La sonnerie de ton téléphone sonne. Ton bras droit sort de sous ta couette pour l’attraper. Tu remarques que c’est ton alarme quotidienne de 7h30. Tu la coupes dans la seconde. Tu reposes ton appareil sur ta table de chevet avant de retourner t’emmitoufler dans ton lit. Tu n’as pas besoin de te lever si tôt ce matin, c’est le jour de fermeture de la fleuristerie. Tu as une énième fois oublié de désactiver ton alarme. Ton étourderie te perdra. Tu fermes tes paupières. Tu essayes de repartir au pays des rêves. Tu aimerais la revoir, cette blonde de la plage. Depuis que tu l’as rencontré, tes songes ont changé. Toi qui n’as d’yeux que pour Dame nature as désormais un œil pour elle. Son image, son visage, son sourire se sont implantés dans ton esprit. Ils n’ont pas demandé ton autorisation. Ils se sont logés dans ta mémoire. Ils refont régulièrement surface. Et quand tu les vois, tu ressens comme des battements d’ailes dans ton ventre. Ces sensations nouvelles te sont agréables autant qu’elles te perturbent. Tu ne comprends pas ce qu’il t’arrive. Tu sais simplement que tu es troublée. Tu as même nommé une cliente de la boutique Kyra par rapport à ses cheveux dorés. Morphée te boude. Tu as beau te tourner dans tes draps, compter les moutons, rien n’y fait. Il refuse de te replonger dans un sommeil. Résignée, tu t’assois sur le rebord de ton lit. Tu restes dans cette position végétative quelques minutes. Tu finis par te lever ouvrir la fenêtre et le volet. Les rayons du soleil levant viennent fouetter ta peau de porcelaine endormie. Tu salues d’un sourire charmeur cet oiseau perché qui te dit bonjour à travers son chant. Tu t’étires de tout ton corps pour le réveiller. Quand il est capable de se mouvoir davantage, tu files dans la salle de bain. Tu retires ta culotte et ton t-shirt avant de filer sous la douche. Le jet d’eau chaude revitalise tes muscles assoupis. Tu enfiles ton peignoir et retournes dans ta chambre. Tu choisis ta tenue en fonction de Kyra. Tu espères la recroiser ce soir encore. Elle commence à devenir une obsession. Tu ignores pourquoi. Il y a bien un sentiment qui pourrait l’expliquer mais tu rejettes ce nom, tu refuses de le nommer. Tu doutes de toi. Tu n’as pas les idées claires. Tu as besoin d’un avis extérieur. Ta mère est l’évidence première. Cependant, tu ne vois pas lui confier ce genre de questionnement. Tu penses d’un coup à Renée, ta meilleure et unique amie. Elle pourrait t’éclairer et t’aider à mettre des mots sur tes ressentis. Tu saisis ton portable. Tu les envoies un sms lui quémandant une rencontre. Après dix minutes d’une insupportable attente, elle te répond positivement. Elle t’invite à passer pour goûter en sa compagnie. Tu as tenté de t’occuper l’esprit dans la matinée. Tu as fait de ton mieux pour chasser Kyra de ta tête. Tu t’es souvenu de ce principe d’éducation t’interdisant te venir les mains vides chez quelqu’un. Après un tour à l’épicerie du coin de ta rue, tu as préparé des madeleines. Non sans en avoir mangé deux-trois à la sortie du four, tu les ranges soigneusement dans une boite en plastique. Tu as passé le début de l’après-midi avec ta mère. Vous avez fait l’inventaire des fleurs pour déterminer la prochaine commande. Une fois terminé, tu l’as laissé seul. Tu as pris le bus pour rejoindre Little Tokyo. Te voilà devant chez Renée, dans ta petite robe blanche longue sans manche, les cheveux détachés, tes gourmandises sous le bras. Tu frappes trois coups sur le battant, patientant sagement son ouverture.
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Be my light in those shadows - [Renée]
Lun 4 Nov - 17:51
be my light in those shadows
nina & renee
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Une sonnerie retentit dans la chambre. Un bras se tend vers la table de nuit. Un autre de l'autre côté du lit. C'est le portable de Renee qui fait des siennes. Lennon bougonne quelques secondes avant de plonger sous les couvertures. Pour une fois qu'elles ont réussi à caler, rien que pour elles, une soirée complète , une nuit complète, il semble que la matinée soit bousculé par une intrusion intempestive. L'avocate lit rapidement le message. Nina souhaite la voir. Nina. Si Nina l'appelle c'est qu'elle en a besoin. Heureusement, elle n'est pas devant la porte de l'appartement à faire les cent pas. Léger soupir. Lui répondre ? Soupir plus profond. Lennon est descendue plus bas dans le lit. Nina va devoir atteindre.
La petite fleuriste a de la chance, le matin, c'est bref. Le jour est un appel à se lever et à dépenser l'énergie qui se déploie. Lennon et son foutu jogging ! Renee ne quitte pas la chaleur des draps. Son énergie, l'avocate la dépense pour ses clients pas pour courir en perdant son temps. Elle prend son téléphone pour répondre. Elle calcule mentalement le temps qu'elle souhaite passer avec son amante. Elle prévoit large, elle en est certaine, mais sait-on jamais, pour une fois cela pourrait durer. Elle fixe un rendez-vous pour l'après-midi.
Renee jette un coup d'oeil à l'appartement. Tout est rangé. Sa tornade vénézuélienne est partie il y a déjà quelques heures. Elle imagine une seconde ce que pourrait être la vie à deux. Est-ce qu'on peut cocooner Lennon au quotidien ? Est-ce qu'on peut rester blottie entre ses bras une journée entière ? Elle sait que non. Elle ne proposera même pas. Elle risquerait de la perdre. Pas le temps de s'éterniser en lamentations, Renee refuse de sombrer dans une pseudo mélancolie, dans un pseudo romantisme. Les mouchoirs sont pour ses clientes délaissées. Pas le temps de vérifier à sa montre, ce sont les coups sur la porte d'entrée qui donnent l'heure. Elle va ouvrir et trouve tout naturellement Nina.
« Salut toi. »
Elle l'embrasse aussitôt sur la joue puis lui fait signe d'entrée. Nina trop sage, trop polie, toute jolie dans sa robe. Elle remarque la boite en plastique. Elle ne dit rien pour l'instant la concernant, elle se doute du contenu. Elle ne demande pas comment ça va, elle ne veut pas d'une formule toute faite en réponse.
« Tu préfères t'installer sur le canapé ou dans la cuisine ? »
La mettre à l'aise. La laisser se poser là où elle se sentira le mieux. La jeune fille souhaitait la voir, un message presqu'aux aurores un jour férié, quelque chose la tracasse. Renee est déjà à l'écoute des gestes et la veut libre de passer aux mots.
« Est-ce que tu as envie de boire quelque chose ? »
Renee s'est attachée à elle. C'est venue au fil de leurs rencontres. Un besoin de la protéger un peu plus qu'avec une victoire dans un procès s'est imposé à elle. Il fallait davantage pour qu'elle respire à plein poumon après les heurts subis. Renee est là pour elle.
Tu as un quart d’heure d’avance sur l’heure prévue. Tu pries que Renée soit chez elle. Au pire, tu attendras patiemment son arrivée. Des bruits de pas t’indiquent une présence. La porte s’ouvre quelques secondes après. Tu es soulagée de la voir. Sa simple vue t’apaise. Tu lui offres un franc sourire que peu ont le privilège d’apercevoir sur ton visage. Encore moins ont la chance de pouvoir te faire la bise. Elle la partage avec ta mère. Tu limites les contacts physiques au strict minimum. Tu passes ton temps dans ta bulle, loin des autres. Renée a su percer ta carapace. De ce procès, de ce lien d’avocate-cliente, vous avez tissé une forte amitié. Si tu as craint une certaine pitié de sa part au début, tu sais aujourd’hui qu’il n’en était rien. Renée t’apprécie pour ce que tu es. Quand la plupart ne te comprend pas et te rejette, elle, elle t’a pris sous son aile. C’est un peu ta deuxième mère, une sœur que tu n’as jamais eu, un pilier nécessaire. « Coucou. », te contentes-tu de lui répondre. Tu es avare de mots. Ce n’est pas spécifique à elle, c’est dans ta nature. Tu n’as jamais été très loquace. Elle le sait également depuis le temps. Elle ne prendra pas ceci comme de la froideur. Ton appréciation de sa personne n’est plus à prouver. Elle ne t’en tiendra pas rigueur.
Tu rentres dans son domicile. Tu avances en direction de son salon. Tu déposes ta boite en plastique sur la table basse avant de t’asseoir dans le canapé, le dos droit, les jambes serrées et les mains sur tes genoux. Tu regardes ton amie en silence. Tu viens de lui répondre à travers ton attitude. Tu n’as pas choisi le canapé par hasard. Ce meuble te rappelle tes séances avec ton psy, ces moments où tu tentes d’expulser les maux qui te rongent encore aujourd’hui. Renée n’est pas ta psy officielle mais elle n’en est pas si loin tant tu lui confies énormément de morceaux de toi. Tu ne sais expliquer pourquoi lui parler est si facile. Peut-être car elle t’écoute sans te juger. Tu peux être toi-même sans peur de moquerie avec elle. Tu peux discuter de tes rêves de voyages sans qu’elle ne te rit au nez, de tes peurs sans te faire rétorquer que tu n’es plus une enfant, de tes doutes sans la voir les minimiser. Sa capacité d’écoute est formidable. Elle aurait probablement fait une excellente psy. « Je veux bien du thé s’il te plait. Oh et ramène de l’essuie-tout aussi. J’ai apporté des madeleines. Je ne voudrai pas mettre des miettes partout et salir ta maison. » Si le balai ou encore l'aspirateur excitent, tu tiens à conserver l'endroit le plus propre possible. Tu ponctues ta demande d’un écartement de lèvres. Tu retires délicatement le couvercle du récipient. L’odeur des gourmandises parvient à tes narines. Lentement, leur parfum sucré envahit la pièce. Tu espères que Renée l’appréciera autant que toi.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Renee lui a fait une bise, par amitié, par que les liens entre soeurs passent par des gestes, parce que c'est un moyen d'exprimer à la jeune femme qu'elle est présente, qu'elle existe et qu'elle a une place bien réelle dans ce monde. Certes, c'est pénétrer dans son espace intime, être verrouillée complètement dans sa bulle ne la sauvera pas des aléas de la vie. Ce contact est riche de significations et riche aussi de l'intérêt que l'avocate lui porte en tombant cette casquette officielle pour endosser un rôle proche du familiale. Elle la prendrait dans ces bras pour lui faire un gros câlin si elle s'écoutait, elle sait que cela brusquerait trop Nina. Donner à petite dose pour que cela touche sans faire peur.
Nina s'est installée sur le canapé. Sans faire de bruit. En limitant ses mouvements. A peine l'air a-t-il senti sa présence. Elle occupe le minimum d'espace. Renee ne veut pas la troubler. Elle la laisse faire. Même pour sa demande d'essuie-tout, elle s'abstiendra de rejeter l'idée pour cause d'aspirateur. C'est encore accorder du crédit à ce qui importe à Nina. Renee se penche au dessus de la boite ouverte.
« Hum ! Je sens qu'on va se régaler. Merci, c'est très gentil à toi. Tu es une perle rare. »
Ce n'est pas de la flatterie. Nina est vraiment une perle de gentillesse. Tant de jeunes de son âge se permettraient des insolences absurdes et inutiles.
« Je vais préparer un thé. »
Sur la table près de la boite de gâteaux, un ouvrage attend qu'on tourne ses pages. Renee espérait avoir une opportunité pour lui montrer, et si elle accepte, lui donner. Alors qu'elle s'affaire dans la cuisine, elle le signale à Nina.
« J'ai trouvé un livre sur les orchidées. Tu as vu ? Sur la table. Tu peux le feuilleter en attendant que le thé soit prêt. J'ai mis des marques pages. Il y en a qui sont vraiment incroyables. »
Elle ne l'oblige en rien. Toujours laisser le choix. Ce choix que Nina n'a pas toujours eu, elle a trop subi, trop souffert. Lui offrir un lieu où se poser tranquillement et lui laisser le champ libre de s'exprimer. Le passage entre être l'avocate de la famille et être l'amie de la famille s'est fait lentement lors des rencontres pendant le dossier, puis après. Renee est loin d'avoir un tel contact avec tous ces clients. Nina et sa mère peuvent être estampillées : "exception". Il y a des histoires et des gens qui touchent au plus profond du coeur. Ce fut le cas.
Sa réaction ne tarde pas à se faire entendre. Son enthousiasme parvient à tes oreilles. Si à travers sa gourmandise connue, tu l’avais présagé, ton manque de confiance en soi te faisait douter. Sa joie t’arrache un sourire. Tu sais qu’elle ne surjoue pas. Renée n’est pas hypocrite. Si l’odeur ne lui plaisait pas, elle te l’aurait dit. Même si elle y aurait mis des formes pour ne pas te blesser malgré tout, signe de sa bienveillance. Tu ne retiens pas son compliment. Tu estimes n’avoir rien de rare. Tu as simplement agi par l’éducation que tu as reçue. Enfin si, tu as bien quelques choses de rare : ton introversion atteint des sommets et ta capacité à rêver est énorme. Cependant, tu n’es pas certaine que cela soit utile. Tu es invisible aux yeux des autres. Et tu en es ravie. L’attention te déplait. Tu déteste te faire remarquer. Tu te demandes d’ailleurs toujours comment Kyra t’as repéré. Voilà tes pensées détournées vers la blonde. Tu as beau être en présence de ta meilleure amie, elle a déjà envahi on esprit. Tu aperçois sa bouille, son sourire. Tu entends le son de sa voix, de son rire. Ton palpitant s’emballe un peu, tambourinant ta poitrine de doux coups. Tu secoues ta tête. Tu observes l’avocate s’activer en cuisine pour tenter de chasser la femme à l’appareil photo de dedans. Le succès de ta manœuvre est discutable. Il est carrément nul. Renée te propose une alternative à ton souci sans le savoir. Tes mirettes la quittent pour le livre déposé sur la table basse. Tu essuies tes mains sur ta robe. Tu saisis délicatement l’ouvrage du bout de tes doigts. Tu le poses sur tes genoux. Tu inspectes sa couverture, admirant la magnifique orchidée rouge présente dessus. Tu redessines les contours de cette fleur imprimée à l’aide de ton index. Tu t’imagines l’extraire du papier, lui donner vie. Tu la vois parfaitement composée de pétales et de tige. Tu te projettes avancer vers Kyra, la plaçant tendrement dans ses cheveux. Cette fille t’obsède plus que ce tu croyais. Tu jettes le bouquin sur le fauteuil d’un geste d’humeur. Tu t’enfonces dans le canapé. Tu es légèrement énervée. Tu n’es nullement en colère contre ton amie qui revient avec vos boissons, tu l’es contre toi-même. L’incompréhension t’agace. Tu aimerais savoir ce qu’il t’arrive. Ton regard adressé à Renée se veut désolée. Jamais elle ne t’as vu dans un état pareil, si expressive d’un mécontentement, toi la quiétude incarnée. Tu tentes de retrouver ton calme, respirant lentement. Tu te redresses pour récupérer une madeleine. Tu croques dans la douceur sucrée, détendant tes neurones en ébullition. « Il t’es déjà arrivée de penser à quelqu’un tout le temps, Renée ? Et quand je dis tout le temps, c’est tout le temps… Du matin au soir… Jour et nuit… », lui demandes-tu sans détour. Peut-être qu’elle saura lire tes entre les lignes tes non-dits. Elle a plus d’expérience que toi dans la vie. Puis c’est aussi une partie de son métier. De toute façon, tu comptes lui en dévoiler davantage par la suite. Tu es venue pour ça, pour essayer de libérer ton cœur prisonnier de cette fille.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Elle prépare le thé tout en restant attentive à ce qui se passe dans la pièce d’à côté. Des regards discrets qui n’insistent jamais. Elle l’a vue songeuse. Elle l’a vue prendre l’ouvrage. Elle ne le voit plus. Elle voit Nina dans un état qui n’a rien d’habituel. Renee en déduit qu’il se passe quelque chose de perturbant pour la jeune femme. L’appel téléphonique avait induit dans cette possibilité, elle se confirme. L’eau est chaude. Un plateau sur lequel est posé la théière, deux tasses, du lait, du miel, deux cuillères, Renee prévoit des plus. Il faut toujours un peu plus, toujours l’idée du choix, toujours ce besoin de laisser le choix. Elle apporte le tout sur la table du salon. Elle sert. Elle ne fait pas de commentaire. Nina énervée, c’est une première. Renee garde son calme. Enfin les mots sortent. Surprenants de spontanéité et surtout surprenants par le sujet. Elle approche le fauteuil et pose le livre sur le sol.
« Oui. Parfois une personne est obsédante. Il y a de multiple raisons possibles.»
Elle recherche qui a eu cette présence excessive pour elle. Le premier prénom qui lui vient c’est celui de sa soeur, le second c’est celui de Lennon. Deux femmes, deux raisons bien distinctes.
Passer de l’amour au mépris pour une personne dont le même sang circule dans les veines a pris des jours et des nuits de sa vie. Quand elle n’y prend pas garde, cela remonte à la surface, cela l’obsède encore.
Entendre son coeur battre la chamade quand les yeux voient une certaine personne, le sentir s’arrêter quand elle l’a attendu désespérément, un jour, deux jours, une semaine, jusqu’à fantasmer sur elle durant la nuit pour tenter de calmer le feu de l’absence, cela correspond bien à la définition que donne Nina.
Il y a un autre nom, dans un registre totalement différent, un client. La peur. L’angoisse terrible, imprévue qui submerge. Comment un homme peut faire aussi peur ! Le rôle d’un avocat est de défendre son client quelqu’il soit. Celui-ci, elle l’a suspecté de tortures sur sa femme et probablement que la précédente en était morte.
Nina perturbée par une personne. Elle espère que ce ne soit pas le dernier cas. Ni le premier, elle pensait que ses problèmes familiaux étaient terminés.
« De quelle manière cette personne envahit-elle ta vie ? Qu’a-t-elle fait pour cela ?»
Des questions parce que sous l’amitié, la jeune femme a réveillé l’inquiétude professionnelle, les deux s’emmêlent. Si quelqu’un s’en est pris à Nina difficile de dire quelle Renee sortira ses griffes en premier.
Tu te sens perdre pied, le contrôle de ton corps, de tes émotions, chamboulée par cette nouveauté, tout cela causé par une unique personne : Kyra. Tu as déjà connu des perturbations dans ta vie. Les violences de ton père bouleversent encore ton existence, te faisant craindre les hommes comme la peste, nouant ton estomac dès que l’un d’eux t’adresse la parole. Il n’y a que la voix masculine de ton psy qui ne te fait pas te calfeutrer dans ta bulle. Toutes autres verrouillent à triple tour ta carapace. Ce qui est parfois problématique dans la fleuristerie, lorsque ta mère est occupée et que tu dois gérer un client. Les timbres féminins te sont neutres la plupart du temps. Tu ne les considères ni bon ni mauvais. Tu distingues tout de même dans le lot celui de deux personnes capables de t’apaiser : ta mère et Renée. Et tu es tentée d’ajouter le prénom de cette blonde à cette liste. Kyra ne parle pas à tes oreilles, elle chante. Elle prononce une tendre mélodie, une berceuse, une symphonie qui te transporte dans un monde de légèreté, un monde où tu te sens bien, heureuse. Cela ne t’est jamais arrivé auparavant. Tes moments joyeux, tu les vis seule, souvent au bord de l’océan, rêvant d’évasion, de voyage. Ton univers t’appartient, tu n’invites personne dedans. De toute façon, personne ne souhaite y entrer, tu es trop différente et introvertie pour susciter de l’intérêt. Telles étaient tes certitudes avant cette fameuse rencontre, avant qu’elle ne t’adresse la parole, que tes mirettes découvrent son visage. Depuis tes songes ont évolués. Tu ne les fais plus seule, cette blonde est toujours à tes côtés, souriante, bondissante. Et tu as peur de ce qu’il t’arrive, de la perdre. Alors qu’elle n’est qu’une illusion de ton esprit. Tu termines ta madeleine. Tu saisis la tasse fumante. Tu souffle sur le liquide chaud. La surface est comme un miroir. Tu y distingues ton reflet. Tu fais une drôle de tête, tu sembles fatiguée. Lentement, l’image se brouille, elle se transforme. Tes traits disparaissent et laissent place à une bouille angélique, celle de cette obsession. Tu reposes ta boisson précipitamment, renversant une partie de son contenu sur la table basse. « Désolée… », lances-tu à ton amie en épongeant tes dégâts. Tu termines de nettoyer avant de t’enfoncer dans le canapé, ton regard fuyant vers le plafond. « Je ne pense plus qu’à elle… Je vois son visage partout ; j’entends sa voix partout ; je la vois là où elle est absente, dans mes rêves ou chez les autres... » Tu reprends une posture plus décente. Tu fixes les mirettes de l’avocate. « Et elle n’a rien fait de spécial pour cela… Elle m’a simplement abordé sur la plage, il y a quelques jours… Nous avons parlé un peu et c’est tout… » Tu soupires. Tu ne comprends rien. Comment une inconnue peut devenir si primordiale à quelqu’un en une fraction de secondes ? Serait-ce ce que les gens appellent un coup de foudre ? Tu ne peux y croire. Tu n’aimes que ta mère et Dame Nature.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Obsédante image d’une personne qui semble venir troublée l’invitée jusque dans le salon de Renee. Cette tasse, ce thé, la table basse en ont fait les frais. Nina s’empresse d’éponger. Elle la laisse faire alors que son inquiétude monte d’un cran. Obsédante de nuit comme de jour.
« Ne t’inquiète pas, ce n’est pas grave. »
Du thé renversé, ce n’est pas grave. Ne pas s’inquiéter, ici, Nina est en sécurité et Renee le fait pour elle. Elle peut souffler et se délester de toutes les charges qu’elle porte. Elle l’a laisse nettoyer pour qu’elle continue de laisser sortir son stress dans un geste banal. La minute d’abandon qui suit dans le canapé déclenche la confidence. Image obsédante d’une femme qui n’a rien fait, qu’être là, qu’échanger quelques mots et qui fait basculer sa jeune amie dans un émoi incontrôlable.
« Je vois. »
Renee hoche de la tête. A son tour de se caler dans le fauteuil. Nina a besoin d’être éclairée sur son ressenti, d'être rassurée surtout, à Renee de l’aider. Elle lui sourit.
« Affinité. »
Elle n’ose pas aller plus loin pour l’instant, avancer pas à pas pour ne pas asséner dès la première réponse l’évidence qui lui vient à l’esprit. Elle se souvient de sa rencontre avec Lennon. Elles avaient la distance à l'époque qui pesait très lourd, l'une à Los Angeles, l'autre à La Nouvelle Orléans.
« Parfois les gens qu’on rencontre par hasard déclenchent des sensations immédiates de bien-être. C’est qu’il y a affinité. »
Première étape franchie. Il faut un peu plus pour savoir à quel point en est Nina.
« Si cela va au-delà d’une simple sensation ponctuelle, cette personne a réveillé en toi des sensations plus profondes. Que tu n’avais pas encore découvertes jusque-là, semble-t-il, quand les sensations basculent vers les sentiments et les désirs. »
Renee retient un soupir. Elle a l’impression d’y aller à pas feutrer et de faire office de psy, alors qu'elle n'a rien d'une psy. Elle veut tellement peu brusquer Nina !
« Tu n’a jamais ressenti cela pour quelqu’un par le passé ? »
Tu n’as pas conscience que Renée évoque la gravité de de l’état de sa table basse. Tu n’es plus apte à penser à autre chose que ta situation, à elle. Tu estimes ta situation alarmante. Tu es trop fragile pour la supporter seule. Ton cœur va finir par exploser en mille morceaux. A moins que tu ne deviennes folle avant. Ton cerveau ne pas pouvoir supporter cette activité très longtemps. Il te faut te déconnecter et dormir. Le problème est que Kyra est également présente dans le monde du sommeil. Tu n’as nulle part où te rendre pour l’éviter. Ta bulle si hermétique t’est inutile. Elle s’est transformée en passoir. Tu te retrouves sans protection face à ton environnement. Tu es une proie sur pattes que les prédateurs vont croquer sans ménagement. Il est urgent de calfeutrer ta carapace. Renée est ta rustine. Elle est ton dernier espoir. Elle t’indique comprendre ton souci. Tu lâche ta feuille d’essuie-tout et ta tasse dans la seconde. Tu es toute ouïe, attentive, prête à capter la moindre syllabe prononcée. Quatre parviennent à tes oreilles. Quatre sons pour un mot. Un mot pour une nouvelle interrogation. Ta tête se penche légèrement sur le côté. Tu restes à la fixer, en silence. Tu n’es pas plus avancée. L’avocate développe. Tu n’es plus concentrée. Tes pensées se sont déjà retournées vers la photographe. Tu saisis des brides de ses explications. Bien-être. Tu l’es en présence de la blonde. Songer à elle te rend heureuse. Plus rien n’existe quand Kyra est dans tes parages. Tu te renfonces dans le canapé, les mirettes admirant le plafond du salon. « Je ne serai pas là si c’était que ponctuel. » Tu n’es pas du genre à chouiner pour des broutilles. Tu ne déranges jamais les gens. Tu gardes tout pour toi. Tu déverses un peu de tes poids à ton psy. Le restant, tu les conserves dans ton être. Tu ne sollicites de l’aide qu’en cas de nécessité absolue et Renée le sait. « Elle est partout même quand elle n’est pas là physiquement. C’est fou… » Tu te redresses. Tu attrapes délicatement la main de ton amie. Tu la places sur ton palpitant. « Je crois qu’elle est entrée là… Personne avant elle n’avait réussi cette prouesse… » Ni ta mère, ni Dame Nature, ni ton interlocutrice, personne. « Renée… » Ta voix est chevrotante. Tu as peur. Tu resserres ta prise pour te donner du courage. « Est-ce que je suis amoureuse ? »
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Nina prend la main de Renee pour la placer sur son coeur. Elle donne encore quelques indications sur ce qu’elle vit et d’elle-même en arrive à la conclusion la plus évidente. L’avocate lui sourit avec un hochement de la tête.
« Il semble bien que oui. Tu es amoureuse. Et c’est passionné si j’en crois l’omniprésence de la jeune femme dans ton esprit. Elle t’a vraiment marquée. »
C’est impressionnant la naissance d’un tel sentiment. Surtout le tout premier amour. Frais. Impétueux. Capable de déplacer les montagnes. Ne voyant que le bien et le beau même au milieu de la laideur la plus totale. Toujours impressionnant ce que l’amour peut faire faire. Il va faire vivre à son amie quelque chose d'extraordinaire. Renee s’en réjouit mais s’en inquiète aussi. La pureté et la fragilité de Nina l’obligent à mettre quelques garde-fous. Elle n’a pas envie de la trouver brisée en mille morceaux dans un mois, dans une semaine parce que la belle inconnue aura ri au nez de sa petite protégée lui déclarant sa flamme. Elle n’a pas envie de voir Nina se recroqueviller comme une fleur fanée après un échec trop violent.
« Prends le temps de la connaitre. Une étape importante sur laquelle on passe parfois trop vite. »
Nina garde toujours la main de Renee contre elle. Alors l'avocate fait glisser l'autre sur les cheveux de la jeune femme.
« Parfois les gens ne sont pas aussi beaux qu’il y parait. Parfois ils vous entrainent dans quelque chose qui ne vous convient pas, même involontairement. Alors surtout, s’il n’y a qu’un conseil à te donner, c’est bien celui-là. »
Elle pourrait faire étalage de sa propre expérience et surtout celle de son frère qui a fini en prison parce qu’il a suivi une femme nocive dans les pires folies, elle ne veut pas affoler Nina. Après tout, la sienne est presque positive, avec Lennon, c’est... en fait, pas tellement un bon exemple non plus.
« Hum... Il y en a aussi un deuxième. Il est important que tu saches si elle-même ressent quelque chose vis-à-vis de toi avant de te lancer dans quoique ce soit. »
Renée confirme ton impression. Tu te doutais de cela. Tu as refusé d’écouter ton cœur. Il t’a pourtant hurlé ce sentiment à maintes reprises. Jour et nuit. Sept jours sur sept. Vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Tu as joué la sourde oreille. Tu as nié l’évidence. Tu as feinté te faire des idées, que ceci n’était qu’éphémère. Tu as fui cette nouveauté jusqu’à te retrouver face à un mur, jusqu’à être prisonnière de ta propre torture. Et ton amie vient de te libérer. Tu es amoureuse. Ton esprit accepte ses mots. Il sait qu’elle ne te ment pas. Ton cerveau et ton cœur se retrouvent sur la même longueur d’onde. Une vague de bien-être parcourt ton corps, un sourire niais orne ton visage, tes pommettes rosissent légèrement, des étoiles envahissent tes billes, ton palpitant s’accélère. En l’instant, tu n’as plus de barrière. Tu te retrouves à nue, désarmée. Si cette sensation te déroute d’ordinaire, ici, tu l’apprécies. Tu pressens que rien ne peut t’arriver, que l’amour est plus fort que tout, qu’il est le meilleur remède contre les maux de ce monde, contre ceux qui te rongent, que tu vas pouvoir définitivement guérir et vivre.
Ton enthousiasme redescend à travers les propos de l’avocate. Il ne faut pas que tu t’emballes de trop, que tu t’envoles trop haut dans les cieux au risque d’effectuer une chute mortelle. Ton visage se referme, crispé par le fantôme de ton passé, une expérience traumatisante qui te hante toujours. « Je sais… Mon père semblait beau au début… » Il était charmant, attentionné, probablement amoureux aussi. Surtout amoureux de lui-même, du pouvoir, de son emprise sur ta mère. Repenser à cela te donne la chair de poule. Renée connait toute cette histoire. Elle vous a défendu contre ce pervers narcissique. Tu hoches doucement ta tête par la suite. Vrai que tu ne dois pas trop te projeter. Tu ignores la réciprocité de tes sentiments. Tu ne représentes peut-être rien aux yeux de Kyra. Peut-être même qu’elle est déjà en couple. Cela ne serait guère étonnant vue sa beauté. Tu n’imagines pas cette bouille angélique célibataire. La blonde doit faire tourner bien des têtes. « Comment puis-je le savoir ? Comment puis-je lui demander ? » Tu n’es pas une experte dans le domaine. T’adresser aux gens t’est déjà difficile en temps normal alors livrer tes sentiments relève de la mission impossible.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Elles se seraient rencontrées au "The Planet', le bar en vogue chez les lesbiennes, ou tout autre lieu ne prêtant pas à confusion, un festival de films lesbiens ou une permanence d’association LGBT, Nina aurait pu être directe. Demander à la personne si elle venait souvent, seule ou accompagnée, bref le sujet n’aurait pas été tabou. Une rencontre sur une plage, c’est plus difficile de savoir les affinités de la demoiselle. Rien ne prouve qu’elle apprécie la compagnie des femmes jusque dans son lit. Renee s’octroie un temps de réflexion en prenant un gâteau. Un interrogatoire mené subtilement par Nina ? Certes, mais la jeune femme peut-elle se lancer sans encombre et surtout encaissé une gifle si elle a été trop loin ? A éviter d’y aller trop de front.
« Je pense qui si vous vous voyez régulièrement, cela signifiera qu’elle apprécie ta compagnie. Il faudra que tu tentes de savoir s’il y a plutôt des hommes ou des femmes dans sa vie, si déjà elle est en couple avec une personne. »
Elle ne se sent pas de donner un mode d’emploi dans le domaine de la séduction. Il n’y en a pas. Chaque cas est unique. Nina est unique. Dans ce domaine, il faut être prêt à encaisser les ratés comme les réussites.
« Ce sont des petites questions anodines qui doivent venir dans la conversation. Du style... “une sortie ciné ? peut-être que tu voudrais amener quelqu’un...” Un choix particulier de film permettra de savoir ses goût et ses opinions. Et si de fil en aiguille, tu apprends qu’elle est célibataire, qu’elle préfère les femmes aux hommes, un grand pas sera fait. Il restera... »
Et ce n’est pas un mode d’emploi ce qu’elle est en train de donner ?
« Ensuite ce sont les gestes qui t’aiguillent si elle... »
Elle soupire. Est-ce que Nina saura les reconnaitre ces regards, ces effleurements de doigts, ces invitations à prendre un dernier verre ?
« Mais qui sait, c’est peut-être elle qui fera le chemin vers toi et te dévoilera ses sentiments. »
On ne peut pas savoir après tout. Surtout si elle est en couple avec un homme, cela risque d’être réglé avant de commencer !
Tu sais désormais être amoureuse. Tu n’es pas sortie d’affaire pour autant. Tes galères ne font même que commencer. C’est bien beau d’avoir mis un nom sur tes ressentis mais le plus dure reste à faire : les exprimer. Toi qui ne dégages que de la neutralité va devoir apprendre à laisser parler tes émotions. Inconsciemment, tu es déjà en train de le faire. Tu n’as jamais autant souri en présence de quelqu’un. Peu importe ce qu’elle dit ou qu’elle reste silencieuse, tes lèvres montent à tes oreilles à proximité de Kyra. Tu n’as pas conscience de lui envoyer un message, de lui montrer à quel point sa compagnie t’égaye. Tu es arrivée à un stade où tu ne vas plus seulement à la plage pour admirer l’océan. Dès que tes pieds nus foulent le sable, tes mirettes chassent la moindre crinière dorée. Elles cherchent la toison de blé, la silhouette, la bouille, le sourire radieux de Kyra. Tu la trouves à chaque fois. Elle est toujours là, debout, son appareil photo dans les mains ou autour de son cou, proche de ce rocher, à l’endroit exact de votre première rencontre. Tu la suspectes de t’attendre chaque jour. « On se voit tous les jours. » Ce qui semble un bon point. Tu ignores pourtant sa situation familiale. Vous parlez de tout et de rien. Kyra prend les rênes de la conversation. Tu écoutes sa voix et répond à ses questions. Tu n’oses pas jouer l’intrusive. Tu ne souhaites pas prendre le risque de la faire fuir. « C’est pas facile l’amour… », annonces-tu à Renée en soupirant une fois qu’elle ait énoncé ses conseils. T’as un instant cru naïvement que ça serait facile. Tu te voyais limite approcher Kyra, saisir sa main, planter tes yeux dans les siens et lui souffler un « Est-ce que tu m’aimes ? » au visage. De là, un mot de trois lettres sortirait de sa bouche, infirmant ou confirmant la réciprocité de tes sentiments. Visiblement, cela ne se passe comme cela. Tu es novice en la matière. Tu vas devoir apprendre. Tu n’es pas sûre de réussir. Tu vas essayer pour elle, cette blonde en vaut le coup. « Est-ce qu’un sourire, un rire, replacer une mèche de cheveux derrière mon oreille sont des gestes d’une femme amoureuse ? » Tu n’es pas capable de le déceler toute seule. Tu n’as vécu ce qu’il t’arrive en ce moment. Ton interprétation est sujette à l’erreur. Tu as besoin d’être éclairée. « Tu penses sincèrement que quelqu’un pourrait m’aimer ? », lui demandes-tu timidement. La confiance en soi te fait défaut. Son manque te rattrape. Tu doutes de ton pouvoir d’attraction. Qui voudrait de toi ? Qui voudrait d’une âme brisée quand il en existe tant de rayonnantes ?
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Renee sourit en entendant la jeune femme lui dire qu’elles se voient tous les jours. C’est positive. L’inconnue ne fuit pas sa petite protégée. Elle l’apprécie semble-t-il.
« C’est bon signe si elle est disponible pour passer un moment avec toi. »
Pour l’autre constat fait pas Nina, l’avocate ne peut qu’abonder dans ce sens. Compliqué d’aime. Compliqué d’essayer de partager un moment de vie avec un personne. Il faut constamment faire des concessions, rester tolérante, si on ne veut pas tomber dans une jalousie maladive qui dévaste tout sur son passage.
« Non pas facile. »
Elle songe à sa relation avec Lennon. Elle ne parvient pas à s’imaginer la quitter, mais être avec elle provoque trop souvent une frustration. Elle a très peu poser de question sur ce qu’elle faisait en dehors du temps qu’elles passent ensemble. Son entrainement évidemment, ses combats certes, mais est-ce que toutes les absences sont justifiées, est-ce que tous les désistements le sont aussi ? La question de Nina la ramène au sujet des préoccupations de son invitée.
« Sourire et rire indiquent que tu apprécies sa conversation, sa présence. L’amour c’est un peu plus. »
Elle essaie d’imaginer la scène d’une rencontre entre les deux jeunes filles. Connaissant Nina, elle se doute qu’elle reste en retrait.
« Si tu remets une de ses mèches à elle en place, ce sera plus expressif sur l’intérêt que tu lui portes. »
C’est un premier contact physique simple qui ouvre la porte à davantage de complicité. Ensuite... La nouvelle question de la fleuriste fait sourire Renee.
« Mon dieu, mais comment peux-tu douter de cela ? Evidemment que quelqu’un peut t'aimer. Sincèrement. Passionnément. Tu es gentille comme un coeur, sensible, belle, tu as tout ce qu’il faut pour faire fondre une personne. »
Un charme discret qui peut faire chavirer bien des coeurs, Renee en est certaine.
L’amour t’est inconnu. L’amour de l’autre du moins. L’amour porté à ta mère et à Dame nature n’est plus à prouver. L’amour ressenti envers une autre personne est nouveau. Même Renée, du haut de votre amitié et de votre appréciation, tu ne dirais pas l’aimer. Sa présence, penser à elle, voir son visage, n’accélèrent pas ton cœur comme Kyra. La photographe est devenue une drogue. Un jour sans la croiser et te voilà en manque. Tu es dépendante de sa bouille angélique. Et de son rire. Surtout de son rire si mélodieux à tes oreilles. « D’accord. » Tu te montres concise. L’intérêt que tu portes à cette blonde est grandissant. Chaque jour qui passe, elle prend un peu plus de place dans ton esprit. Tu oses encore croire qu’elle n’est pas entrée totalement en toi. Illusion d’un être rempli de doute. Kyra t’obsède un point c’est tout. Il reste à définir si la réciprocité est vraie. Si c’est le cas, tu vivras ta première histoire d’amour. Celle que tu espères être la dernière également. Ta naïveté te berce d’illusions. Tu apprendras dans une dizaine de jours plus tard que cette femme n’était pas destinée à ce rôle. Ton sourire s’efface en entendant Renée. Son annonce te fait te reculer dans ton siège. Elle te gronde un peu on dirait. Pourtant, elle peut comprendre tes doutes. Elle connait ton parcours, ton histoire, tes blessures. Ses mots te redonnent rapidement le sourire. Elle n’est pas ta meilleure amie pour rien. Elle seule est capable de te remettre à flot dans la pire des tempêtes. C’est avec une femme comme elle qu’il te faut partager ta vie. Sa moitié a bien de la chance de l’avoir à ses côtés. Tu es tout aussi chanceuse. Les larmes presque à l’œil, tu quittes ton assise pour venir l’encercler de ton bras. Ta tête sur son épaule, tu restes un instant à l’étreindre, silencieuse, écoutant ton palpitant pulser contre sa poitrine. « Merci. », finis-tu par lui dire. Tu desserres ta prise et retourne à ta place. Tu ôtes tes chaussures pour t’installer en tailleur, une madeleine dans la main. Radieuse, tu dévores le biscuit. C’est fou le pouvoir des mots. En deux phrases, tu te sens prête à affronter le monde. Puis, quand tu te retrouveras devant Kyra, ta confiance s’évaporera. Ton téléphone se met à vibrer. C’est ton alarme de fin de journée qui s’active. L’heure de quitter la fleuristerie et de de prendre la direction de la plage est arrivée. « Je vais devoir y aller… Elle m’attend sûrement… » Tu remets tes souliers. Ta boite de madeleines n’est pas vide. Tu la récupéreras plus tard. Tu peux bien offrir ces gourmandises à ton hôtesse. « Tu veux m’accompagner ? Tu pourrais voir à quoi elle ressemble. »
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