freedom (miverly #2)

Je ne fais rien pour ménager Wave, je ne mâche pas mes mots et m’engage sur des sujets délicats, voire intimes. C’est de la pure provocation, je jubile de la sentir mal à l’aise et profite de semer le trouble en elle. Je en devrais sans doute pas, mais après seize ans en prison à payer pour toute la bande, j’ai bien le droit de la mettre un peu à l’épreuve, non ? Le risque c’est d’y prendre goût, je crois que c’est déjà un peu le cas, j’aime sentir que d’une certaine manière j’ai de l’emprise sur elle, je connais son passé et elle n’a pas l’air d’avoir été trop bavarde sur le sujet avec son entourage. Néanmoins je ne peux pas remettre en doute qu’elle soit fidèle, elle a des arguments et je suis même témoin de sa loyauté en matière de relation. Mais nous étions jeunes, depuis elle aurait pu laisser quelques démons s’emparer d’elle… En revanche niveau sérénité on a vu mieux, je sais bien que c’est le contexte et la discussion qui la rend nerveuse, c’est juste tellement bon d’appuyer où ça fait mal. Je ne suis pas totalement immunisé non plus, notre passé nous est commun et quand Waverly ramène notre relation non-officielle au centre de la conversation, j’éprouve une pointe de nostalgie. En fait c’est un peu comme si ma vie avait été mise entre parenthèse le soir de mon arrestation, tout ce qu’il s’est passé avant appartient à une autre existence, beaucoup plus douce et insouciante que l’actuelle. Je me montre sincère, à cette époque il n’y avait qu’elle, même si je jouais le jeu auprès de nos potes pour tenir moi aussi mon rôle de dragueur et continuer à nous couvrir Wave et moi. Nous n’en avions jamais parlé à l’époque, par pudeur et par fierté. Un silence s’installe, je plaisante sur une éventuelle larme qui pourrait échapper à la jeune femme, c’est tellement pas son genre !
L’ambiance s’allège à nouveau, alors que je démontre combien j’ai des choses à apprendre sur ce monde extérieur dont j’ai été absent. Au moment de mon emprisonnement, les premiers portables à écran couleur venaient de sortir… autant dire que les choses ont vraiment changé et le tableau de bord de cette voiture est pour le moment un vrai mystère pour moi. Je fais mine de vouloir l’utiliser malgré mes lacunes et Wave s’empresse de me taper sur les doigts en m’ordonnant de me concentrer sur la route « Toujours aussi sexy quand tu es autoritaire… » lâché-je avec un fin sourire en prenant soin de regarder bien devant moi. C’est un peu de provoc mais c’est aussi la vérité, il y a toujours ce truc chez elle qui est loin de me laisser indifférent peu importe que je lui en veuille de m’avoir laisser pourrir en taule sans une visite ou presque. C’est physique, chimique… Elle m’interroge sur ce que j’ai envie de faire maintenant que je suis libre, les premières volontés d’un homme libéré, délivré. Il y a beaucoup de choses que j’aimerais faire, mais celle qui me vient à l’esprit immédiatement « Aller sur la plage. Marcher pieds nus dans le sable et manger une putain de pizza ! » des envies simples, parce que c’est ça le pire en prison, être coupé de ces plaisirs simples de la vie aussi insignifiants peuvent-ils paraître. « Prendre une douche dans un endroit privé aussi, renouer avec le concept d’intimité, tout simplement. » je hausse les épaules « Y’a des tas de trucs que je voudrais faire Wave, mais maintenant j’ai le temps, non ? » je lui adresse un regard que j’accompagne d’un sourire « Te revoir, ça en faisait partie aussi. Je pensais que j’aurais à te chercher un peu plus que ça. » je ris légèrement « Toi par contre… ».

J’essaie de passer rapidement au dessus des questions qui pourraient rappeler un peu trop notre passé commun. Ce n’est pas le moment de dire ou faire des conneries, ça ne sera d’ailleurs jamais le moment. Mais je dois bien avouer - ou en tout cas m’avouer - que mes retrouvailles avec Miles me foutent dans un tourbillon de sentiments contradictoires difficiles à gérer. C’est comme un retour en arrière de seize ans. Je lui tape sur les doigts quand il essaie de bidouiller le tableau de bord et l’écran tactile, pas question qu’il dérègle tout avec ses grosses paluches. « Toujours aussi sexy quand tu es autoritaire… » Je tourne la tête vers lui alors qu’il prend bien soin de garder son regard fixé sur la route, sourire au coin des lèvres. Enfoiré. Je soupire un peu d’exaspération, faut qu’il arrête de dire des trucs comme ça, je vais pas tenir la distance. Une fois la musique lancée, en fond, je romps le silence en lui demandant ce qu’il aimerait faire maintenant qu’il est libre. Il me parle de plage, et de pizza. La seconde partie me fait rire. Une pizza, le truc qui pourrait sembler le plus insignifiant, et qui a l’air d’avoir une importance particulière pour lui. « Prendre une douche dans un endroit privé aussi, renouer avec le concept d’intimité, tout simplement. Y’a des tas de trucs que je voudrais faire Wave, mais maintenant j’ai le temps, non ? » Je tourne la tête pour répondre à son sourire. Oui. Maintenant il a le temps. Et oui, ça me rend toute chose chaque fois qu’il m’appelle Wave. Alors que ça ne devrait pas. Ça ne devrait plus. « C’est vrai, maintenant tu as le temps. » Je ne pense pas qu’il soit du genre à faire des conneries capables de le renvoyer là bas. Surtout qu’il a pris toutes ces années à cause d’un crime qu’il n’a même pas commis. « Te revoir, ça en faisait partie aussi. Je pensais que j’aurais à te chercher un peu plus que ça. Toi par contre… » « Quoi moi par contre ? »[/color] J’ai du mal à saisir ce qu’il insinue par là. « Tu crois que j’ai été chercher ton dossier pour pouvoir m’occuper de toi ? » Je laisse échapper un rire un peu bête. « Non au contraire quand on me l’a foutu devant le nez j’ai hésité longtemps avant d’accepter. » Cette fois je fuis volontairement son regard, gardant le mien figé sur l’horizon, un point imaginaire. « Avoue que ça aurait été moins drôle pour toi d’avoir un autre agent à ma place. Tu t’amuses comme un petit fou hein ? » A me torturer comme ça, à jouer avec mes nerfs depuis qu’on s’est revus le jour de l’entretien. « Tu prends ta revanche sur toutes les années où je suis pas venue te voir c’est ça ? » Et il aurait tort de ne pas le faire, j’ai accepté son dossier principalement par culpabilité de l’avoir abandonné. Voilà où on en est.

La bouffe en prison c’est clairement pas du luxe. C’est comestibles, mais pour le plaisir on repassera. En même temps on enferme pas les criminels pour ensuite leur offrir un service cinq étoiles, ni même une étoile d’ailleurs. Alors ça peut paraître un peu con, mais ouais, bouffer une bonne pizza j’en rêve ! Si en plus je peux combiner ça avec un petit tour à la plage je ne dis pas non, me retrouver face à face avec l’océan je sais déjà que ça me fera me sentir plus libre que jamais. Mais il n’y a pas que ça, j’ai des centaines de choses que je veux faire et maintenant que je vais en avoir le temps je sais que je les ferais. Mon séjour en taule a eu au moins ça de positif, j’ai pris conscience du caractère précieux de beaucoup de choses simples, et également de combien la vie peut changer en un claquement de doigt. Un peu comme quelqu’un qui survivrait à un accident, ces années passées enfermé m’ont donné un nouveau regard sur la vie. Parmi ces choses que je voulais faire à ma sortie, revoir Wave était presque en tête de liste. Je n’ai aucun mal à le lui avouer, je pense que de son côté en revanche elle n’est pas si ravie de me revoir. Je ne finis pas ma phrase, m’exposant à un mauvaise interprétation de sa part et ça ne rate pas. Sourire aux lèvres je l’écoute m’expliquer son hésitation et son presque refus de mon dossier « C’est ça que je voulais dire. » je regarde dans sa direction mais elle fixe un point au loin tout en enchainant sur une vérité que je ne compte pas nier. Elle a raison, je m’amuse beaucoup et je suis content d’être tombé sur elle parce que ça me facilite grandement la tâche. « En partie oui. » je m’avoue revanchard, inutile de lui mentir, elle l’a bien sentie et je n’ai rien fait pour m’en cacher. « Tu t’es jetée dans la gueule du loup. » je hausse les épaules « Mais tu aimes ça au fond. Te mettre à l’épreuve… » j’esquisse un sourire en coin « Puis tu me dois bien ça. ». Je sais c’est vile de la faire culpabiliser d’avantage, elle l’a sans doute déjà fait d’elle-même. Cependant j’ai réellement mal vécu cet abandon, dans une proportion qu’elle est incapable d’imaginer. « Tu la mangerai avec moi cette pizza ? Ou ta chère et tendre t’attend sagement à la maison ? » nous approchons de L.A c’est l’affaire d’une grosse demi-heure avant d’arriver aux abords de la ville. Je repense alors à l’entretien qu’elle m’a dégotter pour aujourd’hui même « Après mes nouvelles obligations d’ex-taulard en réhabilitation bien entendu. Je vais à l’entretien et on mange un truc après ? » je ne lui impose rien, elle a le choix d’accepter ou de décliner la proposition « T’as peut-être déjà eu ta dose de “bon vieux temps“ ? ».

« Tu t’es jetée dans la gueule du loup. Mais tu aimes ça au fond. Te mettre à l’épreuve… Puis tu me dois bien ça. » Je lève les yeux au ciel d’un air dépité. Au fond, il a un peu raison, mais je ne l’avouerai jamais. Plutôt crever. Je reste silencieuse, par choix, pour le moment. Et puis surtout parce que je n’ai aucune envie de lui donner raison, ou de repartir dans des discussions qui pourraient me mettre en port-à-faux. Un silence s’installe et c’est à nouveau Miles qui le brise. « Tu la mangerai avec moi cette pizza ? Ou ta chère et tendre t’attend sagement à la maison ? » Je tourne la tête vers lui, prête à lui répondre qu’on a pas que ça à faire, puisqu’il a un entretient, mais il me devance. « Après mes nouvelles obligations d’ex-taulard en réhabilitation bien entendu. Je vais à l’entretien et on mange un truc après ? T’as peut-être déjà eu ta dose de “bon vieux temps“ ? » Je hausse les épaules d’un air presque nonchalant. « Disons que je suis pas là pour ça. » Dans ma tête, c’est le branle-bas de combat, le petit ange cherche à m’interdire de dire oui, cherche à enfouir cette envie qui est très présente, et le petit démon agite fièrement cette putain d’envie de passer plus de temps avec Miles. Je savais que c’était une mauvaise idée d’accepter ce dossier.

Nous arrivons rapidement à Los Angeles, et je paramètre le GPS pour nous rendre à l’adresse de son rendez-vous dans une boîte d’intérim. Pour commencer, ça ira bien, et il aura au moins une expérience d’un entretien, et ça ne pourra être que bénéfique pour la suite. Une fois arrivés sur les lieux, voiture garée sur le parking, je sors pour m’allumer une cigarette, j’en avais grandement besoin. Lunettes de soleil sur le bout du nez, j’en profite pour que Miles ne voit pas mon regard qui se pose sur lui, une fois sorti de la voiture. Ça risque d’être vite ingérable, pourquoi ne s’est-il pas laissé aller en prison ? Non il fallait qu’il s’occupe en faisant du sport. Bien sûr. Maintenant il est gaulé comme un dieu grec et je suis censée rester de marbre ? Fait chier. « Enfile la veste qu’il y a sur un cintre à l’arrière. » Je suis un peu autoritaire, mais je m’efforce de faire du mieux que je peux avec mes ressentis. Je récupère le dossier que j’avais préparé pour lui, avec son cv et la lettre qu’on avait écrite ensemble à notre dernier entretien lorsqu’il était encore en prison. Je lui tends la pochette cartonnée et ajuste machinalement le col de sa veste, une fois près de lui. Je suis trop près. Recule. Vite. C’est ce que je fais, pour me protéger, sûrement. Un coup d’oeil à ma montre et je retire mes lunettes de soleil pour plonger mon regard dans le sien. « Le premier entretien est une étape décisive pour que je puisse évaluer tes capacités et ta volonté de redémarrer une vie normale. » Je garde assez de distance, même dans le ton de ma voix, mais je ne suis pas dure comme j’ai pu l’être les premières fois pendant nos retrouvailles. « Ne me déçois pas. » Je lui fais signe qu’il peut y aller. Je l’attendrai ici, je dois l’amener jusqu’à l’établissement où il pourra dormir quelques temps, en attendant d’avoir trouvé un boulot, et pouvoir louer un appartement. En attendant, ça tourne en boucle dans ma tête, accepter de manger une pizza avec lui ou pas ? Il sort au bout de quasiment une heure, et je viens de fumer ma dixième clope. C’est beaucoup ? A peine. « Alors ? »

C’est vrai, Waverly n’est pas là pour se remémorer le bon vieux temps, mais une part d’elle le cherche sûrement… Sinon pourquoi avoir accepté mon dossier après hésitation ? Elle aurait pu le refuser, par manque d’objectivité ou n’importe quelle autre raison. Mais elle est là, et même s’il y a dans son choix la volonté de faire son mea culpa auprès de moi, il a plus que ça, je le sens. Elle est partagée, tiraillée entre ce passé peu glorieux que nous avons vécu ensemble, sa culpabilité et cette vie parfaite qu’elle semble s’être construite. Elle s’est mise dans une situation délicate, elle prend des risques, ce que j’admire et respecte. Cependant je ne suis pas là pour me donner le beau rôle, j’ai passé trop de temps enfermé à réfléchir à mes actes pour me brider et m’interdire d’agir un peu comme bon me semble. J’aimerai manger cette pizza avec elle, aucune raison de ne pas le lui proposer. J’ai même la correction d’évoquer sa femme, non sans une pincée d’ironie, et de penser à mes nouvelles obligations. Je suis bien entrainé, la prison m’a donné tout un tas d’aptitudes et j’ai appris une certaine forme de manipulation nécessaire à ma survie dans cet environnement. Nous arrivons sur le lieu de l’entretien, Wave aura tout le loisir de réfléchir à ma proposition le temps que je fasse mes preuves dans mon désir de me réintégrer à la société. Elle est plutôt silencieuse, réinstallant son masque de professionnelle inébranlable dès qu’elle quitte l’espace privé de l’habitacle. Je descends de la voiture, observant autour de moi, je vais devoir me réhabituer aux bruits de la ville, à la vie en tant qu’homme libre, citoyen lambda. Je suis interrompu dans mon observation par Wave qui m’ordonne d’enfiler la veste restée à l’arrière. J’esquisse un sourire « Tout de suite Mme Hannigan. » dis-je sur un ton trop formel pour ne pas être impertinent. C’est la conseillère qui s’adresse à moi, si j’omets ce geste avec lequel elle vient d’ajuster le col de ma veste, elle met bien en avant combien cet entretien est décisif. C’est clairement un test qu’elle me fait passer et je suis déterminé à le réussir. Hors de question de la décevoir, elle n’a même pas besoin de le préciser, j’ai ma fierté.
Après quelques minutes de nervosité contenue je me libère petit à petit, prenant mes marques dans le nouvel exercice qu’est cet entretien. Je mets en avant ma volonté d’aller de l’avant, l’envie de relancer ma vie sur la bonne voie maintenant que j’ai payé ma dette à la société pour les fautes commises par le passé. La discussion est fluide, mon discours naturel, nous parlons de mes compétences, ce que j’ai pu apprendre en prison et je sens mon interlocuteur convaincu. A peu près une heure s’est écoulée lorsque je ressors sur le parking. Waverly est toujours là, encore une cigarette à la main, elle l’écrase et s’empresse de me demander comment ça s’est passé. « On va devoir célébrer cet entretien réussi. » répliqué-je avec un petit sourire triomphant. Cette fois je m’installe côté passager « Alors tu la manges avec moi cette pizza ? », j’ai la vague impression que ça la travaille plus que je ne l’aurais pensé, cette proposition. « Ou on peut célébrer une prochaine fois. » je hausse les épaules « De toute façon on va se revoir. » je lui adresse un regard entendu. C’est une évidence, elle est coincée avec moi pour quelques temps « Donc tu m’emmènes dans ma résidence d’ex-taulard ? ».

Le temps me semble infiniment long, à tel point que mon paquet de clopes se vide à vue d’oeil. Mais heureusement Miles est enfin de retour, et au vue de son petit sourire au bord des lèvres, je crois que c’est une bonne nouvelle qu’il a à annonce. « On va devoir célébrer cet entretien réussi. » avoue-t-il en prenant place sur le siège passager cette fois. Je préfère reprendre les commandes, surtout en ville. Il va être obligé de repasser quelques cours de conduite, pas qu’il ne soit plus apte à conduire, il m’a bien prouvé le contraire, mais simplement parce que ça fait partie de ses nouvelles obligations pour pouvoir reprendre une vie ‘normale’. « Ne t’avance pas trop vite, je vais appeler le patron tout à l’heure pour voir ce qu’il a vraiment pensé de toi. » Loin de moi l’envie de lui casser son délire, mais son impression peut être erronée. « Alors tu la manges avec moi cette pizza ? Ou on peut célébrer une prochaine fois. De toute façon on va se revoir. » J’esquisse un léger sourire à la fin de sa phrase. « Non je vais te laisser dans la nature. C’est pas comme si c’était mon boulot. » Sarcasme toujours. « On verra une autre fois pour la pizza. » C’est plus judicieux, surtout quand je vois tout ce que ces retrouvailles remuent en moi. On va y aller petit à petit. Et puis je ne suis pas sûre d’avoir envie de garder un lien amical avec lui, ce serait sans doute trop dangereux vis à vis de ma vie, de mon couple et ma famille à venir. Je le connais le loustic, il n’a jamais eu un mauvais fond mais il y a toujours cette lueur de défi qui brille dans son regard, et c’est ce qui m’attire autant que ce qui me fait peur, peur pour ma routine à laquelle j’avais réussi à m’attacher finalement. « Donc tu m’emmènes dans ma résidence d’ex-taulard ? » « Oui. » J’ignore pour quoi je cherche à reprendre de la distance tout à coup, peut-être simplement ce sentiment ressenti un peu plus tôt, cette envie profonde de partager autre chose avec lui que cette mission de travail. Mais je sais que ce n’est pas une bonne idée et je cherche à m’en persuader. Nous arrivons à la résidence et je le laisse descendre alors que j’en fais autant. Je l’accompagne jusqu’à l’accueil, c’est le protocole, je me présente et signe un dossier déjà pré-rempli de son inscription faite quelques semaines plus tôt. La responsable de l’établissement lui explique les règles pendant qu’elle nous accompagne jusqu’à la chambre de Miles, puis s’éclipse en nous laissant seuls. « T’as de la chance, t’as la meilleure vue. Enfin faut pas que ça te donne envie de rester crécher là non plus… » je sors de ma poche un billet de vingt dollars et le lui tends, puisque pour le moment il n’a aucun moyen d’avoir de l’argent. « Pour ta pizza. » Une esquisse de sourire et je lui tapote l’épaule. « Allez, bonne soirée, j’espère que les matelas seront meilleurs que là bas ! »

Pleinement de retour dans son rôle d’agent de réinsertion un peu coincée et autoritaire, Waverly s’empresse de tempérer mes certitudes quant à la réussite de mon entretien. Rien qui n’entame mon enthousiasme, je suis libre et c’est vraiment la seule chose qui compte. Si j’ai foiré l’entrevue il y’en aura d’autres, je peux faire confiance à la brune pour s’en assurer. Ses obligations envers moi arrivant à leur terme pour aujourd’hui, je la questionne à nouveau sur cette idée de partager une pizza, nous deux, un peu comme au bon vieux temps le bécotage en moins. Quoi que si elle veut un vrai retour dans le passé, je n’aurais sans doute pas trop à me forcer même si elle a enchainé les clopes, un vrai fumoir sur pattes. Ça reste une proposition qu’elle peut refuser, ça ne sera que partie remise étant donné que nous allons être amenés à passer un peu de temps ensemble. Elle ironise sur ce fait, sarcastique comme elle sait l’être, certaine chose ne change pas « Est-ce qu’il prévoit un collier et une laisse ? » j’esquisse un sourire amusé « Ou juste un tatouage dans l’oreille ? ». Finalement elle décline ma proposition, reportant à une prochaine fois. Donc nous prenons la direction de mon futur lieu de résidence temporaire, un foyer pour les taulards tout juste libérés, comme moi. Visiblement Wave n’est plus très encline à faire la conversation et pour cette fois je lui offre du répit. Le trajet n’est pas très long, j’en profite pour observer la ville par la fenêtre. Ça a changé en seize ans, il y a sans doute pas mal de chose que je vais devoir redécouvrir. Nous arrivons à destination, le bâtiment n’est pas si moche, ça n’a pas l’air trop vieux et totalement vétuste c’est toujours ça. Passage obligatoire par l’accueil, Waverly s’occupe de formalités administratives puis la responsable des lieux m’indique les règles à respecter tout en nous guidant jusqu’à la chambre qui m’a été attribué. C’est toujours moins contraignant que la prison, mais disons que je ne suis pas totalement dépaysé. J’observe la pièce, c’est pas un palace mais ça fera l’affaire le temps que je me trouve un logement. Je regarde par la fenêtre lorsque la jeune femme évoque la vue, j’échappe un léger rire « Non, je ne compte pas m’éterniser ici. » j’ai à cœur de reprendre le cours de ma vie et ce n’est pas ici que je vais pouvoir le faire. Elle me tend un billet de vingt dollars, je lui adresse un regard perplexe et elle m’indique que c’est pour ma fameuse pizza. Un sourire, une tape amicale sur l’épaule et elle tourne les talons avec détachement. Elle a déjà fait quelques pas quand je l’interpelle « Wave ! » elle se retourne pour me regarder « Je t’attendrais pour la pizza. J’ai attendu seize ans, je peux bien patienter quelques jours de plus. » je la gratifie d’un clin d’œil et de ce sourire qu’elle me connaît si bien, le même qu’à l’époque quand nous nous quittions. Je sais que cette jeune femme que j’ai connu est toujours là quelque part et j’espère bien avoir semer un peu le trouble en elle.