:: HISTOIRE ::tw : harcèlement/menaces.
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Muet ;
tu ne parles pas. Ou plutôt, tu ne parles plus. Les médecins, les thérapeutes et même celles et ceux qui n'y connaissent absolument rien sont d'accord : t'as subi un traumatisme, gardant ta voix scellée, tes cordes vocales ne vibrant plus pour laisser sortir les sons. Les sons ne franchissent plus tes lèvres depuis tes
9 ans. La raison ? L'accident de voiture de ta mère. Accident dans lequel tu as été impliqué. Tu as été touché, blessé – mais moins que ta mère. Que tu as découverte allongée dans une chambre trop blanche pour tes rétines, des tuyaux et autres câbles branchés à son corps. Et, d'après les médecins, c'est cette image qui t'a marqué. Cette image qui a bloqué ta voix. Celle-ci et celles de l'accident. Ces scènes rapides de blanc, de gris, de noir mais aussi de rouge et de pourpre. Ce mauvais cocktail t'a brisé la voix.
— Pas totalement vrai, pas totalement faux. Voir ta mère dans cet état, inerte sur ce lit d'hôpital pendant plusieurs semaines t'a brisé le cœur. Plus que ça, la vision t'a fait faire des cauchemars. Ce fut cependant la culpabilité qui te coupa la voix.
La peur. Pire que ça, la terreur. Comme si ta voix libérait les ombres, le mauvais sort.
Comme si ta voix abritait un démon. Un monstre. La culpabilité, la peur, la tristesse, la panique, les angoisses, ce mauvais cocktail, t'a brisé la voix.
— Ton cousin, Tyler. Un ans de plus que toi, presque deux têtes de plus que toi. Entre vous, le courant n'est jamais réellement passé, pourtant tu as toujours été forcé de le voir tous les dimanches, repas de famille oblige. Il t'a toujours un peu malmené, Tyler. Plus d'une fois, il t'a fait peur, Tyler. Plus d'une fois il s'est moqué de toi, Tyler. Il t'a souvent volontairement terrorisé, te racontant tout et n'importe quoi juste pour te voir pleurer. Il s'en amusait. Quand tu jouais avec lui, il t'arrivait de finir avec des bleus. Il était une brute, Tyler. Au sens propre comme littéral. Et plus d'une fois tu t'en plains, mais plus d'une fois on t'a dit que « c'est comme ça que les garçons jouent » – t'aurais préféré jouer à la poupée, alors.
— Tyler te surnommait « Crevette », te donnant aussi d'autres noms pas vraiment agréables. On te disait que c'était pour te charrier, pour t'embêter gentiment. Parce qu'il t'aimait bien, Tyler, mais qu'il savait pas comment le montrer. On te disait qu'il le faisait avec tous ses ami.e.s. Qu'il était comme ça, Tyler. Parfois, on te disait d'arrêter d'exagérer, qu'il ne te faisait pas autant mal que tu le disais. On te disait, parfois, d'arrêter de mentir et de retourner jouer – et on t'avait dit, un jour, que les mensonges étaient punis, et que tu devais faire attention à ce qui sortait de ta bouche. (
pourtant tu faisais que dire la vérité, alors pourquoi t'avais peur ?)
— Si tu pouvais éviter ton cousin les dimanches, tu ne pouvais l'éviter à l'école. Manque de chance pour toi, vous étiez dans le même établissement. Sans doute les pires moments de ta vie. Il se moquait de toi, Tyler. Mais surtout, il faisait des bêtises, Tyler. Tellement de bêtises... Sale garnement qu'il était ; déclencher l'alarme incendie, faire des trous dans les murs, embêter les filles. Turbulent, il était. (
il est toujours). Mais il était rarement puni, Tyler. Parce que ton oncle et ta tante étaient toujours là pour le défendre. Et tu l'as vu plusieurs fois, Tyler. Brutaliser les plus jeunes, les plus petits que lui. T'étais pas le seul – ça te rassurait pas cela dit.
— T'avais pas le droit de raconter ce que t'avais vu,
ou sinon... Les menaces allaient bon train, toujours plus imagées les unes que les autres. Ca te faisait peur, mais tu parlais quand même. Quelques jours plus tard, ton petit frère avait fait une chute d'un arbre. Et tu songeas aux mots de ta grand-mère qui t'avait dit que les mensonges étaient toujours punis. Y avait-il un lien entre les mots et les actions ? T'étais jeune, naïf et bête... alors tu croyais que oui. Tu ne dis rien pendant quelques temps, et rien ne se passa. Quand tu rouvris la bouche, des incidents arrivaient : le pneu qui pète, une inondation soudaine dans la salle de bain, ta mère qui perd son travail, le poisson de ton frère qui est retrouvé sans vie...
— Tu l'as vu, plusieurs fois, menacer les autres élèves. Il s'amusait à terroriser les autres. A te terroriser, aussi, sous-entendant des tas de choses, te disant de faire attention la prochaine fois que tu dormiras. Il te disait de tenir ta langue, ou sinon il te la couperait – car t'avais pas de raisons de parler, personne allait te croire.
Parce que tu mentais. Comme chaque dimanche quand tu dénonçais ton cousin. Tu mentais. (les mensonges étaient punis, tu ne devais pas l'oublier).
— T'en avais parlé. A ta mère. Tyler te faisait peur et il disait qu'il allait te couper la langue ou faire du mal à ton frère. Les mots fusaient dans des explications sans aucun sens, presque dignes d'un bon film d'action. Ta mère ne comprenait rien et en plus, tu ne faisais que pleurer sur la banquette arrière. Tu faisais que pleurer et tu racontais tout parce que t'avais peur et que t'étais qu'un gamin ; le silence avait sombrement régné dans la voiture, celle-ci brusquement éjectée sur le côté.
— A l'hôpital, ta tante, ton oncle et ton cousin étaient venus vous voir. Et ton cousin, horrible personnage, s'était penché sur ton lit pour te baiser le front. « T'as vu ce qui est arrivé ? Regarde ta mère, Aiden. C'est
ta faute si elle est là. Je t'ai dit de rien dire. Et qu'est-ce que t'as fait ? T'as parlé. Les mensonges sont punis, Aiden.
C'est ta punition. Tu sais ce qu'il te reste à faire, hein ? Te la fermer » (et t'as plus prononcé un mot depuis).
:: ANECDOTES ::—
Ta famille est riche. Très riche. Avant, vous vous retrouviez souvent chez vos grand-parents autour d'un repas, chaque dimanche. Aujourd'hui, les choses ont un peu changé, la vie, ses imprévus, les soucis a fait que ce n'est pas toujours possible. A la place, vous avez des week-end en famille. Quoi de mieux que deux ou trois jours (parfois quatre) avec sa famille à la campagne, à la mer ou à la montagne ? Tu n'aimes pas spécialement ces réunions ridicules. Parce que le pire dans tout ça est que tu y croises encore ton cousin. T'es jamais à l'aise quand t'es avec lui. Crispé, effrayé, tu te fais encore plus discret que d'habitude.
— Ton petit frère n'a jamais entendu le son de ta voix. Il avait 3 ans quand l'accident a eu lieu, trop petit pour se souvenir d'un son quelconque franchissant ta bouche.
Il est proche de toi, très proche. Tout comme tes parents. Vous êtes soudés, tous les quatre et vous vous voyez régulièrement. Liam est celui que tu vois le plus souvent. Il prend soin de toi et passe souvent te rendre visite.
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Tu as toujours un carnet sur toi et un stylo. Tout le monde ne sait pas parler la langue des signes. Alors tu as tendance à tout noter pour te faciliter la vie et te faire comprendre. Là où ça devient délicat c'est quand tu oublies ton carnet ou que tu perds ton stylo.
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Calme, réservé, doux, patient. Trop gentil. Tant de mots qu'on peut utiliser pour te décrire. T'es aussi incertain, mal assuré et froussard ainsi que solitaire. T'es pas totalement renfermé mais il est difficile pour toi de communiquer avec les autres. Les autres qui parlent rarement la langue des signes. Alors tu inscris tout sur ton carnet, mais c'est épuisant pour toi. Long pour les autres. Tu as du mal à t'inclure dans un cercle, restant alors plutôt seul de ton côté.
— Tu adores les
fruits, la fraise plus particulièrement. Thé aux fruits rouges, thé pomme cannelle et caramel macchiato sont tes boissons préférées (avec le fanta). T'es pas mal doué en cuisine, et il t'arrive de préparer des repas pour ton frère. T'es
végétarien. T'es trop gentil pour ton propre bien. Tu adores la lecture, l'astronomie, les jeux vidéos et les mots mêlés. T'es pas spécialement sportif mais pas spécialement flemmard non plus ; t'es un juste milieu. Il t'arrive de courir, ou d'aller nager. Mais t'es aussi du genre à apprécier une journée allongé sur ton lit à regarder Netflix et à ne rien faire. Ton appartement est plutôt bien rangé. Il semble presque sans vie et devient un peu plus coloré quand ton frère est de passage.