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Parler dans ma langue maternelle est là l'occasion unique de renouer pleinement avec mes origines. Et c'est quelque chose qui me fait sentir vraiment vivante. Je suis véritablement moi-même, différente. Comme si toutes les parties de mon être ne faisaient plus qu'une maintenant. Et ça me fait pousser des ailes. Ce séjour aura vraiment été bénéfique pour moi. C'était mon rêve de revenir ici, et aucun mot ne pourra être assez fort pour décrire tout le bonheur qui se bouscule dans mon cœur. Et je sais intimement que Kai y est aussi pour quelque chose. Ce voyage avec n'importe qui d'autre n'aurait pas eu la même saveur, c'est une certitude. Et c'est peut-être pour ça que je me retrouve un peu perdue aussi. Je crois qu'il y a trop d'émotions qui se mélangent. Trop de sentiments intenses difficiles à contenir. Et finalement c'est le naturel qui prend le dessus sur tout le reste. Avec elle, je ne joue pas. Je suis ce que je suis, et ce que j'ai toujours été. Comme une évidence. On suit la jeune indonésienne jusqu'à la boite de nuit en question, mes doigts entremêlés dans ceux de ma demi-sœur. Un sourire naturel et continu installé sur mes lèvres. Je profite de l'instant présent, de chaque seconde qui nous lient l'une à l'autre. Chaque moment avec elle est si important à mes yeux. Arrivées à destination, nous nous dirigeons en premier lieu vers le bar pour se commander à boire. « Alors, tu veux boire quoi Cendrillon ? » Je souris à ce petit surnom, mon regard plongé dans le sien. « Je sais pas, tu me conseilles quoi ? » Je prends la carte entre mes mains pour regarder les différents cocktails proposés. Et finalement mon doigt s'arrête sur l'un en particulier. Je relève la tête dans sa direction, un petit sourire innocent au coin des lèvres. « Le sex on the beach a l'air pas mal non ? » En réalité je ne fais pas forcément attention à son appellation. J'ai seulement regardé la composition de ce dernier. Mais lorsque je remarque le malaise sur le visage de ma demi-sœur, ça fait tilt dans ma tête. Faut vraiment arrêter les trucs bizarres comme ça hein, c'est plus possible. J'ai l'impression que ça ne sera jamais tout à fait "normal" entre nous. C'est dingue quand même. Je lâche alors la carte et balaye le vide d'un geste de la main en haussant un peu les épaules. « Vas-y, peu importe en fait. Je te laisse choisir pour moi. » Ça n'a que très peu d'importance finalement. Mon regard se dirige maintenant sur la piste de danse. Il y a déjà pas mal de monde, et je commence peu à peu à me défiler. C'est vraiment pas mon style de m'afficher. Et danser même en plein milieu d'autres personnes représente pour moi un challenge considérable. « Je pensais pas qu'il y aurait autant de monde... » Une grimace se fige sur mes lèvres, alors que je joue un peu avec mes mains. Bon ok, je suis en train de complexer là. Mais c'est plus fort que moi. C'est le genre de truc que je ne contrôle pas. Je ne suis pas aussi à l'aise que Kai peut l'être par rapport à ça.

Je pars un peu dans mes délires pour essayer de rendre la soirée un peu plus légère. J'ai pas envie de gâcher quoi que ce soit en continuant de parler des sujets qui fâchent. Après la journée qu'on vient de passer, ça serait vraiment dommage de tout foutre en l'air. Mais je m'enflamme un peu avec mes histoires de premières fois à Bali. Sans prendre conscience de ce que ça pourrait réellement signifier. « Attends, on est pas encore partie, pourrait y’avoir d’autres premières fois ! » Euh... pourquoi je suis en train de laisser mon cerveau penser à ce que je pense à cet instant ? C'est surement parce qu'on vient de parler de ma première fois avec Wyatt que je m'embrouille les idées toute seule. Oui, c'est sans doute ça. Ça ne peut qu'être ça. Une autre raison serait totalement inconcevable, inimaginable même. Je ne peux pas me permettre de penser à ça. Rêver de ses lèvres, c'est une chose. Mais de là à imaginer toucher son corps... Oula non, stop. Pense à autre chose, vite. Mais qu'est-ce qu'il me prend à la fin putain ? Je comprends pas ce qui m'arrive. « Tu pourrais conduire le scooter. On pourrait passer toute une journée pieds nus. Et euhm… manger des insectes ? Morts hein, bien sûr ! » Je laisse échapper un rire amusé d'entre mes lèvres. Heureusement ses conneries finissent par masquer le trouble qui venait d'envahir mon visage tout entier. Ouf. Je préfère penser à bouffer des insectes qu'à ce que je viens de penser un tout petit peu plus tôt. Là au moins y'a rien qui pourrait porter à confusion. Rien du tout. Et il y a même pas plus dégueulasse que ce genre de vision. Ouais c'est bien, c'est mieux. Je joue un peu avec mes cheveux en guise de malaise, et tente tant bien que mal d'éviter à mon cerveau de jouer les montagnes russes. Mon coeur ne va plus tenir à force. « Me dis juste pas que ce sera la première fois rentrée après minuit, après avoir bu plus que du champomy ? » Bon ok, elle se fout de ma gueule là mais c'est de bonne guerre. « Attends tu vas voir, tu risques d'être surprise. » Je lui adresse un petit regard mutin avant d'ajouter. « J'ai dix-neuf ans maintenant. » Je lève les bras au ciel comme si j'avais une illumination. Bah ouais, ça change tout. Le repas continue sur cette lancée, dans une ambiance à la fois détendue et légère. Fort heureusement pour moi, il n'y a pas d'autres moments gênants qui se pointe à l'horizon. Mon coeur a le droit à une pause bien méritée, et ce n'est pas du luxe. Nous sortons finalement du restaurant à la recherche d'un endroit où sortir lorsque je prends l'initiative d'aborder une jeune indonésienne pour me renseigner. J'échange quelques mots avec elle dans ma langue maternelle, une première depuis que nous sommes arrivées ici. Disons que jusqu'à maintenant tous les gens que nous avons côtoyé nous parlait en anglais et que je n'ai pas eu forcément le réflexe. Mais au fil des mots, le naturel revient vite même si j'ai forcément un peu perdu l'habitude pendant toutes ces années. « Faut la suivre, y'a une boîte à quelques pas d'ici. » C'est là qu'elle était justement en train d'aller. Je me sens parfaitement à l'aise, et toute contente d'avoir pu parler l'indonésien avec elle. J'en suis même toute excitée et sautille comme une enfant. Je prends d'ailleurs inconsciemment la main de Kai dans mon élan.

Je sais pas pourquoi je parle de toute cette histoire. A part me faire du mal, ça ne sert pas à grand chose. C'est du passé et je ne devrais pas remuer le couteau dans la plaie. Mais rien que le fait d'en parler, ça me rend dingue. Je n'arrive vraiment pas à me faire à cette idée. Même si ça ne voulait rien dire entre eux, même si ce n'était que pour s'amuser, le fait est qu'ils ont couché ensemble. Je fais une petite moue incapable de cacher ma déception. « Tu sais, c’est pas parce qu’on a couché ensemble que ça doit changer quoi que ce soit entre vous. Il t’aime, c’était pas mon cas. Et puis, j’crois que pour une première fois, Wyatt saura être doux avec toi. » Là ça devient vraiment bizarre en fait. On est vraiment en train de parler de ma première fois avec Wyatt toutes les deux ? Comme si de rien n'était et qu'on ne s'était pas du tout embrassé tout à l'heure. Non mais franchement tout ça ne tient pas debout. Et pourtant ça semble tout à fait normal. C'est ça le pire finalement. « Oui, je sais. » Elle a raison, ça ne devrait pas changer quoi que ce soit dans mon couple. Mais de toute évidence ce n'est pas aussi simple que ça. Ça serait trop beau sinon. « Mais je trouve ça un peu bizarre quand même. » Pas plus bizarre que notre relation à elle et moi d'ailleurs mais passons. Pourquoi ça me fait mal au coeur que Kai dise ça ? J'espérais secrètement qu'elle dise autre chose, n'importe quoi. Tout mais pas ça. Mais c'est encore mon cerveau qui se fait des films. Pourquoi devrait-elle me convaincre de ne pas coucher avec mon petit-ami ? C'est complètement absurde. « Enfin… comme tu dis, si t’as envie de changer de sujet, te gêne pas. » Heureusement le serveur vient nous interrompre pour prendre notre commande. Et c'est mieux comme ça. Je ne suis pas très à l'aise de parler de Wyatt avec elle. Pas comme ça. Le serveur repart et Kai enchaîne sur un autre sujet. « Alors, tu veux allez danser après c’est ça ? Je crois que je t’ai jamais vue danser vraiment… » Je ris un peu consciente que je n'ai pas forcément l'image de la fille la plus fêtarde à ses yeux. « Ouais c'est pas trop dans mes habitudes normalement. » Je suis plutôt du genre à me la jouer discrète en soirée, je reste souvent dans mon coin en phase d'observation. Pourquoi pas changer un peu les habitudes ? « Mais c'est la journée des folies je te rappelle. » Après le saut en parachute et le tatouage, danser c'est du pipi de chat. « Je pourrais checker un nouveau truc sur ma liste de nouvelles expériences comme ça. » Je fais mine de sortir une fausse liste imaginaire de mon sac à main et d'y cocher plusieurs cases à la suite. « Premières fois à Bali, ça c'est fait. » Enfin premières fois, on s'est compris hein.

Retour à l'hôtel après avoir bien profité de la plage et du soleil. La tension palpable entre nous s'est finalement estompée, et c'est pas plus mal en soit. Même si je ne peux m'empêcher de penser dans un coin de ma tête au baiser de tout à l'heure. Il faut à tout prix que j'évite de regarder ses lèvres si je ne veux pas encore avoir envie de m'en emparer. Ouais c'est dur, surtout quand on sait ce que tout ça a pu réveiller en moi. Depuis nos retrouvailles j'ai tout fait pour enfouir ces sentiments au plus profond de mon être. Tout fait pour éviter les situations ambiguës, les moments où je pourrais être un peu trop proche d'elle. Et pourtant il y a eu cette nuit dans ses bras quand elle avait un peu trop bu. Il y a eu ce baiser furtif lors de la soirée action et vérité avec Wyatt. C'était déjà beaucoup trop pour moi. Beaucoup trop difficile pour mon coeur de le gérer. Mais maintenant, c'est pire. Je ne pourrais même pas énumérer tous les moments bizarres qu'il y a eu en deux jours depuis qu'on est ici, à Bali. C'est complètement insensé. Comme si toutes nos barrières étaient restées à L.A, comme si toutes nos limites s'étaient brusquement volatilisées. On se prépare mutuellement pour notre soirée à venir, et après une bonne douche, j'enfile avec fierté une petite combinaison d'été avec un joli dos nu. C'est l'une de mes préférées, et toutes les occasions sont bonnes pour la mettre. « Tu fais pas les choses à moitié ! » Je rougis légèrement avant de suivre Kai jusqu'au taxi qu'elle nous a commandé. Direction un restaurant les pieds dans l'eau dans le quartier qui est apparemment le plus vivant de l'île. C'est un quartier que je n'ai pas eu l'occasion de connaitre par le passé. Faut dire que c'était pas vraiment les endroits qu'une petite fille de mon âge pouvait côtoyer à cette époque. C'est tout nouveau pour moi, et pour le coup, on est sur le même pied d'égalité avec Kai. Le serveur nous place au fond de la salle, légèrement en retrait, une table aux premières loges pour admirer le magnifique coucher de soleil. Je crois qu'il ne peut pas y avoir plus romantique que ça. Merde, non. Pourquoi je pense à ça ? « N’empêche, heureusement que tu m’as pas remballée à l’aéroport. Imagine ce qu’on aurait loupé si tu m’avais dit non ! » Je ris légèrement, consciente que tout ceci aurait pu ne pas avoir lieu si je n'avais pas accepté sa proposition. « J'avoue que ça aurait été dommage quand même... » Je lui rends son petit sourire avant d'ajouter. « Mais ça t'aurais fait les pieds aussi. » Je dis ça pour la taquiner même si, au fond, je le pense forcément un petit peu aussi. On a pas vraiment reparlé de toute cette histoire, de Wyatt aussi, depuis que nous avons atterri ici. « Quand je repense à toi et Wyatt, je... » Je secoue la tête alors qu'une grimace se fige inconsciemment sur mes lèvres. Ôtez-moi ces images d'horreur de ma tête, par pitié. « Et dire qu'en plus je t'ai parlé de mon envie de coucher avec lui. » J'avais besoin de parler à quelqu'un, et c'est à elle que je me suis permise de demander des conseils. Mais si j'avais su... « Enfin, bref. On va peut-être pas parler de ça maintenant. » Tout recommence à se mélanger dans ma tête. Wyatt, mon couple, elle. C'était peut-être pas une si bonne idée que ça de dévier sur ce sujet-là. Quelle conne.

J'ai besoin d'une pause pour prendre un peu de recul par rapport à tout ça. Notre proximité, notre baiser, nos moments un peu trop tactiles, c'en est trop pour moi. Trop pour mon petit cœur qui ne sait plus où donner de la tête. Je crois que je suis en train de perdre pied, mais genre littéralement. Et j'ai peur que toute cette histoire finisse par me détruire malgré moi. C'est dur de m'éloigner d'elle, c'est même quasiment inhumain pour moi, mais c'est sans doute ce qu'il y a de mieux à faire pour le moment. Kai me laisse aller me baigner seule et j'en profite pour tenter de chasser toutes ces pensées de mon esprit. Je rentre sans difficulté dans l'eau, et profite de la différence de température pour respirer un grand coup. Ça fait un bien fou, et là, tout de suite, c'est tout ce dont j'avais besoin. Je tente de faire abstraction de Kai sur la plage mais la tâche s'avère plus difficile qu'initialement prévu. Etonnant tiens. Je laisse tout de même quelques regards trainer en sa direction à la dérobée histoire de. On sait jamais, n'importe qui pourrait arriver pour l'emmerder. Ouais bon ok, c'est pas crédible. J'ai pas d'excuse valable et alors ? Il ne faut pas trop m'en demander non plus. Je perds un peu la notion du temps dans l'eau et décide finalement de retourner sur la plage. Et la vision du corps allongé de ma demi-sœur illuminé par le soleil me ferait presque instantanément perdre toutes mes bonnes résolutions. Mon dieu que je suis faible. « Ça fait du bien ? Elle est bonne ? » Je laisse échapper un petit soupir d'entre mes lèvres de plaisir avant de lui répondre. « Tellement. » Un large sourire se dessine alors sur mes lèvres. « Tu t'es pas endormie toi ? » Ça ne m'aurait pas vraiment étonné de la retrouver dans un espèce de demi-sommeil, parfaitement détendue. Après tout elle était bien partie pendant que je lui mettais de la crème solaire tout à l'heure. Je m'allonge sur ma serviette à ses côtés pour profiter du soleil moi aussi. « Tu veux manger un truc particulier ce soir ? On pourrait trouver quelque chose à emporter et manger à l’hôtel devant un film ? Ou t’as envie de sortir ? De faire la fête ? » Dans ma tête je ne peux m'empêcher de cogiter pendant une petite seconde. Comme s'il fallait que j'analyse chaque situation dans son intégralité pour savoir s'il y avait des risques pour que le contexte devienne ambigu. Et bizarrement imaginer regarder un film dans la chambre d'hôtel avec elle me parait beaucoup plus dangereux que n'importe quelle autre situation. Sortir, c'est bien. Se retrouver avec du monde et éviter les moments seule à seule pour ne pas craquer. « Oh oui on pourrait aller faire la fête. » La vie nocturne de Bali, on ne connait pas encore. Et puis c'est mon anniversaire, dix-neuf ans ça se fête quand même. « J'ai envie de m'amuser, c'est les vacances ! » Danser, boire et profiter. Que la Kezia un peu trop sage se lâche, c'est le moment ou jamais. Et si ça peut me permettre d'éviter de trop penser, c'est pas plus mal.

Je crois que Kai représente pour moi la tentation incarnée. Je sais très bien que ce baiser était une connerie - encore, mais quand c'est pas moi qui l'embrasse voilà que c'est elle qui le fait. Comment voulez-vous que je m'en sorte moi dans tout ça ? C'est pas faute d'avoir essayé de lutter corps et âme contre mes pulsions depuis que nous sommes ici. A chaque fois que la situation devient un peu trop ambiguë entre nous, a chaque fois que nous sommes un peu trop proches ou tactiles. Toute cette lutte intérieure acharnée pour être incapable de la repousser le moment venu. Tout ça pour rien. Pourquoi c'est si difficile de lui résister ? J'aurais très bien pu tourner la tête au dernier moment pour ne pas prendre part au baiser. Oui j'aurais pu, mais encore faut-il en avoir l'envie. Et clairement je crois que je n'ai jamais été aussi faible qu'avec elle. Ses lèvres sont pour moi de véritables aimants. Son contact tout entier, son corps aussi. Je sais pas pourquoi, je sais pas réellement ce qu'elle m'a fait mais elle me rend dingue. Et c'est encore pire depuis qu'elle m'a laissé goûter à nouveau à ses lèvres. Merde alors. Je tente de focaliser mon attention sur autre chose, mais en vain. Tout semble vouloir me ramener à elle... toujours. C'est comme si je n'avais plus du tout de contrôle sur moi-même. Ma raison s'est envolée aux oubliettes, loin, très loin. Et voilà que je lui propose de lui mettre de la crème. Où est passé la logique ? J'ai envie de me mettre des claques. Et pourtant je ne peux m'empêcher de saisir n'importe quelle opportunité pour être encore un peu plus proche d'elle. C'est plus fort que moi, j'en ai besoin. « Je veux bien oui, merci. » Kai accepte et ne me rend pas la tâche facile. J'aurais limite préféré qu'elle dise non, qu'elle soit raisonnable pour nous deux. Mais c'est raté. « Vas-y, tourne-toi. » Elle se tourne sur le dos et je m'installe au dessus d'elle pour m'exécuter. Je m'efforce de ne pas trop regarder ce que je fais alors que mes doigts glissent sur l'étendu de son dos. Penser à autre chose, regarder ailleurs. Mais je sens ma demi-soeur se détendre au contact de mes mains et c'est encore pire. « Tu sais que je vais m’endormir là… Oublie pas les jambes… » Mes doigts glissent alors sur ses jambes d'une manière peut-être un peu trop sensuel. Pour être honnête j'ai vraiment du mal à rester maître de moi-même. « Tu veux faire devant aussi ? » J'arque un sourcil un peu surprise mais réponds instantanément. « Allez, je continue sur ma lancée. » Je commence cette fois-ci par les jambes et remonte doucement jusqu'à laisser courir mes mains sur le haut de ses cuisses. Je me pince un peu les lèvres, obnubilée par la chaleur que je sens monter dans mon corps tout entier. Je fais une petite pause pour remettre de la crème sur mes mains et en profite pour souffler discrètement. Kai a les yeux fermées et se laisse complètement aller sous mes doigts qui continuent cette fois leur ascension au niveau de son ventre. Quelques secondes supplémentaires suffisent et c'en est terminé. « Et voilà ! » Je me relève avant d'ajouter. « Bon par contre tu m'excuseras mais moi je vais aller un petit coup dans l'eau. » Je n'ai rien trouvé de mieux pour essayer de me rafraîchir un peu les idées. « J'ai vraiment trop chaud là. » Le soleil tape vraiment fort cet après-midi ou c'est moi ? Je m'éloigne pour aller mettre les pieds dans l'eau. Et c'est finalement pas plus mal que de reprendre un peu nos distances. Elle étendue sur la plage, et moi dans l'eau. Je crois que j'ai besoin de souffler un peu.

C'est encore différent de la dernière fois, plus passionné encore. Plus réel. Mais en réalité ça me rassure autant que ça me fait peur. D'un côté je suis soulagée de savoir que ce que je peux ressentir pour elle semble réciproque, mais complètement effrayée à l'idée de mettre des mots sur ce que tout ça représente. Terrifiée de me retrouver le coeur détruit par des sentiments qu'on serait toutes les deux incapable de gérer. C'est bizarre tout ça. Finalement Kai met un terme à notre baiser sans me repousser pour autant non plus. Non, cette fois, c'est différent. Je sens bien qu'elle n'a aucune envie de le faire et c'est là tout ce qui change. « Attends… j’arrive plus à respirer… » Elle rit légèrement avant de poser son regard dans le mien. « M’en veux pas, c’est juste… c’est tellement… bizarre… » Je hoche un peu la tête, un petit sourire au coin des lèvres. « J’suis juste pas très à l’aise, n’importe qui pourrait arriver… » Je crois qu'elle est aussi perdue que moi, et je ne peux pas lui en vouloir. Moi-même je ne sais pas trop quoi penser de tout ça. En réalité je ne sais même pas quoi lui dire. Si je n'écoute que mon coeur, tout parait évident à mes yeux. Mais malheureusement ce n'est pas aussi simple que ça. Il y a d'autres paramètres à prendre en compte. Ma mère est avec son père, ce qui fait de Kai ma presque demi-soeur. Même s'il n'y aucun lien de sang là-dedans, c'est foutrement bizarre quand même. Et puis y'a le fait que je sois en couple avec Wyatt aussi. Bon on dirait pas comme ça mais c'est toujours le cas. Je suis complètement perdue et tourmentée par tous ces sentiments qui me bouleversent à l'intérieur. Et puis c'est une fille quoi. Loin de moi l'idée d'être homophobe mais disons que c'est quand même un détail un peu perturbant en soit. Avant elle, je n'ai jamais eu aucun doute sur mon orientation sexuelle. Je sais pas, je sais plus. C'est en train de me ronger le cerveau que de penser à toute cette merde. Et là clairement, je n'ai pas envie d'y penser. « Bon, et si on faisait bronzette comme c’était prévu ? J’ai un teint à parfaire moi madame ! » Elle s'éloigne alors pour installer nos serviettes sur le sable. « Et oui, en plus y'a du boulot ! » Je ris légèrement pour la taquiner. Je sais bien qu'elle a toujours été un peu jalouse de ma couleur de peau et j'en profite un peu pour m'en amuser. « On sait jamais, sur un malentendu tu vas peut-être pouvoir me rattraper. » On se met rapidement en maillot de bain avant de s'installer sur le sable. « Par contre va falloir que tu mettes de la crème si tu veux pas finir rouge écrevisse. » Je sors la crème solaire de nos affaires et la secoue fièrement devant ses yeux. Pour ma part j'ai la chance de ne pas avoir besoin d'en mettre, je ne crains absolument pas les coups de soleil. Un autre avantage à mes origines. « Tu veux que je le fasse ? » Pardonnez-moi mais c'est trop tentant.

Ce compliment n'a rien d'un compliment amical en soit, et encore moins fraternel. C'est quelque chose de plus profond, de plus sincère encore. Mon inconscient est le seul à en être conscient justement, mais c'est bel et bien réel. Je la regarde comme si elle était tout pour moi, comme si je n'avais d'yeux que pour elle. Et je crois que c'est ce qui rend cet instant si intense à mon coeur. C'est justement ce qui est en train de me faire craquer. Encore. Je perds totalement pied lorsque je sens le souffle de ma demi-soeur contre mon visage. Elle est là, à quelques centimètres de moi, et l'envie de me fondre sur ses lèvres est beaucoup trop présente. C'est pas possible, comment vais-je pouvoir lui résister ? Qu'elle recule maintenant ou qu'elle ne le fasse plus jamais. Avant que ça ne soit trop tard, et que les choses finissent par devenir incontrôlables. Ça serait vraiment dommage de tout gâcher. Et finalement le rêve devient réalité. Les centimètres qui séparent nos deux visages s'envolent en une fraction de seconde lorsque Kai prend l'initiative de venir poser ses lèvres sur les miennes. Le temps s'arrête, et dans mon coeur c'est l'implosion. J'ai l'impression que tout ceci ne peut pas être définitivement réel. C'est impossible, je suis en train de me faire des films. J'en ai trop souvent rêvé pour que mon cerveau soit capable de me jouer des tours. Une sorte d'hallucination ou un autre truc con du genre, je sais pas. J'essaye à tout prix de trouver une explication valable. Tout et n'importe quoi pour ne pas me laisser envahir par les papillons qui sont en train de naître dans mon ventre. Ok, tais-toi maintenant. Arrête de réfléchir, arrête de penser et profite. Juste profiter de ce baiser comme si c'était le dernier. Mon coeur tambourine à toute allure dans ma poitrine, le souffle court, alors que mes mains se glissent au creux de sa taille. Je mets plus d'intensité et de passion dans ce baiser au fil des secondes qui s'égrainent me laissant complètement guider par les battements de mon coeur. Il n'y a plus rien d'autre qui compte à cet instant. Juste elle et moi, nous. Nos corps l'un contre l'autre et nos lèvres scellées ensemble. Je ne pense plus aux conséquences de notre acte, ni à tout le mal que Kai a pu me faire la dernière fois que nous avons franchi cette limite. Et pourtant inconsciemment, je sais très bien que tout peut de nouveau basculer en une seconde. Il suffit d'un rien pour que la peur s'empare de ce moment, de notre moment. Le baiser continue de s'intensifier encore alors que ma langue vient rencontrer la sienne pour la première fois. A cet instant, c'est une vague de chaleur intense et incontrôlable qui vient s'immiscer dans mon bas ventre. Mes mains se surprennent même à devenir inconsciemment plus aventureuses, se baladant à l'extrémité du tissu de son débardeur pour venir à la rencontre de sa peau. Je n'ai surtout pas envie que ce baiser s'arrête maintenant, et j'espère secrètement que cet instant puisse encore durer une éternité. Par pitié.

On trouve rapidement la plage privée que le guide nous a indiqué. C'est une petite crique isolée à l'abri des touristes et des regards. Un havre de paix et un paysage magnifique encore une fois tout droit sorti d'une carte postale. Et dire que c'est seulement à quelques pas de notre hôtel, si ce n'est pas le rêve ça. Ma journée d'anniversaire est vraiment la plus parfaite qui soit. Les pieds dans le sable, je me surprends à admirer ma demi-soeur du regard. Elle est tellement belle, là, comme ça, dans le paysage. Le soleil qui se reflète dans sa chevelure d'or, la beauté de l'eau qui illumine les traits de son visage. C'est limite si ce n'est pas elle la carte postale en fait. Après tout le décor est idéal pour un shooting photo. Juste elle au naturel, sans aucun artifice. « Pourquoi tu as pas dit avant à quel point c’était magnifique ? J’aurai pas attendu si longtemps pour venir ici avec toi… » Elle tourne finalement la tête dans ma direction, et je me retrouve pris comme en flagrant délit. Oups. « Qu’est-ce qui y’a ? J’ai un coup de soleil sur le bout du nez ? » Je secoue un peu la tête avant de laisser un petit sourire se dessiner sur mes lèvres. Je me sens un peu bête sur le coup. « Non, rien. » Et puis merde. « Je te trouve juste tellement belle... » Ma voix est devenue mielleuse sans même que je puisse m'en rendre compte. Je la regarde avec des yeux émerveillés alors que je me rapproche d'elle un peu inconsciente. Je remets une de ses mèches de cheveux derrière son oreille avant de laisser ma main couler sur sa joue et son cou, mon regard ancré dans le sien. Je crois qu'à cet instant mon coeur s'emballe plus que de raison, enflammé par de légers picotements au creux du ventre. Et il n'en faut pas plus pour comprendre ce que j'ai envie de faire, là maintenant, tout de suite. Je rêve de pouvoir à nouveau poser mes lèvres sur les siennes comme j'ai déjà pu le faire par le passé. Pas le petit baiser furtif du jeu action ou vérité, non. Le baiser de cette fameuse nuit où tout a basculé. Ce baiser là, à la fois unique et intense. Juste passionnel. Ce baiser qui a longtemps hanté mes pensées et mon coeur. Ce baiser que je suis bien incapable d'oublier. Mais quelque chose arrive pour le moment à me retenir. La peur d'être rejetée, la peur de finir une nouvelle fois le coeur brisé. Je ne veux pas tout gâcher entre nous, pas encore. Mais pourtant je meurs d'envie de me jeter sur elle pour l'embrasser. C'est le bordel dans ma tête, je ne sais plus comment gérer toutes ces émotions paradoxales, ces sentiments tous aussi contradictoires les uns que les autres. J'ai juste envie de mettre mon cerveau sur pause et me laisser guider. Ne surtout plus penser à rien. Mais ce n'est pas à moi de faire le premier pas s'il doit y en avoir un. Je me l'interdis formellement.

C'est quelque chose qui nous liera elle et moi jusqu'à la fin de nos jours. Un symbole en commun gravé sur nos peaux respectives. Jamais l'un sans l'autre, ils se complètent comme deux moitiés parfaitement indissociables. Deux entités qu'il est impossible de séparer. Sur le moment je ne suis pas forcément consciente de la signification de notre geste. Je me laisse simplement guider par l'instant présent et par mon coeur. Par les sentiments que je peux ressentir au plus profond de mon âme... comme une évidence. Le reste n'a que très peu d'importance. Du moment que ce tatouage est fait avec sincérité, je suis intimement convaincue que je ne pourrais jamais réellement le regretter. Et ce peu importe ce qu'il se passera. Je prends quelques secondes pour admirer le résultat sur mon poignet, un large sourire sur les lèvres. Je ne peux qu'être contente du résultat. « Oh bah non en fait j’ai changé d’avis. J’vais pas le faire ! Salut ! » Kai fait mine de se défiler en rigolant. Je n'aurais pas eu l'air con si elle avait vraiment été sérieuse. « Je te laisse même plus le choix en fait, tu rêves ! » Répliquais-je en riant à mon tour. « Je plaisante. Allez à mon tour ! » Elle s'installe et je reste à ses côtés le temps que le tatoueur fasse son travail. Ça y est, c'est fait. Liées ensemble pour le meilleur et pour le pire. Après une petite photo pour immortaliser le résultat, ma demi-soeur plonge son regard dans le mien. « J’ai du mal à croire qu’on a fait un truc pareil. On sera vraiment liées pour le restant de nos jours… » Ouais ok, maintenant que c'est concret là sous nos yeux, c'est un peu différent. Je me rends soudainement compte de tout ce que ça implique. Mais je ne regrette absolument pas pour autant, bien au contraire. Kai fait partie intégrante de ma vie et le sera toujours. « Dis-moi pas que tu regrettes déjà quand même ? » J'avoue que j'ai un peu peur que ça soit le cas. On ne sait jamais trop ce qu'il peut se passer dans sa tête. « Ça va, c'est pas comme si on s'était marié dans une chapelle à Las Vegas non plus. » Ajoutais-je sur le ton de l'humour sans prendre totalement conscience de la comparaison. « Tu veux faire quoi maintenant ? Tes désirs sont des ordres princesse. C’est ta journée. » Kai est aux petits soins avec moi depuis ce matin, et cette sensation est loin d'être désagréable. Ça me donne presque envie que ça soit tous les jours mon anniversaire. « On pourrait aller se poser sur une plage, trouver un endroit tranquille pas loin de l'hôtel pour lézarder un peu ? » Mes doigts glissent entre les siens avant d'ajouter. « Je crois que j'ai eu ma dose d'émotions fortes pour la journée. »

Un tatouage. C'est un truc que je rêve de faire depuis longtemps. Le genre de truc que j'ai écrit sur ma "to dot list" étant gamine. Oui, la liste des choses à faire et à accomplir dans une vie. Les conneries que l'on peut écrire dans un journal intime lorsqu'on a dix ans quoi. Mais pour le coup, c'est resté. Et si l'occasion de sauter le pas ne s'est pas présentée jusqu'à maintenant, aujourd'hui c'est différent. Ça m'est venu comme ça, comme une envie de pisser. Comme si ce salon de tatouage juste en face du restaurant était un signe du destin. Et pourquoi pas ? Même si ce n'est pas le genre de décision que l'on prend à la légère, je suis très sérieuse. Il y a quand même le côté douleur qui m'inquiète un peu, forcément, mais après le saut en parachute de ce matin, je suis prête à tout affronter. Ce n'est pas une petite aiguille de rien du tout qui risque de me faire peur. Enfin, théoriquement. « Genre… Kezia Burton veut se faire tatouer ! C’est la meilleure. » Dans un réflexe, ma main vient lui donner une petite tape sur son avant-bras pour rigoler. « Tu veux un petit parachute sur la fesse, pour pas oublier ce moment qu’on a partagé ? » Ma demi-soeur est littéralement en train de se payer ma tête, mais ça reste bon enfant. Au moins avec ça, l'incident de tout à l'heure est vite oublié. Si seulement. « Ok. Va pour un parachute sur la fesse. Je fais le même que toi ! » Je pouffe de rire en imaginant la scène, ou plutôt le résultat. On aura l'air de quoi avec nos parachutes sur les fesses hein ? Rien que pour voir la tête du tatouer ça serait drôle. Oui mais non. « Bah quoi ? Je suis sûre que ça nous irait très bien. » Je rentre dans son jeu avant de mélanger mon rire au sien. Après le repas, nous voilà déjà dans le salon de tatouage pour nous renseigner. Kai me montre un exemple de tatouage sur un classeur. « Oh regarde ça ! » C'est un yin et un yang, deux petits symboles fins et discrets. Un tatouage en commun qui se complète l'un et l'autre. « C’est nous, le yin et le yang. » Un large sourire s'affiche instinctivement sur mes lèvres. « Totalement. » C'est vrai que ça nous correspond plutôt bien. Elle et moi, on se complète totalement niveau caractère. Comme si nous étions faites l'une pour l'autre. Une évidence. Enfin, amicalement parlant bien sur. « Je crois qu'on ne pourra pas trouver mieux pour nous définir. » Je secoue vivement la tête, déjà convaincue. « C’est mieux qu’un parachute sur la fesse nan ? » Ma réponse fuse sans même que je puisse prendre le temps d'y réfléchir à deux fois. « J'imaginais quand même plutôt bien ce petit parachute sur tes fesses, c'est con. » Je ris un peu, accompagnant mes mots d'une petite tape gentillette sur ses fameuses fesses. Un tatoueur vient nous demander si nous avons eu le temps de faire notre choix. Le yin pour moi, le yang pour elle. Après un petit temps d'attente, il nous installe alors dans l'une des cabines. « Allez, je commence. » Je préfère commencer la première pour ne pas avoir le temps de psychoter. Bon ça va que le tatouage est petit, ça ne dure pas très longtemps et la douleur reste supportable. Au tour de Kai de passer sous l'aiguille à présent. « Toi et moi, c'est à vie maintenant. T'as plus le choix. »

Je fais un blocage sur la dernière photo. Elle et moi, nos lèvres scellées ensemble dans un baiser. Mon coeur rate un battement - ou deux même, alors que mon cerveau ne peut s'empêcher de se rejouer la scène. Le moniteur pense instinctivement que nous sommes en couple et je grimace un peu. En même temps la photo ne trompe pas. De l'extérieur, nos agissements parlent d'eux-même. N'importe qui penserait que nous sommes ensemble. Et moi-même je m'y perds un peu des fois. Oui, c'était réel. Ce baiser était réel. On ne peut plus faire comme si de rien n'était maintenant que nous avons l'image sous nos yeux. Et c'est justement ça le problème. Je jette un regard furtif en direction de Kai qui n'a pas l'air beaucoup plus à l'aise que moi. Je crois que ça rend les choses beaucoup plus concrètes qu'elles ne le sont dans nos têtes, et c'est pas bon. Définitivement pas bon. Que peut-on lui répondre exactement ? Non, on n'est pas ensemble, c'est ma demi-soeur. Ouais non, vaut mieux pas. Je tente d'esquisser un petit sourire, gênée, pour passer à autre chose. « Merci. C’est gentil. » La réaction de Kai me surprend un peu. Je m'attendais plutôt à ce qu'elle fasse comme moi et qu'elle ne dise rien. Ou au contraire qu'elle s'empresse de tout nier en bloc pour rétablir la vérité. Mais non. « Merci pour tout en tout cas, on va pas s’éterniser, on a encore plein de trucs à faire… c’est son anniversaire ! » Je laisse échapper un petit rire amusé d'entre mes lèvres avant de suivre Kai jusqu'à notre scooter. Je tente d'oublier la scène pour ne pas trop me torturer le cerveau avec ça. C'était rien, rien du tout. Et ça ne signifiait absolument rien. Ni pour elle ni pour moi. « On va manger un morceau ? Les émotions ça m’a donné une dalle intergalactique ! » Je secoue vivement de la tête pour confirmer. On ne met pas bien longtemps avant de rejoindre le village voisin en quête de trouver un endroit où manger. Après quelques minutes, nous trouvons finalement notre bonheur et nous prenons place en terrasse. « Tu as envie de faire quelque chose de particulier cet aprem ? Sinon on peut juste se trouver un endroit où se baigner tranquille, lézarder un peu au soleil, parfaire ton joli bronzage… » Je réfléchis un peu à la question alors que mon regard est inconsciemment attiré par une petite boutique en face du restaurant. Un salon de tatouage. Un large sourire s'affiche sur mes lèvres comme une révélation. « Je crois que je sais exactement ce que je veux faire. » J'accompagne mes mots d'un petit geste de la main pour lui montrer à quoi je pense. « Je sais pas toi, mais moi j'ai toujours rêvé de me faire tatouer. » Se faire tatouer ici, à Bali, le jour de mon anniversaire, est une occasion qui ne se représentera pas deux fois. C'est le moment ou jamais. « On pourrait le faire toutes les deux, ensemble. » Comme un symbole pour immortaliser le moment. Pour se souvenir à tout jamais de notre voyage. « C'est la journée des folies aujourd'hui non ? » Je penche un peu la tête dans un sourire, beaucoup trop excitée par l'idée.

Un saut en parachute, une idée aussi folle que surprenante. Si on m'avait dit un jour que j'aurais le cran de le faire, je n'y aurais pas cru. Moi, la pouille mouillée qui a peur d'un rien. Mais avec Kai, c'est comme si je me sentais pousser des ailes. Littéralement. Comme si elle était capable de canaliser mes peurs et mes émotions à la fois. Elle a ce don pour m'apaiser et me faire sentir en sécurité. « T’en fais pas on est pas livrées à nous même ! On saute en tandem, on aura des professionnels avec nous, on aura rien à faire, juste kiffer. » Kiffer juste elle et moi. « On pourra dire qu’on a vécu un truc de fou ensemble ! On s’en souviendra toute notre vie ! » Oh ça, c'est certain. Kai a les yeux qui brillent rien que d'en parler, et c'est ça qui me donne la force de me surpasser pour elle. Pour nous. Nos moniteurs nous équipent chacune notre tour avant de grimper dans l'avion. Ça y est, c'est le moment. Mon coeur s'accélère dans ma poitrine lorsque je vois ma demi-soeur sauter la première. Puis c'est à mon tour. Et là, c'est indescriptible. La chute libre ne dure que quelques secondes, une minute tout au plus, mais la sensation est tellement puissante que ça vaut tout l'or du monde. J'ai l'impression d'être légère, complètement libérée. Comme un petit oiseau en train de voler au dessus du ciel. Une sensation ô combien vivifiante. Nos moniteurs arrivent même à suffisamment nous rapprocher pour qu'on puisse se toucher les mains l'espace d'un bref instant. Un souvenir qui restera à jamais gravé dans ma mémoire, c'est une certitude. Vient alors en second temps le déclenchement du parachute qui amorce notre descente en douceur. On a encore le temps d'observer un peu la vue qui s'offre à nous et de profiter du moment jusqu'à la dernière seconde. Je ne perds pas des yeux Kai, légèrement plus basse en altitude que moi. Une fois sur la terre ferme, ma demi-soeur se jette sur moi encore toute excitée. « On l’a fait, on a réussi ! » Elle me sert dans ses bras alors que ses lèvres viennent se poser sur mes lèvres. Là, tout de suite, c'est l'apocalypse dans mon coeur. Dans ma tête aussi. Un mélange entre l'excitation du saut, l'adrénaline et l'émotion. En réalité je ne réalise pas trop ce qui est en train de se passer et je me laisse faire un peu immobile. Je prends même part un instant au baiser avant que les connexions se fassent dans mon cerveau et que je recule malgré moi. Quelle conne. « C'était complètement dingue. » Le saut, elle. Tout à la fois. Même si je ne sais pas trop à quoi m'en tenir par rapport à ce baiser. C'est elle qui en est à l'origine cette fois, ça devrait me rassurer. Et pourtant... ça me fait peur. Est-ce qu'il a le même goût pour elle que pour moi ? Ça, c'est une autre histoire. Je ne sais même pas réellement ce que je ressens moi-même, tout est encore confus dans ma tête. Je préfère faire comme si de rien n'était, ne surtout pas en parler. Comme si le fait de ne rien dire ne rendait finalement pas les choses totalement réelles en soit. C'est con mais c'est comme ça. Nos moniteurs nous guident à nouveau jusqu'à l'accueil où nous pouvons regarder les photos et les vidéos souvenirs de notre épopée. C'est le rituel, le centre de parachutisme remet une clé USB à tous les clients. Un des moniteurs reste un peu avec nous pour faire défiler les photos à l'écran et s'arrête finalement sur la dernière photo ; le baiser de tout à l'heure. « Et cette photo là est un petit bonus personnel. Je vous trouve très mignonnes toutes les deux, je n'ai pas pu m'en empêcher. Vous faites vraiment un beau petit couple. » Merde, le malaise. Je n'ose pas regarder ma demi-soeur ni répondre quoi que ce soit au moniteur.

Malgré ma tentative pour l'amadouer, Kai reste stoïque. « Pas d’indice, juste des chaussures fermées. Pour le reste c’est comme tu veux ! » Voilà tout ce qu'elle me dit. Avec ça, je ne vais pas aller bien loin. Mais je n'insiste pas pour autant. Nous ne perdons pas de temps avant de mettre les voiles sur notre scooter, toujours installée derrière elle. J'essaye de guetter le moindre indice que je pourrais croiser sur la route mais rien. Je n'ai pas la moindre idée de là où elle nous emmène. « Ferme les yeux, et tu triches pas, sinon on fait demi-tour ! » On ne doit plus être bien loin maintenant. « Ok chef. » Je m'exécute, ferme les yeux et me cramponne un peu plus fort à elle. Le scooter s'immobilise quelques minutes plus tard et ma demi-soeur m'aide à descendre. « Tu peux ouvrir. » Je mets quelques secondes à me réadapter à la lumière du jour avant de jeter un œil à l'environnement qui nous entoure. Il y a des avions un peu partout et des gens en combinaison apparemment déjà prêts à embarquer. Je comprends très vite que nous sommes dans un centre de parachutisme. Mon dieu. Je panique déjà rien que d'y penser. « Si tu le sens pas, on peut remplacer par un tour d’hélicoptère au dessus de la mer… » Kai sent déjà l'angoisse s'emparer de mon être et me propose une éventuelle solution de repli. « Tu veux te débarrasser de moi c'est ça ? » Répliquais-je en rigolant un peu nerveusement. « Il y a d'autres moyens peut-être un peu moins catégoriques tu sais. » Bon ok, j'ai la frousse. Pas besoin de faire un dessin à qui que ce soit, ça se voit. Le visage crispé et la boule au ventre, je n'en mène pas large du tout. Mais Kai a voulu me faire une surprise et je n'ai pas envie de tout faire tomber à l'eau. « J'ai que dix-neuf ans, je suis trop jeune pour mourir. » Le jour de mon anniversaire en plus. Je rigole jaune avant d'agripper la main de ma demi-soeur en guise de soutien. Elle, elle n'a peur de rien - ou presque. Mais pas moi. Je redeviens un peu sérieuse avant de lui demander. « Tu l'as déjà fait toi ? » J'essaye de savoir si c'est sa première fois à elle aussi. De tâter un peu le terrain. Elle secoue la tête à la négative, ça sera son premier saut aussi. C'est quand même une expérience qui se tente une fois dans sa vie comme on dit, non ? Kai a déjà fait énormément pour moi avec ce voyage. C'est peut-être le moment de lui rendre la monnaie de sa pièce. Lui prouver que je suis capable de me surpasser. Pour elle, pour ses beaux yeux. « Bon d'accord, on va le faire. » Toujours ma main dans la sienne, je viens alors m'agripper à son cou comme un koala agrippé à sa branche. Je ne veux plus la lâcher, j'ai besoin d'elle. « Notre première fois ensemble. » Ouais, bon ok, dit comme ça, c'est un peu étrange. Mais elle a compris. Je lui adresse un petit sourire pas très rassuré quand même.

« C’est ta mère qui t’a appelée ? » Ça aurait pu mais non. Peut-être que j'aurais préféré finalement. « Non, c'est Wyatt. » Que je lui réponds du bout des lèvres, fuyant légèrement son regard. Je sais pas pourquoi mais ça me gêne un peu de parler de lui, là, comme ça. Peut-être parce que c'est bizarre d'évoquer son petit ami quand on est à califourchon sur quelqu'un d'autre. Non, y'a rien de bizarre en soit. C'est juste... normal. Oui tout à fait normal. Comme deux sœurs qui se chamaillent, comme deux amies qui ne cessent de se chercher. Sans aucune ambiguïté possible. Les mains de ma demi-soeur se posent naturellement sur mes cuisses alors que je les fixe dans un regard. Non aucune ambiguïté, bien sur. « Hum… parce qu’un voyage à Bali ça suffit pas ? » Je secoue la tête avec un petit sourire malicieux au coin des lèvres. Autant profiter de la situation jusqu'au bout, ça ne sera pas tous les jours possible. « En fait, j’avais eu une idée, mais je sais pas si ça pourrait te plaire. J’ai regardé, j’ai une adresse. Je te propose qu’on y aille, et si ça te plait pas on fait pas. Deal ? » Voilà, ça m'intrigue déjà. Quelle idée Kai peut-elle avoir derrière la tête ? « Deal, je te fais confiance. » Prise dans mon élan, je viens déposer un baiser sur sa joue en guise de remerciement. « Enfin pas trop quand même, je te connais... avec toi, on sait jamais. » Ajoutais-je en rigolant. Pour le coup je ne sais pas trop à quoi m'attendre mais je suis déjà impatiente de voir ce qu'elle nous prépare. « Par contre avant de partir, me faut un café, et un petit dej’ de l’espace ! » Kai bascule à son tour pour se retrouver de nouveau sur moi, cette fois-ci au bord du lit. Elle se redresse légèrement pour actionner le bouton de la réception. Je me surprends à glisser mon regard sur son décolleté plongeant qui s'offre juste sous mes yeux. Dans cette position, la vue est imprenable et c'est loin de me déplaire. Mon corps se raidit lorsque je sens sa main s'inviter sur mon ventre. Le t-shirt légèrement relevé, ses doigts me caressent à même la peau. L'effet est immédiat et de nombreux frissons apparaissent à son contact. Elle veut me tuer en fait. A-t-elle au moins conscience de ce qu'elle est en train de faire ? Le soleil qui se reflète sur son visage l'a rend tout simplement magnifique. Je suis à deux doigts de faire une bêtise lorsque une tonalité se fait finalement entendre. Sauvée par le gong. Kai nous commande alors deux petits déjeuners service en chambre avant de m'offrir un de ces plus beaux sourires. Je me défais de son emprise et me redresse plaquant mon dos contre l'oreiller. Le petit-déjeuner arrive dans la chambre et nous nous faisons pas prier. Toutes ces émotions, ça creuse. « C'est de loin mon plus bel anniversaire. » Et la journée ne fait pourtant que commencer. Je crois que je suis pas au bout de mes surprises. « J'ai tout ce qu'il me faut ici en fait. » Je joue avec mes jambes sur le lit comme le ferait une enfant de dix ans. « Bali, le soleil, la mer... » Mon regard vient accrocher le sien alors que mes doigts viennent se glisser dans sa main. « Toi. » Surtout elle. C'est peut-être là l’élément le plus important en fin de compte. Le reste est en bonus. Maintenant que nous avons le ventre plein, il est temps de s'activer pour se préparer. « Bon alors on va où ? Tu peux me donner un indice ? » Je prends mes airs de biche et mon regard de chien battu. « Faut que je sache comment m'habiller, c'est important quand même. » J'essaye de jouer de mon charme pour tenter de lui soutirer des informations.