cause everything's falling apart (kezai #8)

Bon ok, c’est indéniable maintenant. Les nausées du premier trimestre ont commencé à pointer le bout de leur nez, et la fatigue qui s’en suit également. On a déjà pu voir les dégâts que ça a causé lors de la soirée avec Wyatt. Comment dire… la catastrophe. C’était pas vraiment comme ça que j’avais envisagé de lui annoncer ma grossesse mais c’est pas comme si j’avais vraiment eu le choix. Il a deviné tout seul, entre le coup du champagne et la course infernale aux toilettes. Ouais, on se passera des détails. Avec le temps, les semaines passant, il est de plus en plus difficile de faire comme si de rien n’était. Et ça ne risque pas d’aller en s’arrangeant. Il arrivera un moment où je ne pourrais plus du tout le cacher, ça, j’en suis consciente. Il y a un bébé qui est en train de grandir dans mon ventre, c’est réel maintenant. Je le sais, et mon corps le sent aussi surtout. Ça reste quand même troublant quand on y pense, mais c’est plus aussi inimaginable qu’avant. Je me suis laissée du temps pour encaisser la nouvelle, pour prendre du recul aussi. Et je crois que ça commence doucement à faire son petit bout de chemin dans ma tête. C’est là toute la différence. Alors certes, les circonstances ne sont clairement pas en ma faveur ; je suis jeune, encore en plein dans mes études, et surtout dans un gros bordel de sentiments. Mais c’est trop tard à présent. Une infime partie de moi espère secrètement que les choses pourront bien se passer quand même. Le processus d’acceptation a été long, parsemé de nombreux doutes et de questions, mais je crois que c’est bon maintenant. J’arrive plus sereinement à imaginer les choses. En tout cas je ne refoule plus tout en bloc comme j’ai pu le faire il y a peu encore. Ce n’est pas encore facile tous les jours, mais c’est déjà positif. Et c’est ce qui me pousse, avec le recul, à comprendre inconsciemment ce qui est le mieux pour moi. Pour être honnête, l’avortement n’est plus vraiment une solution envisageable dans ma tête. C’est hors de question pour moi de songer une seule seconde pouvoir mettre fin à la vie de mon enfant. Non, c’est trop. Impossible. Et même si ça ne se voit pas encore en apparence, je me surprends à venir caresser mon ventre de mes mains à plusieurs reprises en sous-vêtements devant le miroir de la chambre. Je reste là un moment, de longues minutes même, perdue dans mes pensées. La porte de la chambre s’ouvre alors, et Kai fait son apparition. Prise en flagrant délit. Mais je ne tente pas de me cacher pour autant. Elle a été là pour moi depuis le début, et c’est un peu – beaucoup grâce à elle aussi que je me sens mieux aujourd’hui. Je ne sais pas ce je pourrais faire sans elle. Vraiment. Même si ça reste compliqué entre nous, nous avons toutes les deux conscience de nos sentiments mutuels. Je viens l’accueillir en déposant un baiser sur sa joue, avant de la regarder un large sourire aux lèvres. « T’étais passée où ? » Elle a l’air d’être excitée comme une puce.

C’était éprouvant. Quatre ans que je n’avais pas vu ma mère, que je n’avais pas croisé son regard, entendu sa voix, de vive voix, autre que sur un message vocal me souhaitant un joyeux anniversaire ou une bonne années. Ma mère a été absente si longtemps, mais c’était surtout parce que je ne la voulais plus dans ma vie. Et aujourd’hui je regrette d’avoir mis si longtemps à avoir le courage d’aller la voir. Kezia m’a poussé plus d’une fois, en me disant que s’il lui arrivait quoi que ce soit je le regretterai. Et c’est vrai. Je me sens soulagée d’avoir été la voir, d’avoir pu lui parler, lui dire à quel point elle avait pu me blesser, mais lui dire aussi que je la pardonnais, et plus encore, que je la comprenais. Je lui ai dit, pour mes sentiments concernant Kezia. La première personne à qui j’en parle, et ça me tenait à coeur que ce soit elle. Ma mère. Je me sens soulagée, comme si on me retirait un poids des épaules. Je ne dis pas que ça rendra les choses plus faciles avec Kez, que je réussirai du jour au lendemain à assumer au grand jour ce que je ressens pour elle. Mais je fais de mon mieux, chaque jour un nouvel effort, un nouveau pas en avant, un nouveau pas vers elle. Et je suis toute guillerette lorsque je rentre chez ma grand mère, à l’idée de pouvoir raconter tout ça à Kezia, lui montrer ce nouveau pas en avant que je viens de faire. Mais lorsque je pousse la porte et que je la vois en sous-vêtements devant le miroir en train de caresser son ventre, j’ai comme un instant de blocage. C’est comme si je me prenais en pleine face quelque chose, quelque chose que j’ai espéré être différent. Evidemment que j’avais envie qu’elle prenne la décision de ne pas garder ce bébé. Parce que le garder, ça veut dire garder un lien avec Wyatt, pour le restant de ses jours. Et voir grandit un bébé qui leur ressemble. Comment je pourrai trouver ma place au milieu de ça moi ? Et de toute manière je n’ai pas vraiment mon mot à dire, je ne pouvais que me montrer présente. Kezia s’approche, déposant un baiser sur ma joue, je tente de garder contenance. « T’étais passée où ? » « Oh, nulle part, j’ai été faire les magasins, et je viens de jouer avec un chien trop mignon, ça m’a donné envie d’avoir un chien. » J’avais décidé de plus lui mentir, mais là, j’ai juste pas la force d’être heureuse et de lui avouer où j’étais, alors qu’elle est sur le point de prendre la plus grande décision de sa vie. Si ce n’est pas déjà fait. Je baisse les yeux un peu, effleure son ventre de mes doigts. « Il va s’arrondir le jour où tu auras pris ta décision. » Je relève les yeux vers elle pour les plonger dans son regard. « Tu sais déjà hein ? »

Il n'y a bien qu'avec Kai que je peux me permettre d'être totalement moi-même. Je peux vivre les débuts de ma grossesse sans avoir à me cacher. Et ça, c'est quand même précieux. Ne pas avoir à se justifier, ni trouver des excuses, ça fait du bien. Même si je sais que maintenant que mon choix est fait, je vais devoir l'annoncer aux autres. C'est une étape importante, et ça m'angoisse. C'est tellement inattendu qu'il m'est impossible de prévoir la réaction des gens. Mais chaque chose en son temps. Kai a l'air toute joyeuse en passant la porte, un large sourire illuminant son visage. Après tout ce qu'on a vécu ensemble dernièrement, je suis d'autant plus contente de la voir comme ça. Entre nous, c'était quand même pas gagné. « Oh, nulle part, j’ai été faire les magasins, et je viens de jouer avec un chien trop mignon, ça m’a donné envie d’avoir un chien. » Je ne peux m'empêcher de sourire un peu bêtement. Elle est juste trop mignonne. Ses doigts viennent alors effleurer mon ventre, et je ne peux contenir un léger frisson. « Il va s’arrondir le jour où tu auras pris ta décision. » Je sais qu'il va très vite commencer à s'arrondir, et que les premiers kilos de la grossesse ne sont plus très loin maintenant. « Tu sais déjà hein ? » Dans un réflexe, je tourne légèrement la tête en direction du miroir pour ne pas avoir à soutenir son regard plus longtemps. J'ai pas envie de lui faire du mal, mais j'ai peur que ma réponse ne soit pas celle qu'elle attendait. Et en même temps je peux la comprendre. A sa place, je ne sais moi-même pas comment je pourrais réagir. Même si elle a répété plusieurs fois qu'elle serait toujours là pour moi, peu importe ma décision, j'imagine que ça peut être un peu troublant une fois que les choses deviennent vraiment réelles. Et j'ai peur que ça finisse par tout faire voler en éclats. « Je crois oui. » Je viens entrelacer mes doigts entre les siens, les laissant glisser ensemble sur mon ventre. Comme un moyen détourné de la garder près de moi, pour l'empêcher de fuir. « Je ne peux pas m'en débarrasser comme ça... » Comme si ce n'était qu'un vulgaire objet qu'on peut jeter du jour au lendemain comme si de rien n'était. C'est pas comme ça que les choses fonctionnent. Enfin... si théoriquement. Mais j'en serai foutrement incapable. Je reste humaine malgré tout, et même si je ne juge absolument pas les filles qui choisissent cette option, pour moi, c'est impossible. C'est clair dans ma tête à présent. « Il fait partie de moi maintenant. » C'est ma chair, mon sang. Une petite partie de moi qui grandit dans mon ventre. « C'est... mon bébé. » Et celui de Wyatt. Même si ça, je n'y pense pas vraiment sur le moment. Je préfère évidemment ne pas voir les choses de cette manière. Pourtant, c'est un fait. Et ça ne serait pas étonnant que Kai puisse voir les choses différemment. C'est justement ça qui me fait peur.

Vu le sourire qu’elle a sur les lèvres, je comprends que j’ai été crédible dans mon bobard, elle y croit. Tant mieux, j’ai pas envie de lui montrer que ça me stresse qu’elle ait finalement pris sa décision, et que ça me fait mal qu’elle ait pris cette décision. Je ne peux pas attendre plus longtemps, ça a assez duré, j’ai besoin qu’elle soit honnête, avec elle-même mais aussi et surtout avec moi. Alors je lui demande si elle a fait son choix, même si je crois que je connais déjà la réponse à cette question. « Je crois oui. Je ne peux pas m'en débarrasser comme ça... » Ses doigts s’entrelacent avec les miens, je sens mon coeur qui se serre. Même si je m’y attendais, être sûre de la réponse, c’est pas super agréable. Pire même, ça me fait mal. C’est tout ce dont je redoutais. « Il fait partie de moi maintenant. C'est... mon bébé. » « Oui, c’est aussi celui de Wyatt. » Je pouvais pas seulement rester là à tenter de sourire pour faire semblant d’être heureuse pour elle. C’est trop pour moi. Je lâche ses mains et m’écarte en soupirant un peu, retirant mon sac à dos et ma veste en jean que je jette sur le lit avant de m’asseoir sur le bord de ce dernier. « Je sais que j’ai dit que je serai là, peu importe la décision que tu prendrais, parce que je voulais pas t’inciter à choisir pour moi, ou que tu regrettes ta décision une fois prise mais… » Nouveau soupir, je passe une main dans mes cheveux, évitant soigneusement de la regarder dans les yeux. « C’est juste que je vais avoir besoin de temps, j’te laisse pas tomber, je serai là, j’te l’ai promis. Mais je peux pas faire comme si j’étais heureuse que tu aies pris cette décision Kezia. » Cette fois je la regarde, je sens bien que je lui fais du mal en lui disant ça, mais c’est la vérité. « J’veux juste que tu comprennes. On est jeunes, moi j’veux pas d’enfant pour le moment, c’est trop tôt. Toi t’as choisi de le garder et je le respecte, mais j’suis rien pour lui tu vois, t’es sa mère, Wyatt son père, et moi j’suis… rien. » Je baisse les yeux. C’est pas que ça me fasse vraiment mal d’être rien pour ce gosse à venir, j’m’en fous j’en veux pas. Mais c’est juste que je serai toujours la troisième roue du carrosse, je le sais. Je fais pas partie de l’équation, et je sais même pas si j’ai envie d’en faire partie. J’aime Kezia, c’est sûr maintenant dans ma tête. Mais quoi ? On va pas vivre heureuses et élever un gosse toutes les deux alors que j’arrive même pas à lui tenir la main dans la rue… C’est ridicule. C’est voué à l’échec.

Je sais que cette décision va avoir d'importantes répercussions dans ma vie. C'est pas un petit changement mineur, mais un bouleversement tout entier qui en découle. Je vais mettre au monde un enfant, devenir maman. Je suis désormais prête à le vivre, même si ça m'empêche pas de continuer à avoir peur. Ai-je vraiment les épaules assez solides pour tout encaisser ? Et si ce choix remettait en cause ma relation avec Kai ? Ça m'angoisse tellement d'imaginer pouvoir perdre ce que nous avions commencé à construire toutes les deux. Mais j'en suis consciente, les choses ne pourront jamais être simples. Notre lien est déjà si fragile de base. « Oui, c’est aussi celui de Wyatt. » Elle lâche mes mains pour prendre ses distances, et mon cœur se serre dans ma poitrine. Elle a raison, mais je ne vais pas lui demander de l'assumer pour autant. Il fera son propre choix, comme j'ai fait le mien, et peu importe ce qu'il décidera ça ne changera rien pour moi. Nous ne serons jamais un couple tous les deux. Même si ce bébé restera toujours la preuve d'un lien indélébile entre lui et moi. C'est peut-être justement ça le problème finalement. « Je sais que j’ai dit que je serai là, peu importe la décision que tu prendrais, parce que je voulais pas t’inciter à choisir pour moi, ou que tu regrettes ta décision une fois prise mais… » Il y a toujours un mais. Je baisse un peu les yeux, consciente que ce qu'elle va dire ensuite ne risque pas de me faire du bien. « C’est juste que je vais avoir besoin de temps, j’te laisse pas tomber, je serai là, j’te l’ai promis. Mais je peux pas faire comme si j’étais heureuse que tu aies pris cette décision Kezia. » Je comprends sa réaction, et ne peux pas vraiment lui en vouloir. Toujours est-il que ça fait mal de l'entendre le dire. De voir à quel point je peux involontairement lui faire du mal moi aussi. C'est tellement dur. « J’veux juste que tu comprennes. On est jeunes, moi j’veux pas d’enfant pour le moment, c’est trop tôt. Toi t’as choisi de le garder et je le respecte, mais j’suis rien pour lui tu vois, t’es sa mère, Wyatt son père, et moi j’suis… rien. » Je secoue la tête nerveusement en tentant de croiser à nouveau son regard. « Tu n'es pas rien Kai... » Je viens m’asseoir sur le lit à ses côtés, avant de remettre une mèche de ses cheveux derrière son oreille. Même si théoriquement pour le bébé, elle a raison, elle n'est rien. Pas pour moi. « Au contraire, tu es tout pour moi. » C'est peut-être pas le moment de lui ouvrir mon cœur, pas après lui avoir annoncé mon choix en tout cas, mais je ne réfléchis pas. « Ça fait longtemps que j'en ai pris conscience... depuis San Francisco déjà. Et même si ça m'a fait peur, même si j'ai essayé de me persuader du contraire pour ne pas avoir à souffrir, ça a toujours été là en moi. » Je m'empare de sa main pour la poser sur mon cœur. « Ancré au plus profond de moi. » Là, elle peut sentir les battements de mon cœur. « Je sais que ce n'était pas ce que tu espérais... et je peux comprendre. Mais je ne te demanderais jamais rien par rapport à tout ça. » Par rapport au bébé surtout. Même si j'ose espérer que ça ne la fera pas fuir loin de moi. « Je t'aime Kai, je t'aime vraiment. » Ces trois petits mots m'échappent sans que je puisse réellement les contrôler. C'est mon cœur qui parle pour moi à cet instant. Et j'ose espérer que je n'aurais pas à le regretter. « J'ai pas envie que ça change quoi que ce soit entre nous... » Mais c'est peut-être déjà trop tard finalement ?

C’est pas facile de lui dire tout ça, de lui ouvrir mon coeur comme ça et surtout d’être aussi honnête. Oui je sais, c’est un peu l’hôpital qui se fout de la charité vu que je viens de lui mentir, mais bon. C’était rien à côté, là, c’est important. « Tu n'es pas rien Kai... » dit-elle en s’approchant, pendant que je fuis soigneusement son regard. « Au contraire, tu es tout pour moi. » Mon coeur se serre en entendant ses mots. Ça fait autant de bien que ça fait mal. Mais ça, je sais, j’ai pris conscience de ses sentiments pour moi. Mais ce bébé au milieu, je sais d’avance que je n’y arriverai pas, et pire encore, je n’ai même pas envie d’essayer. C’est trop pour moi. Kezia se livre à moi, m’offre son coeur sur un plateau d’argent, et j’arrive même pas à être heureuse de tout ce qu’elle me dit, trop occupée par les pensées parasites qui me filent le bourdon. Elle prend ma main et vient la poser sur son buste, juste au dessus de son coeur, pour que je puisse le sentir. « Je sais que ce n'était pas ce que tu espérais... et je peux comprendre. Mais je ne te demanderais jamais rien par rapport à tout ça. » Je souffle un peu, comme un espèce de réflexe, un rire jaune que je garde en moi. Elle ne me demandera rien, mais comment je pourrai réussir à trouver ma place moi dans tout ce merdier ? « Je t'aime Kai, je t'aime vraiment. » Je ferme les yeux un instant pour encaisser. C’est la première fois qu’elle me le dit, et j’aurai aimé que ça ne soit pas dans ce genre de situation. Là, j’ai juste la sensation qu’elle me dit ça pour ne pas que je la laisse. Pour me retenir. « J'ai pas envie que ça change quoi que ce soit entre nous... » Je secoue la tête et cette fois plonge dans son regard. « Moi aussi je t’aime Kezia, mais tu peux pas me demander de rester, de subir tout ça. J’ai rien demandé moi. Je sais que toi non plus mais tu as pris la décision de le garder ce bébé. Et moi j’ai pas ma place avec tout ça. C’est juste toi, le bébé, et … Wyatt. » Quoi qu’elle en dise. Parce que Wyatt restera toujours le père de cet enfant, qu’il veuille s’en occuper ou non. « J’ai espéré qu’au moment où tu prendrais ta décision je sois prête, mais je le suis pas. » Ma voix est tellement serrée qu’elle est presque inaudible. J’ai envie de pleurer, je me retiens, pour elle, pour moi. « Je suis désolée. Je peux pas continuer, enfin pas de cette manière. Je serai là pour toi comme je te l’ai promis. Mais comme… une amie. » Je viens de dire le mot qui fait mal, je sais que je vais lui briser le coeur, mais elle ne peut pas tout avoir. Et même si je ne lui ai pas demandé de choisir entre ce bébé et moi, c’est pourtant le même résultat. Sauf qu’elle ne me perd pas, pas totalement en tout cas. Mais moi, je suis pas prête à vivre une histoire d’amour avec quelqu’un qui va avoir un bébé, même si c’est elle, même si je l’aime.

De toute évidence Kai n'était pas prête à entendre ma décision. Et je suis consciente que si je n'avais pas fait le choix de garder ce bébé, on en serait très certainement pas là. « Moi aussi je t’aime Kezia, mais tu peux pas me demander de rester, de subir tout ça. J’ai rien demandé moi. Je sais que toi non plus mais tu as pris la décision de le garder ce bébé. Et moi j’ai pas ma place avec tout ça. C’est juste toi, le bébé, et … Wyatt. » Mon cœur se serre violemment dans ma poitrine alors qu'elle avoue à son tour les sentiments qu'elle a pour moi. Elle m'aime, et pourtant ce n'est pas suffisant. Je crois que c'est encore pire d'ailleurs. J'aurais peut-être préféré qu'elle ne me le dise jamais. Pas comme ça en tout cas. « J’ai espéré qu’au moment où tu prendrais ta décision je sois prête, mais je le suis pas. » Je secoue la tête un peu par réflexe, sentant comme un coup de poignard prêt à s'enfoncer dans mon cœur. « Je suis désolée. Je peux pas continuer, enfin pas de cette manière. Je serai là pour toi comme je te l’ai promis. Mais comme… une amie. » Comme une amie. Le couperet est tombé, ça y est. C'est un peu comme si Kai était en train de rompre avec moi... et pourtant nous ne sommes pas vraiment ensemble. Nous l'avons jamais été. Elle me brise le cœur, et je ne peux même pas lui en vouloir. Je sais qu'avec cette décision, je la fous dans une position compromettante. Mais je sais pas pourquoi, une infime partie de moi espérait quand même que les choses soient différentes. Que notre amour soit plus fort que ça. De toute évidence je crois que je me suis trompée. « Ouais... je, ok. » Qu'est-ce que je peux bien dire d'autre après ça ? « Je comprends. » Mais non en fait, je comprends pas. Mon cerveau fait une sorte de blocage. Pourquoi m'avouer qu'elle m'aime aussi pour me dire ça juste après ? J'ai pas envie d'être son amie. On a déjà essayé, et on sait toutes les deux comment ça s'est terminé. L’ambiguïté a toujours été là, et elle le sera peut-être toujours. « Mais c'est pas ce que je veux. » C'est trop me demander. Après tout ce que j'ai essayé de faire pour lutter contre mes sentiments, je ne peux pas juste claquer des doigts et tout recommencer. Je secoue un peu la tête tout en retenant mes larmes. « Je peux pas Kai, je peux pas continuer à être ton amie comme ça. » Comme si rien ne s'était passé entre nous. Comme si je n'avais aucun sentiment pour elle. « J'en suis incapable. » Et je sais qu'il n'y aura malheureusement qu'une seule façon de régler les choses. Une solution radicale. « Je... je suis désolée. » Je me lève pour aller m'habiller, le cœur blessé, complètement meurtri. Si je veux pouvoir avancer, sans elle, je suis consciente qu'il va falloir que je déménage. La situation ne peut pas rester comme telle, c'est tout simplement pas vivable. Ni pour elle, ni pour moi. Et de toute façon, avec la grossesse, la future arrivée du bébé, il est évidemment que les choses doivent changer. Après avoir enfilé mes vêtements, et avoir laissé plusieurs longues minutes s'écouler dans le silence, je finis par ajouter. « Je vais déménager, chercher un appartement. Je crois que c'est mieux comme ça. » S'éloigner définitivement l'une de l'autre... arrêter de se voir et de souffrir.

« Ouais... je, ok. Je comprends. » Non, elle ne comprend pas. Je la connais par coeur, je vois bien que ce n’est pas le cas. Je la sens à des kilomètres de moi, et je sais que je suis à l’origine de son mal être actuel. Je m’en veux, c’est évident, mais je vois pas comment on aurait pu s’en sortir. J’ai que 22 ans, j’ai pas du tout envie de m’enfermer dans une relation avec un bébé au milieu, surtout un bébé qui n’est pas le mien. C’est pas comme ça que je vois ma vie, et même si j’aime Kezia, elle a choisi son bébé, et je ne peux pas lui en vouloir. « Mais c'est pas ce que je veux. » Je souffle un peu. « Je sais. » Elle aurait préféré qu’on puisse continuer de vivre notre histoire, avec ce bébé au milieu. Elle veut tout avoir, mais cette fois il faut faire des choix. « Je peux pas Kai, je peux pas continuer à être ton amie comme ça. » Je serre les mâchoires, je me doutais bien qu’elle ne voudrait pas de mon amitié, pas après tout ce qu’on a vécu. Et je sais même pas si j’aurai été capable moi aussi de mon côté. Mais pourtant c’est pour le moment tout ce que je peux lui offrir. « J'en suis incapable. Je... je suis désolée. » Je sens sa voix qui se brise, je n’arrive pas à la regarder. Moi qui était toute heureuse de lui dire que j’avais retrouvé ma mère, que j’avais parlé d’elle, de nous. Tout ça ne sert plus à rien. enfin si, ça aura au oins servi à ce que je me réconcilie avec ma mère. Je reste immobile sur le lit en l’entendant d’activer, s’habiller, et ranger quelques affaires dans une valise. « Je vais déménager, chercher un appartement. Je crois que c'est mieux comme ça. » Je reste silencieuse encore un moment. Kezia est encore mineure aux yeux de la loi, ou en tout cas pour certaines choses, et je ne suis pas sûre que louer un appartement seule puisse être une possibilité envisageable. En uns fraction de seconde j’imagine que Wyatt pourrait l’aider, mettre son nom sur le bail, vivre un peu avec elle. Mais cette pensée me fusille le coeur. Je sais pas quoi faire, pas quoi dire, j’ai envie de hurler, de m’arracher le coeur pour ne plus avoir à souffrir autant. « Tu pourras pas prendre un appartement aussi facilement Kezia. Reste là pour le moment, c’est moi qui vais partir. Je vais aller chez ma mère quelques temps, et on verra après. » Je me lève, fais le tour du lit et attrape son poignet pour qu’elle arrête de s’activer comme ça. « Ecoute, on réagit sous le feu de l’émotion là, on peut pas savoir ce qu’il va se passer. Je veux pas te donner d’espoir mais j’ai pas non plus envie de te laisser gérer ça toute seule, tu comprends ? » Je suis la plus âgée de nous deux, il faut que je me montre mature, pour une fois.

Mon cœur se brise à l'intérieur. J'ai beau essayé de faire bonne figure, au plus profond de moi-même, il n'en est rien. Ça fait vraiment trop mal. J'ai l'impression que le sort est en train de s'acharner sur moi. Qu'ai-je bien pu faire pour mériter ça ? J'ai fait une erreur, une seule. Celle d'avoir couché avec Wyatt à mon retour de Bali. Et voilà où j'en suis maintenant. Je me dois d'en assumer les conséquences, prendre mes responsabilités, même si ma vie finit par voler en éclats. Même si je suis sans doute en train de perdre la seule personne qu'il m'est impossible de perdre justement. Et j'en reste totalement impuissante. Je ne sais même plus comment je dois réagir. J'ai envie de m'effondrer, de pleurer jusqu'à m'en faire mal à la tête. Et une autre partie de moi a envie de la prendre dans mes bras, de lui dire à quel point je l'aime, à quel point je ne peux pas vivre sans elle. Mais à quoi bon ? Ça ne changerait rien au problème. J'ai l'impression que notre relation est un cercle vicieux, alternant les bons comme les pires moments. Est-ce que c'est normal d'avoir aussi mal ? L'amour, en fait, c'est nul... ça fait trop souffrir. Je ne réfléchis pas vraiment quand je décide qu'il est mieux que je déménage. A vrai dire, je ne suis plus vraiment lucide à cet instant. C'est le chagrin qui me consume de l'intérieur qui parle pour moi. « Tu pourras pas prendre un appartement aussi facilement Kezia. Reste là pour le moment, c’est moi qui vais partir. Je vais aller chez ma mère quelques temps, et on verra après. » Je secoue instinctivement la tête. « Non. Je ne veux pas t'obliger à aller chez ta mère. » Je grimace un peu, sans savoir qu'elle a réussi à se réconcilier avec sa mère justement. « Je vais bien trouver un endroit. » Je trouverais bien une solution... un endroit où aller passer quelques temps. Un logement étudiant, ou un canapé chez une âme bienveillante, peu importe. Kai se lève, et vient à ma hauteur m'attrapant par le bras. Elle me force à plonger son regard dans le sien, mais j'y arrive plus. « Ecoute, on réagit sous le feu de l’émotion là, on peut pas savoir ce qu’il va se passer. Je veux pas te donner d’espoir mais j’ai pas non plus envie de te laisser gérer ça toute seule, tu comprends ? » Peut-être que c'est une réaction à chaud effectivement, et que je risque de finir par le regretter. Mais là, tout de suite, c'est tout ce que je trouve de mieux à faire. « Alors quoi ? » Concrètement, qu'est-ce qu'on peut faire maintenant ? « C'est pas normal Kai. » Que je murmure du bout des lèvres en retenant mes larmes. Elle ne semble pas comprendre tout de suite là où je veux en venir. « C'est pas normal qu'on se fasse autant de mal... » Je baisse un peu les yeux, libérant mon poignet de son emprise. Parce que depuis le début de notre histoire, c'est ce qu'on fait. Elle comme moi. Chacune notre tour. Notre amour est en train de nous détruire. « Je suis perdue. » Est-ce qu'une amitié platonique, fraternelle, est réellement possible entre nous après tout ce que nous avons vécu ? Ou ne vaut-il pas mieux mettre un terme définitif à tout ça, à nous. « Je suis incapable de vivre loin de toi... j'ai déjà essayé, mais c'est juste pas possible. Et pourtant, j'ai l’impression que c'est la seule option possible pour avancer. » L'une sans l'autre, chacune de notre côté. Je ne sais pas ce qu'elle en pense elle, mais pour ma part, c'est un putain de merdier.

Je sais que je l’ai blessée en lui disant ça, et c’est pas facile pour autant. Surtout que j’avais fait le pas d’aller voir ma mère, et tout ça pour au final pas grand chose. Enfin si, j’ai retrouvé ma mère, et je vais pouvoir aller vivre chez elle. « Non. Je ne veux pas t'obliger à aller chez ta mère. Je vais bien trouver un endroit. » Je soupire et secoue un peu la tête. « Ça va, j’vais aller vivre chez elle, elle va pas me bouffer. Puis c’est plus pareil maintenant que… enfin. » Oui que Kai et moi on a un peu plus assumé ce qu’il se passait entre nous quoi. Mais bon, ça sert à rien de remuer le couteau dans la plaie. J’essaie juste d’apaiser un peu les choses, de me montrer mature, pour une fois. Tout ça c’est soudain, ça fout les nerfs en pelote, mais on prend peut-être des décisions un peu trop hâtivement non ? « Alors quoi ? C'est pas normal Kai. C'est pas normal qu'on se fasse autant de mal... » Je ne la lâche pas des yeux. C’est vrai elle a raison. Si on se fait autant de mal c’est sûrement que c’est pas comme ça que ça doit se passer. Qu’on a rien à faire ensemble. Peut-être. Mais ça n’enlève pas pour autant les sentiments que j’ai pour elle. Ça c’est une certitude maintenant, même si j’ai mis du temps à m’en rendre compte. Elle est perdue. Et moi donc. Je viens de vivre un putain d’ascenseur émotionnel là. « Je suis incapable de vivre loin de toi... j'ai déjà essayé, mais c'est juste pas possible. Et pourtant, j'ai l’impression que c'est la seule option possible pour avancer. » J’ai envie de chialer comme un bébé. Je vais retourner pleurer sur l’épaule de ma mère plus vite que je le pensais je crois. « Je sais pas, je sais pas plus que toi Kez… » Je passe mes mains sur mon visage le temps de respirer un peu et tenter au maximum de retenir mes larmes. « Je sais pas ce que que je veux, mais je sais ce que je veux pas. Et ce que je veux pas, c’est élever ce bébé avec toi. C’est ton bébé. Pas le mien. » Et ça ne le sera jamais. C’est peut-être rude de le dire comme ça mais c’est la vérité. « Ça nous empêche pas de continuer à se voir, si t’as envie, enfin on verra. Toute manière là on est juste embrouillées. » Je soupire et hausse les épaules. « Reste là tant que tu voudras. Mon père et ta mère ont trouvé une maison, il me l’a dit ce matin. Tu peux aller avec eux aussi, j’en sais rien. Toute manière Nonna t’aime beaucoup, elle acceptera que tu restes. Ça lui fera de la compagnie. Moi je vais rester un peu chez ma mère. » A mon tour de récupérer quelques affaires. Comme une impression de déjà vu.

Tout est en train de se mélanger dans ma tête, et je n'ai plus vraiment les idées claires. « Je sais pas, je sais pas plus que toi Kez… » Elle semble toute aussi perdue que moi, et ça n'arrange pas les choses. « Je sais pas ce que que je veux, mais je sais ce que je veux pas. Et ce que je veux pas, c’est élever ce bébé avec toi. C’est ton bébé. Pas le mien. » Ça, de toute évidence, je l'avais bien compris. Mais je ne lui ai jamais demandé d'élever ce bébé avec moi. Ni d'être qui que ce soit pour lui d'ailleurs. Je sais bien que ce n'est pas ce qu'elle veut de sa vie, et je ne pourrais jamais l'obliger à prendre des responsabilités de ce genre. Je voulais juste... je sais pas, espérer pouvoir garder ce lien unique que nous avions. Parce que j'ai besoin d'elle dans ma vie. Dans mon cœur. Mais j'ai l'impression qu'elle ne me verra plus jamais comme avant. Le regard qu'elle porte sur moi a changé. Pour elle, je ne suis plus que la fille enceinte d'un autre. « Ça nous empêche pas de continuer à se voir, si t’as envie, enfin on verra. Toute manière là on est juste embrouillées. » Je secoue un peu la tête, passant frénétiquement mes mains sur mon visage. Pour être tout à fait honnête, je ne suis pas vraiment convaincue. « Ouais... on verra. » Je crois que là, j'ai surtout besoin d'espace. Si c'est pour continuer à se faire souffrir comme ça, autant arrêter tout de suite. J'ai l'impression que ça ne sert à rien, et que ça ne mènera nul part. C'est peut-être ce qu'il y a de plus difficile à faire, mais c'est sans doute mieux comme ça. « Je crois que j'ai besoin d'un peu de temps. » Pour encaisser tout ce qui est en train de se passer dans ma vie. Là, ça commence à faire beaucoup. Pour savoir ce que je veux surtout aussi, et si je suis capable de mettre mes sentiments de côté. Kai veut être là pour moi, en tant qu'amie. Mais pour l'instant c'est un peu dur à imaginer. C'est trop le bordel dans ma tête. « Reste là tant que tu voudras. Mon père et ta mère ont trouvé une maison, il me l’a dit ce matin. Tu peux aller avec eux aussi, j’en sais rien. Toute manière Nonna t’aime beaucoup, elle acceptera que tu restes. Ça lui fera de la compagnie. Moi je vais rester un peu chez ma mère. » Je hoche la tête par réflexe sans grande conviction. En fin de compte, là, tout de suite, j'ai juste envie de me retrouver un peu seule. De prendre du temps pour moi, pour faire le point. Je sais que je vais devoir leur annoncer ma grossesse, et passer sans doute quelques moments difficiles encore. Ce n'est que le début... Kai récupère à son tour quelques affaires, et je ne la retiens pas. Je reste totalement impuissante, comme démunie. Essayant de toutes mes forces de me persuader que c'est finalement mieux comme ça. Même si ça fait un mal de chien de la laisser partir...