longtemps, ou encore que sa mère ait simplement des doutes. Elle refuse de voir la vérité sur l’orientation sexuelle de sa fille, saute sur l’occasion de l’accident pour intenter un procès au Planet et par la même, déguise un désir profond d’un procès contre toute la communauté. Quand on sait que le jury est composé au moins à 20% d’homosexuels, et à 40 autres pourcent d’hommes et de femmes désireux de démontrer par n’importe quelle forme qu’ils sont ouverts d’esprit… Ça nous fait déjà 60% des voix en cas de procès. C’est mathématique. » Et puis en ce moment un procès contre l’homophobie ça marche toujours. Succès garantie. Je lève un sourcil après avoir étayé ma thèse, histoire de voir si ça a le moindre impact.

Je ne veux pas écraser les gens, pas comme elle. De toute évidence, on ne fait pas partie du même monde, et il me paraît important de lui faire comprendre. Si elle veut écraser quelqu’un pour gagner ce procès, je ne la suis plus, et je donnerai le dossier à un autre avocat moins véreux. Mais visiblement, elle comprend ma position - étonnant - et me propose deux solutions. Je reste attentive à ses explications, elle est sûre d’elle, à n’en point douter, ça la rendrait même foutrement attirante, tout autant que ça m’énerve. La voilà qui termine avec un calcul en pourcentages, et je n’ai pas bougé d’un millimètre, les yeux rivés sur elle, attentive. « Je préfère largement la seconde solution. » Je fais partie d’une minorité en étant gay, j’en ai toujours eu conscience, et je me suis toujours battue pour ça, pour qu’on soit écoutés, entendus. Je me battrai encore et toujours pour nos droits, et je préfère sans aucun doute partir sur la ‘facilité’ d’axer la plaidoirie sur l’homosexualité plutôt que sur une mère incapable d’élever son enfant. Je compte bien continuer de me regarder dans un miroir. J’ai bien compris que Marlo en a rien à foutre d’écraser le monde, tant qu’elle a ce qu’elle veut. C’est sûrement ce côté qui me met le plus hors de moi lorsque je la regarde. Mais elle a l’avantage d’être vraiment sexy, et c’est un atout, dans son métier aussi j’imagine. Je finis d’engloutir mon bourbon et repose le verre sur le bureau. « Bon. Et bien nous avons notre axe de défense maintenant. Vous avez besoin de moi pour autre chose ? » L’espace d’un instant, une lueur éclaire mon regard, simplement en repensant à ce moment passé chez elle, où elle m’a laissé entrer dans son appartement ultra sécurisé, et m’a laissé m’emparer de son plaisir, en tout état de cause.

De toute évidence, elle veut éviter les vagues. Mais ça ne lui rendra pas toujours services. Parfois, la meilleure défense se trouve être l’attaque et je doute clairement qu’elle puisse se faire respecter en évitant soigneusement les procès les uns après les autres. Certes, une gamine est en jeu, encore qu’elle, n’est finalement qu’un prétexte. Elle nous sert de tremplin pour montrer et démontrer la supériorité de l’établissement face à toute attaque. C’est important d’avoir une image solide, capable de rétorquer en cas de besoin. Ça permet de tenir les ennemis à bonne distance, et c’est une simple stratégie.
« Je préfère largement la seconde solution. » « Etonnamment je m’y attendais. » Rétorquais-je en soupirant. Elle manque cruellement d’ambition, c’est tellement dommage, diablement sexy, je dois bien le reconnaître, mais son refus de se battre pour sa propre cause… « Pourtant d’habitude, les gens comme vous adorent crier haut et fort qu’ils sont libres et qu’ils emmerdent les autres. » Pas que je sois bourrée de préjugés mais… si, de toute évidence, ils régissent le monde et sont mes meilleurs alliés pour convaincre les jurés. La vérité ne compte pas réellement dans un procès, ce qui compte, c’est ce qu’on fait croire aux concernés.
« Bon. Et bien nous avons notre axe de défense maintenant. Vous avez besoin de moi pour autre chose ? » « De toute évidence non… Vous me mettez dehors ? » Soutenant son regard en croisant mes jambes et terminant mon verre. Soit elle est mal à l’aise, soit tout ça ne lui convient pas. On a changé d’axe de défense, elle veut quoi, qu’on présente nos excuses aussi ?

« Etonnamment je m’y attendais. » Et oui, étonnamment je suis quelqu’un de bien, comparé à certain.e.s… Elle soupire, elle ose soupirer. Si je la fais chier elle a qu’a le dire aussi hein ! « Pourtant d’habitude, les gens comme vous adorent crier haut et fort qu’ils sont libres et qu’ils emmerdent les autres. » Je lâche un rire cynique. « Les gens comme moi ? » J’arque un sourcil. « Vous ne savez pas qui je suis, et je crois que vous êtes surtout très mal placée pour juger qui que ce soit. » Parce que je crois que niveau cliché, on est pas mal de son côté. Pourtant je n’entre pas dans son jeu puéril, j’ai autre chose à foutre. Je fais même le choix de couper court à cette discussion, nous ne sommes pas d’accord de toute manière sur la stratégie à opérer, mais d’un côté, je suis la cliente, et le client est roi. C’est comme ça que ça fonctionne. Si elle ne venait pas dans mon sens, je lui aurai retiré le dossier, elle avait plutôt intérêt à coopérer. J’ai obtenu gain de cause, maintenant je peux la laisser travailler, sous mes conditions. Ça me suffit. « De toute évidence non… Vous me mettez dehors ? » demande-t-elle en soutenant mon regard, croisant ses jambes comme si elle comptait rester là encore un moment. J’arque un sourcil. « La discussion est close non ? Je crois qu’il n’y a rien à rajouter. » Cette femme m’exaspère autant qu’elle m’attire, et ça me met hors de moi, sauf que je ne le montre pas. Je déteste ces sensations contradictoires que je n’arrive même pas à contrôler. « Je n’irai pas jusqu’à dire que je vous chasse, mais c’est un peu le principe pourtant. J’ai du travail je suis désolée. » En réalité je ne suis pas si désolée que ça. « Appelez-moi quand vous aurez du nouveau sur le dossier. » Si y’a besoin de moi pour un procès ou quoi que ce soit, enfin qu’elle fasse son boulot quoi. Mais qu’elle ne s’avise pas de me la faire à l’envers, ou elle le regrettera. « Merci d’être passée en tout cas. » Je me dirige vers la porte que j’ouvre pour la guider vers la sortie. Oui. Je la mets dehors et je n’ai pas honte. C’est déjà bien assez difficile de la supporter… « Bonne journée Maître Collins. » J’appuie sur le ‘maître’, pour flatter son ego ou pour me foutre de sa gueule… je l’ignore.

« Les gens comme moi ? » « Cette communauté que vous prenez un malin plaisir à mettre en avant comme un esclave met en avant ses chaînes et ses stigmates. » Je suis odieuse, peut-être, mais après tout, ils se font bien passer pour une minorité malmenée, ils aiment se positionner comme les victimes sociales de notre époque, non ? Alors qu’elle surfe sur la vague pour gagner son procès ne me paraît pas injouable, au contraire. Il y a une vraie carte à jouer sur ce coup là. Autant qu’on la mette en avant. Et je le pense, les armes ne seront pas nombreuses, alors autant les rassembler.
« Vous ne savez pas qui je suis, et je crois que vous êtes surtout très mal placée pour juger qui que ce soit. » « Je juge pour pouvoir mieux défendre, c’est tout. » Haussant les épaules d’un air de ne pas y toucher. Je ne me sens pas coupable, et je me sens encore moins gonflée d’oser le faire. Tout le monde juge tout le monde aujourd’hui et ça n’est un problème pour personne puisqu’on est assez intelligents pour ne le dire qu’à des personnes qui ont finalement la même opinion que nous.
« La discussion est close non ? Je crois qu’il n’y a rien à rajouter. » Clairement, elle ose me foutre dehors ! Je ne vais pas perdre la figure, ça n’est pas mon genre et je ne perds jamais rien de ma constance. « Je n’irai pas jusqu’à dire que je vous chasse, mais c’est un peu le principe pourtant. J’ai du travail je suis désolée. Appelez-moi quand vous aurez du nouveau sur le dossier. » « Vous avez des employés. » Je le note, je lui fais remarquer que je le sais. Et je lui fais surtout remarquer ça ne m’impressionne pas, son petit jeu d’autorité. « Merci d’être passée en tout cas. » Je me lève et suis le mouvement, prenant mon temps pour l’irriter. Avoir le dernier mot, j’adore ça. « Bonne journée Maître Collins. » Je lève un sourcil, soupire et attrape mon sac griffé d’une grande marque. Je note un temps d’arrêt quand je passe devant elle, près de la porte, et saisi son menton pour déposer un baiser plein d’envie sur ses lèvres. « Bonne fin de journée, Loan. » Puis je quitte les lieux, faisant claquer mes talons sans ménagement sur le sol de cette boite de nuit qui en a sûrement vu des moins chastes.