life hangs by a thread (kezai #10)

Wyatt a compris pour Kai. Pour ce qu'il s'est passé à Bali, pour ce truc qu'il y a entre nous. J'ai essayé de nier, mais de toute évidence je ne suis pas une bonne menteuse. Et je crois qu'il a finalement des doutes depuis le début. C'était le mieux placé pour s'en rendre compte, pour me comprendre. Parce qu'il me connait par cœur, et que je suis incapable de lui cacher quoi que ce soit. Voilà comment j'en suis arrivée à lui faire du mal. Encore. A croire que l'histoire se répète, que mes erreurs s’enchaînent. Avec lui, comme avec Kai d'ailleurs. J'ai l'impression que ma vie continue de voler en éclats, comme si ça n'allait jamais s'arrêter. Et je me sens mal, désormais seule au monde. C'est peut-être tout ce que je mérite finalement. Merci le karma. Pourtant, mon premier réflexe est de vouloir en parler avec ma demi-sœur. De lui dire que Wyatt est au courant. Après tout, elle est concernée aussi dans cette histoire et c'est normal de la prévenir ? Mais c'est bizarre quand même, on ne s'est pas reparlé depuis la crémaillère. Depuis ce qu'il s'est passé, et ses au-revoir qui sonnaient une nouvelle fois comme des adieux. Je pourrais lui envoyer un sms, et le tour est joué. Mais j'ai besoin de plus que ça... j'ai besoin de lui parler, d'entendre sa voix. Malgré tout ce qu'on a pu se dire la dernière fois, je ne peux m'empêcher de penser à elle. C'est plus fort que moi, c'est quelque chose que je n'arrive définitivement pas à contrôler. Elle me manque, c'est une évidence. Alors que je suis en chemin pour rentrer à la maison après l'université, je pianote sur mon portable hésitant plusieurs longues minutes avant d'appuyer sur son numéro. Je ne sais même pas si elle va vouloir me répondre. Mais finalement, quitte à me prendre un vent, je me lance quand même. Je suis plus à ça près de toute façon. « Allo ? » Mon cœur manque un battement, alors qu'un sourire s'affiche inconsciemment sur mes lèvres lorsque j'entends sa voix. Ça me fait tellement de bien. « Hey ! Je sais, tu dois être surprise de m'entendre... mais j'avais besoin de te parler. Il s'est passé quelque chose... » Je n'ai pas le temps de réagir, ni de comprendre ce qui est en train de se passer que le choc me propulse en arrière, mon portable s'écrasant sur le sol dans un bruit sourd. Cette voiture a pourtant essayé de freiner, pour tenter de m'éviter. Mais il manquait encore quelques mètres... la distance était trop courte, et le choc inévitable. J'entends les gens crier, comme un vent de panique, avant de perdre connaissance. Le trou noir. Heureusement, le choc n'a pas été trop violent. Le freinage de la voiture a limité de gros dégâts. Enfin... pas tous. Même si ça, je ne le sais pas encore. Je me réveille entre les quatre murs d'une chambre d'hôpital, complètement déboussolée, avec des contusions et des douleurs qui se réveillent dans tout le corps. Mon regard se pose sur Kai, alors que je suis incapable de me souvenir de quoi que ce soit. « Qu'est-ce qu'il s'est passé ? » Et qu'est-ce qu'elle fait là d'ailleurs ?

Lorsque je vois le prénom de ma demi-soeur s’afficher sur l’écran de mon téléphone, j’ai un mauvais pressentiment. Quelque chose cloche. Pourquoi elle m’appelle ? La dernière fois qu’on s’est vues on a fait une connerie, et on s’est quittées - ou du moins je suis partie - avec un discours digne d’adieux. Si elle m’appelle, c’est que c’est important, et malgré une part de moi qui voudrait ne pas répondre, je choisis de décrocher. Mon ‘Allo’ est inquiet, mais sa voix plus guillerette me rassure. Un peu. « Hey ! Je sais, tu dois être surprise de m'entendre... mais j'avais besoin de te parler. Il s'est passé quelque chose... » Pas rassurée bien longtemps. Je fronce les sourcils, le coeur battant un peu plus fort, l’inquiétude se frayant un chemin dans tout mon être. « C’est vrai que ça m’a surprise que tu m’appelles. Tout va bien ? Rien de grave ? » Mais je n’aurai pas immédiatement la réponse à cette question. Au bout du fil, j’entends un crissement de pneus strident qui me pousse à éloigner mon téléphone de mon oreille. Lorsque je le rapproche, c’est une succession de bruits de casse qui me viennent aux tympans. « Kezia ? KEZIA ??? KEZIA REPOND MOI ! » Bordel. Dans un moment de lucidité, je raccroche et utilise la fonction localiser de mon téléphone pour trouver le sien. Je connais ses identifiants et grâce à son mot de passe je parviens dans la seconde à localiser l’emplacement de son téléphone. Sans tarder je sors de chez ma mère et me rends sur place. Il me faut une bonne dizaine de minutes, je suis aussi rapide que les secours. Les sirènes arrivent dans mon dos au moment où je rejoins l’attroupement au milieu de la route. Je hurle à tout le monde de se pousser. Je sais que c’est elle. Je m’agenouille à ses côtés, paniquée. Elle respire encore mais elle est inconsciente. Les secours prennent le relais, j’ai même pas le temps de lui dire quoi que ce soit. Je suis en larmes, j’ai peur, j’ai mal, je ne sais pas ce qu’il va se passer, tout va trop vite.

***

Assise sur le fauteuil près du lit, j’attends. Les minutes s’égrainent à une allure si lente qu’on dirait des heures. Kezia est allongée là sur ce lit d’hôpital. Les bips des machines sont réguliers, autant que l’est sa respiration. Mon regard ne peut se décoller de son visage tuméfié et de ces quelques bandages et pansements qui cachent des plaies plus ou moins importantes. Mais tout ça, c’est superficiel. Les médecins l’ont dit. Elle s’en tire bien, elle. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Nos parents sont descendus boire un café et prendre un peu l’air, on la veille depuis longtemps déjà, et moi, je ne veux surtout pas bouger d’ici. Je me sens responsable, et même si je n’ai plus peur pour sa vie, j’ai peur du moment où elle saura qu’elle a perdu son bébé. Voilà qu’elle se réveille et je me lève à la hâte pour me rapprocher d’elle, n’osant même pas la toucher. Elle me demande ce qu’il s’est passé. Mon regard s’emplit de larmes. « Tu… tu te souviens pas ? Tu m’as appelée, et tu t’es fait renverser par une voiture. » Je glisse mes doigts dans sa main, caressant cette dernière du bout de mon pouce. « Comment tu te sens ? »

Je mets quelques longues minutes à émerger avant de finalement ouvrir les yeux entre les quatre murs blancs de cette chambre d'hôpital. Le bip des machines accompagnent un lourd silence, glacial. Que s'est-il passé ? Je tourne la tête, et mon regard rencontre un visage familier. Kai est là, à mon chevet, le visage humidifié par les larmes. Je repense instinctivement à notre dernier moment ensemble, lors du repas de crémaillère. Ces adieux me reviennent en mémoire et mon cœur se brise encore, une énième fois. Je ne comprends pas ce qu'elle fait là. Comme je ne comprends pas ce qui s'est passé pour que je me retrouve clouée dans ce lit d'hôpital. C'est pas normal. J'ai beau essayer de rassembler mes souvenirs, c'est le trou noir. La dernière chose dont je me souviens, c'est d'avoir été à l'université aujourd'hui, comme une journée de cours normale. Mais c'est pourtant pas normal de se réveiller à l'hôpital après avoir été inconsciente. Et l'inquiétude que je peux lire dans le regard de ma demi-sœur est réelle. Je ne l'ai jamais vu comme ça. C'est ce qui me pousse à comprendre la gravité de la situation, alors que je sens en parallèle d'intenses douleurs me broyer le corps tout entier. J'ai mal partout, mes jambes sont lourdes, et ma tête me fait un mal de chien. « Tu… tu te souviens pas ? Tu m’as appelée, et tu t’es fait renverser par une voiture. » Je mets un peu de temps à assimiler ses mots, et à comprendre la situation. « Comment tu te sens ? » Si je sens la douleur, c'est plutôt une bonne chose non ? Je peux en tout cas sentir et bouger mes jambes, comme le reste des parties de mon corps. « J'ai l'impression que mon corps est passé sous un rouleau compresseur, mais a part ça, ça va... enfin je crois. » Je me fie juste à mes sensations et n'ai encore aucune certitude pour l’instant. Je ne sais pas ce qu'il en est exactement, ce que les médecins ont dit, mais je crois que le pire a été évité. Malgré les nombreuses contusions, les dégâts physiques n'ont pas l'air très importants. « Les médecins sont déjà passés ? » Un flash violent de l'accident revient brusquement à la surface. Je me revois être au téléphone avec elle, avant de traverser sur ce passage piéton. J'entends à nouveau le bruit strident du crissement des pneus de cette voiture, que je n'avais pas vu arriver de l'autre côté de la chaussée. Et la panique s'empare instinctivement de moi. Dans un élan de lucidité, je porte finalement ma main jusqu'à mon ventre comme un mauvais pressentiment. Y'a un truc qui cloche, et mon instinct maternel le sent tout de suite. Je tente de me redresser du lit, gigotant un peu dans tous les sens. « Dis-moi que le bébé va bien, j'ten supplie... » Mais le regard de Kai est loin d'être rassurant.

Je suis contente qu’elle soit réveillée, mais en même temps, je sais que le temps qui me sépare du moment où elle posera la question pour son bébé, ne sera pas long. Et ça me fait chier d’être toute seule pour vivre ça. Pourquoi c’est moi hein ? « J'ai l'impression que mon corps est passé sous un rouleau compresseur, mais a part ça, ça va... enfin je crois. » C’est normal ça. Je reste près d’elle et prends délicatement sa main, sans la serrer, juste pour lui montrer que je suis là, que je la soutiens. Malgré le fait qu’on essaie de se tenir l’une et l’autre à distance. « Les médecins sont déjà passés ? » Je hoche la tête. « Oui, ils ont dit que tu avais eu de la chance vu la vitesse du choc, et tu n’auras aucune séquelle. » Enfin, mis à part la perte du bébé. Un silence s’installe, je vois dans son regard qu’elle se refait le film de l’accident, ça lui revient, et la question ne tarde pas. « Dis-moi que le bébé va bien, j'ten supplie... » Je garde mon regard ancré au sien. Pitié, papa, ramenez votre cul. Pitié qu’une infirmière ou un médecin entre. Je tourne la tête vers la porte, mais rien. Elle n’attendra pas plus longtemps pour sa réponse. Et puis, je suis sûre qu’elle le sent. Une mère, ça sent ces choses là non ? Je déglutis et pose mon regard cette fois sur nos mains, je n’arrive pas à la regarder. « Je… je voulais pas être celle qui allait te le dire… je suis désolée. » J’ai envie de pleurer mais je me l’interdis. En soi, ça m’est un peu égal que le bébé ne soit plus là, on peut pas dire que j’y étais attachée. Mais elle… et Wyatt… j’ai mal au bide. « Ils ont tout essayé, ils se sont même demandé s’ils allaient pas faire une césarienne pour le faire venir au monde plus tôt et le sauver mais c’était trop tard. » Je secoue un peu la tête, et la regarde cette fois, mais cette vision me brise le coeur. « J’ai appelé Wyatt il arrive. Je lui ai rien dit, mais je pourrai le faire si tu veux. Je… je suis tellement désolée Kez… » Ma voix est nouée, j’aurai préféré que les choses se passent autrement, c’est sûr. Et elle n’a pas fini d’en baver en plus, parce qu’elle n’était plus très loin du terme, et qu’elle va devoir vivre quand même son accouchement, mais en mettant au monde un bébé… mort. Comment peut-on survivre à une chose pareille ? Peut-être qu’ils l’endormiront et lui feront la césarienne dont ils avaient parlé ? Quoi qu’il arrive le traumatisme la suivra sans doute pour toujours. J’aimerai pouvoir faire plus que ça, mais mon soutien, c’est tout ce que je peux malheureusement lui apporter.

Apparemment, j'ai eu de la chance. Les médecins se sont prononcés sur mon état et je n'aurais aucune séquelle. C'est plutôt une bonne nouvelle. Alors pourquoi j'ai toujours ce même mauvais pressentiment ? La vulgaire impression qu'il y a un truc qu'elle ne me dit pas. Cette sensation étrange qui reste là, ancrée à l'intérieur de moi. La vitesse du choc a été violente, et les douleurs qui me compriment le ventre à cet instant ne sont pas normales. Je pense immédiatement au pire, posant ma main sur mon ventre comme dans un réflexe. Est-ce que mon bébé va bien ? Le visage de ma demi-sœur se décompose sous mes yeux lorsque j'ose finalement lui poser la question. « Je… je voulais pas être celle qui allait te le dire… je suis désolée. » Une boule vient se loger au fond de ma gorge, alors que je sens mon cœur se comprimer dans ma cage thoracique. « Ils ont tout essayé, ils se sont même demandé s’ils allaient pas faire une césarienne pour le faire venir au monde plus tôt et le sauver mais c’était trop tard. » Ses mots continuent de sortir de ses lèvres, mais je n'arrive plus à les entendre. Tout devient complètement sombre dans mon esprit. J'ai mal, putain. Comme un coup de poignard reçu en plein cœur. Une douleur insupportable qui s'installe dans mon corps tout entier. Ma vision se trouble, et un vide immense prend alors entière possession de mes sens. « J’ai appelé Wyatt il arrive. Je lui ai rien dit, mais je pourrai le faire si tu veux. Je… je suis tellement désolée Kez… » Je suis comme paralysée, le regard dans le vide. La douleur qui me consume de l'intérieur est trop difficile à supporter. Même si ce bébé n'était pas voulu à la base, même si c'était une erreur, je me suis attachée à cet être qui grandissait en moi au fil des jours, des semaines, des mois. Mon bébé, une partie de moi, de ma vie. Ma fille. Ce trésor qui allait faire de moi la plus heureuse des mamans. Je fonds en sanglots, ne pouvant plus maîtriser mon chagrin. C'est un trop plein de tout, le contre coup de l'accident, de toutes ces émotions, et surtout de l'annonce de la perte de mon enfant. Je secoue la tête, me redressant brusquement du lit en position assisse. « Non, non, non. » Je suis prise d'un élan de panique, incontrôlé, et essaye de me défaire des nombreuses perfusions sur mes bras. Je peux pas y croire, je veux pas y croire. « C'est impossible. » Ma demi-sœur tente de me rassurer, et sa présence à mes côtés se veut réconfortante. Je viens serrer sa main dans la mienne, entremêlant mes doigts dans les siens, essayant de calmer ma respiration. « Kai... je... » Wyatt va arriver, et il va falloir lui annoncer cette horrible nouvelle. « Je veux bien que tu le fasses. Je crois que je n'aurais pas la force de lui dire... » Il sera tout autant brisé que je peux l'être à cet instant. Son envie de devenir père était sincère, et il s'est énormément investi dans ma grossesse. « Merci Kai, pour tout. Vraiment. » Pour tout ce qu'elle fait pour moi. D'avoir été là après l'accident, de veiller sur moi depuis des heures comme elle l'a si bien fait. D'avoir appelé Wyatt aussi, alors que je sais à quel point toute cette histoire a pu lui faire du mal. Je ne sais pas ce que j'aurais fait sans elle.

Son regard se voile, je ne la quitte pas des yeux, reste alerte à la moindre de ses réactions. Elle semble paralysée, comment aurait-il pu en être autrement ? Elle se redresse, assise dans le lit, essayant de retirer les perfusions et autres électrodes qui mesurent l’activité de son coeur. « Hey hey hey… arrête, tu vas te faire mal… » Je l’en empêche avec toute la douceur dont je peux faire preuve, bloquant ses mains pour ne pas qu’elle continue au risque de se blesser. Je m’approche pour la prendre dans mes bras, bloquant ainsi ses mains pour ne pas qu’elle fasse de bêtises. Je voudrais pouvoir la rassurer mais je doute que je serai suffisante pour apaiser la douleur psychologique. « Kai... je... » Je fais glisser ma main sur ses cheveux, tendrement. « Cht… je suis là. » « Je veux bien que tu le fasses. Je crois que je n'aurais pas la force de lui dire... » Je me décale pour la regarder et encadre son visage de mes deux mains. « Bien sûr, je vais m’en occuper. » Je sais que ce sera dur, mais je peux le faire pour elle. J’ai le sentiment qu’elle va avoir besoin de moi, et c’est une évidence, je serai là pour elle. « Merci Kai, pour tout. Vraiment. » Mon regard se voile, j’essaie de retenir toutes mes émotions que je ne sens pas légitimes contre ce qu’elle vit actuellement. Mais c’est difficile. « Je suis là, je te lâche pas d’accord. Je suis là et je serai toujours là. » Je me saisis de ses mains doucement et viens y déposer un baiser tendre. « Je me doute que c’est dur, et que ça va être dur, mais tu t’en sortiras, on sera tous là pour t’aider et te soutenir, et je serai là. A n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Tu entends ? » Je veux qu’elle comprenne que je ne vais pas la lâcher encore. Ce qui est horrible, c’est que ce qui arrive, je l’ai un peu souhaité il y a quelques temps, et je m’en veux atrocement d’avoir pu souhaiter une chose pareille. Parce que c’était égoïste, et quand je vois à quel point elle est brisée d’avoir perdu ce petit être qu’elle portait… Jamais je n’aurai dû penser ou espérer une chose pareille. Mais je ne dis rien, je veux juste être là pour elle. Je viens déposer un baiser sur son front et la reprends dans mes bras, reste contre elle un moment, en espérant que ça pourra l’apaiser, même juste un tout petit peu. Le pire est à venir, et je me fais la promesse d’être toujours là pour elle.

Annoncer la mauvaise nouvelle à Wyatt est difficile à envisager. Je crois que c'est encore trop tôt pour moi, trop dur à supporter. Et pourtant il a le droit de savoir. Mon ex petit ami est tout autant concerné par le sujet. Même s'il n'avait que le second rôle dans toute cette histoire, il a toujours été là pour moi. Malgré notre dispute par rapport à Kai, malgré tout le mal que j'ai pu lui faire. Il ne mérite pas d'être mis à l'écart. Mais je pense être incapable d'affronter son regard. « Bien sûr, je vais m’en occuper. » Un simple regard pour la remercier. « Je suis là, je te lâche pas d’accord. Je suis là et je serai toujours là. » Ça me fait du bien qu'elle soit là, présente pour moi. « Je me doute que c’est dur, et que ça va être dur, mais tu t’en sortiras, on sera tous là pour t’aider et te soutenir, et je serai là. A n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Tu entends ? » Je sais que je ne serai pas seule. Il y a ma mère, mon beau-père, Wyatt aussi. Ils ont toujours été très importants dans ma vie, et je sais qu'ils ne m'abandonneront pas. Jamais. « Je sais, et je crois que je pourrais jamais vous remercier suffisamment pour ça. Honnêtement je ne sais pas ce que je ferais sans vous... sans toi. » Je m'allonge à nouveau dans mon lit, fermant les yeux quelques minutes. De longues minutes pour me reposer, je crois que j'en ai besoin. Mais mon cerveau ne semble pas vouloir déconnecter. De nombreuses pensées viennent envahir mon esprit, sans que je puisse les contrôler. Je repense à Kai, à notre relation, tout ce qu'il s'est passé entre nous. Mais je pense aussi à Wyatt, à notre nuit ensemble. A ce bébé que nous avons conçu lors de notre première fois. Tous les événements de ma vie de ces derniers mois se bousculent, et me font littéralement perdre pied. Brusquement, je lâche la main de ma demi-sœur. « C'était ce que tu voulais... » Que je laisse échapper du bout des lèvres sans réellement en avoir conscience. Je suis dans une espèce de semi-conscience, bercée par la fatigue et le chagrin qui me consume de l'intérieur. Je ne sais pas vraiment ce que je dis, ce que je fais non plus. Comme si je n'avais plus réellement la maîtrise de moi-même. C'est une pensée qui m'a traversé l'esprit, une pensée parmi tant d'autres. Comme toutes celles qui peuvent se bousculer dans ma tête depuis mon réveil. Mais je ne pensais pas que cette pensée pourrait m'échapper. Et pourtant les mots sont sortis délibérément de mes lèvres dans un murmure, impossibles à contrôler. J'ouvre les yeux, difficilement, et croise le regard embrumé de ma demi-sœur. Merde. « Pardon, je... je voulais pas dire ça. » Je suis maladroite, blessante même. Elle est là pour moi, et je suis en train de tout gâcher. Encore. « Je suis désolée, je crois que je suis vraiment à bout. » Les émotions que j'ai vécu durant la journée ont été intenses. Et je n'arrive définitivement plus rien à gérer.

« Je sais, et je crois que je pourrais jamais vous remercier suffisamment pour ça. Honnêtement je ne sais pas ce que je ferais sans vous... sans toi. » Ça me serre le coeur de l’entendre dire ça. Elle a l’air si… calme, face à ce qu’elle vient d’apprendre. Je me doute que ça ne sera pas toujours le cas, et il faudra surtout la soutenir quand ce sera difficile, les jours sans. Elle se rallonge et ferme les yeux, elle doit être tellement épuisée. Alors je reste là, debout près d’elle, sa main dans la mienne, que je caresse du bout de mon pouce, pour l’apaiser, du moins j’espère que c’est le cas. Mais soudainement elle retire sa main de mon étreinte. « C'était ce que tu voulais... » Quoi ? Je suis sous le choc de ce qu’elle est est train de me dire. « Quoi ? Mais… non ! » J’ai même pas l’énergie pour être en colère ou lui en vouloir, je suis juste choquée de ses paroles. Elle réouvre les yeux et j’ai juste envie de pleurer qu’elle puisse penser à un truc pareil. Je culpabilise déjà bien assez. « Pardon, je... je voulais pas dire ça. Je suis désolée, je crois que je suis vraiment à bout. » Je secoue la tête et baisse le regard, une boule dans la gorge. « Ne t’excuse pas. » Je sais qu’elle le pensait, sinon elle ne l’aurait pas dit. Mais je tiens à rétablir la vérité. « C’est vrai qu’au début j’ai eu la sensation que c’était ça qui était en train de nous séparer. Mais j’aurai pu accepter de vivre ça avec toi et je… j’ai pas réussi. » Les larmes commencent à rouler sur mes joues, et je ne me sens même pas légitime de pleurer. C’est pas à moi de pleurer. Je les essuie rapidement en essayant de reprendre contenance. « Jamais j’ai voulu ça, que tu perdes ton bébé, que tu sois malheureuse, je voulais juste ton bonheur et je… » Je secoue la tête et plonge mon regard brumeux dans le sien. « Je suis désolée Kez. » Je suis désolée parce que je lui mens un peu, et que c’est vrai, au début, j’ai un peu espéré ça. Qu’elle perde son bébé pour que je puisse la retrouver. Ça n’a pas duré longtemps, j’ai vite culpabilisé. Mais je l’ai pensé. Je n’ose simplement pas lui avouer, pas ici, pas maintenant. « Repose-toi. Wyatt devrait bientôt arriver, je te réveille quand il sera là. » Je glisse mes doigts le long de son bras tendrement, même si j’ai encore le coeur lourd.

Ma langue a fourché, et je le regrette dès l'instant où je vois le regard de ma demi-soeur se troubler. Mes mots sont blessants, très certainement mal venus même. Et pourtant, ça ne m'empêche pas de les penser. Il y a une petite part en moi qui le pense vraiment. Parce que c'est à cause de ce bébé que notre relation est devenue aussi compliquée. Enfin pas que, mais en grande partie. Mais c'est injuste de ma part de lui dire ça. Ce n'est pas de sa faute si j'ai eu cet accident, et si j'ai perdu mon bébé. Elle ne mérite pas que je me défoule sur elle. « Ne t’excuse pas. » Je baisse les yeux à mon tour, incapable de soutenir plus longtemps son regard. Elle est là pour moi, à mon chevet, et moi je ne trouve rien de mieux à faire que de continuer à lui faire du mal. Je suis vraiment un monstre. « C’est vrai qu’au début j’ai eu la sensation que c’était ça qui était en train de nous séparer. Mais j’aurai pu accepter de vivre ça avec toi et je… j’ai pas réussi. » Je sais bien que les choses auraient sans doute été différentes entre nous si je n'étais pas tombée enceinte. Mais je ne devrais pas lui en vouloir. Pas maintenant, pas comme ça. « Jamais j’ai voulu ça, que tu perdes ton bébé, que tu sois malheureuse, je voulais juste ton bonheur et je… Je suis désolée Kez. » Je viens de nouveau lier mes doigts entre les siens, en espérant qu'elle ne me tienne pas compte de cet écart. « Je sais, Kai. » C'est moi qui suis désolée. Je n'aurais jamais dû lui dire ça. C'était con. « Repose-toi. Wyatt devrait bientôt arriver, je te réveille quand il sera là. » En parlant de Wyatt... je crois qu'il y a un truc qu'elle doit savoir avant qu'il arrive. « Kai ? » Elle plante son regard dans le mien, et je décide de me lancer. « Wyatt est au courant. » Je la sens perplexe, et enchaîne rapidement. « C'est ça que je voulais te dire au téléphone avant l'accident. Je voulais te prévenir pour ne pas que tu te sentes con s'il venait t'en parler. » Il aurait très bien pu venir la confronter, lui demander des explications. Il aurait pu jouer aux cons et lui prendre la tête. En réalité je ne sais pas trop ce qu'il est capable de faire, mais il était tellement en colère quand il est parti de chez moi l'autre jour que tout est possible. « Il sait pour nous, enfin... pour ce qu'il s'est passé à Bali. » Il sait qu'on a couché ensemble, et que je l'ai "théoriquement" trompé avec elle. Pour coucher avec lui dès mon retour de voyage d'ailleurs. Ouais quand on y repense, j'ai vraiment été conne. Quand je vous dis que j'attire les emmerdes, c'est pas une connerie. « Il est tombé sur une de nos photos, celle que je t'ai envoyé par sms. » Une photo pas réellement anodine, qui lui a très vite mis la puce à l'oreille. Et puis il est pas con non plus, il a compris tout seul. En tout cas, maintenant c'est trop tard. Et c'est normal que je lui dise. Après tout, Kai est tout autant concernée que moi dans cette histoire. Et même si le moment n'est pas vraiment le mieux choisi, je préfère qu'elle soit au courant avant qu'il ne débarque à l'hôpital. Sait-on jamais. Je suis bien placée pour savoir que la douleur est capable de nous faire dire n'importe quoi.

Cette situation est douloureuse, elle l’est pour moi mais elle l’est mille fois plus pour elle. Je ne me sens pas légitime de lui en vouloir pour ce qu’elle vient de me dire, parce qu’il y a une part de vérité là dedans, même si je ne l’avoue pas. Elle lie ses doigts aux miens et je me contente de regarder nos mains entrelacée avec un pincement au coeur. J’ai peur pour la suite, je ne sais pas ce qu’il adviendra de nous. Mais alors que j’allais la laisser se reposer, elle me retient. Mon prénom entre ses lèvres, je ne m’y attendais tellement pas… « Wyatt est au courant. » Je plisse un peu les yeux, pas sûre de comprendre de quoi elle parle. « C'est ça que je voulais te dire au téléphone avant l'accident. Je voulais te prévenir pour ne pas que tu te sentes con s'il venait t'en parler. » Cette fois, je fronce les sourcils, tentant un maximum de réussir à la suivre, mais c’est vraiment pas simple. Elle doit être encore un peu shootée par les médocs. « Il sait pour nous, enfin... pour ce qu'il s'est passé à Bali. » Cette fois je fais une petite grimace. Merde. En même temps, fallait bien qu’il finisse par le savoir. « Il est tombé sur une de nos photos, celle que je t'ai envoyé par sms. » Ah. Oui. Elle était quand même pas mal équivoque, heureusement qu’il est pas tombé sur mon téléphone à moi, avec les photos de quand Kezia dormait nue dans notre lit. Bref. Je hoche alors la tête doucement. « D’accord. » Effectivement c’est bien que je sache, si jamais Wyatt décide de me prendre la tête. « T’en fais pas pour moi, tu m’connais, s’il vient m’emmerder je saurai me défendre. » Je lui adresse un petit sourire tendre, avant de glisser mes doigts libres le long de son visage. « Repose-toi maintenant. Tu en as besoin. » Je m’approche pour déposer un baiser sur son front, la regardant fermer les yeux. Malheureusement je crois que le pire est à venir, mais je me promets d’être là pour elle. Une fois endormie, je lâche sa main et quitte la chambre, prête à en découdre avec Wyatt si je le croise. Enfin, si je peux arriver à l’éviter, ça ne serait pas du luxe, je suis pas trop en état de discuter de ça avec lui…