i can't sleep without you (kezai #11)

Trois heures du matin, les yeux grand ouverts. Première nuit après ma sortie de l'hôpital, et impossible de trouver le sommeil. Je n'arrive pas à mettre mon cerveau sur pause et à faire taire ces foutues pensées de ma tête. Si seulement c'était aussi facile que d'appuyer sur un bouton "stop". Même si ma césarienne a été réalisée sous péridurale, les douleurs d'après-accouchement sont encore bien présentes. Et le traumatisme me suivra probablement toute ma vie. Je ne voulais pas voir le bébé, mais une seule seconde a suffit. Une seconde de trop, lorsque j'ai ouvert les yeux et croiser son visage. Une image qui hantera mon esprit pour toujours. Est-ce que je serai capable de m'en remettre ? Sans doute jamais totalement. C'est quelque chose qui sera toujours ancré en moi, comme cette cicatrise sur mon corps qui ne s'effacera pas. Les médecins de l'hôpital m'ont proposé de parler à quelqu'un, d'avoir un soutien psychologique si j'en ressentais le besoin. Mais je ne suis pas seule. Mes proches sont là, ma maman, mon beau-père surtout. Et il y a Kai aussi. Elle a veillé sur moi à l'hôpital, et je sais que je pourrai toujours compter sur elle. A n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. C'est elle-même qui me l'a dit. Et là, tout de suite, c'est à elle que je pense. C'est elle que je veux avoir près de moi. Je lui envoie un message, sans grande conviction. A cette heure-là, en plein milieu de la semaine, elle doit très certainement dormir. Comme tous les gens normaux en fait. Il n'y a que moi pour fixer le plafond de ma chambre en plein milieu de la nuit. Foutue insomnie. Et pourtant... je suis surprise de recevoir une réponse de sa part. Mais qu'est-ce qu'elle fout ? Elle arrive. Ok, c'était littéralement pas des conneries. Je me lève de mon lit, d'un bond, et file ouvrir la fenêtre de la buanderie au rez-de-chaussée. Je ne veux pas réveiller les parents, et lui demande de rentrer par-là. La porte d'entrée est à côté de leur chambre, ou presque, et connaissant mon beau-père il serait capable de sortir sa batte de baseball pensant à un cambriolage. Il manquerait plus que ça. Ouais... non, on va éviter les conneries. C'est assez drôle quand même quand on y pense, j'ai l'impression de faire le mur, mais dans le sens inverse. Pas pour sortir en douce de la maison mais pour faire rentrer quelqu'un. Kai ne tarde d'ailleurs pas à arriver, rentrant par la fenêtre avec une dextérité à toute épreuve. « On dirait que t'as fait ça toute ta vie. » Je ne peux m'empêcher de réprimer un léger rire avant de me fondre dans ses bras, comme si c'était tout ce dont j'avais besoin. Je me ravis de retrouver son odeur, son parfum. « Ça t'arrive de dormir sinon la nuit ? » Je lui souris le plus naturellement du monde, le cœur plus léger d'être avec elle. C'est fou à quel point ça va tout de suite mieux à son contact. Elle a cette espèce de pouvoir sur moi, comme si elle seule pouvait me faire du bien. Et de toute évidence c'est le cas.

Avant, j’avais l’habitude de mettre mon téléphone en silencieux la nuit pour être sûre de ne pas être réveillée par toutes les notifications qu’il a tendance à me donner à longueur de journée. Mais depuis que Kai a eu son accident, j’ai désactivé le son de toutes mes applications, pour laisser mon téléphone en sonnerie la nuit, au cas où. Et je fais bien, parce que j’entends la sonnerie qui me fait me réveiller en sursaut. Le coeur à mille à l’heure, je récupère mon portable sur ma table de nuit, baissant immédiatement sa luminosité pour ne pas me flinguer plus longtemps la rétine. C’est Kezia. J’ouvre son sms à la hâte. Elle n’arrive pas à dormir. Je lui réponds du tac-o-tac sans même y réfléchir. J’arrive. Je lui avais promis d’être présente à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Je tiens ma promesse. Je reçois un nouveau sms pendant que je m’habille, elle me demande de passer par la fenêtre de la buanderie. Noté. D’une main sur mon téléphone je me commande un Uber, et de l’autre j’enfile mes basket, manquant de me casser la gueule. Le grenier aménagé trop cool dans lequel je dors chez ma mère est juste au dessus de sa chambre, si bien que je dois mettre des écouteurs et de la musique quand elle font des trucs avec Lise.
C’est donc assez logique que je me fasse prendre en train de descendre l’escalier. « Qu’est-ce que tu fabriques ? Il est quatre heures ! » Elle me fout le flash de son téléphone dans la gueule et je grimace. « Pardon je t’avoir réveillée. C’est Kezia, elle a besoin de moi. » Je finis de descendre l’escalier et plaque un baiser sur sa joue. « Retourne te coucher. » Et je fil droit à l’extérieur où mon chauffeur m’attend. A cette heure là, il ne faut pas longtemps pour arriver chez mon père. Je fais le tour de la maison et me présente à la fenêtre de la buanderie. Je vois le visage de ma demi soeur et lui adresse un large sourire, enjambant la fenêtre avec souplesse. « On dirait que t'as fait ça toute ta vie. » « C’est le cas ! » Je glousse un peu, mais sans faire trop de bruit, et accueille Kezia dans mes bras, l’entourant avec amour. « Ça t'arrive de dormir sinon la nuit ? » Je m’écarte pour la regarder et lui sourire. Si je lui dis que je dormais elle va culpabiliser. Alors j’opte pour un mensonge de circonstance. « J’ai enchaîné les épisodes d’une nouvelle série, j’ai pas vu l’heure, et puis j’ai fait une sieste cet aprem ! » Ça c’est vrai. J’encadre son visage de mes mains pour la regarder, et dépose un baiser sur sa joue, presque au coin de ses lèvres. « Toi par contre tu as besoin de dormir. Allez viens. » Je la prends par la main et après avoir retiré mes chaussures, nous grimpons dans sa chambre. Je me déshabille pour ne rester qu’en t-shirt - mon t-shirt de nuit en plus - et je me glisse avec elle dans son lit. Naturellement j’ouvre mon bras pour qu’elle vienne se blottir contre moi. « T’as pas réussi à dormir du tout de la nuit ? » Son bras autour de mon ventre, de ma main libre je lui fais de petites caresses pour l’apaiser, tendrement.

Je culpabilise un peu de la faire chier en plein milieu de la nuit avec mes conneries. J'sais pas trop pourquoi je lui ai envoyé un message, c'était un acte impulsif et pourtant tellement évident. En même temps je m'attendais tellement pas à ce qu'elle me réponde que je n'ai pas vraiment réfléchi. Je pensais pas qu'elle pouvait être réveillée à cette heure-là. Encore moins qu'elle débarque aussi vite. Mais ça serait mentir de dire que je ne suis pas contente de la retrouver. C'est égoïste de toujours la vouloir près de moi ? Peut-être un peu, et le problème c'est que c'est encore pire maintenant. Depuis mon accident, je n'ai plus envie de rester loin d'elle. De lutter pour ne pas lui parler ou pour ne plus la voir. Quitte à me faire du mal, à me brûler les ailes, encore. Mais j'ai besoin d'elle dans ma vie, et ça, ce n'est pas prêt de changer. La preuve, je me sens déjà beaucoup mieux depuis son arrivée. « J’ai enchaîné les épisodes d’une nouvelle série, j’ai pas vu l’heure, et puis j’ai fait une sieste cet aprem ! » Ouf alors. « Toi par contre tu as besoin de dormir. Allez viens. » Elle dépose un baiser sur ma joue avant de lier mes doigts entre les siens pour monter jusqu'à ma chambre. Je me glisse sous la couette, venant naturellement me blottir dans ses bras. « T’as pas réussi à dormir du tout de la nuit ? » Une grimace se fige au coin de mes lèvres. « Non, pas vraiment. » Depuis que je suis couchée, je fixe le plafond de ma chambre sans grand succès. En réalité, y'a trop de trucs qui fusent dans ma tête. Je pense à tout, à rien aussi, mais surtout je pense à mon bébé. Et à cette image qui me hantera pendant longtemps. « C'est comme si j'avais le cerveau en ébullition. J'te jure, j'ai l'impression qu'il va jamais s'arrêter... j'arrive pas à me détendre. » Foutu pensées à la con. C'est bien connu, c'est toujours à la nuit tombée que le chagrin devient insurmontable. La journée, on pense que tout ira bien. Parce qu'on a l'esprit plus ou moins occupé, et la présence des autres y est pour beaucoup. Mais une fois seule dans sa chambre, bercée dans un dangereux silence, la douleur reprend finalement ses droits. « J'suis désolée, tu avais sans doute mieux à faire que de venir veiller sur moi. » Je sais qu'elle a un mec, alors même s'il est presque quatre heures du mat', peut-être qu'elle aurait préféré le rejoindre lui au lieu de moi. « Mais j'suis contente que tu sois là. » Maintenant qu'elle est là, j'ai encore moins envie de dormir. Mais ça, c'est pas très grave. J'ai envie de profiter d'elle le plus longtemps possible. Je relève la tête pour croiser son regard. « Ça va toi ? » Ces derniers jours, il n'y en a que pour moi. Mais je ne veux pas qu'on se focalise uniquement sur mon accident. Si on peut éviter de parler que de ça, ça m'arrangerait. J'ai juste envie de passer du temps avec elle, et tout oublier.

Elle n’a pas dormi jusque là, et je fais une petite moue, parce que c’est pas comme ça qu’elle va récupérer de son accident et de la perte de son bébé. Mais j’imagine qu’il se passe beaucoup de choses dans sa tête, et c’est compréhensible. « C'est comme si j'avais le cerveau en ébullition. J'te jure, j'ai l'impression qu'il va jamais s'arrêter... j'arrive pas à me détendre. » Je continue mes caresses, d’une main sur son bras, de l’autre dans ses cheveux, et je dépose même un baiser sur son front. « Ça risque d’être comme ça pendant un certain temps, mais ça va s’atténuer. J’en suis sûre. » Je veux être optimiste pour elle, et au fond je sais qu’elle est forte et qu’elle y arrivera. Et puis, je serai là pour elle si elle a besoin. Comme cette nuit. « J'suis désolée, tu avais sans doute mieux à faire que de venir veiller sur moi. Mais j'suis contente que tu sois là. » Je souris et secoue la tête. « Non, j’avais rien de mieux à faire. Et je suis mieux là avec toi que toute seule à enchaîner les épisodes de série. ». D’un côté, je suis contente d’avoir pu retrouver ma mère, vivre avec elle c’est cool, même si j’ai bien compris que parfois elles préfèreraient être seules Lise et elle. Alors j’essaie de faire en sorte de les laisser tranquille et de sortir les soirs où je sais qu’elles vont passer la soirée/nuit ensemble. Leur laisser un peu d’intimité, c’est tout ce que je puisse faire. Et puis, ça me permet de leur faire comprendre que j’ai plus aucun souci avec leur couple. Kezia me demande si moi je vais bien. Je hoche la tête en souriant. « Oui, ça va. » Certaines choses ont changé depuis que je ne vis plus avec elle. J’ai de plus en plus de contrats avec l’agent de mannequinat avec laquelle je bosse, j’ai largué mon mec, je vis chez ma mère en attendant de pouvoir avoir un appart à moi… Mais étrangement c’est pas trop des sujets auxquels j’ai envie de parler avec elle, pas ce soir en tout cas. « Tout va bien oui. Mieux encore ce soir. » Etrangement. Ou pas. « Tu sais ce qu’on devrait faire ? Partir quelques jours juste toutes les deux, pas loin, mais juste pour voir un peu autre chose, souffler et penser à autre chose. Qu’est-ce que t’en penses ? » Je n’ai aucune arrière pensée, je sais que de toute manière, les choses sont délicates entre nous, je sais pas vraiment sur quel pied danser, mais j’ai pas non plus envie de me prendre la tête. Je sais juste que je veux être là pour elle.

Depuis qu'elle est arrivée, je me sens beaucoup mieux. Je ne pense plus à rien d'autre qu'à elle. Nous. Ce sentiment de plénitude que je ressens à son contact vaut bien plus que tout l'or du monde. En réalité, je ne regrette absolument pas de lui avoir envoyé un message. Si je ne l'avais pas fait, nous en serions certainement pas là. Et j'aurais tout loupé. Logée dans ses bras, mon corps blotti contre le sien, je me laisse complètement bercer par la douceur de ses caresses. Et dieu sait à quel point elles avaient pu me manquer... ma demi-sœur arrive instinctivement à m'apaiser, juste en étant là, tout près de moi. « Non, j’avais rien de mieux à faire. Et je suis mieux là avec toi que toute seule à enchaîner les épisodes de série. » Un sourire béat se dessine sur mes lèvres alors que je m'intéresse un peu à elle, pour savoir comment elle va. Avant mon accident, je n'avais pas réellement eu de contact avec elle. Parce que c'était ce qu'on pensait être le mieux pour nous, bêtement. Ça a toujours été compliqué entre nous, avec tout ce qu'il s'est passé. Et pourtant, c'est comme si une force extérieure incommensurable nous ramenait toujours l'une vers l'autre. Comme des aimants impossible à dissocier. Et même si c'est à cause de mon accident, je suis heureuse de pouvoir la retrouver. Comme avant. Enfin... presque. Il y a toujours cette part de moi qui aimerait avoir plus. Et ça, je crois que ça ne changera jamais. Mais c'est impossible, et ce pour de trop nombreuses raisons. Mon coeur saigne à chaque fois que j'y pense. « Tout va bien oui. Mieux encore ce soir. » Je suis rassurée de l'entendre. Je ne sais pas trop ce qui se passe dans sa vie depuis la crémaillère de nos parents, mais je suis contente qu'elle aille bien. Je ne veux surtout pas qu'elle mette sa vie de côté à cause de moi. Bon, je sais qu'il faudra pas que j'abuse trop de sa présence. Même si, entre nous, c'est plutôt addictif. Et c'est surtout la seule personne à être capable de me faire oublier tout ça. Mais je ne veux pas être égoïste non plus. « Tant mieux alors. » Je laisse glisser ma main sur son ventre, lui faisant à mon tour des petites caresses. « Tu sais ce qu’on devrait faire ? Partir quelques jours juste toutes les deux, pas loin, mais juste pour voir un peu autre chose, souffler et penser à autre chose. Qu’est-ce que t’en penses ? » Je pense immédiatement à Bali, et à notre séjour rien que toutes les deux à l'autre bout du monde. Dans cette bulle qui n'appartenait qu'à nous. Et mon coeur s'emballe. « Dis pas ça, j'suis capable de te laisser m'embarquer là, tout de suite, en plein milieu de la nuit. » Bon ok, ce n'est théoriquement pas possible mais bon ça serait fou. « Ça serait cool, j'crois que j'ai vraiment besoin de penser à autre chose. » Et c'est le cas de le dire. « Tu voudrais aller où ? » Moi je m'en fous, tant que je suis avec elle, j'peux aller n'importe où. Il n'y a rien qui me retient.

Je rassure la jeune femme, je ne veux pas qu’elle culpabilise de m’avoir réveillée, après tout, j’avais promis d’être là pour elle jour et nuit, je ne fais qu’honorer ma promesse. Et puis, je n’aurai manqué ça pour rien au monde. Etre avec elle, contre elle, dans son lit, pour le restant de la nuit. C’est mieux encore que ce que je pouvais espérer. Je m’en veux encore d’avoir dans un coin de ma tête ce sentiment, celui de me sentir un peu soulagée qu’il n’y ait plus ce bébé pour nous séparer. C’est horrible de penser une chose pareille et pourtant c’est plus fort que moi. Et je me déteste pour ça. Je lui propose qu’on aille un peu se changer les idées quelque part, ailleurs, juste nous deux. Je sais qu’elle ne pourra jamais oublier ce qu’elle vient de vivre, mais je peux au moins essayer d’apaiser les pensées qui trottent sans cesse dans sa tête.« Dis pas ça, j'suis capable de te laisser m'embarquer là, tout de suite, en plein milieu de la nuit. » Je ne peux retenir un rire de franchir la barrière de mes lèvres. Je crois qu’elle est partante. « Ça serait cool, j'crois que j'ai vraiment besoin de penser à autre chose. Tu voudrais aller où ? » Je hausse un peu les épaules, souriante, sans jamais m’arrêter de lui offrir ces gestes de tendresse qui me semblent redevenus si naturels. « Je sais pas trop, je viens d’y penser je t’avoue que j’y ai pas encore réfléchi. » Je cale ma tête contre la sienne, respirant l’odeur de ses cheveux, de sa peau, qui m’avait tant manqué. « Et si on allait à Las Vegas ? J’suis sûre qu’il doit y avoir des concerts de fou. » On pourra pas aller au casino, Kezia n’est pas encore majeure. « Par contre t’as pas encore l’âge pour qu’on se marie devant Elvis. Je suis désolée de te décevoir. » Je ris naturellement de ma connerie. Je prends ça à la rigolade, mais je ne peux nier qu’au fond, au fond fond de moi, quelque chose s’est passé. Comme si c’était quelque chose qui pourrait être possible dans ma tête, pour l’avenir. Il faut croire que j’ai pas mal évolué. « Sinon on peut aussi aller camper dans le désert. Ou trouver une yourte ou une cabane dans les arbres. » Je sais pas trop comment elle se sent, physiquement parlant, est-ce qu’elle a envie de bouger ? Est-ce qu’elle a mal ? Et ce sont des questions que je n’ose pas vraiment poser à vrai dire…

Je suis bien avec elle, et je ne pense plus à rien d'autre. Elle veut m'emmener quelques jours ailleurs, juste elle et moi. C'est une bonne idée, et ça me ferait sans doute le plus grand bien. De toute évidence je ne suis pas encore prête à retourner à l'université, pas tout de suite, pas après ce que j'ai vécu. Je n'ai pas envie de devoir en parler aux gens. Et pourtant je sais bien que je ne pourrais pas le cacher indéfiniment. Revenir du jour au lendemain comme si de rien n'était n'est malheureusement pas possible. Il y a un élément physique qui ne peut être anodin... mon ventre est redevenu plat, ou presque. J'ai surement deux ou trois kilos de plus qu'avant, mais je ne ressemble plus en rien à une femme enceinte, ça, c'est certain. Je ne suis pas encore prête à affronter leur regard. Leur pitié aussi. L'idée de m'enfuir quelques jours avec ma demi-sœur est bien meilleure. Même si je ne sais plus vraiment sur quel pied danser avec elle, même si je ne pourrais sans doute pas empêcher mon coeur de l'aimer. Mes sentiments ont toujours été là, au plus profond de moi. Ils le sont encore. Et la distance que nous nous sommes infligée n'a malheureusement pas aidé ces derniers à s'envoler. Au contraire... c'est comme s'ils devenaient de jour en jour un peu plus forts. « Je sais pas trop, je viens d’y penser je t’avoue que j’y ai pas encore réfléchi. » Elle cale sa tête contre la mienne, et je lutte de toutes mes forces pour ne pas tourner le visage vers elle de peur de me retrouver un peu trop proche de ses lèvres. J'aurais envie de l'embrasser, je me connais. « Et si on allait à Las Vegas ? J’suis sûre qu’il doit y avoir des concerts de fou. » Las Vegas, ça fait rêver. Je n'y suis encore jamais allée en plus. De toute façon, elle pourrait me proposer n'importe quoi que ça me ferait envie. Je suis même capable de rester enfermée avec elle dans un clapier que ça ne me dérangerait même pas. « Han oui, ça peut être trop bien ! » Est-ce qu'on sent déjà toute mon excitation ? Oui un peu, rien qu'un peu. « Par contre t’as pas encore l’âge pour qu’on se marie devant Elvis. Je suis désolée de te décevoir. » Je ne suis effectivement pas majeur et ne peut pas avoir tous les privilèges qu'elle elle peut avoir. Comme aller au casino, ou se marier dans une chapelle devant Elvis. Je lui souris, rentrant volontairement dans son jeu. « Ah bah oui merde, ça vaut pas le coup alors. » Je ris un peu avant d'ajouter. « C'est le mariage ou rien. » Est-ce qu'on est vraiment en train de plaisanter sur notre mariage ? Pourtant, c'est naturel, tout comme notre complicité qui ne nous a jamais réellement quitté. « Sinon on peut aussi aller camper dans le désert. Ou trouver une yourte ou une cabane dans les arbres. » Pourquoi pas faire les deux ? Je sais que je devrais me reposer, faire attention de ne pas trop bouger dans les jours à venir, mais en réalité je m'en fous. Le plus important pour moi est de pouvoir profiter d'elle. « On peut aller faire une virée à Vegas, et se trouver un coin tranquille sur la route du retour. » Je pense que c'est tout à fait faisable. « Mais ton boulot ? » Elle a peut-être des impératifs prévus ou d'autres choses. Et puis je pense aussi à son mec... enfin je sais pas, je ne veux pas l'accaparer trop longtemps, même si ce n'est pas l'envie qui me manque. « T'es sûre que ça dérangera pas ? T'as pas des trucs prévus avec Diego ? » Ouais, c'est une façon plus ou moins détournée de lui demander ce qu'il en est entre eux. « Par contre c'est pas comme ça que je vais réussir à mieux dormir moi, je suis déjà toute excitée. » Je suis vraiment capable de partir sur un coup de tête dès que le soleil se sera levé, c'est pas des conneries.

Kezia a l’air partante, peu importe ce que je peux bien lui proposer. Elle a besoin de changer d’air, et ça se comprend. A moi de trouver une super idée pour l’emmener quelque par où elle pourra être un peu dépaysée et ne pas trop penser. Je fais un peu d’humour concernant notre hypothétique mariage. « Ah bah oui merde, ça vaut pas le coup alors. C'est le mariage ou rien. » Je ris avec elle, amusée qu’elle soit entrée dans mon jeu naturellement. Je vois quand même que je suis un peu plus à l’aise avec tout ça. Sans doute que toutes ces discussions avec ma mère m’ont un peu aidée. Je propose une autre idée, pour laisser le choix à ma demi-soeur. « On peut aller faire une virée à Vegas, et se trouver un coin tranquille sur la route du retour. » C’est une idée pas si mal, un peu d’animation à Vegas, et finalement plus de tranquillité sur le retour. Je lui souris et hoche la tête. « Bonne idée ! » C’est alors qu’elle me demande mon boulot. Sous texte, est-ce que ça risque de poser problème ? Je secoue un peu la tête. « Mon prochain shooting est prévu la semaine prochaine, et j’ai un essai pour un défilé la semaine suivante. Mais d’ici là, j’ai rien de prévu. » Ma carrière est naissante, il faut le temps que ça prenne, qu’il y ait un déclic, que je me fasse vraiment repérer. « T'es sûre que ça dérangera pas ? T'as pas des trucs prévus avec Diego ? » Ah. Diego. Le voilà qui arrive dans la conversation. « On se voit plus trop en ce moment, il est parti quelques semaines pour un boulot au Mexique, et depuis qu’il est rentré il est un peu différent. » Je soupire légèrement. De toute manière, je m’attendais pas à grand chose avec lui. Dans ma tête, et dans mon coeur, il n’y a de la place que pour Kezia, même si c’est bien compliqué. Kezia m’avoue être trop excitée pour dormir, et je me mets à rire. « Il faut que tu dormes si on veut partir quelques jours, il faut que tu sois un peu en forme quand même ! » Je continue de la câliner tendrement, glissant cette fois mes doigts dans ses cheveux avant de lui murmurer. « Maintenant que je suis là, tu peux dormir. » Je veille.

C'est le compromis idéal de faire les deux. Las Vegas pour un peu de folie, et un endroit plus calme pour le retour en guise de détente et de tranquillité. Mais il ne faut pas que cette idée de road-trip ne soit entachée par une quelconque obligation. Kai me rassure à ce sujet-là, elle n'a rien de prévu avant la semaine prochaine. De mon côté, il n'y a rien qui me retient. Je me renseigne sur son boulot, mais pas que. Sur Diego aussi. Parce que c'est plus fort que moi d'essayer de savoir. Je ne peux pas vraiment me permettre de lui demander de but en blanc comme ça ce qu'il en est exactement entre eux. Ça se fait pas vraiment, surtout venant de ma part... c'est déplacé. Délicat aussi. Et pourtant une part de moi a besoin de savoir. Mon coeur se serre dans ma poitrine à chaque fois que je l'imagine avec lui. Ou avec n'importe qui d'autre d'ailleurs. Je crois que c'est encore plus qu'un simple sentiment de jalousie. C'est fou à quel point tous mes sentiments semblent décuplés avec elle. C'est limite une obsession. « On se voit plus trop en ce moment, il est parti quelques semaines pour un boulot au Mexique, et depuis qu’il est rentré il est un peu différent. » C'est grave si je suis contente de l'apprendre ? Ouais peut-être, mais c'est plus fort que moi. Même si ça ne veut pas vraiment dire qu'ils ne sont plus ensemble non plus, rien d'officiel en tout cas. Mais c'est déjà mieux que rien. « Ah... d'accord. » J'arrive pas réellement à faire semblant d'être désolée. Et en même temps c'est pas comme si j'avais vraiment envie de le faire. Quand je suis seule avec elle, je ne veux penser à rien d'autre qu'à nous. Parce que c'est elle et moi. Le reste, les autres, on s'en fout. « Il faut que tu dormes si on veut partir quelques jours, il faut que tu sois un peu en forme quand même ! » Elle a raison. Avec la fatigue de l'hôpital, le retard de sommeil accumulé, je ne peux pas partir quelques jours avec elle dans cet état. Si c'est pour être un zombie ambulant ça ne sert à rien. « Maintenant que je suis là, tu peux dormir. » Je cale ma respiration au rythme de ses caresses, avant de lui murmurer en retour. « Merci Kai. » D'être venue me rejoindre en plein milieu de la nuit, d'être là pour moi, et pour tout le reste aussi. Je finis par m'endormir, confortablement installée dans ses bras. Sentir et savoir qu'elle est tout contre moi m'apaise et me fait beaucoup de bien. En réalité je n'ai jamais aussi bien dormi que quand je suis avec elle. Ça, c'est une évidence. Je me réveille la première, et les quelques rayons de soleil qui se faufilent à travers les volets de la chambre mettent aisément en lumière le corps de ma demi-sœur à mes côtés. Elle est torse nu, et je ne peux m'empêcher de sourire. Si elle a eu chaud pendant la nuit, ce n'est pas pour me déplaire. Elle est tellement belle... mes doigts glissent le long de son corps, sur sa peau, flirtant sur son ventre et à la naissance de sa poitrine. C'est plus fort que moi. De la voir aussi parfaite, allongée là, comme ça, me rappelle beaucoup trop de souvenirs. Des souvenirs que je ne pourrais jamais oublier et que je rêve secrètement de pouvoir vivre à nouveau. Mais la blonde commence à bouger, et je m'arrête brusquement comme prise en flagrant délit. « Bien dormi ? » Je fais comme si de rien n'était, en espérant qu'elle ne se soit rendue compte de rien. « T'as eu un peu chaud cette nuit non ? » Ajoutais-je en rigolant un peu.

Kezia me demande si je n’ai pas de trucs prévus avec mon petit ami. Je la rassure en lui disant qu’on se voit peu en ce moment, et puis c’est plus vraiment comment avant. Ça n’a pas l’air de la perturber plus que ça, je crois même que je peux deviner un léger sourire au coin de ses lèvres. Je ne dis rien, je me contente de la regarder faire. Mais il est temps de dormir, et je la rassure en lui disant que je suis là pour elle. Elle ne met pas longtemps à se laisser sombrer dans les bras de Morphée, et je la suis de près, après qu’elle se soit endormie dans mes bras. Je me réveille doucement en sentant les doigts de Kezia se faufiler sur mon ventre. Je frissonne alors que mon corps n’est même pas encore réveillé. J’ouvre un oeil en grognant légèrement. Pas un grognement parce que je suis pas contente, juste parce que je me réveille, tout simplement. « Bien dormi ? T'as eu un peu chaud cette nuit non ? » dit elle en rigolant. Je me rends seulement compte que j’ai viré mon t-shirt dans la nuit. Ça m’étonne pas, j’ai l’habitude de dormir quasiment nue et j’étouffe vite la nuit. « Hum. Ouais, on dirait. » Je récupère le drap que je remonte au-dessus de ma poitrine, même si bon, c’est un peu tard. « Et toi, t’as bien dormi ? » Je lui souris et replace une mèche de ses cheveux derrière son oreille. « Alors, toujours motivée pour aller nous changer les idées ? » Je récupère mon téléphone sur la table de nuit et commence à regarder les options qui s’offrent à nous. Je lui fais quelques propositions, analyse un peu ce qui peut bien être intéressant. Et puis alors que j’étais sur le point de cliquer sur la réservation, j’entends des pas dans le couloir. «  Kezia chérie tu es réveillée ? » Putain, ma belle-mère. Je fais quoi ? Je regarde Kezia avec des yeux gros comme des soucoupes. Je suis dans son lit, quasiment à poil, et clairement j’ai rien à foutre ici. Et maintenant JE FAIS QUOI ?

Les quelques heures de sommeil dans les bras de ma demi-soeur m'ont fait le plus grand bien. Pourtant je n'ai pas dormi longtemps c'est vrai, mais c'était un sommeil profond et réparateur. A croire qu'il n'y a qu'avec elle que j'arrive à me sentir aussi bien. Je suis surprise de voir en me réveillant qu'elle n'a plus son tee-shirt mais ce n'est pas pour me déplaire. Loin de là. C'est plus fort que moi que de vouloir profiter de la vue, tout en la regardant dormir. Pourquoi faut-il qu'elle soit aussi parfaite ? J'ai envie de toucher son corps, caresser sa peau, et la tentation est bien trop grande pour que je sois capable d'y résister. C'est bien connu, avec elle je suis faible. Terriblement faible d'ailleurs. Ça a toujours été le cas, depuis le début, et je crois que ça ne changera jamais. Quoi que je puisse faire, quoi qu'il puisse se passer entre nous, Kai sera toujours la seule à me faire cet effet. La blonde remonte le drap pour camoufler sa poitrine, et je souris. Ce n'est pas comme si je ne l'avais jamais vu. Mais ok, c'est peut-être un peu étrange quand même. « Et toi, t’as bien dormi ? » Je m'étire un peu, gardant ce petit sourire au coin des lèvres. « A merveille. » Étrangement j'ai dormi d'une traite et je n'ai pas fait un seul cauchemar. Ce n'est pas anodin, et je sais que la présence de Kai à mes côtés y est pour beaucoup. « Alors, toujours motivée pour aller nous changer les idées ? » Quelle question. Je n'ai pensé qu'à ça depuis que j'ai ouvert les yeux. Ou presque. Il y a eu d'autres pensées qui sont venues me court-circuiter un peu l'esprit en passant. On se demande bien pourquoi. « Evidemment. » On regarde alors ensemble les possibilités qui s'offrent à nous sur son portable. Mais la voix de ma mère derrière la porte se fait entendre. « Kezia chérie tu es réveillée ? » Mon corps se raidit brusquement. Merde. Kai n'a rien à foutre dans ma chambre, encore moins dans cette tenue. Je connais ma mère et ses habitudes, elle va rentrer d'une minute à l'autre pour venir me dire bonjour. C'est la merde. Je préfère ne pas répondre, pour laisser le bénéfice du doute et gagner du temps. Des secondes précieuses pour laisser l'opportunité à Kai de se planquer. Je murmure quelques mots à l'attention de ma demi-soeur, le coeur battant. « Cache-toi sous le lit ou dans le placard. » Là, tout de suite, je ne vois pas ce qu'elle peut faire d'autre. Kai choisit la deuxième option alors que je réponds finalement à ma mère. « Oui, deux minutes je vais descendre. » Mais évidemment ça ne suffit pas pour la dissuader d'entrer. « Ça va ma chérie ? Comment tu te sens ? » Elle vient me prendre dans ses bras et je tente de rester naturelle. « Oui maman, ça va. » Le regard de ma mère fixe le tee-shirt de Kai au sol avant de le ramasser pour le poser sur le lit. « C'était pas à Kai ce tee-shirt ? » Oh putain. Je crois que mon visage est en train de se décomposer. « Euh si peut-être, j'ai encore quelques affaires à elle qui traînent depuis le déménagement. » Heureusement, elle ne pose pas d'autres questions. « J'ai préparé le petit-déjeuner, c'est juste toi et moi ce matin. Je te laisse te préparer et on mange ensemble ? » Je hoche vivement la tête alors que ma mère finit par redescendre. Ouf, c'était moins une. Je me lève en direction du placard pour donner le feu vert à Kai. Mon coeur a du mal à retrouver un rythme normal. « C'est bon, la voie est libre. » Enfin pour le moment. Parce qu'il faut encore qu'elle puisse se faufiler hors de la maison sans se faire voir.

Ma première question est de savoir si elle a bien dormi, et à en croire son sourire, la réponse est positive. « A merveille. » Je souris de plus belle, heureuse qu’elle ait réussi à récupérer un peu de sommeil, en ma compagnie. Je lui demande quand même si elle est toujours aussi motivée pour qu’on aille prendre un peu l’air, et là encore la réponse est positive. Mais je n’ai même pas le temps de trouver une idée béton que nous entendons la voix de sa mère approcher. Merde merde merde. « Cache-toi sous le lit ou dans le placard. » Quoi ?? Mais on dirait un putain de film ! Je saute du lit et entre en trombe dans la penderie de la jeune femme, même pas le temps de fermer la porte, je suis juste faxée eau milieu de ses robes, et j’essaie de ne pas respirer. Ou pas trop bruyamment. Ma belle-mère entre dans la chambre et commence une discussion avec Kezia. Elles parlent de mon t-shirt. Génial. Qu’elles fassent vite, je suis pas dans la meilleure position qui soit, il faudrait pas que je me casse la gueule.
Une fois sa mère enfin repartie, Kezia me donne le feu vert pour sortir de ma planque. On a échappé belle à une situation franchement équivoque. Mon avant bras plaqué sur mon buste pour un minimum de pudeur, je récupère mon t-shirt que j’enfile à la volée. « Bon maintenant faut que je sorte d’ici. » Je mords la lèvre inférieure pour me retenir de rire, parce que faut dire que la situation est plutôt cocasse. Je ne vais pas tenter de passer par la fenêtre, ça va en montant, mais en descendant je ne suis pas à l’aise. Le plan, c’est qu’elle entraine sa mère un moment dans la cuisine, pour que je puisse m’éclipser par le salon, en catimini. Avant l’opération Cobra, je glisse une main dans le dos de la brunette et dépose un baiser au coin de ses lèvres. Je lui dis sans un bruit, juste en articulant et en joignant le geste à la -non- parole, que je l’appelle. Le plan se déroule à merveille et je peux rentrer chez moi sans encombre. Maintenant, il faut que je choisisse un endroit pour y passer quelques jours, juste elle et moi.