dangerous attraction (neelana 2)

Vos deux silhouettes, dos courbés et regards bas qui se croisent, n’ont pas franchement fière allure. Tu tentes une proposition. Celle d’être une oreille attentive. L’offre est maladroite tant par le manque d’habitude que par ta position. Tu n’étais pas franchement en état de jouer les conseillères conjugales et, au fond, tu n’en avais certainement pas envie non plus. Tes réelles envies, elles, venaient de voler en éclat. Cela dit, la sincérité est loin d’être feinte lorsque tu exprimes ta peine de la voir dans une telle détresse. Il y a peu encore, tu aurais peut-être cru que cette idée te plairait. Comme on dit : un prêté pour un rendu. Non ? Et bien non. Aucune satisfaction ne te rempli de voir ses yeux se noyer de larmes et d’entendre sa voix se tordre. « Y’a pas grand chose à dire, elle est mariée à son boulot avant d’être mariée avec moi. Je la vois de moins en moins et… » Elle hésite. Les mots ont du mal à sortir. Tu ne remarques pas ton propre visage qui se chiffonne par mimétisme, investie par ses paroles qui te font, elles aussi, du mal. Imaginer une autre à ses côtés, au quotidien, n’est pas une partie de plaisir. Il ne s’agit pas d’une quelconque conquête, d’une meuf qu’on balaye du revers de la main … Neela l’avait épousée ! Tu imaginais à peine ce qu’elles avaient dû partager et l’intensité du lien les unissant. Tu connaissais ton ex. Elle ne se serait pas engagée n’importe comment et avec n’importe qui … Mariée à son job ou non - bien que tu te sentes déjà la détester - cette autre devait en valoir la peine. C’était déjà plus que ce que tu n’avais pu lui offrir. « J’en sais rien, on s’éloigne de plus en plus, on n’arrive plus à se parler sans se gueuler dessus… » Elle secoue la tête et laisse son visage se perdre dans ses mains. Tu ne peux t’empêcher de penser que, l’air de rien, Neela avait peut-être un type de femme. Tu te rappelles de vos disputes au sujet de l’académie …  « J’ai pas envie de parler de ça avec toi, Sana. » Voilà qui a le mérite d’être clair. Tu hoches d’un simple mouvement de menton. Presque solennel. “Et j’pense qu’en fait, j’ai pas envie d’entendre non plus …” Neela redresse le visage. Vos prunelles se cherchent. « J’ai aucune envie de t’ennuyer avec mes histoires, j’aurai dû t’en parler avant, je sais pas ce qui m’a pris, à quoi je pensais… » « Je suis désolée. » Tu inspires et souffles un grand coup. Tu t’approches d’elle, déposes tes mains de part et d’autre de sa mâchoire et déposes un baiser sur sa joue, juste au coin de ses lèvres. Tu te redresses alors, attrapes ton verre que tu vides d’un coup sec et t’éloignes vers un meuble logé entre le salon et l’espace cuisine. Dans le tiroir du haut, clairement en bordel, tu fouilles et ressors une petite boite métallique rectangulaire. Tu ouvres cette dernière sur place, en extrait ce que tu cherches et finis par la ranger. Rejoignant la baie vitrée menant au petit jardin de derrière, tu coinces un joint déjà roulé entre tes lèvres. Tu fais glisser la porte, cales ton dos dans l’ouverture et allumes ton “anti-stress” avec le briquet de ta poche. Apres avoir inspiré une bonne bouffée et relâché l’excédent de fumée vers l’extérieur plus frais, tu demandes : “Que veux-tu, Neela ? Là, tout de suite ?” Dans un geste d’extension, ton bras s’étire vers elle, lui présentant le joint, le temps qu'elle trouve de quoi te répondre. “Comme à l’époque ?” Tu souris, te remordant les quelques nuits où vous aviez fumé allongées dans l’herbe à regarder les étoiles et à vous inventer un monde. Vous aviez beau être stone, tu te rappelles aussi que Neela gardait déjà assez de discernement pour te signaler que ce n’était pas comme ça que tu arriverais un jour à entrer aux stups … Qui l’eu cru, effectivement. C’était la belle époque de l’innocence et quelque chose te disait que ce soir vous en aviez tout autant besoin l’une que l’autre.

feat. @Neela Barnett

Je me sens conne, nulle, je déteste ressentir ce genre de chose. Pourtant, je sais que j’ai été trop loin et que j’aurai dû être honnête avec elle avant qu’elle s’en rende compte. Mais c’est trop tard. Pourtant, elle me retient, m’incite à lui parler. J’hésite, je sais que ce n’est pas une bonne idée au fond, que je suis déjà là où je ne devrais pas être. Et pourtant. Pourtant les mots s’enchaînent, même s’il y a une certaine retenue. Après tout, je ne parle pas à n’importe qui. Sana a été mon premier amour, je lui ai fait confiance, et malgré tout, c’est toujours le cas. Mais après avoir déjà parlé du problème, je finis par me raviser. Je n’ai pas envie de parler de ça avec elle, ce n’est ni juste pour elle, ni juste pour moi. Et je doute qu’en plus de ça, elle soit heureuse d’écouter mes déboires amoureux. « Et j’pense qu’en fait, j’ai pas envie d’entendre non plus … » Voilà, c’est bien ce que je disais. Je fonds à nouveau en excuses, parce que je sais que j’ai mal agit.
Sana s’approche, encadre mon visage de ses mains et dépose un baiser au coin de mes lèvres, comme pour me faire comprendre que je n’ai pas à m’en vouloir. Ça apaise mes maux un instant mais ça continue quand même de tourner dans ma tête. Elle se lève, finit son verre et rejoint la cuisine. Ce petit bruit, je l’ai déjà entendu des centaines de fois, plus que ça encore. Je le reconnaitrai entre mille. Je la suis vaguement du regard, encore assise sur le canapé, alors qu’elle se déplace jusque’à la baie vitrée pour l’ouvrir, avant d’allumer son joint. « Que veux-tu, Neela ? Là, tout de suite ? » demande-t-elle, me laissant sans voix, déroutée par la question. Je ne sais même pas ce que je veux, je crois que je suis un peu partagée entre l’envie de retrouver ma femme, et celle de l’oublier l’espace d’une soirée, d’une nuit. Nuit que j’aurai envie de passer avec Sana. Mais comment me regarder dans un miroir après ça ? « Comme à l’époque ? » demande-t-elle en me tendant le cône déjà allumé. Non Neela. J’ai beau me répéter que ce n’est pas une bonne idée, c’est comme si j’étais absorbée par la fumée, par son regard, attirée par elle comme un aimant face à son semblable. Je récupère le joint entre mes mains et en tire une première bouffée, un peu timide. « Tu es encore moins fréquentable que tu ne l’étais, Ben Ali… » Je lui souris, complice, et tire à nouveau sur le joint avant de lui rendre. Il faudrait que je parte, non ? Je n’en ai pourtant pas la moindre envie…

Ta question reste en suspend. Le regard que Neela te porte te fait comprendre qu’elle ne répondra pas. Probablement pas par manque d’envie, mais par manque de mots, manque de certitude. Quand lui avait-on posé cette question pour la dernière fois ? Se l’était-elle, elle-même, déjà posée récemment ? Tu finis par briser l’éventuel malaise que tu venais de provoquer, en lui tendant l’herbe roulée. Vos regards restent vissés l’un à l’autre le temps que Neela finisse par se lever à son tour. Elle te rejoint et attrape la cigarette de détente. Le geste bien moins assuré qu’à l’époque, elle tire du bout des lèvres. Tu as du mal à retenir le sourire en coin qui prend naissance sur ton visage. « Tu es encore moins fréquentable que tu ne l’étais, Ben Ali… » Elle s’octroie une nouvelle bouffée avant de te rendre ce qui t’appartient. Ton regard balaye l’horizon alors que tes sourcils s’élèvent dans une danse marquant l’évidence. “T’as pas idée, Barnett …” C’était même le moins qu’on puisse dire. Tu ponctues malgré tout d’un petit rire se voulant rassurant. Celui des apparences. Celui qui, depuis maintenant un bon moment, t’aidait à dédramatiser tant de situations délicates.

Neela est adossée tout proche de toi. L’encadrement de la porte fenêtre n’est pas immense. Tes yeux ont bien vite fait de retrouver le chemin de son visage. Avec toujours un peu plus d’insistance. Tu le sens. “Mais ça ne t’a pas toujours dérangée … Je m’en rappelle plutôt bien” Cette fois le sourire et le rire sont plus francs. Car si Neela t’avait toujours apporté la stabilité dont tu avais manqué, tu lui avais apporté ton petit lot de … dévergondages; et ceux-ci n’avaient pas tous été condamnés par la belle brune. Au contraire.
Cela dit, au fond, c’était souvent pareil. T’étais le genre de meuf qu’on aime fréquenter un temps, pour le frisson, l’expérience dont on se souviendra mais qu’on ne choisi pas. Pas pour le long terme. C’est éreintant. Te côtoyer est épuisant. Et tu le sais. Car tu es la première à te coltiner tes propres conneries à longueur de journées, et - toi-même - te demandes parfois comment faire pour tout arrêter.

Nouvelle bouffée avant de, très lentement, souffler ta fumée légèrement vers le haut. Tu te reconcentres aussitôt sur ton ex : “C’est quand la dernière fois que t’as fait un truc un peu fou ? Juste pour le plaisir. Juste pour toi.” Un instinct te souffle à l’oreille que cela fait trop longtemps. Que la Neela que tu connaissais est en dormance. Quelque chose en toi te titille alors. L’envie de la réveiller. De jouer avec le feu. De la retrouver … tout simplement.

feat. @Neela Barnett

Elle n’est toujours pas plus fréquentable qu’elle ne l’était à l’époque, et je ne me cache pas de lui dire. « T’as pas idée, Barnett … » Le fait qu’elle utilise mon nom de famille, comme j’ai pu le faire avec elle juste quelques secondes plus tôt, me fait sourire. Personne ne m’appelle jamais par mon nom de famille. Je lui rends son cône et ne me lasse pas de la regarder. Elle est si près… mais toujours moins qu’elle ne l’était tout à l’heure. Rien que de repenser à ce baiser, j’en frissonne. « Mais ça ne t’a pas toujours dérangée … Je m’en rappelle plutôt bien » Je lui souris, et baisse les yeux un instant, me laissant divaguer dans mes propres souvenirs. Son rire me fait du bien, je sens doucement les effets de la marijuana qui se frayent un chemin dans mon corps et dans mon esprit. « C’est vrai… » Je ne suis pas sûre que me remémorer le passé soit une bonne chose, surtout en ce moment. Mais finalement, je me laisse aller. « C’est quand la dernière fois que t’as fait un truc un peu fou ? Juste pour le plaisir. Juste pour toi. » Très bonne question. Et dans son regard, j’ai l’impression de lire qu’elle connaît déjà la réponse. Il y a longtemps, bien longtemps que ça n’est pas arrivé, effectivement. Je soupire et laisse à nouveau mon regard flirter avec tout ce qu’il trouve, sauf son regard. « Je crois que tu connais déjà la réponse, non ? » Est-ce que me marier fait partie des choses folles dont elle parle ? Adopter une petite fille ? Me mettre à mon compte ? Rien de tout ça n’aurait de valeur à ses yeux, elle, la liberté incarnée. Et je lui envie ça, d’une certaine façon. Pourtant, j’aime la stabilité que j’ai pu créer avec ma famille, j’aime ma fille plus que tout au monde, et j’aime aussi Zahara, même si c’est compliqué en ce moment entre nous. Mais tout est une question d’équilibre, n’est-ce pas ? Je vois l’étincelle dans son regard, celle du défi, du jeu, de l’envie. Et je ne suis pas sûre d’arriver à y résister plus longtemps. « Sana je… je dois y aller… » Une part me moi me crie de rester, parce que j’en ai envie, mais l’autre, celle de la raison, me hurle de faire demi-tour, rentrer chez moi, recoller les morceaux avec ma femme. Je me sens tiraillée au plus profond de moi et je déteste ça. Pourtant, je sais que je dois faire un choix. « C’est trop dangereux… » Jouer avec le feu. Rester là à la regarder, loucher sur ses lèvres et avoir envie qu’elle m’embrasse, encore, comme avant…

Tu la fais sourire. Une fois encore. La vision est si douce que tu pourrais ne plus t’arrêter. De dire des bêtises, de charmer, ou quoi qui puisse lui faire étirer les lèvres de la sorte. Tu devrais tout arrêter, faire marche arrière et couper court à la soirée. Mais une force invisible t’en empêche. Une force gonflée par les effets des substances consommées ce soir. Plus le temps passe et plus tu dissocies ton être présent de la réalité. De sa femme, de ta propre situation, … de tout. A ce jeu, tu es d’ailleurs plutôt forte et habile. Une sale habitude ne venant que confirmer les propos de Neela. T’étais pas fréquentable. Du moins pas sans risque. Alors que faisait-elle encore là ? Pourquoi t’avait-elle répondu et pourquoi malgré ses regards trop fuyants ou trop appuyés, elle se rapprochait plutôt que s’éloignait ? C’est que tout ça était loin de la déranger. Sondant, l’air de rien, elle te confirme à demi mot : « C’est vrai… ».

Ta question la prend quelque peu de court. Tu devines son hésitation et la réflexion, bien trop longue, te répond en silence. « Je crois que tu connais déjà la réponse, non ? » Etait-ce ça la vie de mariée ? Ou s’agissait-il uniquement de l’évolution personnelle de Neela. A nouveau, son visage perd de son éclat et tu devines les rouages en action dans son esprit. Décidément, si tu avais la maitrise de ses sourires, tu avais tout autant l’art de la ramener, sans volonté, à sa condition de raison. Les mots qui suivent ne te surprennent pas. « Sana je… je dois y aller… » Tu as l’impression de la voir se tordre devant toi. Et comme le serpent que tu peux parfois devenir, tu siffles sans filtre : “Tu dois ou tu veux ? Le choix t’appartient …” Elle ne veut pas, tu le sais. Elle te veut toi, là, maintenant. Mais ses chaines prévalent sur le reste. Sur l’instant présent. Sur l’envie d’oublier. Et ça t’emmerde. Mais tu ne bougera pas davantage. « C’est trop dangereux… » Les mots sortent mais elle n’a toujours pas quitté son poste, face à toi. Tes yeux sont agrippés à elle. Tu te sens beaucoup plus calme qu’en début de nuit. Les raisons sont diverses et viennent asseoir en toi une certaine prestance. Le sourire en coin, entre dépit et impuissance, tu annonces clairement : “Okay … Je t’en prie” Une main lui indique la voie vers la porte d’entrée alors que l’autre rapproche le joint de ta bouche. Tu souffles lentement et ajoutes dans la foulée : “Je ne te retiendrais pas contre ton grés. Cette fois, je te laisse maitre de tes actions” Traduction : non, tu ne viendrais pas la retenir par un baiser dont tu mourrais pourtant d’envie. Tu ne jouerais pas ce rôle. Tu ne lui volerais pas son libre arbitre et tu refusais de rentrer dans la case de celle sur qui tout pouvait être blâmé. Pas totalement du moins. “Mais du coup, oui, je connais maintenant la réponse à ma question …” Aoutch. Touché dans le mille, Sana. Et probablement pas cool non plus. Mais c’était sorti tout seul. Ton inconscient te poussait à la faire réagir, à la piquer. Ce n’était pas très malin mais il y avait un moment maintenant que tu avais lâché les filtres et les barrières de la bienséance. Ce soir, Neela partirait plus décidée que jamais de son choix à s’éloigner de toi; ou elle finirait par te prouver que tu as tord en vous accordant ce que vous désirez depuis que tu lui avais ouvert la porte tout à l’heure. Tout était possible mais le choix lui revenait entièrement.

feat. @Neela Barnett