I'm a teenager [Elliot]

J’ai décidé de prendre des cours du soir. Croyez-le ou non, j’ai surtout ressenti le besoin de me changer les idées. En fait je crois que je trompe non seulement l’ennui mais l’angoisse. Si je n’en n’ai jamais parlé à personne, c’est parce que je refuse qu’on me parle de conneries telles que le psy ou quoi que ce soit de ce genre. Je ne supporte plus tout ça, d’entendre dire que ça finira par aller mieux, qu’il faut du temps. J’ai mal, bien sûr que j’ai mal et que j’aurais toujours mal. Mon homme et mon fils ont disparus dans un accident de voiture et je m’en pense encore responsable. Je ne veux pas travailler sur ma culpabilité, je veux la vivre, comme une punition, et je crois que c’est encore le mieux que j’ai à faire.
Des cours d’italien. Je parle plusieurs langues mais je dois avouer avoir de grosses lacunes pour m’exprimer en cette langue. J’aurais pu choisir n’importe quoi, mais c’est tombé sur ce cours-là. Les cours du soir, pour adultes. Je me sens moins comme une intruse dans ces groupes, certains ont mon âge à ce qu’on m’a dit…
Et on m’a menti ! Je suis la seule nana de 50 balais à tenter de donner le change ! Ce sont pour la plupart des jeunes, pas que ça me dérange mais j’ai l’impression de faire vieille belle avec mes slims et mes bottines. Une petite chemise entrouverte pour faire un peu plus habillé mais ça reste un cours du soir, je pourrais venir en jogging baskets que tout le monde s’en foutrait.

Paradoxalement je ne suis pas une si bonne élève, pourtant je suis prof. Mais je suis encore en rade de quelque-chose. Déjà gamine j’oubliais mes affaires. J’étais collée uniquement pour ça, pour oubli ! Pourtant j’ai de quoi noter, du papier, une calculatrice, reste à savoir ce que je vais en faire ne cours d’italien… Mais je ne suis pas concentrée. Le cours a commencé depuis une demi-heure que je suis déjà en train de vérifier mes mails sur mon portable, sous la table, comme une ado. Je m’ennuie, certes, mais je ne m’ennuie pas seule, et ça vaut tout l’or du monde. Je prends des notes, par-ci, par-là, et mon stylo fini par me lâcher. J’ai de l’encre partout sur les doigts, sur la feuille… Bravo. Sérieusement Ellen, BRAVO ! Je les essuie avec un muochoir et me retrouve comme une abrutie, comme quand j’étais gamine. J’interppelle un petit jeune sur le côté qui ne daigne me répondre, sans doute trop concentré. Je fini par me rabattre sur la jeune femme à côté de moi, avec son bonnet et son air de se faire plus chier que n’importe qui ici. « Excuse-moi, tu aurais un stylo ? » Genre je vais continuer à prendre des notes sur mon calepin plein d’encre ! L’espoir fait vivre. « Et une feuille… » J’abuse, je sais. Je lui adresse un petit sourire crispé pour lui faire comprendre que je suis désolée de l’interrompre comme ça en plein cours.

Faut être un peu désespérée pour venir prendre des cours d’italien en vue de reconquérir son ex nan ? Willie s’est bien foutue de ma gueule en tout cas. Toute manière, ça pourra pas me faire du mal, et puis j’ai envie et besoin de voir du monde, de changer d’air. Les cours, ça a jamais été mon truc, mais faudrait peut-être que ça le devienne si je veux un jour changer de voie. Pour le moment, j’ai pas les couilles pour ça, mais ça viendra, peut-être. En attendant, je crèche un peu n’importe où, chez ma meilleure amie la plupart du temps, mais elle va finir par en avoir marre de moi, faut que je bouge. Trop de trucs à penser à ce moment, si bien que j’écoute rien du cours ce soir. En général, j’essaie de me montrer un poil attentive, au moins pour faire genre, que quelques mots entrent dans mon crâne de piaf, mais nan, ce soir rien.

Je fais tourner mon stylo bille autour de mon pouce, les yeux rivés dans le vide, et mon stylo continue ses boucles dans un geste parfaitement maîtrisé alors que je n’en ai même pas conscience, je suis partie ailleurs. J’entends rien de ce qu’il se passe près de moi, pas même le bordel qu’est en train de foutre ma voisine de table. C’est fou le pouvoir de la pensée quand on y réfléchit. Et soudain j’entends qu’on s’adresse à moi. « Excuse-moi, tu aurais un stylo ? » Je tourne la tête vers le murmure à ma gauche et baisse les yeux vers son bloc notes plein d’encre, sans compter ses doigts. J’esquisse un sourire amusé. « Ouais, tiens. » Je lui file le stylo que j’avais en main, bien consciente que je ne vais plus pouvoir divertir mes doigts pour le reste du cours, tant pis. « Et une feuille… » Je retiens un rire, pose ma main sur ma feuille sur laquelle j’ai écrit deux mots de mes pattes de mouche, et la fais glisser sur la table pour la lui donner. « Pour ce que ça me sert ce soir… » Elle a l’air complètement à l’ouest, et puis elle est pas toute jeune non plus, c’est quand même assez drôle. On a tous entre vingt et trente ans, et elle, hum impossible de lui donner un âge, entre quarante et cinquante, la fourchette est large, mais plus proche des quarante je pense. Enfin quoi qu’il en soit, une quadra ici, c’est plutôt marrant.

Je reporte mon attention sur la prof qui est franchement pas agréable à regarder, ils auraient pu nous foutre une nana un peu jolie, j’aurai eu plus de plaisir à apprendre la langue, mais non. Je me penche sur ma table, mon menton dans le creux de ma main, coude posé sur la table, et je regarde partout autour de moi. La quadra à côté de moi est en train de secouer mon stylo et je fronce les sourcils. « T’as de l’acide dans les doigts ou quoi ? Il marchait très bien tout à l'heure ! » Je lui prends le stylo des mains, appuie la bille contre la semelle de ma basket, et reviens sur la feuille que je lui ai donnée pour faire un petit gribouillis en haut à droite. « Voilà. »

Je ne sais pas si j’ai bien fait de prendre un cours de langue au final. Quoi qu’un cours de compta ou encore de quoi que ce soit d’autre, j’aurais eu trop de mal à suivre pour me discipliner à venir. J’aurais tout aussi bien pu prendre des cours de danse non ? Pour m’occuper, mais ça implique un partenaire et je ne sais pas si je suis prête à subir la drague intempestive de vieux beaux prêts à reconquérir le monde après leur divorce, ou encore mariés et agités par le démon de midi.
Je peux être assez cynique dans mon genre, pourtant je ne devrais pas vu ma situation, plus proche du looser que du winner.
Mais je me suis inscrite alors autant tenter l’idée que ce soit profitable. Je ne suis pas super concentrée. Je crois que ces chapitres, je les ai déjà vus, alors je trouve le temps de plus en plus long mais je n’en dis mot. Mon stylo fini par me lâcher, voilà de quoi m’occuper, c’est le bon Dieu qui me puni pour avoir pensé filer avant la fin du cours.
La jeune femme à côté de moi semble aussi passionnée que moi ce soir et me file un stylo sans même hésiter. « Ouais, tiens. » Je la remercie discrètement, en espérant que celui-ci ne me claque pas entre les doigts. Et je lui demande une feuille aussi, ma détresse semble beaucoup l’amuser. « Pour ce que ça me sert ce soir… » « Je te filerais mes notes à la fin du cours. » Pour le dédommagement. Vous croyez que parce que je suis prof, je suis contre ce genre de pratique ? Je l’ai tellement fait ! Et tellement récupéré les notes de mes camarades les jours de flemme ! Il ne faut pas croire qu’un prof est l’individu ayant le moins loupé de cours dans sa vie… En tout cas je n’en suis pas l’exemple.

Je poursuis mes notes durant quelques minutes quand finalement mon stylo me lâche. Mais c’est pas vrai ! J’ai signé un pacte avec le diable à ma naissance ou comment ça se passe ? Je ne devrais plus m’en étonner ceci dit. « T’as de l’acide dans les doigts ou quoi ? Il marchait très bien tout à l'heure ! » Je lui lance un regard désolé et elle récupère le dit stylo pour le faire rouler sous ses baskets, et miracle ! « Merci. » Je lui adresse un sourire complice et notre ce qui est au tableau, elle écrit encore quelques trucs, c’est un des rares cours de fac où le prof en prend la peine. Mais entendant nos chuchotements, la prof commence à perdre patience et nous lance un regard, ce à quoi je réponds en levant les mains, d’un air de dire ce n’est pas nous ! Comme une ado, feintant de noter tout ce que j’entends.

La fin du cours fini par sonner et la jeune femme à mes côtés remballe ses affaires sans même attendre. Je quitte l’amphi et la cherche sur le parvis. « Attend ! » Je remonte à sa hauteur. « Excuse-moi, tu as oublié ça. » Lui tendant son stylo. « Et ça, je t’avais dit que je te filerais mes notes. » De toute façon pour l’utilité du cours de ce soir, franchement… « Tu veux qu’on se trouve un café où tu pourras recopier ? » Au chaud, parce que ce soir il fait plutôt frais et j’ai franchement besoin d’une clope.

« Je te filerais mes notes à la fin du cours » Je me contente de hocher la tête. Ouais, si ça peut lui faire plaisir après tout. La vérité, c’est que je m’en fous un peu, mais bon, je lui file un coup de main, si elle veut me remercier en me filant ses notes, pourquoi pas. Elle est gentille. Je la surveille du coin de l’oeil, je sais pas trop pourquoi d’ailleurs, sans doute parce que ça me fait une sorte de distraction, elle est amusante à tout foutre en l’air. Elle arrive même à faire foirer mon stylo alors qu’il marchait très bien. Je l’aide un peu et elle me remercie, je me contente d’un sourire pour lui répondre qu’il y a pas de quoi. Le cours se poursuit et la prof a l’air de pas trop apprécier qu’on discute ma voisine et moi, et je fais le même geste qu’elle, levant les mains en guise de dédommagement. Le cours touche finalement à sa fin, et je récupère mon sac pour filer. Filer où ? J’en sais trop rien, je vais sans doute encore crécher chez Willie, elle va finir par en avoir marre de moi. Ça m’étonnerait même pas, je suis pas la meilleure compagnie qui soit. « Excuse-moi, tu as oublié ça. » me dit une voix qui arrive près de moi et je ralentis le pas, tournant la tête pour reconnaître la quadra rouquine de mon cours d’italien. « Oh, merci. Enfin t’aurais pu le garder… » Je hausse un peu les épaules et elle me tend une feuille, ma feuille, je reconnais le coin gribouillé et les petits dessins de l’autre côté. « Et ça, je t’avais dit que je te filerais mes notes. » Je prends la feuille entre mes doigts et relève les yeux vers elle, sans avoir le temps de répondre quoi que ce soit. « Tu veux qu’on se trouve un café où tu pourras recopier ? » Je plisse un peu les yeux, pas parce que je suis méfiante mais parce que je me demande bien ce que je vais foutre de trois notes recopiées sur un bout de papier. « Ouais, pourquoi pas. » Elle est gentille, je vais pas l’envoyer balader. Je sais pas bien pourquoi elle cherche à se lier avec des étudiants qui ont la moitié de son âge - enfin un peu plus pour ma part - mais elle a l’air sincère et plutôt fun pour son âge, alors pourquoi pas. Nous sortons de la fac et je lui montre un café que j’aime bien, juste de l’autre côté de la rue. « Le pitches, il est cool, les serveuses sont sympa. » Nous nous dirigeons vers l’endroit en question et une fois installées, je prends l’initiative de nous commander deux cafés. Je suis pas du genre bavarde, alors c’est pas moi qui vais instaurer la discussion, pourtant, je lui adresse quelques petits regards intrigués. Parce que oui, elle est intrigante.

Je tiens à rendre son stylo à la jeune femme. Sans doute qu’il ne lui manquera pas, mais ce serait au moins une façon de la remercier. Ils sont tous avec leur ordinateur à prendre leurs notes, alors un stylo qui fui ça ne doit pas parler à grand monde. Visiblement elle aussi en est restée au bon vieux papier stylo. Non seulement j’adore la sensation de la bille sur le papier mais je trouve que j’enregistre bien mieux en écrivant moi-même. Enfin, pour ce que j’ai à retenir…
Je crois que Thomas se serait marré à me voir faire, galérer dans une salle de cours comme à l’époque. Combien de fois il a fini par se foutre de moi devant tant de maladresse ?
« Oh, merci. Enfin t’aurais pu le garder… » « C’est le tient. » Haussant les épaules en le lui tendant, le suivant de mes notes. Je lui propose ensuite d’aller dans un café pour pouvoir recopier le cours, elle n’a pas l’air enchantée mais ne refuse pas pour autant. « Ouais, pourquoi pas. » Sa nonchalance est rare, elle me fait vaguement penser à celle d’une ado très peu bavarde, qui hésite avant de se mêler à un groupe, même si elle en a envie, en somme, quelqu’un de très observateur. Je parle un peu trop, pour deux, mais je ne vais pas la retenir longtemps, j’imagine qu’elle a bien autre chose à faire le soir. « Le pitches, il est cool, les serveuses sont sympa. » « C’est parti ! » Je suis partante pour à peu près tout tant que je suis en public. Une fois seule chez moi, c’est une autre histoire, mais inutile de l’étaler ici. Je pense de toute façon que ça lui foutrait plus la trouille et lui donnerait l’envie de fuir qu’autre chose.
Nous nous rendons au bar et nous installons l’une en face de l’autre. Elle commande deux cafés et je sors la feuille de cours pour la recopier sur un tout petit carnet qui traine dans mon sac. Je voudrais lui donner la grande feuille histoire qu’elle ait ses cours propres un minimum, après tout c’est moi qui prend tout son matériel. Elle me lance des regards, et je fini par en intercepter un. « Tu es en train de te demander ce que je peux bien faire dans un cours du soir à mon âge, c’est ça ? » Je le sais, je ne suis pas dupe, et pour tout avouer ça ne me pose pas de problème. « Je peux te poser la même question. » Je relève les yeux vers elle. « Tes mains. Ce sont celles d’une travailleuse, de toute évidence tu n’es pas en train de prendre des cours de rattrapage. Et tu ne bosses pas comme guide touristique. » Je remercie le serveur quand il nous apporte nos cafés et en bois une gorgée, avec deux sucres. « Tiens, j’ai fini. Merci. » Lui faisant glisser la feuille sur la table en refermant mon carnet pour le jeter dans mon sac, fini la soirée de cours ! « Au fait, moi c’est Ellen. »

Je propose un bar, un endroit que j’aime bien pas loin d’ici, j’y vais de temps en temps, seule ou accompagnée d’ailleurs. Nous nous installons la quadra et moi, et je nous commande deux cafés, tant pis si c’est pas ce qu’elle voulait. J’y pense même pas, je suis encore dans mes pensées. Je la regarde sortir le cours de ce soir et le recopier sur un minuscule calpin, je sais pas ce qu’elle va faire avec ça… Elle croise mon regard et me demande alors « Tu es en train de te demander ce que je peux bien faire dans un cours du soir à mon âge, c’est ça ? » Je hausse les épaules de manière nonchalante, comme à mon habitude. « Chacun fait c’qu’il veut… » « Je peux te poser la même question. » Je souris, mon premier vrai sourire depuis que nos regards se sont croisés. « Tes mains. Ce sont celles d’une travailleuse, de toute évidence tu n’es pas en train de prendre des cours de rattrapage. Et tu ne bosses pas comme guide touristique. » Je viens croiser mes bras contre ma poitrine, pour camoufler les preuves, et ne la lâche pas des yeux. Le serveur arrive pour nous apporter nos cafés et nous le remercions toutes les deux en même temps. « Tiens, j’ai fini. Merci. » me dit-elle en faisant glisser la feuille sur la table. « Merci à toi, mais t’étais pas obligée. » Je plie ladite feuille et la fous dans ma poche intérieure de ma veste en jean. « Au fait, moi c’est Ellen. » me dit-elle tout naturellement. Je hoche légèrement la tête. « Ok, Ellen. Moi c’est Eliot. » Je sais vraiment pas ce que je fous là. En général, je suis pas du genre à passer du temps comme ça avec des inconnus, que ce soit des mecs ou des nanas d’ailleurs, et encore moins quand ils sont pas dans la même tranche d’âge que moi. C’est con mais je suis pas le plus à l’aise du monde, mon côté renfermé, sans doute. « Finalement tu m’as pas dit ce que tu faisais dans ce cours… » Elle a l’air d’être une femme qui a une vie, peut-être même des enfants, un mari, un truc bien rangé avec un chien qu’on doit nourrir deux fois par jour, et un boulot tout aussi rangé. C’est vrai que c’est assez étonnant de voir une femme de son âge prendre des cours du soir, alors j’attends qu’elle m’en dise un peu plus. On va pas rester là à se regarder dans le blanc des yeux pendant 1h non plus. D’ailleurs, je crois pas que je vais rester là une heure, je pourrai bien boire mon café et me casser, aussi.

Je parle beaucoup, trop sans doute et ce n’est pas faute de l’avoir entendu. Maladroite et loquace, un peu trop, mais on s’y fait quand on me connait, c’est en tout cas ce que soutient Loan quand on me le reproche. Elle n’hésite pas à monter au créneau pour prendre ma défense, mais je pense pouvoir m’occuper seule de moi-même face à une bande d’ados en cours du soir. Enfin d’ados… de jeunes adultes, mais ils en sont tous ou presque au même stade, à une grande remise en question de leur avenir. C’est une question fréquente à tout âge au final, que l’on soit établis ou non.
Je me retrouve dans un café avec ma voisine de table, de toute évidence bien moins affable que moi. « Chacun fait c’qu’il veut… » Nonchalante avec ça. Ça me fait sourire. Pas du genre à s’épancher sauf si nécessaire à ce que je vois.
Je poursuis seule mon laïus, quand j’ai fini de recopier. Je lui tends une feuille, le double de notre soirée de cours. « Merci à toi, mais t’étais pas obligée. » « J’ai foutu en l’air ton stylo quand même. » Amusée, une pointe d’humour n’a jamais fait de mal à personne. « Ok, Ellen. Moi c’est Eliot. » « Eliot. » Je n’aurais pas parié sur ce prénom, mais je dois reconnaître que ça lui va bien, et je l’observe quelques secondes en me demandant quel trait de personnalité peut bien coller aussi bien à sa peau qu’à son prénom.

« Finalement tu m’as pas dit ce que tu faisais dans ce cours… » « Figure-toi que je me pose encore la question. » Je lui adresse un sourire. « On est d’accord, c’est pas le cours le plus passionnant qui soit ? » Pourtant j’adore apprendre les langues, mais ce prof est clairement très peu motivé pour donner ses cours. Je termine mon café et repose mon attention sur elle. « Et toi, tu comptes partir en Italie ? » Etre jeune et apprendre une langue, à quoi bon si ce n’est pour un job à l’étranger ? Je ne demande qu’à en savoir un peu plus mais la vois regarder l’heure. « Oh, je devrais peut-être te laisser partir. Il est tard. » 22 h déjà, sans doute que sa soirée est déjà bien entamée.

« J’ai foutu en l’air ton stylo quand même. » Ouais, enfin c’est qu’un stylo, je m’en tape qu’elle ait foutu en l’air un stylo, pas comme s’il m’avait coûté un bras non plus. Alors je hausse les épaules l’air de dire que je m’en contre-fous de ce maudit stylo. Elle se présente et j’en fais de même, sans prendre trop de risques, même s’il faut bien dire qu’elle m’intrigue, cette petite rouquine. Je fais un effort, et pose une question, ce qui n’est en général pas tellement dans mes habitudes. « Figure-toi que je me pose encore la question. » me répond-elle, faisant naître un sourire sincère sur mes lèvres. Le premier qu’elle me tire. « On est d’accord, c’est pas le cours le plus passionnant qui soit ? » Cette fois, c’est un petit rire qui franchit mes lèvres. « Ouais, on est d’accord. » Je secoue un peu la tête, toujours un peu avachie sur ma chaise de manière très peu gracieuse. « Et toi, tu comptes partir en Italie ? » Je bois mon café d’une traite et repose la tasse sur sa soucoupe avant de reposer mon regard dans celui de la fameuse Ellen. « Nan. » Putain Eliot merde, fais un effort. « J’bosse avec des italiens, je comprends pas la moitié de ce qu’ils me racontent, c’est juste une question de pratique. » Ouais, bien sûr. J’esquive la vraie raison de mon apprentissage, mais cette femme pour le moment inconnu n’a aucune raison d’être au courant de la raison qui me pousse à approfondir mon italien. « Oh, je devrais peut-être te laisser partir. Il est tard. » Je baisse les yeux sur la montre qui orne mon poignet et relève les yeux vers elle. « Tard ? » Je lui souris un peu et hausse les épaules. « Ah ouais. Super tard… » Je hausse les épaules et sors de ma poche quelques pièces, de quoi payer nos cafés. J’ai pas super envie de rentrer, retrouver Willie qui va encore essayer de me faire la morale. Je commence tôt demain, mais tant pis. J’ai envie de sortir. Je me lève, récupère la feuille de cours que je plie avant de ranger dans la poche intérieur de ma veste en jean, et nous sortons du café. Enfouissant mes mains dans mes poches, je prends une grande inspiration en regardant la vie qui se déroule devant mes yeux, l’activité de cette ville que j’adore. « Il est si tard que ça pour toi ? » Je tourne la tête vers elle en lui offrant un léger sourire. « J’ai été invitée à une fête mais j’avais pas envie d’y aller toute seule… » Sous entendu, si elle veut venir avec moi…

« Ouais, on est d’accord. » Je lui tire enfin un sourire, et je me dis que tout n’est pas perdu. Elle avait l’air de se faire franchement chier dans son cours, mais pas que, je crois qu’elle se sent comme ça tout le temps. Pas qu’elle ne soit pas gracieuse, mais elle a l’air mélancolique et préoccupée par quelque-chose, qui ne me regarde probablement pas. Je ne sais pas pourquoi j’ai toujours le besoin de jouer les Saint Bernard, ça la dépasse ça Loan !
Je ne saurais trop répondre à sa question concernant le pourquoi du comment des cours d’Italien. Mais quand je lui pose la question, elle n’est pas beaucoup plus loquace. « Nan. » Je me contenterais de ça, je ne veux pas être intrusive, je m’intéresse à elle, c’est tout. Elle m’intrigue, cette façon de se foutre de tout alors que je pense que c’est tout le contraire. Elle reste en retrait pour l’observer, c’est ce que ça m’indique. « J’bosse avec des italiens, je comprends pas la moitié de ce qu’ils me racontent, c’est juste une question de pratique. » « Tu veux savoir si leurs blagues machistes te concernent ? » Je ris légèrement. Ça va, je mariée à un italien. Enfin non, j’étais. Il ne faut pas que je l’oubli, et je finis mon café pour passer à autre chose et m’occuper les mains et les pensées.
« Tard ? » Elle a l’air de se foutre de moi. « Ah ouais. Super tard… » Non, c’est plutôt clair, elle se fout de moi. Elle sort, et je me promets que le prochain café est pour moi. Je la suis, en emportant un peu maladroitement mon sac, c’est pas le moment Ellen ! Je me sors une clope que j’allume. « Ça te dérange pas ? » Non, ça n’a pas l’air mais on ne sait jamais. « Il est si tard que ça pour toi ? » « Moi non mais j’imagine que toi, ta soirée va finir par commencer. » A l’heure ou la mienne va se profiler avec un verre de vin et un bouquin. Je ne suis plus toute jeune mais je m’y fais, je ne suis pas contre le fait de sortir mais pas seule. Je rejoins souvent Loan, je passe de bonnes soirées mais quelques fois le besoin se fait sentir de se retrouver seule. « J’ai été invitée à une fête mais j’avais pas envie d’y aller toute seule… » La clope à la bouche, je me tourne vers elle, surprise. J’ai tout à fait compris son sous-entendu. « Tu as conscience de… ça ? » Me désignant toute entière. J’ai 50 balais ou pas loin et puis je… « La dernière fois que je me suis minée à une soirée étudiante, j’étais encore à la fac. » Je ris légèrement, elle est en train de se foutre de ma gueule. « Non, c’était sérieux ? »

Je me moque gentiment d’elle, loin de moi l’idée de vouloir la faire passer pour une grand mère, surtout que franchement, même si elle a quelques années de plus que moi, je crois qu’elle a pas vraiment l’âge d’être une grand mère. Enfin bref, je pars dans mes délires et me recentre lorsqu’elle me demande si fumer me dérange. J’ai l’air de quelqu’un que ça dérange ? Je secoue la tête avant de regarder un peu autour de moi, pensive. « Moi non mais j’imagine que toi, ta soirée va finir par commencer. » Un sourire étire le coin de mes lèvres. Elle pense bien. Je ne sais pas si tous les gens de mon âge commencent leurs soirées, toutes leurs soirées à 22h, mais toujours est-il que c’est vrai en ce qui concerne ce soir. J’hésite un instant, mais ne laisse pas mon esprit divaguer trop longtemps à se poser les questions, les pour et les contre. Et sans transition aucune, je lui demande si elle veut m’accompagner à une soirée. Enfin ce n’est pas formulé comme tel, mais ça y ressemble. « Tu as conscience de… ça ? » dit-elle en se désignant de haut en bas. Mon regard regarde alors sa silhouette de bas en haut puis de haut en bas, avant de replonger dans son regard. « La dernière fois que je me suis minée à une soirée étudiante, j’étais encore à la fac. » « C’était y’a si longtemps que ça ? » Je ne vois pas où est le mal, il y a vraiment un âge pour sortir des sentiers battus ? Je crois pas. Mais je ne compte pas la forcer à quoi que ce soit, c’était juste une proposition comme ça, je lui demande pas sa main. « Non, c’était sérieux ? » Nouveau haussement d’épaules, mes mains toujours dans le fond de mes poches. « Bah ouais. Enfin seulement si t’as envie, je vais pas me mettre à tes pieds, c’est comme tu veux ! » Je sors de ma poche mon paquet de clopes et en tire une en la pinçant entre mes lèvres. Pas de briquet, bien sûr. Elle me tend son briquet et je la remercie d’un geste de la tête et lui rends son briquet. « Merci. » Je tire une longue bouffée et la recrache lentement. « Alors ? Ton lit ou un verre ? » C’est sûr que dit comme ça, c’est un peu bizarre…

Pour tromper l’ennui je me retrouve chaque semaine enfermée dans un amphi avec une bande de gamins qui ont la moitié de mon âge. Je n’ai rien contre ça, au contraire, je pense que ça peut être productif pour moi, mais il se trouve aussi que je me retrouve au milieu de leurs loisirs que je ne comprends plus comme à l’époque. Mes étudiants me parlent mais ils ne livrent que ce qu’ils veulent, je suis loin de savoir comment ça se passe. Le temps passe et les époques changent.
Elle voudrait que je l’accompagne à une soirée, en tout cas elle m’a proposé de le faire, c’est une invitation, mais je ne suis pas sûre que ma présence soit appréciée. Alors je lui demande si elle a conscience de qui je suis et surtout de l’image que je renvoi à la société. « C’était y’a si longtemps que ça ? » Je ricane et tire sur ma clope. « C’est plus vieux que toi. » Lui lançant un sourire en coin. Elle a quoi, 25 ans ? Et ben la fac c’était encore plus loin que ça. Bordel, ça m’aide pas ça. Je soupire et termine ma clope.
Mais le pire c’est qu’elle ne se fout pas de moi ! « Bah ouais. Enfin seulement si t’as envie, je vais pas me mettre à tes pieds, c’est comme tu veux ! » Je secoue la tête, l’air de chercher la réponse à sa question. Je ne sais pas moi-même, Loan m’aurait trouvé une solution là, et elle aurait dit oui avant qu’on ne lui ait posé la question. En attendant ma réponse à la sienne, elle sort une clope qu’elle glisse entre ses lèvres, jolies, au demeurant, et chercher son briquet, je fini par la dépanner. « Merci. »

« Alors ? Ton lit ou un verre ? » « Hein ? » Je retourne la question dans ma tête une seconde ou deux et fini par percuter. Bordel, Loan il va vraiment falloir que tu quittes ma tête de temps en temps ! « Heu ouais, un verre. » Aller oublier tout ça est encore le mieux. « J’imagine que je te suis ? »
Effectivement, elle me demande de monter derrière son scooter. Pourquoi pas. J’enfile son casque, elle ne me laisse de toute façon pas le choix et m’accroche à elle. Je ne dis rien sur sa conduite, je ne veux même pas regarder. « C’est un ami à toi ? »

Elle tente de me faire comprendre que ce genre de soirée, ce n’est plus de son âge. Mais je ne suis pas totalement d’accord. Y’a-t-il seulement un âge pour sortir un peu plus tard que d’habitude, boire un verre ou deux, et rentrer dormir ? Je ne crois pas. Enfin, j’imagine que je verrai ça plus tard, en attendant, j’ai envie d’aller boire autre chose qu’un café, et puis avec ça, je risque pas de dormir de suite. « C’est plus vieux que toi. » répond-elle à ma question, ce qui me fait sourire et lever les yeux au ciel. « N’importe quoi. » Je ne la crois pas si vieille que ça. Mais je ne m’avoue pas vaincue, et insiste juste un peu, suffisamment pour qu’elle comprenne que si j’ai proposé c’est que ça ne me dérange pas, mais pas assez pour qu’elle imagine que je tiens absolument à l’emmener boire un verre. Ma question est un peu maladroite et je n’y fais pas tellement attention. « Hein ? » Je la regarde, attendant une réponse qui ressemblerait un peu plus à quelque chose. « Heu ouais, un verre. » Un sourire naît au coin de mes lèvres et je me contente de hocher la tête. « J’imagine que je te suis ? » « C’est mieux, sauf si tu veux essayer de deviner l’endroit où je t’emmène ? » Je finis ma clope sur le chemin qui nous mène à mon scooter et je lui donne un casque. Si elle pensait qu’on allait commander un uber, elle peut rêver, j’ai pas assez de fric pour ça. Je démarre le bolide et la sens s’accrocher à moi. Je crois qu’elle n’est pas rassurée, et ça me fait plus rire qu’autre chose. Je tente quand même de conduire pas trop mal pour ne pas lui faire peur, faut pas non plus abuser. Je regarde parfois dans le rétroviseur et vois qu’elle a les yeux fermés, ce qui me fait sourire encore davantage. Nous arrivons devant chez l’ami qui donne sa soirée et gare le scooter, laissant Ellen descendre. « C’est un ami à toi ? » « Ouais. Ça fait un moment qu’on s’est pas vus. » Je lui fais signe de me suivre et nous montons à l’étage où se déroule la fête. La porte s’ouvre et nous entrons, je fais bien attention qu’Ellen ne se perde pas, je me retourne régulièrement. Me dirigeant vers le bar, je demande deux verres de punch, et une fois servie, je fais signe à Ellen de me suivre jusqu’au balcon, puis je lui donne son verre. « Et voilà le verre promis. En plus on a le droit à une vue dégagée sur L.A. c’est plutôt pas mal… » Je m’accoude à la rambarde, bois une gorgée et tourne la tête vers la rouquine avan de lui adresser un sourire. « Comment tu te sens ? » C’est vrai que la moyenne d’âge tourne entre 20 et 30 ans, avec quelques tête qui dépassent un peu, même si elles sont rares. Mais je trouve ça bien qu’elle n’y fasse pas plus attention que ça, qu’elle continue de vivre sans pour autant se cantonner dans une vie monotone. « T’es mariée Ellen ? » Et voilà que je commence à poser des questions. On est mal barrées.

Voilà que je me retrouve invitée à une fête. Qui aurait cru que je finirais en soirée étudiante en prenant des cours du soir ? Loan. Il n’y a qu’elle pour croire à ce genre de truc, et je l’aurais sommé de se taire si elle avait évoqué l’idée, pourtant encore une fois, elle a dû y penser et il se trouve qu’elle a raison. Je vais vraiment finir par me poser des questions sur ses dons de voyance. Elle est capable de prédire beaucoup de choses, sans doute trop même.
« C’est mieux, sauf si tu veux essayer de deviner l’endroit où je t’emmène ? » Elle a de l’humour, c’est déjà ça, et cette nonchalance qui fait son charme. J’ignore si le trait est appuyé mais une chose est sûre, c’est que ça lui va bien.
Je lui pose une question concernant notre hôte, elle ne se fait pas prier pour répondre, sans en faire plus. Laconique. « Ouais. Ça fait un moment qu’on s’est pas vus. » Je prends cependant cette information en plus. Je crois que ça se fait rare chez elle de parler plus que ce qu’on ne lui demande. Ça la rend mystérieuse. Nous montons à l’étage et je sens bien son regard sur moi qui veille à ce que je ne me fasse pas embarquer dans je ne sais quel jeu d’alcool. Je devrais filmer pour Loan elle serait tellement dans son élément ici !
Je me dirige jusqu’au balcon où je prends l’air. Je dois avouer que ses soirées ne sont pas des soirées d’amateurs. A quoi bon se prendre la tête à prendre des cours quand on a ce réseau ? Je reste persuadée que la plupart de ses amis sont entrepreneurs ou encore jeunes chefs d’entreprises, il n’y a qu’à les voir se jeter sur leurs mails sur leurs iPhone dernier cri. La jeunesse de LA tout simplement. . « Et voilà le verre promis. En plus on a le droit à une vue dégagée sur L.A. c’est plutôt pas mal… » « C’est l’appart rêvé pour ce genre de soirées. T’as des contacts. » Je reporte mon attention sur l’horizon, c’est magnifique ici. « Comment tu te sens ? » « Jeune. » J’éclate de rire et lui accorde un regard amusé. « Je me sens… Bien. » Je ne vois pas quoi rajouter d’autre, ça fait du bien. « T’es mariée Ellen ? » Je jette un coup d’œil à mon alliance et me racle la gorge. « Je… je l’ai été. » Je ne m’étalerais pas, je préfère garder ça pour moi pour le moment. Je décide de reprendre l’avantage dans la conversation pour éviter toute autre question. « Et toi ? Y en a bien un parmi ces garçons qui seraient ton genre, non ? »

Je m’éclipse avec Ellen sur la terrasse. L’appartement est immense et la vue magnifique. Autant en profiter. « C’est l’appart rêvé pour ce genre de soirées. T’as des contacts. » Je hausse les épaules et souris un peu. « Disons que c’est un cercle assez fermé… » Oui, j’ai des contacts, on peut voir ça comme ça, même si je suis pas du tout du genre de tous ces gars ou ces filles de la jeunesse dorée de Los Angeles, dont les parents ont une fortune à zéros multiples. Je lui demande comment elle se sent, parce qu’elle semblait pas vraiment encline à accepter mon invitation, tout ça à cause de son âge qu’elle estime avancé,et qui n’a aucune importance à mes yeux. « Jeune. » Je souris à entendre son rire et échange avec elle un regard plutôt complice compte tenu des circonstances et de notre rencontre récente. « Je me sens… Bien. » « Tant mieux. » que je lui réponds naturellement avant de porter mon verre à mes lèvres. Je n’hésite pas avant de lui demander si elle est mariée, j’ai remarqué cet anneau autour de son annulaire, alors je demande, plus par curiosité qu’autre chose. « Je… je l’ai été. » Je comprends sans qu’elle n’ait besoin d’en dire plus que je ne dois pas continuer sur cette voie. Elle ne veut pas en parler. Je n’insisterai pas. « Et toi ? Y en a bien un parmi ces garçons qui seraient ton genre, non ? » Un rire franc et naturel franchit mes lèvres et je me tourne un peu plus face à elle, arquant un sourcil. « Vraiment ? » Elle semble ne pas comprendre où je veux en venir, alors j’argumente un peu plus. « Parmi les garçons non, clairement pas. Parmi les filles peut-être, il faudrait que je regarde d’un peu plus près. » Je lui offre un petit sourire amusé face à ma révélation qui n’a pas l’air de la mettre mal à l’aise et c’est tant mieux. Manquait plus que je tombe sur une homophobe. « T’as vraiment cru que je pouvais aimer les gars ? Genre… vraiment ? » J’ai quand même pas du tout le type de quelqu’un qui aime les gars, quand même… Je secoue la tête d’un air toujours aussi amusé. « Jamais de la vie. Les femmes sont tellement plus… » Je soupire un peu et reporte mon attention sur l’horizon. « J’en sais rien. Plus tendres, plus douces, plus sexy. » Je ricane un peu, plus pour moi qu’autre chose. Quand on sait le nombre de femmes qui sont passées entre mes doigts. « Tu as déjà essayé ? » Quoi ? On fait connaissance non ? Je me renseigne.

« Disons que c’est un cercle assez fermé… » « Oui, donc tu as l’air de faire partie ! » Désignant l’ensemble des convives et la villa, d’un air admiratif. Elle semble savoir gérer ses relations, et je crois que ça n’est pas donné à tout le monde, c’est un don. Pourtant, elle n’est pas ce qui se fait de plus loquace. A croire que les réseaux sociaux sont un nouveau moyen de communiquer sans barrière. Je vis avec mon temps, j’ai des comptes un peu partout et prends le réflexe de partager ce qui me plaît sans que ça ne soit devenu une obsession.

Les questions se mettent à fuser, et je peux la comprendre. C’est moi qui lui en posais tout à l’heure, c’est de bonne guerre et je réponds, sans pour autant m’étaler, ça ne serait de toute façon bon pour personne. Elle serait mal à l’aise et moi je serais triste, alors quel intérêt ?
Je lui pose à mon tour une question que je trouve assez personnelle, sur ses goûts à propos des garçons. « Parmi les garçons non, clairement pas. Parmi les filles peut-être, il faudrait que je regarde d’un peu plus près. » « Vu comme ça. » Je lui souris et boit une gorgée de mon punch, serré ! Ils vont tous finir à trois grammes en deux heures à ce rythme-là ! « T’as vraiment cru que je pouvais aimer les gars ? Genre… vraiment ? » « Pourquoi pas ? » J’évite de dire que ma meilleure amie, qui se trouve être tout aussi homo qu’elle et se fait draguer par tous les hommes venus, se jetterais volontiers sur tout ce qui se fait de plus jeune mais ça serait mal venu. « Jamais de la vie. Les femmes sont tellement plus… » « Tellement plus ? » « J’en sais rien. Plus tendres, plus douces, plus sexy. » « Elles sont tout simplement plus ta came. » Je le respecte, aucun problème pour moi. « Tu as déjà essayé ? » Je tourne la tête vers elle, interloquée, mais j’ai lancé la compétition, et le lot de questions. A moi d’en payer le prix. « Je… Oui. » Je reporte mon regard sur l’horizon en prenant une grande inspiration, puis en buvant une gorgée de mon verre pour m’occuper. « Et je sais pas vraiment si c’est mon truc ou si… j’ai trouvé ça bien sur le moment. » Voilà, je me pose les questions d’une ado de 17 ans, alors que j’en ai plus du double et que la jeune femme à côté de moi est aussi bien dans ses baskets que ça me complexe.