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Je ne suis jamais tombée amoureuse. Parce qu'être amoureuse, ça me fait peur. L'attachement est une absurdité, une incitation à la douleur. Et ce que j'ai vécu avec l'histoire de mes parents ne peut que le confirmer. Je crois que je suis vaccinée de toutes ces conneries. Le grand amour, le vrai, je n'y crois pas - ou plus. Les films à l'eau rose n'existent pas dans la vraie vie. A quoi bon s'attacher et s’éprendre de quelqu'un si c'est pour finir le cœur brisé, triste et malheureuse ? Ma mère n'a pas survécu à son chagrin d'amour. Littéralement parlant. Et je crois que l'image de sa mort me hantera jusqu'à la fin de mes jours. On ne peut jamais réellement se remettre d'un drame comme celui-là. Il aurait peut-être fallu que j'en parle à quelqu'un, un proche, un inconnu ou même à un professionnel, mais j'en suis tout bonnement incapable. C'est là au plus profond de moi, mais ça ne veut pas sortir. Et c'est pour ça que je m'interdis toute sorte d'attachement quel qu'il soit. Amour, amitié, ou que sais-je encore. Je suis définitivement mieux toute seule. Je m'amuse, profite des bons côtés de chacune de mes relations, rejetant le reste d'un revers de la main. La liberté, y'a que ça de vrai. Y'a que ça qui arrive à me faire sentir vivante. A moins que... non. Rien. « Mais tu sais, parfois, rien ne sert de chercher loin pour trouver des partenaires. » Je ris un peu jaune, comprenant là où elle veut en venir. Elle fait sans doute illusion à Wylona et elle. Et bizarrement je ne peux m'empêcher de grimacer. « Si tu veux t'amuser un peu, nous pouvons le faire toutes les deux. » Ah non. Celle-là, je ne m'y attendais pas. J'écarquille grand les yeux, un peu surprise. Alors que mon cœur s'emballe plus que de raison. « Et puis, même alcoolisée, tu es capable de trouver le chemin jusque ma chambre, alors.. » Bon ok, faut croire qu'elle a décidé de continuer à me charrier sur le sujet. Je crois que je vais y avoir droit pendant encore longtemps. Fais chier. Mais j'essaye de prendre les choses à la rigolade, de me détendre un peu. Faut que j'arrête de toujours être sur la défensive si je ne veux pas éveiller des soupçons qui n'auraient pas lieu d'être... évidemment. « T'abandonneras donc jamais ? » Répliquais-je du tac au tac, rentrant volontairement dans son petit jeu. « Je croyais que tu avais Wylona pour ça... » Je penche un peu la tête avant d'ajouter. « A moins qu'elle ne te suffise pas. » Et je laisse échapper un rire d'entre mes lèvres à mon tour. Bizarrement ça me fait du bien de rigoler avec elle. Pendant l'espace d'une seconde, j'ai l'impression de vraiment la retrouver. Comme avant. Cette complicité qui a toujours su nous lier elle et moi. Cette connexion à la fois si troublante et si intense... ce truc que je n'ai jamais vraiment réussi à expliquer. « T'as raison, elle ne m'arrive même pas à la cheville. » Faut pas jouer sur ce terrain-là avec moi. « Tu sais pas ce que tu rates. » Je lui fais un petit clin d’œil et hausse les épaules. C'est évident non ? Elle plaisante, joue avec moi, mais en réalité, je rêve secrètement que ça soit moi qu'elle veuille depuis le début. Parce qu'à l'époque, nous avons jamais vraiment parlé de ce baiser. Et de sa signification. Mais j'ai peut-être besoin de l'entendre m'avouer les choses que mon inconscient a toujours espéré entendre. Je croque un bout de ma biscotte, et lui tend l'autre moitié pour continuer sur la lancée de la plaisanterie. « Mais en attendant, c'est tout ce que je peux te proposer pour combler ta faim de moi. » Et je pouffe de rire une nouvelle fois, le cœur un peu plus léger. Étrangement, je me sens beaucoup mieux que tout à l'heure. Et je sais que Jihane n'y est pas pour rien...

De savoir que Wylona aussi a une préférence pour les femmes, c'est un comble. Je crois que le karma se joue un peu de moi sur ce coup-là. Me retrouver en colocation avec deux lesbiennes - ou bisexuelles peu importe, c'est quand même légèrement ironique en soit. Quand on connait mon avis sur la question... depuis la coucherie de mon père et le suicide de ma mère. Bref, on a compris le truc. En tout cas ça me fait bizarre. Mais c'est pas tant leur orientation sexuelle qui me dérange. Après tout, même si je ne suis pas de ce bord là, elles font bien ce qu'elles veulent de leur vie. Par contre le fait qu'elles couchent ensemble, ça, ça change tout. C'est bien là le problème. Que Jihane se retrouve dans les bras d'une autre surtout. Non, ça, je peux pas. « Nous ne faisons que passer du bon temps ensemble. » Ok, je sais pas si ça me rassure ou si ça m'énerve encore plus en fait. « Rien de plus. » C'est déjà bien de savoir que ce n'est pas vraiment sérieux entre elles. Disons que j'aurais eu un peu de mal à me voir leur tenir la chandelle. Bonjour l'angoisse. « J'ai laissé derrière moi les relations sérieuses depuis plusieurs années maintenant. » Je hoche un peu la tête, légèrement soulagée. Mon cerveau fait rapidement le raccourci ; elle est supposément célibataire donc. Ok. Potentiellement il y a toujours une ouverture. Que Jihane soit toujours ma Jihane, la mienne. Et à personne d'autre. Merde je crois que mon cerveau est en train de dérailler sévère là. « D'accord, je vois. » La tension redescend légèrement, et mon cœur se calme un peu. « C'est une bonne chose. » Merde, c'est sorti tout seul. Avant même que je puisse avoir conscience que les mots étaient sortis de mes lèvres. Je grimace mal à l'aise avant de tenter un espèce de rattrapage maladroit. « Enfin non... enfin... j'veux dire pour la colocation. Au moins je n'aurais pas à devoir tenir la chandelle ou quoi que ce soit d'autre. » Ouais ok, c'est pas crédible. Tais-toi maintenant. « Et toi, tu as quelqu'un ? Un copain ? Tu n'as jamais ramené personne ici. On ne mange pas tu sais. » Je laisse échapper un rire nerveux d'entre mes lèvres. « Un quoi ? » Ce mot n'est limite pas connu de mon vocabulaire. « Oula non, très peu pour moi. » Répliquais-je aussi sec. « Pas d'attachements, pas d'emmerdes. » Ajoutais-je en rigolant. L'amour c'est pour les faibles. Je n'ai jamais cru à toutes ces conneries et ce n'est pas prêt d'en changer. Il n'y a rien de mieux que le célibat, synonyme de liberté. C'est la vie, le bonheur. Je crois que de toute manière la vie de couple n'est pas faite pour moi. Je suis un électron libre, sans attache, sans barrière. Je ne supporterais pas de devoir rendre des comptes à qui que ce soit. Je suis comme ça, je l'ai toujours été. « Je prends du bon temps aussi, je m'amuse et je profite des avantages du célibat. Les contraintes, tu me connais, c'est pas trop mon truc. » Elle me connait mieux que quiconque après tout. Et sur ce point là, je n'ai pas changé. « En tout cas si je ramène quelqu'un à l'appart, il ne restera pas pour prendre le petit-déjeuner, ça c'est sûr. » Elles n'auront même pas à devoir le voir en soit. Surtout pas.

Je cherche inconsciemment à tout faire capoter entre elles. C'est peut-être même un brin volontaire si je veux être totalement honnête avec vous. Disons que la situation s'y prête plutôt bien, et que c'est quand même tentant de vouloir en profiter. Petite vengeance personnelle ? On peut interpréter les choses comme ça. Après tout, elle a bien été la cause de ma presque-rupture-future avec Morgan. Voyez ça comme un juste retour des choses. Le karma comme on dit. Même si en réalité je ne supporte tout simplement pas l'idée de la voir avec une autre. C'est aussi simple que ça finalement. Parce que ça fait mal, et que la cicatrice de notre histoire ne s'est jamais réellement refermée. Elle a toujours été là dans un coin de mon cœur. Je le sais maintenant, pour en avoir plus ou moins pris conscience. « Non. Mais on parle seulement depuis deux heures » Ouais en même temps, je vois mal Dylan annoncer à sa future conquête du soir qu'elle a failli avoir la bague au doigt. C'est le genre de détail qu'on ne balance pas comme ça. Mais pourtant, maintenant que je suis là, j'ai envie que cette fille sache réellement qui je suis. « A peu près. » Je sens Dylan sur la réserve, comme si elle avait besoin de se justifier. Mais elle patauge dans la semoule plus qu'autre chose, et la situation devient quelque peu ironique. Elle qui a pourtant toujours le don de savoir comment garder la face. « Elle aurait dû ? » Je hausse un peu les épaules par réflexe, fière d'avoir réussi à éveiller ses soupçons. Je tourne la tête en direction de Dylan, un petit sourire au coin des lèvres. Je suis curieuse de savoir si elle compte répliquer avant que je le fasse par moi-même. Autant que ça soit elle qui lui dise la vérité quand même. C'est un peu dans cette optique là que je lui ai tendu la perche. « On a été ensemble y’a quelques années. » Mon cœur rate un battement, à la fois surprise et touchée de voir que Dylan décide finalement de jouer carte sur table. C'est un risque en soit, si elle ne veut pas que cette Sheryl prenne la fuite. « C’est une amie maintenant. » Outch, ça, c'est dur. Même si c'est un fait - plus ou moins, c'est quand même difficile à encaisser. Encore plus de l'entendre comme ça de vive voix. « Ça a durée longtemps vous deux ? » Maintenant que les choses sont dites, autant aller jusqu'au bout non ? « Suffisamment pour qu'elle me mette la bague au doigt. » Ou presque. Théoriquement la bague de fiançailles, ça compte. Même si, dit comme ça, on pense directement au mariage à proprement parlé. C'est un peu le but recherché aussi, histoire de foutre la merde. On sait jamais... « Ah ok, je vois. » Je crois qu'elle a compris le truc. Elle se lève brusquement et s'adresse à Dylan. « Tu m'excuseras, mais très peu pour moi. » Elle balaye le vide d'un geste de la main avant de tourner les talons. « Oups pardon, je crois que j'ai dit une connerie. » Ajoutais-je dans un semblant de sourire faussement désolé. Dylan a le choix maintenant. Elle peut essayer de la retenir pour tenter de rattraper le coup. Ou elle peut la laisser lui filer entre les doigts... et entre nous, on sait tous quelle option je préfère.

J’ai les nerfs, et je suis en train de commencer à perdre mes moyens. Imaginer Jihane dans les bras de Wylona est comme un coup de poignard reçu en plein cœur. Je ne m’attendais pas à ça… et encore moins aux émotions que ça réveillerait en moi. Trop de colère, trop de douleur. Si tout à l’heure j’ai réussi à ignorer la scène, là, c’est différent. Je ne peux m’empêcher de la confronter à ce sujet. Et elle sait très bien que c’est à ça que je fais référence avec ma question. « Très. » Mon cœur se serre dans ma poitrine alors qu’elle ne cherche même pas à nier. « Pourquoi ? Je ne pensais pas que ce genre de détails t'intéressait. » Pourquoi pas ? « Je ne vais pas m'arrêter de vivre sous prétexte que tu vis dans la chambre d'à côté. » Je ne la regarde volontairement pas, focalisant mon attention sur ma tasse de café que je serre encore un peu plus entre mes mains. Je bouillonne littéralement de l’intérieur là. « Ne sois pas jalouse comme ça. Tu sais où se trouve ma chambre si l'envie t'en dit. » Je lève les yeux au ciel comme par réflexe, exaspérée de voir qu’elle profite volontairement de la situation. Cette fois, c’est elle qui a - en quelques sortes - les cartes en main, et c’est justement ça qui me rend dingue. Je suis vulnérable, et je déteste ça. « Je ne suis pas jalouse. » Rétorquais-je aussi rapidement qu’il est possible de le faire. Évidemment que non. Il n’y aucune raison que je le sois. Leur petite coucherie ne m’intéresse absolument pas. C’est pas comme si ça me faisait quelque chose de savoir Jihane avec une autre. Pourtant… c’est pas tout à fait ce que mon cœur ressent. Et ça, je suis incapable de le contrôler. C’est ce qui m’a toujours fait peur avec elle. De sentir que je n’ai pas totalement le contrôle de moi-même et de mes sentiments. C’est dangereux. « Tu fais ce que tu veux. » Elle fait ce qu’elle veut de son cul comme on dit. J’essaye de rester la plus distante possible, légèrement détachée pour ne surtout rien montrer. Mais la tâche s’avère plus difficile que je n’aurais pu l’imaginer. « Vous auriez juste pu me dire qu’il y avait quelque chose entre vous… » Ouais parce que là j’ai l’impression d’être la dernière roue du carrosse. Je sais que mon arrivée à l’appartement a été quelque peu tumultueuse mais quand même. C’est le genre de détail important à savoir dans une colocation. Quand on doit cohabiter sous le même toit avec d’autres personnes, ce n’est quand même pas quelque chose d’anodin. Ou alors c’est moi ? Bref, on s’en fout, ça m’énerve, c’est tout. C’est comme ça. « C’est sérieux vous deux ? » Je ne sais pas pourquoi je me risque à poser cette question. Qu’est-ce que ça peut bien changer de toute façon ? Mais je crois que j’ai besoin de savoir malgré tout. Pour en avoir le cœur net, pour ne pas continuer à me poser trente six mille questions. Parce que là c’est le bordel dans ma tête. Dans mon cœur aussi surtout. Quitte à ce que sa réponse me blesse encore plus profondément. Je fuis son regard, totalement incapable de devoir affronter la vérité en face. Pourquoi ça fait autant mal putain ?

Les tensions semblent s’apaiser depuis quelques temps à la colocation, et c’est quand même plus agréable. J’essaye de prendre sur moi, de faire des efforts, pour que tout se passe au mieux. Disons que je commence doucement à me faire à l’idée de devoir vivre sous le même toit que Jihane. En soit, j’aurais très bien pu faire le choix de partir dès le début… ça aurait peut-être été plus simple. Mais quelque chose me pousse à vouloir rester. Comme si je voulais inconsciemment garder une espèce d’emprise sur elle. Continuer d’être présente dans sa vie d’une manière ou d’une autre. C’est peut-être con, mais c’est comme ça. Ce matin au réveil, en traversant le couloir, je tombe nez à nez sur Jihane qui sort toute juste de la chambre de Wylona. Les cheveux en bataille, vêtue simplement d’une culotte et d’un petit débardeur en guise de pyjama. Mon cerveau ne fait qu’un tour, et je sens mon cœur se serrer violemment dans ma poitrine. Il ne faut pas être bête pour comprendre ce que ça veut dire. Je baisse instinctivement le regard, sans prendre la peine de la calculer. Pas de bonjour ni rien. Je ne vais quand même pas l’accueillir la bouche en cœur et le sourire jusqu’aux oreilles. Plutôt crever. Je préfère m’engouffrer dans ma chambre le plus vite possible, claquant la porte aussi sec. Cette vision me donne étrangement un arrière-goût amer. Et sans que je puisse le contrôler, une boule de jalousie vient se loger au creux de mon ventre. Ça fait mal putain. Je ne savais pas qu’il y avait quelque chose entre elles... et honnêtement je tombe de haut. Parce que oui, ça me fait chier. Même si c’est difficile à avouer et que ça m’en retourne le cœur jusqu’aux tripes. Sur le coup, je ne pense absolument pas au fait que ça puisse être une coïncidence ou quoi que ce soit d’autre. Pour moi c’est clair ; elles ont couché ensemble. Et ce n’était peut-être pas la première fois d’ailleurs. Je me sens conne d’un coup. Des sentiments incontrôlés se bousculent dans ma tête, un mélange entre une espèce de rancœur malsaine et une colère démesurée. Je ne sais absolument pas comment le gérer, et c’est justement ça le problème. Ça me dépasse complètement. Je me précipite finalement dans la cuisine pour prendre mon petit-déjeuner. Avec un peu de chance, Jihane sera encore sous la douche et je n’aurais pas forcément à la croiser. Si je peux éviter de devoir affronter son regard, ça m’arrangerait. Mais c’est raté puisqu’elle fait son apparition quelques minutes plus tard. La brune s’installe en face de moi sans rien dire, et l’ambiance devient rapidement pesante. La scène de tout à l’heure repasse en boucle dans mon esprit, et je n’arrive pas à passer outre. Je crois que c’est en train de me rendre folle. « La nuit a été bonne ? » Je romps finalement le silence, parce que c’est plus fort que moi. Les mots se délient de mes lèvres sans que je puisse réellement les contrôler. Il n’y a plus aucun filtre à présent.

Je sais pas exactement ce qui me prend d'aller les rejoindre, mais avec le recul, je ne suis pas certaine que ça soit une bonne idée. La voir comme ça avec une autre juste sous mes yeux ne me laisse pas totalement indifférente. Je crois même que ça fait ressortir trop de choses en moi. Pourquoi je ressens cet espèce d'arrière goût de jalousie ? Une boule vient se comprimer au fond de mon estomac, me faisant quelque peu perdre le contrôle de la situation. Je ne montre rien, restant stoïque, et prenant sur moi, un faux sourire accroché au coin des lèvres. A croire que j'en suis presque convaincue moi-même tellement je joue bien le jeu. Mais la réalité est toute autre. « Oui, oui, bien sûr j’ai dit ça, je t’en prie. » Je prends place à côté de Dylan, étonnamment à l'aise à première vue. « Sheryl, enchantée. » Je me pince un peu les lèvres, et me présente à mon tour. « Blake. » Pas enchantée. « Vous êtes une amie de Dylan, pompier aussi ? » Je tourne la tête vers Dylan avant de répondre et croise son regard, un petit air de défi au coin des lèvres. « Ouais une amie... on va dire ça comme ça. » Je ne peux m'empêcher de laisser échapper un rire un peu nerveux, secouant inconsciemment la tête. Elle a vraiment pas remarqué le malaise ou comment ça se passe ? J'ai pourtant l'impression que ça se voit comme le nez au milieu de la figure. Et de toute évidence je n'ai même pas envie de le cacher. Je sais pas pourquoi, mais ça m'arrangerait qu'elle puisse le comprendre. Comme si je ressentais encore le besoin de garder une quelconque emprise sur mon ex-fiancée. C'est peut-être un peu malsain mais je suis incapable de le contrôler. « Mais pas pompier non. » Ajoutais-je aussi sec. « Juste une ancienne amie. » Je soupire, et lève les yeux au ciel. Ouais juste une ancienne amie, c'est ça. Si seulement c'était aussi simple... je crois que ça me blesse intérieurement de le dire comme ça. Parce que Dylan n'a pas été n'importe qui dans ma vie. Elle n'a pas été n'importe quelle amie justement. Et c'est bien ça le problème. Surtout que je commence petit à petit à comprendre que je ne suis pas totalement guérie de notre histoire. Si c'était vraiment le cas, réagirais-je encore comme ça ? Probablement pas non. « Dylan ne t'as pas parlé de moi ? » Je balance cette question sans prendre le temps d'y réfléchir à deux fois. Ouais c'est suspect comme question, pourquoi elle lui aurait parlé de moi en fait ? Y'a pas de raison, non ? Et pourtant j'ai envie que ça fasse tilt dans sa tête. J'aimerais secrètement que Dylan assume réellement qui je suis - ou plutôt qui j'ai été dans sa vie. Ça me fait mal de voir que ce n'est pas le cas. Pour pas changer.

Et merde, voilà que ça devient bizarre. Encore. A croire que c'est maintenant une habitude entre nous. Je me demande même si un jour les choses redeviendront normales. Genre totalement normales quoi, sans aucune gêne ni ambiguïté latente. Ouais parce que là entre la jalousie, et le besoin de se justifier, c'est le pompon. Franchement c'est quoi mon problème ? « Oh c’est pas ma copine, on discutait et je suis venue nous chercher un autre verre. » Bon ok, ça ressemble plus à un plan drague pour une future conquête dit comme ça. Mais bizarrement ça me gêne toujours autant quand même. Cette foutue boule de jalousie qui reste là au creux de mon ventre. Ouais non j'ai pas franchement envie d'être spectatrice de ce genre de scène. Alors je tente d'abréger ce moment gênant, d'esquiver aussi un peu sans doute. Mais elle reste là à attendre ses boissons, et je ne sais pas trop quoi dire d'autre. Heureusement pour moi, le barman est efficace et Dylan récupère rapidement ses verres. « Bah bonne soirée, bon courage pour le boulot. » Je hoche un peu la tête, et lui sourit. « Merci, bonne soirée à toi aussi. » Enfin pas trop bonne quand même. Si ça pouvait capoter avec cette fille ça m'arrangerait. Et merde pourquoi je pense encore à ça moi ? Je me fatigue toute seule. « Tu peux te joindre à nous si tu veux. » Hein, quoi ? Elle vient vraiment de me proposer ça ? Je reste un peu surprise sans savoir comment réagir, que Dylan a déjà tourné les talons dans l'autre direction. Je n'ai même pas eu le temps de répondre quoi que ce soit. Et finalement, après quelques longues minutes, je décide de prendre congé auprès du gérant du bar. Et alors que j'étais sur le point de partir, mes pas me dirigent inconsciemment vers la table de Dylan. Je sais pas ce qui me prend, je sais pas pourquoi, mais c'est trop tard. Me voilà déjà à sourire un peu bêtement devant elles. Faut dire quelque chose là maintenant Blake par contre. « Je... euh, tu as dit que je pouvais venir me joindre à vous. » Je hausse un peu les épaules avant de m’asseoir à côté de Dylan. « J'espère que je ne dérange pas. » Sur ce coup là, c'est plutôt à sa "conquête" que je m'adresse. Et au vue de la tête qu'elle est en train de tirer, je crois qu'elle n'apprécie pas vraiment ma présence. Bizarrement ça me fait rire, et je vais prendre un malin plaisir à jouer là-dessus. Non, non, je ne veux absolument pas casser son coup... pas du tout. Ça serait totalement immature de ma part n'est-ce-pas ? Mais là, tout de suite, je m'en fous. Je ne vais pas leur tenir la chandelle non plus, faut pas rêver.

C'est fou à quel point tous les sentiments qu'on essaye d'enfouir au plus profond de son être sont capables de ressortir comme ça, en une fraction de seconde. Depuis que Dylan est réapparue dans ma vie, c'est l'ascenseur émotionnel dans mon coeur. Et là cette fois, c'est ma jalousie qui est mise à rude épreuve. Non mais franchement, c'est pas normal d'être encore jalouse autant d'années après ? Y'a un truc qui cloche chez moi. Je devrais en avoir rien à faire justement. Qu'elle fasse sa vie, je fais la mienne et tout le monde est content. Mais si seulement c'était si simple... je suis incapable de contrôler quoi que ce soit quand c'est d'elle qu'il s'agit. J'espère secrètement pouvoir me rendre transparente, invisible même, pour qu'elle ne croise surtout pas mon regard. C'est mieux pour moi si elle ne me voit pas. Et je guette la moindre opportunité pour réussir à m'éclipser au plus vite. Mais le gérant est bavard, il n'a pas l'air de vouloir me lâcher la grappe. Je fais mine de l'écouter, mais mon esprit est ailleurs. Si bien que je ne vois pas la menace arriver derrière moi. Quelqu'un me bouscule alors, manquant de peu de faire renverser mon verre sur moi. C'était moins une. « Je suis vraiment désolée, excusez m… Blake ?! » Je fais volte-face et tombe nez à nez sur Dylan. Merde, merde, merde. « Put... » ain. Ouais putain. Fallait que ça soit elle qui me bouscule évidemment. Elle pouvait pas rester tranquillement à sa place et ne jamais voir que j'étais là ? C'était trop demandé. « T’es venue prendre un petit remontant après le boulot ? » C'est pas tout à fait ça non. « Ou… tu attends quelqu’un ? » Encore moins. Je secoue la tête, un léger rire nerveux s'échappant d'entre mes lèvres. « Non justement j'suis là pour le boulot. » Pourquoi je ressens le besoin de me justifier au juste ? C'est pas comme si j'avais des comptes à lui rendre, c'est débile. Pourtant je n'ai pas envie qu'elle pense que j'attends quelqu'un. Même si j'aurais pu essayer de mentir, de jouer cette carte pour me défendre. Mais non, c'est pas mon genre.  « Je vais m'occuper de la rénovation de ce bar. » Ouais bref, on s'en fout. Elle a sans doute mieux à faire que de taper la conversation avec moi. Je ne voudrais surtout pas casser son coup. Enfin... quoique. « Je crois que ta copine nous regarde d'un mauvais œil. » Ajoutais-je en rigolant. J'emploie le mot "copine" volontairement, même si aux dernières nouvelles Dylan avait précisé avoir personne dans sa vie. Mais c'était peut-être des conneries. Finalement ça me surprendrait pas tellement. Avec elle, faut s'attendre à tout. Ou alors ça a changé depuis la dernière fois. « Je ne voudrais pas te retarder plus longtemps... » Dans tous les cas ça m'énerve et c'est justement ça le problème. Ça me fait du mal de la savoir avec une autre. Et de voir cette image juste sous mes yeux c'est encore pire. C'est comme si elle m'enfonçait un poignard dan le coeur... encore une fois.

On vient de me confier un nouveau contrat ; je dois m'occuper de la rénovation d'un bar dans le centre de L.A. Changement de décoration pour une ambiance à la fois plus cosy et moderne. Quelque chose de branché susceptible d'attirer une nouvelle clientèle. C'est pas la première fois qu'on me prend pour ce genre de projet, mais je dois avouer que ça reste toujours un challenge appréciable. Les lieux ouverts au public doivent être abordés avec une approche différente, et c'est justement ça qui me plaît. Je suis restée cloîtrée toute la journée dans mon bureau, planchant pendant des heures entières sur le dossier et les plans du bar en question. J'ai déjà pas mal d'idées en tête, mais j'ai besoin d'aller faire quelques repérages sur le terrain pour me rendre compte de ce que ça pourrait concrètement donner. Il commence à être tard, mais c'est un détail auquel je ne fais pas forcément attention. Quand je suis sur quelque chose, tout le reste devient superflu. Et l'avantage, c'est que ça me permet de garder l'esprit occupé. Parce qu'avec tout ce qui se passe dans ma vie en ce moment, autant vous dire que c'est compliqué. Avec Morgan, on essaye de se donner une seconde chance, de prendre notre temps pour réussir à se retrouver... mais ce n'est pas franchement gagné. Pour être honnête, je ne sais plus trop quoi penser de tout ça. A chaque fois que mon regard se plonge dans le sien, je ne peux m'empêcher de penser à Dylan. De la voir même. Parce que c'est avec elle qu'elle m'a trompée. Et que c'est justement elle en personne qui est en train de foutre le bordel dans ma tête. Dans mon coeur aussi surtout. C'est la merde. Arrivée dans le bar, je vais directement à la rencontre du gérant qui prend le temps de me faire visiter les lieux. Je prends quelques notes sur mon carnet, et essaye de creuser plus en profondeur quant à ses attentes. Il y a déjà pas mal de clients à cette heure-là, la soirée étant bien entamée, mais c'est une bonne chose. Ça me permet de m’imprégner au mieux de l'ambiance générale. Nous finissons le rendez-vous dans son bureau, pendant un long moment, avant qu'il me propose finalement de boire un verre. J'accepte plus par politesse qu'autre chose, et le suit jusqu'au comptoir. Mais mon coeur rate un battement lorsque mon regard croise celui de mon ex. Elle est là, juste à quelques mètres de moi, assisse au fond de la salle et accompagnée. Ça serait le moment idéal pour partir, avant qu'elle ne me voit, mais c'est pas comme si je pouvais le laisser en plan comme ça. Merde, fais chier. Je reste volontairement de dos, accoudée au bar, un peu figée. Mais je ne peux m'empêcher de jeter quelques regards plus ou moins discrets dans sa direction. Une pointe de jalousie vient inconsciemment se loger dans le creux de mon ventre, que je suis incapable de contrôler. Pourquoi ça me fait autant bizarre de la voir avec une autre ?

Les choses sont en train de prendre une tournure différente, et tout s'accélère. Les limites ont clairement été dépassées maintenant, il n'y a plus de doute possible. Nos corps se découvrent comme ils n'ont jamais pu le faire jusqu'à présent, entièrement dénudés l'un contre l'autre, s'attirant comme de véritables aimants. Ils se frôlent, se touchent, et ondulent ensemble dans la plus belle des harmonies. Comme une perfection évidente qui plane au dessous de nous dans cette chambre d'hôtel. « Kez… » Mon prénom prononcé dans un demi-souffle me fait frissonner. « J’ai… » Un nouveau gémissement s'échappe d'entre mes lèvres lorsque je sens les doigts de ma demi-soeur s'inviter sur mon intimité. Ses caresses sont d'une douceur et d'une tendresse qui ne connait aucun égal, et il ne m'en faut pas plus pour commencer déjà à perdre pied. « Kai... » A cet instant mon corps est totalement incapable de se contrôler. « Je crois que t'es en train de me rendre complètement folle. » Et je crois même que je suis raide dingue d'elle depuis trop longtemps maintenant. Mais là c'est encore pire qu'avant. C'est mon corps tout entier qui est en train de tomber follement amoureux du sien. Et le pire c'est que ça ne me fait même pas peur. En réalité je n'ai même pas conscience de ce qui est en train de se passer concrètement. Mon corps se laisse guider par ses caresses alors qu'il se cambre sous ses assauts de plaisir. Ma main vient se faufiler à son tour entre nos corps pour se mêler à la danse. Je tente de reproduire un peu maladroitement ce qu'elle me fait sur son intimité à elle, pour le faire ensemble. S'offrir toutes les deux l'une à l'autre en même temps. Et nos souffles se perdent à l'unisson dans un rythme qui est déjà en train de me faire succomber. Je suis rapidement submergée par un élan de plaisir intense qui traverse mon corps tout entier. Mes muscles se contractent, mon ventre se raidit, me plongeant dans un état et un sentiment d'extase que je suis incapable de décrire. Une sensation qui m'était jusqu'à présent totalement inconnue encore. Le souffle court, j'ouvre finalement les yeux pour plonger mon regard dans celui de ma demi-soeur. « Putain... » J'ai besoin d'un peu de répit pour me remettre de mes émotions. Mais ma main finit quand même rapidement par revenir s'aventurer sur le corps de la blonde. Je n'ai plus qu'une seule idée en tête maintenant ; lui offrir exactement le même plaisir. Et plus encore.

Bon ok, là, c'est mort. Il ne m'en faut pas plus pour perdre définitivement le contrôle de moi-même. Je me laisse finalement emporter par mes envies les plus profondes. Des envies trop longtemps restées sous silence, soigneusement enfermées à double tour dans le coffre fort de mon coeur. Un interdit dont je n'osais pas prendre conscience. Ou que je ne voulais tout simplement pas admettre. Peut-être inconsciemment pour me protéger. Mais cette fois-ci je suis incapable de réussir à les retenir. Je n'ai plus assez de force pour contenir quoi que ce soit d'ailleurs. Plus maintenant, et surtout pas là, avec toutes les pulsions qui assaillent mon corps de tous les côtés. Ce désir ardent qui me plonge dans un état complètement second. Une sensation troublante mais ô combien agréable. Et ces envies maintenant bien présentes sont encore plus fortes et plus puissantes qu'elles n'ont pu l'être jusqu'à présent. A croire que c'était impossible... et pourtant. Je ne suis plus moi-même, mes mains deviennent incontrôlables. Elles continuent de flirter avec les limites, de s'en rapprocher toujours plus encore. Et la température de nos corps respectifs commence à s'en ressentir. Sa peau brûlante contre la mienne me donne des bouffées de chaleur. Et c'est encore pire quand Kai vient à son tour se débarrasser de mon haut de pyjama. Il n'y a désormais plus aucune barrière à ce que nos poitrines viennent à la rencontre l'une de l'autre... et cette sensation me rend complètement folle. Je ne sais pas exactement ce qui se passe, c'est la première fois pour moi. Et pourtant je ne réfléchis pas, je ne réfléchis plus. Je me laisse simplement portée par le moment. « Putain… » Je joue légèrement avec la pression de mes doigts sur son short, un peu maladroitement peut-être, sans trop savoir exactement comment m'y prendre. J'essaye de me focaliser uniquement sur Kai et sur mon instinct. C'est elle et surtout les réactions de son corps qui me poussent à continuer sur ma lancée. Son dos se cambre, et nos corps viennent alors s'épouser à la perfection comme s'ils avaient toujours été faits pour être ensemble. Soudés à l’unisson l'un contre l'autre, comme deux moitiés indissociables. Je commence doucement à onduler mon bassin contre le sien, alternant de légers mouvements de frottement entre nos corps. Entre les deux derniers bouts de tissus qui nous restent. Cette ultime barrière qui ne devrait sans doute plus résister bien longtemps... A ce contact, je ne peux m'empêcher de laisser échapper quelques petits gémissements de plaisir d'entre mes lèvres. Et même si c'est tout nouveau pour moi, il n'est pas difficile de comprendre de quoi il en retourne. Je crois que c'est une évidence ; j'ai envie d'elle.

C'est comme si une espèce de faille spatio-temporelle était venue s'emparer de nous, dans cette chambre. Le temps s'est arrêté, pour faire que cette journée d'anniversaire ne connaisse pas de fin. Comme un rêve éveillé, une parenthèse imaginaire. Tout se mélange dans ma tête ; il n'y a désormais plus aucune cohérence, plus aucune certitude possible. Je ne sais plus qui je suis, où je suis, et ce que je suis en train de faire. Et pourtant, à cet instant, c'est un sentiment bien plus évident encore qui semble avoir pris entière possession de mes sens. Je me laisse guider par une force extérieure que je suis incapable de contrôler. Une connexion, un lien puissant, qui bouleverse mon coeur tout entier. Je ne cherche pas à comprendre ce qui se passe, encore moins à en prendre conscience. Non, surtout pas, c'est mieux comme ça. Ce n'est pas comme si ça voulait dire quelque chose de toute façon. Alors je me laisse aller, et profite que mon corps se détende au contact de ma demi-soeur. Nos peaux se touchent, se frôlent, alors que je sens sa main remonter doucement le long de ma cuisse. Je ferme les yeux quelques secondes, un léger soupir s'échappant d'entre mes lèvres. Mes mains continuent de glisser sur son corps, et nos caresses deviennent étrangement plus précises, plus dangereuses aussi. Si ce n'est pas la première fois que nous nous livrons à des moments câlins comme celui-là, nous n'avions encore jamais frôlé avec les limites comme nous sommes en train de le faire. Kai se tourne légèrement pour me faire face et vient alors déposer des baisers dans mon cou. Si j'arrivais encore un minimum à garder un semblant de contrôle jusqu'à maintenant, là, c'est mort. Foutu. Je penche un peu la tête sur le côté, le souffle court. C'est moi ou il fait vraiment chaud dans cette chambre ? Je ferme de nouveau les yeux - cherchant bizarrement à éviter son regard, et profitant au maximum de ce moment empli de tendresse. Sa main qui remonte sur mon ventre tout près de ma poitrine me fait frissonner. Les limites sont proches, trop proches peut-être, et pourtant je n'ai aucune envie qu'elle s'arrête... c'est bien trop agréable. Je me tourne légèrement aussi face à elle, rapprochant mon corps encore plus près du sien. Nos hauts de pyjama encore relevés, je peux sentir la chaleur de sa peau contre la mienne. Nos corps l'un contre l'autre, attirés comme des aimants. J'en profite alors pour prendre un peu le dessus et venir déposer à mon tour quelques baisers dans son cou. C'est tentant de savoir si ça lui fait le même effet qu'à moi... juste pour voir si c'est normal évidemment, quoi d'autre ? Mais ça ne me suffit pas, j'en veux encore plus. Et sans vraiment prendre conscience de mon geste, je viens l'aider à se débarrasser de son haut pour laisser libre court à mes lèvres le loisir de venir embrasser le haut de son buste. Ma main vient en parallèle chercher de nouveau le contact avec son ventre, glissant généreusement jusqu'à sa cuisse en flirtant inconsciemment au passage avec les limites. Je crois qu'on m'a perdu là, je sais pas du tout ce qui me prend...

La soirée se prolonge encore quelques heures avant de finalement rentrer jusqu'à l'hôtel. Grâce à Kai, j'ai passé un bon moment et je suis contente d'avoir réussi à me détendre. A mes yeux, tous les instants partagés avec elle sont aussi précieux et intenses les uns que les autres. Il n'y a pas de mot assez fort pour décrire ce que je peux ressentir quand je suis avec elle. Mon coeur n'a jamais de temps mort. Pour être honnête c'est quelque chose qui me dépasse complètement. Et c'est justement ça le problème. « Tu veux qu’on regarde un film ? Ou t’es crevée ? Faut dire que je t’ai pas ménagée aujourd’hui ! » Je ris légèrement en repensant à toutes les émotions fortes de la journée. Bien sur que la fatigue est présente, mais je préfère ne pas y penser. « Non ça va, j'ai pas vraiment envie de dormir. » Je secoue un peu la tête avant d'ajouter. « J'ai surtout pas envie que la journée s'arrête en fait... tu crois que c'est possible ? » Je laisse échapper un petit rire enfantin d'entre mes lèvres, des étoiles dans les yeux. Même si ce n'est plus concrètement mon anniversaire au vu de l'heure qu'il est, je ne veux pas que cette belle journée s'arrête. Je veux profiter de chaque seconde comme si c'étaient les dernières. Juste être là, avec elle. A Bali, dans cette chambre d'hôtel. Dans cette bulle de bonheur qui n'appartient qu'à nous. J'enfile mon pyjama à mon tour avant de la rejoindre dans le lit. « Tiens, si tu trouves autre chose qu’un film de cul, vu l’heure. » J'attrape la télécommande en rigolant et fait défiler les chaînes. Effectivement à cette heure là il n'y a pas grand chose d'intéressant. J'arrête mon choix sur un film qui à première vue a l'air potable, même si le nom ne me dit absolument rien. On verra bien, c'est pas vraiment le plus important en soit. Je sens alors la jambe de ma demi-soeur venir frôler la mienne, et je ne peux m'empêcher de me rapprocher encore un peu plus d'elle le regard toujours fixé sur la télé. J'ai besoin de sentir son contact tout contre moi, contre ma peau. Comme un besoin viscéral, une envie incontrôlée. Mes doigts caressent son avant-bras alors que ma jambe remonte légèrement sur la sienne. Je ne sais pas trop ce qui se passe dans ma tête à cet instant précis, et en réalité je n'ai plus envie d'y réfléchir. Je me laisse emporter par la fatigue, les sentiments, tout ce mélange émotionnel qui me permet de me laisser vraiment aller. Je continue mes caresses alors que mes doigts viennent cette fois-ci frôler ses côtes et son ventre, à même sa peau. Je fais semblant de m'intéresser au film, l'air de rien, comme si tout était normal. Et c'est le cas non ? Après tout ce n'est pas comme si ce genre de papouilles étaient nouvelles entre nous. Et pourtant, c'est encore différent. Il y a quelque chose de différent, je le sens au plus profond de mon être. De mon coeur tout entier.

Je sais pas vraiment dans quoi je me suis embarquée en proposant cette idée là. A la base c'était une petite boutade balancée à la volée comme ça juste pour rigoler, rien de très sérieux en soit. Mais finalement il m'a fallu que d'une seconde positionnée derrière elle pour que je me laisse prendre au jeu. Mon corps collé contre le sien et voilà que j'en perds tous mes moyens. Comme si mon cerveau s'amusait à me faire faire tout et n'importe quoi quand je suis trop proche d'elle. C'est fou à quel point je suis faible, à quel point ELLE me rend faible surtout. Et lorsque mon corps vient onduler contre le sien au rythme de la musique, j'en oublie tout. Tout et tout le reste. Je me focalise uniquement sur elle, sur nous. Comme si nous étions désormais seules au monde sur cette piste de danse. Nos corps s'épousant à la perfection et nos mains jointes ensemble sur son ventre. Ce contact intimement étroit me procure de nouvelles vagues de chaleur dans mon corps tout entier, toujours plus intenses encore. J'ai l'impression que cette sensation devient de plus en plus forte, et de plus en plus évidente au fil de nos moments passés ensemble. Si ça continue comme ça, je ne donne plus très cher de mon coeur. Ma demi-soeur se retourne finalement, un large sourire aux lèvres. « J’ai perdu ! Mais c’était trop tentant ! » Je souris à mon tour, mon regard plongé dans le sien. Si elle croit qu'elle va s'en sortir comme ça, elle se fout le doigt dans l'oeil. Je ne dis rien sur le moment mais je garde sa défaite dans un coin de ma tête. Sait-on jamais si je peux retourner la situation à mon avantage à un moment donné. Ce n'est pas moi qui vais m'en priver. Elle danse maintenant devant moi et s'amuse à me faire tournoyer à plusieurs reprises avant d'imiter une espèce de danse de salon qui ne ressemble pas à grand chose en soit. Mais c'est justement ça qui nous fait rire, et notre complicité n'en devient que plus grande encore. Je me laisse aller, je me laisse guider, le coeur léger, parfaitement détendu à présent. Je crois qu'à cet instant mes yeux me trahissent et en dévoilent sans doute un peu trop. Mais je ne peux  m'empêcher de la bouffer littéralement du regard alors que nos visages ne sont qu'à quelques centimètres à peine l'un de l'autre. Je peux même sentir son souffle se heurter à plusieurs reprises à mes lèvres. Si je n'étais pas raisonnable - même si ça parait étonnant de voir que je peux encore réussir à l'être, j'aurais pu tenter de faire une nouvelle bêtise. Mais au lieu de ça, je baisse un peu la tête et retient un peu mon souffle. Finalement c'était peut-être plus facile de résister à la tentation dos à elle que de face. Sentant que la situation pourrait de nouveau nous échapper, je tente une diversion. « On s'accorde une petite pause ? Ça m'a donné un peu chaud de bouger mon corps. » Même si de toute évidence c'est plutôt elle qui me donne des bouffées de chaleur. Et dire que la soirée ne fait que commencer...

C'est fou à quel point tout peut devenir ambigu quand je suis avec elle. Je crois qu'on pourrait parler de n'importe quel sujet le plus platonique qui soit - la météo par exemple, qu'il y aurait toujours un sous-entendu là-derrière à interpréter bizarrement. Non mais franchement c'est dingue. C'est comme si l'ambiguïté faisait partie intégrante de notre relation. Est-ce qu'il y a que moi qui trouve ça étrange ou bien elle aussi ? De toute évidence il est hors de question d'en parler ensemble... surtout pas. Je focalise alors mon attention sur la piste de danse et mon visage commence à se décomposer. Bon ok je me suis peut-être un peu enflammée tout à l'heure en disant avoir envie de danser. Enfin pas que je n'en ai pas réellement envie non, c'est juste que ça parait un peu moins évident dans ma tête maintenant que je suis devant le fait accompli. J'ai l'impression que tous les regards vont être tournés sur nous, et c'est ça qui me dérange le plus en soit. Kai s'aperçoit très vite de mon mal être et tente immédiatement de me rassurer. « Arrête de complexer, personne va te voir, y’aura que moi. Et si tu veux pas danser t’es pas obligée. » Même si j'essaye de faire bonne figure, Kai me connait mieux que personne et elle sait exactement comment interpréter mes signaux. « Je vais être ridicule. » Nous prenons place sur une banquette, et je sirote doucement mon cocktail avec la paille. Je suis un peu dans l'optique d'essayer de retarder l'échéance aussi longtemps que possible. Ouais bon c'est pas très mature de ma part mais on s'en fout. « Hey ! On est pas là pour stresser ok ? » La blonde vient se saisir de mon menton avant de déposer un baiser sur ma joue. Une fois encore mon coeur rate un battement et s'emballe contre ma poitrine. Et l'espace d'une seconde, ça me fait tout oublier. Je hoche un peu la tête dans un sourire un peu timide. « Allezzzzz, finis qu’on aille danser, j’ai des fourmis dans les pieds ! » Kai trépigne d'impatience et je ne vais pas la faire attendre plus longtemps. Après tout ce qu'elle a fait pour moi aujourd'hui, je peux bien faire ça pour elle. Allez, soyons fou. Je termine mon verre et je la laisse me guider jusqu'à la piste de danse. On se retrouve en plein milieu et on arrive finalement à se fondre plus ou moins dans la masse. « Si tu veux je peux fermer les yeux. Je risque de faire n’importe quoi, mais je te verrai pas danser ! » Je laisse échapper un rire amusé d'entre mes lèvres imaginant parfaitement ce que cette scène pourrait donner. Mais je préfère me positionner juste derrière elle approchant mes lèvres de son oreille pour lui parler. « Ou alors je danse comme ça derrière toi pour pas que tu puisses me voir. » Dans cette position, Kai me tourne le dos et ne peut effectivement plus me voir. Son corps fait opposition au mien et me cache même un peu des autres. C'est la technique parfaite. « Et évidemment, interdiction formelle de te retourner sinon c'est pas du jeu. » Mon corps se rapproche inconsciemment du sien pour qu'elle puisse m'entendre alors qu'une de mes mains se laisse glisser sur sa taille. Je m'exécute alors et mon corps commence légèrement à bouger au rythme de la musique.