maybe it's just a mistake. maybe. (ginsea #3)

Mon quotidien se trouve être changé, bouleversé depuis quelques mois. La présence de ma fille qui refait surface, mon installation chez mon agent qui elle-même a décidé de prendre en charge Eileen pour ne pas la laisser dans les mains des services sociaux. Et tout ça, géré comme je peux en parallèle de ma carrière. Ma vie privée est un vrai chaos, j’ai presque du mal à me trouver du temps pour moi. Ce soir, c’est exactement ce que j’ai décidé de faire. Passer du temps hors de chez Gina, boire un verre, danser, flirter. Tout va très vite, je ne vois pas le temps passer. Je n’ai jamais réellement su discerner le faux du vrai lorsqu’on me fait des avances. Est-ce à cause de ma notoriété ou simplement pour ce que je suis moi ? Je crois que je ne pourrai le savoir à chaque fois. Mais ce soir, j’ai besoin de souffler un peu, penser à autre chose que ce quotidien qui a changé du tout au tout en si peu de temps. L’atmosphère n’est pas toujours au beau fixe avec Gina, je fais ce que je peux, je pense qu’elle fait des efforts aussi, mais nous sommes tellement différentes, et les accrocs sont fréquents, même si on essaie d’éviter qu’Eileen en soit témoin, et ce n’est pas toujours facile, cette gamine a les yeux et les oreilles qui traînent partout.

Il n’empêche que ce soir, je ne pense à rien, j’enchaîne les verres sans penser à mal, sans vouloir nécessairement me saouler, juste profiter de la soirée. Je me laisse draguer, drague en retour, mes pensées s’estompent, mes doutes se voilent, il ne subsiste que l’instant présent, et c’est fou ce que c’est agréable. Vient l’heure où le flirt ne semble plus être suffisant, et je prends la décision de ramener le beau Thomas à la maison. Sans réfléchir ‘la maison’ semble être celle de Gina, puisque je ne pense même pas à ramener le jeune homme dans mon loft en centre ville, bien sûr que non, il faut croire que l’alcool supprime réellement quelques neurones. Me voilà donc, bouche contre bouche, souffle court, mon corps collé à celui du jeune homme, passant la porte de la maison de Gina. Je commence à deshabiller Thomas, lui retire sa veste, il retire ses pompes, et je nous guide comme je peux jusqu’à la chambre que j’occupe, dans une semi-obscurité. Je ne pense à rien, ni à l’endroit où je me trouve ni même à cette enfant qu’il faudrait préserver de ce genre de vision. Heureusement, il me reste un semblant de bienséance qui m’amène à guider le jeune homme véritablement dans ma chambre plutôt que de finir nos affaires au milieu du salon…

Y'a un espèce de quotidien qui s'est installé. Un truc qu'on ne peut pas prévoir. Un truc étrange et auquel je ne pouvais pas m'attendre. Partager ma maison je l'ai déjà fait, avec mes anciens maris donc il n'y avait qu'une seule chambre d'occupée. La il y en a trois. Trois chambres. Trois personnes qui vivent chacune de leur côté mais dont les vies se télescopent dans les espaces communs. Deux personnes dont je dois m'occuper. Même si ce n'est pas de la même manière. Et puis faut dire surtout que y'en a une des deux plus réticente que l'autre. On a beau dire que les gosses sont parfois ingérables mais définitivement, là, c'est la gamine avec laquelle j'ai le moins de soucis. D'ailleurs ce soir fort heureusement on est que toutes les deux. J'ai aucune idée d'où est sa mère et au fond, c'est pas mon problème. Moi je suis là pour la petite et c'est parfait. Soirée pizza maison, je sais pas cuisiner mais ça ça va, c'est pas bien compliqué de tout assembler. Et puis Eileen a fait le plus gros. Ça l'a occupé et moi ça m'a amusé de la voir faire. Je vais passer plus de temps à tout ranger après dîner qu'on en a passé à préparer le repas mais ça en valait la peine. Il m'a fallu une bonne vingtaine de minutes pour lui laver les cheveux afin de lui enlever toute la farine qu'elle s'était mise sur la tête. J'ai du mal à imaginer ma vie sans elle maintenant, je dois bien l'avouer.

Après avoir couché Eileen et nettoyé toute la cuisine, je peux enfin passer sous la douche. Salvatrice, réparatrice. J'enfile ma nuisette et me glisse dans les draps. Du repos, voilà tout ce dont j'ai besoin. J'ouvre mon livre, Au fond de l'eau de Paula Hawkins. C'est pas le bouquin le plus drôle du monde mais ça me permet de m'évader dans la vie d'autres personnes. Deux chapitres plus tard je dépose le livre et m'endors. La nuit aurait pu être parfaite si deux heures plus tard une petite main ne m'avait pas pincé le bras. J'ouvre les yeux et me relève d'un coup en voyant Eileen à côté de moi. " Qu'est ce qu'il se passe ? " Parce que pour qu'elle vienne me réveiller, c'est qu'il y a quelque chose. Elle m'explique qu'il y a du bruit dans la chambre de Chelsea, mitoyenne à la sienne. Et que forcément ça l'empêche de dormir. " Bouge pas d'ici je reviens. " Elle se roule en boule dans mes draps alors que je me dirige vers la chambre de laquelle en effet certains bruits, assez équivoques, sortent. J'ouvre la porte d'un coup pour voir une scène qui me restera en tête pendant très longtemps. " Toi joli coeur, tu remontes ton froc et tu dégages de chez moi. Maintenant. " Ton ferme et regard incendiaire, il bafouille quelque chose d'incompréhensible avant de passer devant moi le pantalon en main, chaussures dans l'autre en marmonnant quelques excuses. " Demain quand t'auras dé-saoulé et regagné un minimum de bon sens il faudra qu'on parle. " Je claque la porte et retourne dans mon lit dans lequel Eileen m'attend endormie.

C’est totalement nue dans mon lit, en compagnie de ce charmant compagnon, que je me glisse sous les draps, le souffle court. Tout va très vite, je ne sens pas le temps passer, mais un bruit me coupe dans notre escapade nocturne. La porte s’ouvre et je tire rapidement le drap eu dessus de moi, de nous. « Toi joli coeur, tu remontes ton froc et tu dégages de chez moi. Maintenant. » Mon souffle est anarchique, j’ai du mal à comprendre ce qui arrive, mais le jeune homme ne se fait pas prier, il sent qu’il n’a visiblement pas trop le choix. Mais elle est sérieuse ? Je grogne en le sentant s’éloigner, quitter le lit alors que je me cache du mieux que je peux. Thomas se rhabille à la va vite et quitte la chambre en passant à côté de Gina qui n’a pas bougé d’un centimètre. « Demain quand t'auras dé-saoulé et regagné un minimum de bon sens il faudra qu'on parle. » « Mais je… » Pas le temps de dire quoi que ce soit qu’elle a déjà claqué la porte. Merde. Je me sens comme une gamine prise en faite, mais je n’ai pas totalement conscience de ce qui arrive. Je mets un bon moment avant de trouver le sommeil, et le réveil est difficile.

Une fois pied à terre, je me souviens d’hier soir, de Gina qui nous a surpris Thomas et moi en train de… oh mon dieu. Je prends une grande inspiration en me souvenant de ce qu’elle a dit. On va devoir parler. Super. Je sais pas comment je dois me sentir exactement, et c’est un peu penaude, avec un mal de crâne abominable que je sors de ma chambre pour rejoindre la cuisine et me faire couler un café. Eileen arrive sans tarder et je passe une main tendre dans ses cheveux fins. « Ça va poussin ? » « Oui et toi ça va mieux ? » « Mieux ? » « Oui hier tu criais, tu as fait des cauchemars ? » Ça se voit là que je suis blême ? Je me racle un peu la gorge et tente un sourire un peu mal à l’aise. « Oui, ça va. C’était un cauchemar. Un vilain cauchemar. » Je lève les yeux et tombe nez à nez avec Gina et sa tête de ‘tu vas t’en prendre une’. « Je peux boire tranquille mon café et mon aspirine avant que tu me fasses la morale ? »

Elle a un culot de fou. Sérieusement ramener un mec, ramassé surement quelque part à la sauvette, chez moi et s’envoyer en l’air dans la chambre accolée à celle de sa fille. Elle n’a aucune tenue Chelsea. Aucune. Et la fatigue ne m’aide pas à mesurer mes propos. Je dégage l’intru manu militari avant d’incendier du regard la danseuse qui est dans un état pitoyable. Oh moi aussi ça m’arrive de boire et de me retourner la tête. Même encore maintenant. Je m’arrange juste pour le faire chez moi, sans enfant. En clair, je garde toujours le contrôle. Je referme la porte, retourne dormir pour affronter demain, cette journée qui ne sera pas de tout repos. C’est Eileen qui me réveille un peu trop tôt à mon goût. Elle a bien mieux dormi que moi c’est certain. Je m’extirpe difficilement de mon lit et entame la préparation du petit déjeuner. Pour elle, pour moi, pour l’autre débauchée qui dort encore. Je commence par un café, fort, sans sucre histoire de me requinquer avant d’attaquer mes tartines. Je ne prends même pas le temps de m’asseoir parce que je sais que je perdrai à nouveau mon énergie. C’est bizarre je sais. Je m’échappe pour préparer le linge pour la petite lorsque j’entends des voix qui me parviennent de la cuisine. Voilà, toute la maison est réveillée, plus aucun doute. Je n’entends pas ce qu’il se dit, à part les derniers mots au moment où je retourne dans la pièce. Mon regard ne tarde pas à se poser sur Chelsea qui semble parfaitement se souvenir de notre conversation nocturne. ” Je peux boire tranquille mon café et mon aspirine avant que tu me fasses la morale ? “ Levant les yeux au ciel, j’attrape Eileen et l’embarque pour sa toilette sans dire un mot. Elle l’aura cherché. Et oui, je ne suis pas d’humeur. Je sais que je vais devoir faire un effort considérable pour ne pas faire trembler les murs de la maison. Je prends le temps de m’occuper de la petite qui rigole et sourit tout du long. C’est un véritable rayon de soleil cette enfant et elle me fait du bien. Quarante cinq minutes plus tard et après avoir installée Eileen devant un DVD, casque vissé sur les oreilles pour être certaine qu’elle n’entende rien de sa chambre, je reviens dans la cuisine. ” Je ne suis pas ta mère tu sais. Alors ce que tu fais avec ces… types que tu rencontres je ne sais où, je m’en contre fiche. Mais ici c’est chez moi. Et je pense qu’il est temps d’instaurer quelques règles pour que tout se passe au mieux. “ Je suis moi même étonnée du ton calme que j’emploie. ” Mais pour être certaine que t’enregistres tout, on va pas parler de ça maintenant. Vendredi soir 20h, ici même. Je déposerai Eileen chez une amie pour qu’on soit tranquilles. “ Est ce que je lui laisse le choix ? Je ne crois pas. ” En attendant va te préparer, on va au parc. “ D’accord, là je ressemble à sa mère. J’espère juste que vendredi elle sera là, en forme et encline à faire de cette cohabitation, un moment agréable pour toutes les trois.

Je sais que j’ai fait une connerie, j’aurai mieux fait de garder le contrôle, ne pas trop boire, et ramener ce mec chez moi plutôt qu’ici. C’est ce que j’aurai dû faire oui, mais force est de constater que j’ai l’air de me sentir assez chez moi ici pour ramener un mec en plein milieu de la nuit. Gina a tout à fait le droit de m’engueuler, je le mérite, j’en ai conscience, et pourtant je grogne un peu ce matin quand elle me regarde, parce que j’ai mal au crâne, et que comme beaucoup de gamins - même pris en faute - j’ai juste pas hâte de me faire passer un savon. Gina lève les yeux au ciel et file avec Eileen pour aller lui faire sa toilette, j’imagine. Quant à moi, je vais prendre mon petit déjeuner, à peu près tranquillement. Le café et l’aspirine seront mes meilleurs alliés avant que ‘maman’ revienne. Erf, rien que l’idée qu’elle m’engueule comme une gamine me donne mal à la tête. Des fois j’ai l’impression qu’elle joue pas les mamans seulement avec Eileen. J’ai plus trois ans merde. Je sursaute en l’entendant arriver, elle me sort de mes pensées. Le soupir qui franchit mes lèvres en dit long sur mon état. « Je ne suis pas ta mère tu sais. » Elle a entendu mes pensées ou comment ça se passe ? « Alors ce que tu fais avec ces… types que tu rencontres je ne sais où, je m’en contre fiche. Mais ici c’est chez moi. Et je pense qu’il est temps d’instaurer quelques règles pour que tout se passe au mieux. » Pourquoi elle a une voix si calme là ? C’est bizarre, ça lui ressemble pas. Je la regarde, un peu perdue, parce que je m’attendais vraiment à des éclats de voix. « Mais pour être certaine que t’enregistres tout, on va pas parler de ça maintenant. Vendredi soir 20h, ici même. Je déposerai Eileen chez une amie pour qu’on soit tranquilles. » Nouveau soupir. « Ok. » C’est tout ce que j’ai à dire après tout. Ah si, je pourrai aussi m’excuser, dire que je suis désolée, blablabla, mais je garde ça pour vendredi. « En attendant va te préparer, on va au parc. » Est-ce que j’ai le choix ? Visiblement non. J’aurai préféré rester là à dormir, mais j’ai une fille, qui ne sait même pas que je suis sa mère, et j’ai un agent, qui a décidé de se reconvertir en assistante sociale ou je sais pas quoi, et ça me fatigue sérieusement. Je me lève alors, sans un bruit, range ce que j’ai utilisé dans le lave-vaisselle et vais me laver, m’habiller, me préparer un minimum pour ne pas avoir l’air de rien. Nous quittons donc la maison pour le parc, Eileen semble être la plus heureuse du monde. Et alors qu’elle gambade et sautille à quelques pas de nous, je lâche quand même, sans pour autant regarder Gina. « Je suis désolée pour cette nuit, je sais qu’on a dit qu’on en parlerait vendredi, les règles tout ça, mais j’ai pas envie que tu fasses la gueule jusque là. Et c’est sincère, je suis vraiment désolée. » Une petite trêve jusqu’à vendredi c’est trop demandé ?

Elle ne dit rien, elle ne s’offusque pas, elle n’a rien à dire en fait. Oui, vaut mieux qu’elle se taise et qu’elle accepte ce que je lui dit. Maintenant elle n’a qu’à se préparer au plus vite qu’on puisse aller au parc. Je ne la laisserai pas gâcher la journée de Eileen. La petite ne semble pas affectée par tout ça et j’espère que ça va continuer. J’adore les gosses mais y’a pas plus compliqué à déchiffrer. Enfin ça va, je pense qu’on aurait pu tomber sur plus compliqué. Mais c’est toujours délicat. Et puis j’ai l’impression que les coups de voix, les engueulades, les moments de gênes s’intensifient et j’en peux plus. Le pire c’est que je commence à apprécier leur présence à elles deux. Plus Eileen que Chelsea mais les soirs où je me retrouve qu’avec la petite, je dois bien avouer que je me sens seule. C’est étrange et j’aime pas beaucoup ça. La limite entre le professionnel et le privé est bafouée depuis longtemps. Vraiment longtemps. Depuis que j’ai récupéré la gamine. Mais faire amie amie avec Chelsea c’est une mauvaise idée. Surtout qu’on n’est pas sur la même longueur d’ondes et ça, c’est difficile à gérer au quotidien. Trop des questions auxquelles j’espère qu’on pourra apporter des réponses vendredi soir. Mettre les choses au point c’est la chose à faire. La meilleure chose oui. Je tente de m’en convaincre alors qu’elle revient, prête. C’est parti pour le parc. Dans une ambiance qu’on tente de garder guillerette et détendue… ouais non en fait. C’est tout sauf ça. Et la danseuse semble bien l’avoir compris également. ” Je suis désolée pour cette nuit, je sais qu’on a dit qu’on en parlerait vendredi, les règles tout ça, mais j’ai pas envie que tu fasses la gueule jusque là. Et c’est sincère, je suis vraiment désolée. “ Agréablement surprise de cette réaction, je mets quelques secondes à encaisser ses mots. Sans pour autant lâcher la gamine des yeux, je hoche la tête doucement. ” Ca me va. “ Oui, je vais pas lui lécher les bottes non plus.
[...]
Le repas est prêt, tout est prêt depuis des heures. Mais pas elle. Non, parce qu’elle n’est pas là. Elle n’est pas venue. Trois heures que j’attends, trois heures durant lesquelles j’ai vidé une bouteille de vin et entamé la seconde. Télé comme seule compagnie, vers 22h30 je me lève du canapé et me dirige vers la cuisine. L’alcool parlant plus que ma raison, je fous le plat avec le poulet, les pommes de terre et les haricots verts que j’ai passé plus de deux heures à préparer dans l’évier. C’est gâché, j’aime pas ça mais je suis trop énervée. Le plat en céramique explose, me coupant légèrement la main au passage mais je ne ressens même pas la douleur. Physique du moins. Ca saignote un peu, rien d’alarmant. Juste assez pour tâcher mon chemisier rose pâle et mon pantalon blanc. Ils seront bon à jeter. Mais c’est pas grave, l’alcool aide à faire passer tout ça. J’attrape la deuxième bouteille de vin, laissant le cadavre de la première sur la table basse et me dirige vers le jardin. Affalée dans l’herbe, je regarde le ciel, continuant à boire tranquillement espérant très certainement finir assommée. J’entends même pas la porte s’ouvrir, j’entends même pas qu’elle rentre à la maison. Je m’en fiche. Je reste là, laissant tomber le second cadavre dans l’herbe avant de faire de même. Qu’elle vienne, qu’elle ne vienne pas, qu’elle monte dans sa chambre, qu’elle reparte, je m’en fous.

Mon quotidien est chamboulé ces derniers temps, depuis le décès de mon ex, le retour de ma fille dans ma vie, Gina qui décide de la prendre sous son aile, qui me force malgré moi à tisser un lien avec cette enfant que j’ai simplement mis au monde. Il faut aussi que j’arrive à gérer mon boulot, tout en sachant que Gina ne me suit plus comme elle le faisait fut un temps - ce n’est pas pour me déplaire, elle était un peu trop sur mon dos. Les répétitions pour le nouveau spectacle me prennent beaucoup d’énergie, en plus de ça j’ai rencontré quelqu’un, même si je sais que ça ne sera pas forcément sérieux. Il est jeune, mais ça me permet de voir un peu autre chose, penser à autre chose. Si bien que j’en oublie totalement le rendez-vous donné en début de semaine par Gina. Un regard sur ma montre et je me pince les lèvres. « Merde, faut que j’y aille, j’ai oublié un truc important ce soir… » Je vois la bouille de Zach se décomposer et je m’en veux un peu. « Je me rattraperai, c’est promis. » Je m’éclipse sans plus tarder, pas le temps de commander un Uber, ce sera un taxi pour ce soir, même si je les supporte de moins en moins. J’arrive chez Gina et pénètre dans la maison, plongée dans la pénombre. « Gina ? » J’allume, rien. Personne. Je me sépare de ma veste et de mes chaussures. « Gina ? Je suis désolée pour mon retard, mais j’suis là, on peut discut… » mon regard se pose sur le repas qui a fini visiblement dans l’évier, avec les assiettes cassées. Il y a même un peu de sang. Merde. Mon coeur s’accélère un peu. « Gina ! » Je hausse un peu la voix, monte à l’étage pour aller voir dans sa chambre, personne, la petite n’est pas là non plus, il me semblait qu’elle devait la laisser à une amie, à sa soeur, j’en sais rien je sais plus. J’ai merdé. Fait chier. Je sors mon téléphone et appelle mon agent, son téléphone sonne sur la table basse. Génial. Je me laisse tomber dans le canapé et remarque une bouteille de vin, vide. Elle a dû m’attendre un moment. Putain quelle conne. Je décide d’attendre là, espérant qu’elle n’ait pas fait une connerie, même si c’est pas le genre, mais je vois pas bien où elle pourrait être. J’attends une bonne heure, à lutter contre le sommeil, et me laisse finalement emporter, le téléphone de Gina entre les mains.

Je l'entends rentrer, je l'entends m'appeler. J'ai pas la force de bouger et j'avoue que je n'en ai pas très envie. Enfin si, j'en aurai envie pour lui gueuler dessus. Pour la traiter de tous les noms. Cette putain de cohabitation c'est définitivement n'importe quoi. Je pourrai aisément lui dire de se barrer, de prendre sa gosse et de quitter ma maison. Même de changer d'agent. Après tout à quoi bon se forcer alors qu'elle en a rien à foutre de moi. Toujours avec ma bouteille que je continue de vider, je la laisse m'appeler. Encore et encore. Ca me ferait presque rire. Je pense que c'est l'alcool qui parle mais oui, ça me ferait presque, je dis bien presque rire.

Je ne sais pas combien de temps je suis restée là à tenter d'apercevoir des étoiles à travers les nuages. Elle a du monter se coucher, de toute façon, c'est pas comme si elle s'inquiétait réellement pour moi vu que sinon elle aurait été là à l'heure. Bref, ça me soûle mais c'est comme ça. Je ne peux pas la virer. Dans tous les sens du terme que ce soit d'un point de vue du boulot ou de chez moi. La raison est simple, Eileen. Je l'aime cette gosse. Et ne plus la revoir tous les jours, je ne sais pas si je pourrai le supporter. Même si je dois me taper son idiote de mère dans le package. Puis je ne peux pas non plus la garder avec moi et l'éloigner de Chelsea. Tout est contre moi en fait. Oui oui, je me plains. Mon côté calimero sans doute. Faut dire qu'on est pas du genre à se laisser aller dans la famille. Les sentiments, parler de ce qu'on ressent. On n'a pas été éduqués comme ça. Je décide de me lever enfin, tout ce que j'ai bu a bien besoin de sortir maintenant. Titubant jusqu'aux toilettes, je ne remarque même pas l'endormie sur le canapé. Après avoir tiré la chasse, je me dirige vers la cuisine, prête à tout éteindre pour rejoindre mon lit. L'air hagard et surtout l'esprit totalement embrumé dans deux litres de vin, je ne me rends pas forcément compte du bordel sonore que je suis en train de faire. En voyant l'évier, je me rappelle que je me suis coupée et regarde ma main. Rien de grave, du sang séché que le côté. Puis aussi toujours sur mes habits. Non, ça ne s'en va visiblement pas rien qu'en y pensant. Chemisier et pantalon tâché de sang devant. Surement d'herbe et de terre derrière. J'dois avoir l'air maligne. J'entends du bruit derrière moi et prends enfin conscience de la présence de la danseuse. " Ta chambre n'est pas là à ce que je sache. " Ou alors je suis vraiment plus bourrée que ce que je crois ou on a déplacé les pièces de la maison sans que je ne m'en aperçoive. " T'éteindras tout, puis tu te chargeras de nettoyer le bordel dans la cuisine, j'ai pas que ça à foutre. " Sous entendu, c'est à cause de toi tout ça, démerde toi. Prête à regagner ma propre chambre, à virer ces fringues dégueulasses, à me glisser sous la douche et à prier pour oublier sa présence le temps d'une nuit. Si jamais elle m'en laisse l'occasion.

Je sursaute en entendant du bruit. Je me redresse rapidement, le coeur battant la chamade, sans trop savoir où je suis ni même ce qui m’arrive. Je me retourne et remarque Gina dans la cuisine, passant près du canapé pour rejoindre le couloir qui mène à sa chambre. Je fronce les sourcils, ferme les yeux et les réouvre plusieurs fois de manière plus forte pour mieux me réveiller. Elle a du sang partout. Je vais pour ouvrir la bouche mais elle me prend de cours. « Ta chambre n'est pas là à ce que je sache. » Je me lève du canapé et vais pour m’approcher d’elle mais elle me tourne le dos et s’éloigne. « Gina ! Je suis désolée pour ce.. » Pas le temps de finir qu’elle reprend, signe qu’elle ne m’écoute pas du tout. « T'éteindras tout, puis tu te chargeras de nettoyer le bordel dans la cuisine, j'ai pas que ça à foutre. » Je soupire et m’approche d’elle, venant me saisir de son bras doucement, juste assez pour l’interpeller et la stopper dans sa ‘course’, bien que cette dernière ne soit pas bien rapide vu l’alcool qu’elle a dû boire. « Je vais ranger oui, mais attend une seconde. » Je la fais se retourner doucement et pose mon regard sur ses affaires tâchées de sang. « Tu t’es blessée ? Où ? » Sans vraiment réfléchir je viens poser mes mains sur son ventre là où je vois le sang mais elle n’a pas l’air de se plaindre d’une quelconque douleur, et je prends finalement ses poignets pour regarder ses bras, ses mains, et c’est là que je vois une plaie sur sa main, visiblement pas grand chose. « Qu’est-ce que t’as fabriqué ? Faut nettoyer ça… » Elle commence à râler et je soupire. Elle sent le vin et son discours est très peu construit. Je soupire et prends la parole d’un ton ferme mais étonnamment doux. « Je suis désolée pour ce soir, d’accord ? Je suis désolée. » Je lui dis ça le regard vrillé dans le sien, avec tout l’aplomb et la sincérité dont je peux faire preuve parfois. « Maintenant on va aller nettoyer ça, même si tu comptes pas me pardonner, pas la peine de le mentionner, je commence à te connaître. » On s’en fait voir des vertes et des pas mures, ça ne date pas d’hier de toute manière. Je la suis jusque dans la salle de bain et récupère de quoi la soigner, même si ça n’a pas l’air d’être grand chose, il ne faudrait pas que ça s’infecte. Je la fais s’asseoir sur le rebord de la baignoire et récupère sa main pour la nettoyer. « Tu as invité quelqu’un quand tu as vu que je viendrai plus ou tu as bu cette bouteille toute seule ? » Loin de moi l’envie de la juger, je veux juste savoir où elle en est. Bizarrement je m’inquiète pour elle, et je culpabilise aussi…

dire que je suis énervée serait juste un doux euphémisme. quoique je suis tellement crevée que je ne suis même pas certaine d'avoir encore la force d'être énervée. " gina ! je suis désolée pour ce.. " blablabla, des paroles que je n'entends même pas. désolée pour le moment qu'est ce que j'm'en fiche. me dirigeant vers ma chambre, je me fais arrêter dans ma douce épopée par une main qui m'agrippe le bras. " je vais ranger oui, mais attend une seconde. " prête à lui demander pourquoi faut que j'attende, elle me prend de court. ou peut être que je n'ai pas la réactivité nécessaire pour lui poser une question avant qu'elle ne reprenne la parole. " tu t’es blessée ? où ? " mais qu'est ce qu'elle raconte encore ? je sens ses mains sur mon ventre et un étrange frisson me parcourt du bas du dos jusqu'en haut de la colonne vertébrale. bizarre... " qu’est-ce que t’as fabriqué ? faut nettoyer ça… " les souvenirs qui reviennent petit à petit. ce qu'il s'est passé donc. " dans l'évier y'a des bouts de verre. mais laisse c'est pas grave. " ou de porcelaine. je sais pas trop mais ça coupe en tout cas. la preuve. le temps de réfléchir à ça je me fais entraîner je ne sais pas trop où. j'crois que la maison tourne mais j'suis pas bien sure. " je suis désolée pour ce soir, d’accord ? je suis désolée. " elle a l'air désolée. genre vraiment. j'sais pas si ça m'touche mais... arf. okay on va dire que c'est l'alcool qui parle hein... " maintenant on va aller nettoyer ça, même si tu comptes pas me pardonner, pas la peine de le mentionner, je commence à te connaître. " donc okay je vais pas lui pardonner si c'est le cas. je crois. " humpf... bien. " de toute façon j'ai rien de mieux à faire alors... elle me traîne jusqu'à la salle de bain et la vois s'agiter alors qu'elle me pose sur le rebord de la baignoire. " tu as invité quelqu’un quand tu as vu que je viendrai plus ou tu as bu cette bouteille toute seule ? " cette question donc... " deux. " non je n'ai pas invité deux personnes c'est pas tout à fait le propos. " deux bouteilles. enfin une et trois quart. " presque deux quoi. je la laisse me soigner les plaies, grimaçant quelque peu. j'crois que ça me fait mal mais j'en suis même pas sure. " faudrait que je me douche. " jolie réflexion. les doigts à peine soignés je me redresse et commence à me déshabiller. maladroitement. " tu m'aides dis ? " j'sais pas si ça m'est beaucoup arrivé de demander de l'aide à quelqu'un. mais là j'ai pas franchement le choix. j'me dandine pour me débarrasser de mes fringues. entre l'herbe et le sang c'est pas glorieux. j'ai comme l'impression que cette scène là s'est déjà produite. lorsque j'étais malade. souvenir lointain, vraiment lointain.

Je panique en voyant le sang sur son t-shirt, mais je me rends vite compte que ce n’est pas grand chose. Pourtant, il faut s’en occuper, je dois m’en occuper. Parce que je culpabilise pour cette soirée loupée, j’en ai bien peur. Je fais que des conneries depuis que je vis ici. J’aimerai pouvoir dire que je veux partir, mais j’ai développé le lien avec Eileen, ce lien que Gina voulait absolument que je développe, et ce n’est pas le moment de tout briser n’est-ce pas ? Je ne lui laisse pas vraiment le choix et la guide jusque dans la salle de bain du haut, la faisant s’asseoir sur le rebord de la baignoire. L’air de rien, je lui demande si elle s’est enfilé la bouteille de vin à elle toute seule. Elle sent l’alcool. Le vin en particulier. Je m’en fiche, elle fait ce qu’elle veut, mais j’ai pas envie non plus qu’elle se détruise, pour je ne sais quelle raison. « deux bouteilles. enfin une et trois quart. » Putain. Je déglutis et me contente d’un très léger hochement de tête. Je m’occupe des plaies sur ses mains, désinfecte du mieux que je peux sa main et mets deux pansements pour éviter qu’elle en mette encore partout. « faudrait que je me douche. tu m'aides dis ? » Je m’y attendais pas à celle là. « Je euh… oui. Oui bien sûr. » Elle se lève, son équilibre un peu incertain, et je m’approche pour l’aider à se déshabiller, son t-shirt, son pantalon alors qu’elle se tient à mon épaule, ses chaussures, chaussettes, la voilà en sous-vêtements, et là je suis un peu bloquée. C’est elle qui termine, je crois que l’alcool l’a complètement déshinibée. Elle est totalement nue devant moi et ça n’a pas vraiment l’air de la déranger. Moi en revanche, je sais pas bien comment me comporter. Je détourne un peu le regard, mais je dois rester près d’elle, son équilibre est clairement instable. « Ok, on va y aller doucement hein.. » Je la soutiens, une main à sa taille, l’autre tenant son bras, je l’accompagne jusque dans la douche et allume l’eau. « Tu veux pas t’asseoir ? »[/color] bon je vais être trempée. Tant pis. C’est qu’un détail. « Je peux te lâcher c’est bon ? Ou… tu veux que je reste ? » Bon si c’est ça, faudrait au moins que je me foute en sous-vêtements si je veux pas attraper une pneumonie…

je ne suis pas alcoolique. je ne pense pas. enfin j'ai bu et je bois parfois mais jamais au point de finir la tête à l'envers. mais je sens que demain ça risque d'être violent. cette idée est bien vite balayée parce que j'ai du mal à analyser les choses. elle me soigne après que je lui ai confié le nombre de bouteilles que j'ai bu. oui quand ça se compte en bouteilles c'est que c'est déjà trop. j'ai pas de raisons de lui mentir, j'ai pas la force de lui mentir de toute façon. énergie insuffisante et surtout pas la capacité d'inventer un mensonge. mais si je lui avais dit que j'avais bu que quelques verres, elle ne m'aurait jamais cru. le temps semble totalement décousu et j'ai l'impression qu'elle a soigné mes mains en quelques secondes à peine. même pas. un clignement d'oeil. ou alors c'est vraiment ce qu'il s'est passé. j'ai fermé les yeux pendant quelques minutes et elle m'a soigné à ce moment là. c'est pas très clair tout ça. je suis prête à aller me coucher. ou presque. il manque quelque chose. je dois me débarrasser de ces vêtements du sang qui a coulé du vin qui a taché aussi un peu le tout. et mon âme aussi on va pas se mentir. foutu alcool. je lui dis donc qu'il faut que je me douche mais j'ai besoin d'aide. oh ça oui j'ai besoin d'aide. je tiens difficilement sur mes jambes. " je euh… oui. oui bien sûr. " je n'entends même pas sa réponse que je suis déjà en train de me déshabiller. oh ça va vite vu que je n'ai plus aucune conscience du temps qui passe. et bien vite je me retrouve nue. elle a du me soigner une fois, je me souviens. elle m'avait déjà aidé. du coup mon tatouage elle l'a déjà vu. en même temps c'est difficile de le louper celui là. autant les petits ont peut mais un serpent qui s'enroule autour de ma cuisse, de mes hanches pour venir s'arrêter juste au dessus de mon pubis... ouaaaaaaaaaais non c'est pas passe partout. je me souviens encore de la tête du tatoueur quand je lui ai dit ce que je voulais. il a pas hésité longtemps. coquin... mais c'est pas le moment de penser à ça. " ok, on va y aller doucement hein.. " ah oui c'est vrai, la douche. prête à la prendre ou du moins je crois. " tu veux pas t’asseoir ? " je tourne vigoureusement la tête de gauche à droite, peut être un peu trop d'ailleurs. ça tourne... elle allume l'eau et un léger cri s'échappe de mes lèvres bien malgré moi. " je peux te lâcher c’est bon ? ou… tu veux que je reste ? " au moment où dit ça j'ai mon équilibre instable qui décide que je dois m'effondrer sur elle. tant pis. " oups... désolée. " je m'appuie comme je peux sur elle sans pour autant l'entraîner avec moi sous l'eau. même si elle est pas mal trempée. du savon, de l'eau, de l'eau, du savon. " ça ira pour ce soir. tu m'passes la serviette ? " comme un bébé. une gosse. juste retrouver mon lit et dormir pendant au moins 48 heures. et oublier ce putain de moment gênant à l'extrême.

Je suis un peu désemparée face au comportement de Gina, pour la simple et bonne raison que je culpabilise. Beaucoup. Alors je fais en sorte de prendre soin d’elle, l’accompagner jusqu’en haut pour ne pas qu’elle tombe, la soigner, l’aider à se déshabiller. L’aider à prendre sa douche. Putain pourquoi c’est si difficile de la voir en petite tenue, et maintenant nue ? Ok, on respire. Un, deux. Je reste près d’elle, peine à trouver un endroit où la soutenir sans que ce soit bizarre. Mes mains à même sa peau, je lui demande si elle veut s’asseoir. Non. Je lui demande finalement si je peux la laisser seule, et elle me tombe dessus. Ok. Pas seule. Elle s’excuse et je lâche un rire un peu bête. Ça se sent que je suis mal à l’aise là ? Que je sais pas comment me comporter, comment agir ? Je me sens conne, elle a juste besoin de moi l’espace d’un instant, et moi j’ai chaud juste parce qu’elle est nue. Merde Chelsea reprend-toi ! Je la laisse se savonner, mais je reste là pas loin au cas où son équilibre redeviendrait trop rapidement instable. J’essaie de ne pas la regarder mais c’est compliqué. De plus en plus compliqué. « ça ira pour ce soir. tu m'passes la serviette ? » Je hoche la tête, sors de la douche italienne pour récupérer une serviette et la tends pour qu’elle puisse s’enrouler dedans. Une fois fait, je me place dans son dos, mes deux mains sur ses bras, et la guide jusqu’à la baignoire un peu plus loin pour qu’elle s’asseye sur le rebord comme tout à l’heure. « Bouge pas, je vais te chercher ton pyjama. » Voilà. Fais ça. Je me faufile dans sa chambre, cherche quelque secondes et tombe sur son ensemble de nuit que je lui ramène sans tarder. « Tiens. Je reste là, si t’as besoin, j’ai pas envie que tu te casses la gueule. » J’en profite pour retirer mes fringues mouillées à mon tour, je reste juste en sous-vêtements le temps de me sécher un peu, et j’enroule la serviette autour de ma poitrine, plus par respect que par pudeur. Je l’aide à s’habiller, dans l’état dans lequel elle est, c’est mieux quand même. Une fois fait, je la raccompagne jusqu’à sa chambre et l’aide à se glisser sous les draps. Je crois qu’elle dort déjà. Je quitte la chambre silencieusement et retourne dans la mienne, l’esprit légèrement pollué, je dois bien l’admettre…

je suis complètement assistée sur ce coup. complètement et totalement. et j'aime pas ça. fort heureusement que le vin m'empêche de réfléchir. enfin si je n'avais pas bu autant, je n'aurai pas besoin d'aide. on est sur un cercle vicieux en fait. je lui demande la serviette qu'elle finit par me tendre. enroulée dedans, je me laisse guider jusqu'à la baignoire. comme une gosse, je me laisse faire. " bouge pas, je vais te chercher ton pyjama. " doucement je hoche la tête et la regarde partir. elle revient vite. ou alors j'ai cligné des yeux beaucoup moins vite que je l'aurai cru. quoiqu'il en soit elle est déjà là avec mes affaires. je suis encore un peu humide mais la serviette a épongé le plus gros. ça ira. " tiens. je reste là, si t’as besoin, j’ai pas envie que tu te casses la gueule. " toujours sans un mot, je la laisse m'aider, surtout le passage des jambes. déjà sur les deux je suis pas super stable alors sur une le temps d'enfiler le bas... c'est pas facile. le haut ça va, au pire il sera à l'envers c'est pas bien grave. mais je crois que j'ai bien manœuvré. ce qui me laisse le loisir de l'observer s'habiller ou plutôt se déshabiller. je reste fixée sur son corps, impossible à m'en détacher. j'sais pas pourquoi mais mon cerveau ne veut pas que je regarde ailleurs. c'est vraiment efficace la danse oui. même si j'en ai fait pendant très longtemps j'avais pas sa silhouette. plus de formes de base alors forcément... donc je l'observe avec une intensité étrange. puis sans m'en rendre compte surtout. ce n'est que quand elle m'aide à rejoindre ma chambre que je reprends mes esprits. enfin ce qu'il en reste. déposée dans mon lit, je tombe de fatigue presque instantanément. " 'nuit... " la seule chose qui sort d'entre mes lèvres avant que morphée ne me rattrape.

[...]

j'ai la tête qui va exploser. je ne me suis juste tournée dans la lit et je sens vraiment que ça ne va pas. ça tourne, ça cogne et encore j'ai pas les yeux d'ouverts. j'ai pas envie de vomir par contre, je pense que c'est une victoire en soi. mais ma tête. oh. mon. dieu. j'ai besoin d'un café, c'est urgent. encore quelques minutes à tenter de remettre ma chambre dans le bon sens et j'ouvre enfin les yeux. ça va, pas trop de luminosité, je survis pour le moment. j'attrape quand même mes lunettes, je ne les mets pas souvent mais j'ai comme le pressentiment qu'elles ne seront pas de trop ce matin. ou midi. ou après midi ? aucune idée de l'heure qu'il est. je me passe les mains dans les cheveux, encore humides et je me souviens de bribes d'une douche étrange. pas le temps de m'attarder là dessus, je les attache rapidement et prends appui pour le lever. je sens que rejoindre la cuisine va être toute une aventure. mais je ne lâche rien et après une traversée d'au moins dix bonnes minutes, j'arrive enfin devant la machine à café. rien que le bruit du café qui coule me cogne dans la tête. " tu veux pas couler en silence... " je râle contre de l’électroménager... normal quoi.

Ce matin, j’ai laissé Gina dormir, avec la gueule de bois qu’elle doit se taper, il vaudrait bien qu’elle dorme, de toute évidence. Luna est venue ramener Eileen, visiblement, tout s’est bien passé, ma fille rentre toujours avec un sourire jusqu’aux oreilles quand elle a passé du temps chez Luna. C’est encore bizarre de penser ‘ma fille’ même si c’est le cas, mais de plus en plus cette notion s’invite dans ma tête et dans mon coeur. Grâce à Gina j’ai réussi à développer un vrai lien avec Eileen, une vraie complicité, et pourtant c’était pas gagné d’avance, d’autant que l’agent a pris cette décision sans même m’en parler, sans mon accord. Aujourd’hui je lui en suis reconnaissante, et je ne sais même pas comment lui dire ni même comment lui montrer. Ça viendra. J’espère. Je tente d’occuper Eileen pour ne pas qu’elle fasse trop de bruit, on reste en bas, dans le bureau, dans le salon, dans sa chambre à jouer calmement, lorsque j’entends de l’animation dans le séjour. Gina doit être debout, et Eileen l’a bien entendu. Elle se lève d’un bond et hurle « GINAAAA » , ce qui me fait grimacer pour elle. « Eh chipie ! On ne crie pas ! »[/color] Je lui cours après, ce qui a le don de la faire accélérer en riant de plus belle. Bien sûr. Fourberie. Je l’attrape avant qu’elle n’ait atteint la brune à la gueule de bois. « Un dessin animé ? Tu fais un bisou à Gina et on va regarder un dessin animé ? » Ça marche toujours. Bisou, et zou. Je la mets dans le canapé et la laisse choisir son programme sur la partie enfants de netflix, parfait. Une fois calme, je rejoins Gina dans la cuisine. « Désolée, j’ai pas pu éviter l’effusion de bonne humeur en voyant que tu étais réveillée. Y’a pas de doute, cette gosse t’aime. » C’est une certitude. Gina est un peu au radar et je viens glisser une main sur son épaule, descendant le long de son bras. « Allez viens, installe-toi, je te donne ton café. » Je la guide jusqu’à la chaise qui se trouve autour de la petite table de la cuisine et reviens avec son café, et un verre d’eau dans lequel je dépose une pastille d’aspirine. « Ça va aller ? » C’est rien, c’est juste une gueule de bois. Mais je veux être gentille, après le lapin involontaire que je lui ai foutu hier soir, je peux au moins faire ça…