I'm a teenager [Elliot]

« Oh que si tu vas les enlever, parce que t’as perdu un pari. Et si c’est pas toi qui le fait, c’est moi. T’as le choix. » Il me faut trouver une parade efficace. Parce que c’est comme si je retournais au temps du lycée, celui où je n’avais déjà pas de bol et pas franchement la répartie pour m’en tirer. Je commençais à peine à comprendre que j’avais le droit de répondre, et d’exister, et une fois que ce fut le cas, attention les dégâts. Mais je suis une adulte à présent, qui s’assume et qui est en droit de boire trop et de faire des erreurs, puis de se le pardonner par la suite. Je vais faire une connerie ou je suis en train de la faire, je le sais, mais je le ferais sans doute jusqu’au bout.
Je trouve la parade idéale en fonçant dans l’eau pour finir le boulot. Je suis nue, j’ai bien respecté le deal que je sache. « Bravo ! C’est mieux que rien ! » Elle me rejoint dans l’eau et ne semble pas plus contrariée que ça par la méthode employée, et je l’en remercie intérieurement.
Mais quand j’entends des pas, mon corps tout entier se raidis, ainsi que mon sourire. Ça veut faire la belle ! « Y’a aucune loi qui interdit les bains de nuit, même nus. Donc ne t’inquiète pas, personne peut te voir il fait trop nuit pour ça, et t’auras pas d’ennuis. Et puis j’suis là pour te couvrir ! » « Et tu as déjà fini au poste pour exhibition ? » Elle n’a pas l’air de s’en faire le moins du monde, au contraire. Elle nage, et me fait part de son sentiment de liberté. Détends-toi Ellen ! Au pire tu risques un rappel à la loi et une fou rire de Loan qui viendra te chercher au poste… « Avoue que ça fait du bien ! Tu te sens pas libre là ? » Sa réflexion mérite qu’on y accorde de l’importance, et je nage à mon tour aussi. « Ça pourrait y ressembler, oui. » Je tente de me détendre, en faisant quelques brasses et mouillant mes cheveux roux. « Et tu prends souvent des bains de minuit avec des inconnus ou je bénéficie d’un traitement de faveur ? » Lui souriant presque charmeuse.
Je jette tout de même un œil à l’inconnu sur la plage qui tourne autour de nos fringues. C’est moi ou il compte nous la faire à l’envers ? « Hey, toi, revient ! » Hurlais-je impuissante. « Il vient de se barrer avec nos fringues ! » Vous connaissez ce sentiment d’impuissance totale ? Mêlé d’injustice et du fait de venir de se faire flouer de la plus évidente des manières.

Ellen est visiblement du genre petite nature, ou vieille France, j’en sais rien, mais elle est pudique. Je ne peux lui en vouloir, et puis j’avoue qu’elle a déjà fait bien plus que ce que j’aurai imaginé ce soir. Je ne sais pas si c’est uniquement grâce à l’alcool, ou ma présence qui la dévergonde, aucune idée, toujours est-il que je la trouve bien plus fun. Dire que je la connais que depuis ce soir, c’est quand même assez drôle. « Et tu prends souvent des bains de minuit avec des inconnus ou je bénéficie d’un traitement de faveur ? » J’interprète sans doute mal son sourire, mais il me semble être un peu plus charmeur, et il faut croire que ça fonctionne. Je lui rends son sourire et continue de nager autour d’elle. « Alors déjà, théoriquement t’es plus vraiment une inconnue, et puis non, ça m’arrive pas si fréquemment de prendre des bains de minuit. Même si j’aime bien ça !» Je ris un peu et m’arrête, passant mes mains dans mes cheveux pour les tirer en arrière.

Mais avant que je n’ai eu le temps de rajouter quoi que ce soit, Ellen se met à crier en direction de la plage, ce qui me fait tourner rapidement la tête. « Hey, toi, revient ! Il vient de se barrer avec nos fringues ! » « Enfoiré.» Et là clairement, impossible de le rattraper, et je vais pas lui courir après complètement à poil. Je laisse sortir un rire nerveux face à la situation, mais ça a pas l’air de faire vraiment rire Ellen. « Avoue que c’est la pire soirée de ta vie ! » Je lui envoie de l’eau, comme une gamine. « Allez y’a pas mort d’homme ! Je vais chercher les serviettes. » Je continue de ricaner et sors de l’eau sans aucun complexe pour aller chercher les serviettes dans la cabane, heureusement que j’avais planqué les clés de mon scooter. Je m’enroule dans une serviette et ramène l’autre jusqu’à l’eau pour Ellen Je mets les pieds dans l’eau, jusqu’aux mollets, et tends la serviette pour qu’elle vienne s’y enrouler. Une fois fait, nous revenons vers la cabane et je tourne la tête vers elle. « T’habites loin ? Je peux te ramener si tu veux, sinon faut appeler un taxi...»

Une soirée comme je n’en n’avais pas vécue depuis des années. Un bain de minuit, à poil après avoir perdu un pari, et un mec qui nous pique nos fringues. Ça aurait pu être une soirée avec Loan tout bien réfléchi… Pas que ça me déplaise d’avoir un peu d’aventure, mais là, le destin y va fort. Je me rends compte depuis le début de la soirée que ma vie est taciturne et tourne autour de mon malheur depuis… depuis le drame. Mais il faut que je me remette à vivre, ça ne changera rien à tout ça que je me renferme sur moi-même ou que je préfère imaginer que la vie se résume à payer ce manque dont je me rends pour responsable.
« Enfoiré.» Eliot nage en observant la scène, elle est aussi coincée que moi. Ça rend dingue, qu’on soit clairs ! « Avoue que c’est la pire soirée de ta vie ! » « Oh, non. Ce n’est pas la pire. » Je soupire pour moi-même et me garde bien de donner quelque explication supplémentaire que ce soit.

« Allez y’a pas mort d’homme ! Je vais chercher les serviettes. » Serviable, elle part chercher les serviettes, et s’assure que la mienne soit à bon port pour que je n’ai pas trop à me dévoiler. Je l’en remercie intérieurement, en plus d’un sourire discret que je lui accorde et m’enroule dans la serviette. « T’habites loin ? Je peux te ramener si tu veux, sinon faut appeler un taxi...» « Il est hors de question que tu ne prennes la route enroulée d’une serviette, on va prendre un taxi et je te ramènerais chercher ton scooter. »
Je fais ce que je peux pour garder le peu de décence qu’il me reste encore pour héler un taxi. Le chauffeur doit intérieurement bien se marrer, et j’en ferais sans doute autant à sa place. Et c’est plus fort que moi, que nous je pense. D’échanger des sourires et des rires étouffés complices, sur la banquette arrière du taxi, avant d’arriver chez moi. Je n’ai même rien pour régler la course. Je griffonne alors mon numéro sur un bout de papier trouvé dans son taxi. « Appelez-moi, je saurais vous régler. » Je lui accorde un clin d’œil aguicheur et quitte l’habitacle avec Eliot. Le charme d’une femme est une arme et une monnaie redoutable.

Dieu merci je pense toujours à laisser une clé de secours à un endroit bien particulier, que seule Loan connaît, dans le cas où, en pleine nuit, elle se soit disputée avec Stella et se fasse jeter de chez elle, et pouvoir ainsi trouver refuge sur mon canapé sans avoir à fracasser la porte de ses coups de poings dedans, une fois rendue à trois grammes d’alcool dans le sang. Ce serait bien son genre, mais je me garde de le dire et préfère lui donner l’endroit précis où se trouve la clé de chez moi, dont elle a tout de même un double sur son trousseau. Mais oublier ses clés est une de ses spécialités.
« Suis-moi. » Je lui montre le chemin en tenant ma serviette sur ma poitrine et la fait suivre jusqu’à ma chambre. « Tiens, sers-toi. » Lui ouvrant mon armoire. Je peux passer des tailleurs haute couture ultras chics pour les galas de la fac à des t-shirts de groupe et de vieux Levi’s que je portais sans doute déjà étant étudiante. « Si tu veux prendre une douche, te gêne pas, l’eau est chaude ici. Vraiment chaude. » Me foutant de ce qu’elle peut appeler d’eau chaude quand l’eau de la mer est à 12°C !

« Il est hors de question que tu ne prennes la route enroulée d’une serviette, on va prendre un taxi et je te ramènerais chercher ton scooter. » Je lève un peu les yeux au ciel. Elle est mignonne d’être aussi prévenante, mais franchement, c’est pas prendre mon scoot en serviette qui m’arrête. M’enfin, si ça lui fait plaisir, je vais pas la contredire. Je récupère le peu d’affaires qu’il nous reste, ferme la cabane et nous retrouvons la route pour héler un taxi avant de grimper à l’intérieur. Le regard du conducteur dans le rétroviseur est plutôt amusant, et j’adresse à Ellen quelques regards complices, me retenant de rire. Une fois arrivées à bon port, je regarde tout autour de moi, c’est un quartier friqué, elle fait pas semblant. Je me marre en l’entendant faire du gring au chauffeur de taxi et nous entrons rapidement chez elle grâce à une clé planquée quelque part. C’est une sécurité qui a son importance.

Une fois à l’intérieur, je pose mes yeux partout, regarde de tous les côtés, et suis la propriétaire des lieux jusqu’à sa chambre. « Tiens, sers-toi. » me dit-elle en ouvrant son armoire. Ouais, sauf qu’on fait pas vraiment la même taille, ça va être fun ça tiens. Et puis on a pas non plus le même style vestimentaire. « Si tu veux prendre une douche, te gêne pas, l’eau est chaude ici. Vraiment chaude. » J’arque un sourcil en entendant la fin de sa phrase, et esquisse un petit sourire taquin. « Intéressant. Je vais passer par la douche pour enlever le sel avant d’enfiler un truc, c’est une bonne idée ! » Et je dénoue ma serviette sans attendre, filant droit vers la salle de bain. J’allume l’eau et me dépêche, si jamais elle veut prendre une douche elle aussi. Je me rince, me savonne un peu, après tout c’est toujours ça de fait, j’aurai pas à réveiller Willie. Je sors de la douche, me sèche avec une serviette propre étendue sur le sèche serviettes, frictionne mes cheveux et sors de la salle de bain sans pour autant cacher mon corps nu. « La place est libre si tu veux y aller, j’me suis dépêchée exprès ! » Petit sourire et je me place devant son armoire, totalement nue, à chercher ce qui pourrait me couvrir. Une fois trouvé un vieux levi’s et un t-shirt de groupe de rock des années où j’étais pas née, je vais fouiller dans les tiroirs pour trouver un sous-vêtement, parce que jean sans rien en dessous, non merci. J’en profite qu’Ellen soit sous la doute pour analyser son tiroir à sous-vêtement et je suis plutôt surprise de ce que j’y trouve, quelques belles pièces sexy à souhait. Intéressant. J’opte pour un truc tout simple, je mets pas de dentelle moi, ça gratte. J’enfile le jean, le t-shirt sans rien en dessous, et me laisse tomber sur le lit en soupirant. Si j’avais su que je finirais dans une baraque aussi belle ce soir, je l’aurai même pas cru. « Tu vis toute seule ici ? » Je sais pas pourquoi je demande ça, je me renseigne.

Mon ton ferme concernant le fait de prendre le scooter en serviette doit lui rappeler celui de sa mère, sans aucun doute. Mais elle verra quand elle en aura elle-même, des enfants, et qu’elle s’inquiètera de tout, aussi. Je ne suis pas la sienne, je dirais même que je la trouve plutôt attirante, et si j’étais à la place de Loan sans doute que je lui aurais déjà sauté dessus, mais c’est un fait, je suis inquiète, tout le temps.
Une fois rentrés chez moi, je lui propose de prendre une douche et de se servir en fringues. Sans la moindre gêne, elle quitte la chambre nue, pour la salle de bain, et revient dans la même tenue. Je ne peux retenir un regard en coin, quand elle me rejoint totalement nue. Elle est jolie, je ne peux pas lui retirer, elle est même sublime. Mais je me garderais de toute réflexion. « La place est libre si tu veux y aller, j’me suis dépêchée exprès ! » « Elle est plus chaude qu’à la plage, pas vrai ? » Je me fous d’elle, rit légèrement et pose une main sur son épaule nue avant de rejoindre à mon tour la salle de bain et de laisser couler l’eau, pour évacuer tout stress, toute anxiété que je ressens chaque soir, et tout le reste.
Contrairement à elle, je prends mon temps, et me lave les cheveux, ils sont tout collants à cause du sel. « Tu vis toute seule ici ? » Sa question me glace le sang. Parce que la réponse n’est pas celle que j’aurais formulé naturellement. Alors je prends une seconde pour préparer mon ton et n’éveiller aucun soupçon. « Oui ! Je… je vis seule ! » Je pense à la chambre de mon fils à laquelle je n’ai rien touché. Je ne veux pas la vider, c’est beaucoup trop dur. Elle est fermée à clé, comme pour n’appartenir qu’à moi, et les souvenirs qui se trouvent dedans.
Je coupe l’eau, et sors de la douche, attrapant ma boite d’anxiolytiques que j’ai oublié de prendre ce soir. J’en prends deux, je ne suis pas sûre que ça fasse bon ménage avec l’alcool mais qu’importe. Je frictionne mes cheveux à l’aide de la serviette, les arranges de façon à ressembler à quelque chose et enfile un jogging, ainsi qu’un top moulant, on repassera pour le sexy, mais j’ai juste froid, là, tout de suite.
Je retrouve la chambre, et découvre non sans un sourire pour moi-même qu’elle a pris exactement les fringues que je lui aurais vue porter. J’enfile un gilet à capuche et baisse un cadre dans lequel se trouve une photo de mon fils, mon mari et moi. Une photo heureuse, en tout cas elle l’était à l’époque. « Tu viens ? » Retour en bas, où j’attrape une bouteille de tequila derrière le bar, et poursuit mon chemin jusqu’à la plage, une fois le petit portillon de bois passé, au bout du jardin. « Ça te va ? » Lui montrant la bouteille. « Ton scooter t’attends toujours. Tu bosses demain ? » Ouvrant la bouteille pour en boire directement au goulot et lui tendre par la suite. Je crois que boulot ou pas demain, ça n’arrêtera pas Eliot de boire un coup. Et au final, c’est elle qui a raison. Tout s’arrête très vite, ou peut s’arrêter sans qu’on n’ait le temps de s’en rendre compte, alors autant en profiter comme si chaque jour pouvait être le dernier.

Ellen prend le relais dans la douche et tout en m’habillant, je lui pose une question que je n’estime pas être intrusive ou mal placée. C’est seulement de la curiosité innocente. « Oui ! Je… je vis seule ! »[/color] Je trouve ça dommage, dans une si grande maison. J’ignore presque tout du passé de cette femme, je sais seulement qu’elle a été mariée, mais ça s’arrête là. Est-elle divorcée, veuve ? A-t-elle des enfants ? Toutes ces questions restent en suspens dans mon esprit, j’ai cru comprendre qu’elle n’aimais pas beaucoup parler d’elle, ça nous fait un point commun, et je ne lui ferai pas l’affront de lui poser toutes sortes de questions, si c’est pour qu’elle soit mal à l’aise. Aucune envie de plomber la soirée qui a si bien commencé. Ellen sort de la salle de bain vêtue d’un jogging et d’un t-shirt moulant, je ne peux m’empêcher de laisser glisser mon regard sur sa petite poitrine qui semble tenir fièrement malgré les années. Elle se vêtit davantage et je la suis lorsqu’elle me demande de le faire.

En descendant, elle récupère une bouteille de tequila et nous traversons le jardin pour nous rendre directement sur la plage. La classe. « Ça te va ? » « On pourrait difficilement trouver mieux. »[/color] Je lui offre un sourire et nous marchons côte à côte sur la plage jusqu’à trouver un endroit pour nous asseoir, face aux vagues, assez loin pour ne pas ressentir les embruns. « Ton scooter t’attends toujours. Tu bosses demain ? »[/color] Je bois une gorgée de tequila directement au goulot comme vient de le faire Ellen et lui rends la bouteille. « Tout a l’heure tu veux dire ? Je commence à 6h. Il doit pas me rester beaucoup d’heures devant moi. » Je ris un peu et je sens la surprise dans son regard. « Oh t’en fais pas, j’ai l’habitude. Je vis sur le canap de ma meilleure amie depuis quelques semaines, j’essaie de pas rentrer tous les soirs pour lui laisser un peu d’intimité. Les nuits blanches ça me connaît. » Oui parce que j’ai pas trop envie de dormir sous les ponts non plus, je préfère de loin sortir toute la nuit, m’occuper l’esprit, boire ou ne pas boire, mais vu l’heure à laquelle j’embauche, c’est souvent mieux comme ça. « Et toi, tu bosses demain ? » Pour le coup, je crois que j’aurai plus de facilités qu’elle à reprendre le boulot demain malgré cette soirée pour le moins éreintante.

J’ai une belle vie ici, je ne peux pas dire le contraire. Un confort que je ne retrouverais sans doute pas ailleurs. Et puis je tiens à cette maison et à tous les souvenirs qu’elle contient. Les éternelles soirées barbecues avec Stella et Loan, les enfants sur la plage, mon fils au milieu de toutes ces filles à jouer de son charme pour leur faire faire ce qu’il voulait. Les bouteilles de vin descendues qu’on ne comptait plus. Et j’aime le bruit des vagues, pour m’endormir, mais le silence commence à devenir invivable. J’ai toujours aimé le bruit, malgré l’image plutôt calme que je peux renvoyer, le nez dans mes bouquins. « On pourrait difficilement trouver mieux. » Je souris pour moi-même, elle partage mon avis. Cet endroit est reposant. Je perds parfois la notion du temps en restant ici.
« Tout a l’heure tu veux dire ? Je commence à 6h. Il doit pas me rester beaucoup d’heures devant moi. » « 6h ?! Mais va te coucher ! » Me levant en lui prenant la main. « Oh t’en fais pas, j’ai l’habitude. Je vis sur le canap de ma meilleure amie depuis quelques semaines, j’essaie de pas rentrer tous les soirs pour lui laisser un peu d’intimité. Les nuits blanches ça me connaît. » Elle n’a pas l’air d’avoir envie de se coucher et m’intime de me rasseoir. « Tu dors dehors ? » Je ne peux pas rester insensible à sa réponse. Elle n’a pas de chez elle officiel, et fait malgré tout bonne figure. « Et toi, tu bosses demain ? » « Non, mes weekends commencent le jeudi soir. Je ne suis que prof de fac. » J’en rigole parce que c’est souvent une blague entre Loan et moi. Prof de fac, vacances scolaires, horaires à trous, semaine de 4 jours. Nous ne sommes que des étudiants qui refusons de devenir adultes et d’endosser de vraies responsabilités. Mais ça lui va bien à la tenancière de bar de me sortir ce genre de choses, à faire la soirée toute la sainte soirée en buvant à l’œil. « Et ça se passe comment avec ta meilleure amie ? » Pour qu’elle passe des nuits dehors, sans doute que sa situation ne lui convient pas…
Je bois une nouvelle gorgée de vodka, j’ai besoin de me vider la tête, que j’aurais très lourde demain. « J’ai de la place à revendre ici. Tu devrais rester dormir… ou boire. » Lui tendant la bouteille à mon tour en soupirant, regardant les vagues qu’on n’entend plus qu’on n’observe. J’allume aussi une clope, et lui tend mon paquet, avant de m’allonger sur le sable, épuisée.

« 6h ?! Mais va te coucher ! » ça me fait rire, je sais pas si elle s’inquiète vraiment mais elle est adorable. Je la rassure quand même, je voudrais pas qu’elle s’inquiète trop longtemps non plus. Je suis une habituée des nuits blanches, c’est comme ça. De toute manière, j’ai jamais dormi beaucoup. « Tu dors dehors ? » Haussant les épaules, je préfère rester vague sur la réponse. « Non, je dors chez ma meilleure amie ! » Je viens de le dire, je sais bien, mais je n’ai pas nécessairement envie d’entrer dans les détails. A moi de poser une question, parce que c’est encore plus facile d’écouter les réponses plutôt que de devoir en donner. « Non, mes weekends commencent le jeudi soir. Je ne suis que prof de fac. » Je l’écoute attentivement et souris pour moi-même tout en gardant les yeux rivés sur les vagues. « Y’en a qui se la coulent douce… ». Je la taquine, bien sûr, j’imagine que donner des cours ça doit pas non plus être de tout repos, enfin, elle est une femme intellectuelle, et moi manuelle, chacun son truc après tout. [color=#ff9900]« Et ça se passe comment avec ta meilleure amie ? » Cette fois je tourne la tête dans sa direction, devinant vaguement les expressions de son visage grâce au seul reflet de la lune. « Bien. Ça se passe bien. Je veux juste lui laisser un peu d’intimité… » C’est la stricte vérité. J’adore Willie, elle m’adore aussi, mais m’avoir sur le dos tout le temps, c’est pas simple, alors je la laisse respirer tant que je peux. « J’ai de la place à revendre ici. Tu devrais rester dormir… ou boire. » propose-t-elle en me tendant la bouteille avant de s’allumer une clope et m’en proposer une. Je ne m’en prive pas, en tire une du paquet que je coince entre mes lèvres encore humidifiées par la vodka. « C’est gentil. Mais ce sera pas la peine, j’ai pas l’habitude de dormir beaucoup de toute manière. » Et puis je suis sans doute un peu trop polie pour m’incruster comme ça chez quelqu’un que je connais à peine, même si c’est elle qui a proposé. « Par contre, toi tu ferais bien d’aller te coucher, tu crois pas ? » Je la regarde en souriant, tirant sur ma clope. Elle est à deux doigts de s’endormir là sur le sable, et je doute que ce soit une bonne idée. Quoi que. Je fais la même chose qu’elle et me laisse aller au bruit des vagues, jusqu’à ce que le sommeil nous emporte toutes les deux. Deux courtes heures de sommeil, le soleil se lève et mon réveil me fait sursauter. « Putain… » Je passe mes mains sur mon visage pour essayer de me réveiller un peu mieux, Ellen dort encore. Je la regarde quelques secondes, hésitant, et me décide à la réveiller doucement. Je glisse une main douce sur son bras et m’approche d’elle pour lui parler tout bas. « Ellen, il faut rentrer, je dois y aller… »

« Y’en a qui se la coulent douce… » « J’ai choisi mon métier, tu crois quoi ? » Je ris avec elle. En fait j’en suis venue à l’enseignement de façon assez fortuite, mais j’y suis, et je ne regrette pas. J’aime le contact des jeunes à qui je transmets, leur passion parfois un peu difficile à contenir, ou leur je m’en foutisme qui me rappelait le mien pour certains cours. Je ne peux que comprendre que ma matière ne passionne pas tout le monde, moi-même je détestais l’histoire… Et pourtant, j’ai dû en subir. Chacun a une particularité et une sensibilité différente en rapport avec ce qu’il étudie. J’aime débattre, et savoir pourquoi ils ne trouvent pas leur place dans mon enseignement, et dans certains cas, je me contente de leur donner les cours et les exempt de venir. Après tout, certains n’ont aucun attrait pour la littérature et n’en feront jamais rien, alors autant mettre ce temps à profit pour étudier une autre matière, et se concentrer sur l’essentiel pour garantir la note sans avoir à subir.
« Bien. Ça se passe bien. Je veux juste lui laisser un peu d’intimité… » « Donc il est grand temps que tu te trouves un chez toi… » Je ne sais pas si elle est en pleine recherche mais je sais que plusieurs petites annonces se trouvent sur le panneau d’affichage. « Je peux demander à la fac, les apparts en ville ça va et ça vient. » Je me doute que vivre sur un campus ne la brancherait pas plus que ça mais il y a des tas de choses à louer en ville. Elle bosse, ça ne devrait pas poser de soucis. « C’est gentil. Mais ce sera pas la peine, j’ai pas l’habitude de dormir beaucoup de toute manière. » « Jusqu'à ce que tu pètes un plomb, et fasse un burn out. Il ne t’en manquera pas beaucoup pour tout envoyer balader. » Et foutre en l’air son boulot, et une partie de son avenir, que sais-je ! « OK je deviens dramaturge, mais tu ne m’enlèveras pas de l’esprit que tôt ou tard tu vas avoir besoin de te poser. » Pour l’instant ça a le charme de ses jeunes années, mais petit à petit elle aura envie de stabilité. Et d’une famille, comme tout un chacun. Elle finira par rencontrer la bonne personne. « Par contre, toi tu ferais bien d’aller te coucher, tu crois pas ? » « Je ne suis même pas… fatiguée. » Accusant un bâillement entre deux. « Presque pas. Mais moi j’avais passé l’âge des soirées étudiantes, tu vois. » Je lui souris, les yeux clos, je commence à me laisser doucement partir vers le sommeil…

Il fait jour quand Eliott me réveille. « Ellen, il faut rentrer, je dois y aller… » Je l’entends, mais fronce les sourcils, attaquée par le soleil, je ne sais pas depuis combien de temps je suis là, mais fini par ouvrir les yeux, à mes dépends. « Quelle heure il est ? » J’émerge difficilement et m’assieds sur le sable, une main dans mes cheveux collés par le sel marin. « Oui, on y va… » Je passe une main sur mon visage et me lève. « Tu veux même pas un café ou… ce que tu veux. » Elle va partir travailler, elle a besoin d’avaler quelque-chose. « Tu te sens de conduire ? Parce que t’as pas dormi beaucoup plus que moi… et mal en plus. » Je ne veux pas qu’elle se plante sur la route. Encore un réflexe protecteur que je sors de je ne sais où…

Ellen semble vouloir jouer les protectrices, sans doute un côté maternel inassouvi, j’en sais rien, mais je suis pas sa fille, et j’ai pas super envie de le devenir. « Donc il est grand temps que tu te trouves un chez toi… Je peux demander à la fac, les apparts en ville ça va et ça vient. » Je lui offre un sourire et secoue la tête. « C’est gentil Ellen, mais vraiment, ça ira. » J’essaie de lui faire comprendre que je m’en sors à merveille, que je n’ai pas besoin d’un appart, pas pour le moment. Evidemment, je ne vais pas lui dire que j’espère encore reconquérir mon ex. J’ai flirté avec elle toute la soirée, ce serait mal venu. « Jusqu'à ce que tu pètes un plomb, et fasse un burn out. Il ne t’en manquera pas beaucoup pour tout envoyer balader. OK je deviens dramaturge, mais tu ne m’enlèveras pas de l’esprit que tôt ou tard tu vas avoir besoin de te poser. » Je hoche la tête et lui souris pour la rassurer. « Quand ce moment là arrivera, je te promets de te passer un coup de fil. » Si ça peut la rassurer. En attendant, j’ai pas besoin de trouver un appart, je m’en sors pas trop mal. On verra plus tard pour le reste. Mais pour l’heure, il est temps de dormir un peu, et nous ne tardons pas d’ailleurs à trouver un semblant de sommeil, là, à la belle étoile, jusqu’à ce que le soleil fasse son grand retour.

Je tente de réveiller doucement la professeur, je n’ai aucune envie de la laisser sur la plage toute seule, on sait jamais. Même si y’a pas l’air d’y avoir beaucoup de passage, il est encore tôt. « Quelle heure il est ? » « Cinq heures vingt. T’as encore quelques heures de sommeil qui t’attendent. » Elle se laisse faire, encore ensommeillée, et je l’aide à se lever, la soutiens pour les premiers pas. « Tu veux même pas un café ou… ce que tu veux. » Je souris, elle est vraiment adorable. « Ça va, t’inquiètes. » Nous rentrons chez elle et je récupère mes quelques affaires dans l’entrée. « Tu te sens de conduire ? Parce que t’as pas dormi beaucoup plus que moi… et mal en plus. » Je lui adresse un sourire et m’approche d’elle, avant de plaquer un baiser sur sa joue. « T’en fais pas pour moi, j’ai l’habitude. Merci pour cette nuit, et à bientôt. » Je lui adresse un petit clin d’oeil charmeur et m’éclipse de sa merveilleuse villa, pour récupérer mon scooter et aller bosser. Ça va être dur aujourd’hui…

FIN