The wild heart. (charlie)

Le rendez vous était pris. Aujourd'hui, je rencontre Charlie. Je ne sais pas quoi en penser. Ca me fait bizarre plus qu'autre chose. On a passé tellement de temps à converser par internet, par sms que maintenant j'ai l'impression de le connaître par coeur. Mais, il ne m'a jamais vu et je ne l'ai jamais vu. Dans ces cas là, c'est compliqué de se faire une idée sur les gens. J'ai essayé de glaner quelques informations mais jamais rien qui m'aurait permis de savoir à quoi il ressemblait. En temps normal, ça aurait fini par me gonfler et pas qu'un peu. Mais avec lui c'est différent et c'est bien ça le soucis. C'est que c'est différent. J'ai du mal à mettre des mots sur ce que je ressens. C'est nouveau, c'est peu commun. Je suis pas du genre à me prendre la tête, je m'en fous du sexe de la personne avec qui je suis - au plus grand dam de mes parents - et du physique également. Mais les relations à distance c'est compliqué et ça n'engage à rien. Là c'est du concret. Je suis revenue dans ma ville natale, celle où comme par hasard Charlie habite. Je ne suis pas du genre à croire au hasard mais plus au destin. Si j'ai décidé de revenir ici pour ma soeur, pour mon frère, je dois avouer que j'ai pensé à lui lorsque j'ai pris cette décision. Bien sur, je ne pense pas que je serai revenue que pour Charlie, on va dire que c'est un petit plus non négligeable. J'ai noté l'adresse du bar dans lequel je dois le rejoindre. Ce mois ci, l'art est mis en avant à Los Angeles. On les voit partout ces affiches et forcément, la musique en fait partie. Je pense que c'est pour ça que son groupe se produit ce soir. Ca va être intéressant. J'arrive à l'heure, je m'installe et je commande un verre. Une bière, souvenir d'Irlande, après tout la Saint Patrick c'est en ce moment, c'est une manière de leur rendre hommage. De rentre hommage à cette terre adoptive qui m'a accueillie pendant quelques mois. Un groupe passe puis on annonce celui de Charlie. Je souris, je trépigne, je suis impatiente de le voir. Même si je ne sais pas qui c'est parmi les personnes arrivant sur scène. Non, vraiment pas. Puis comme ils ne se présentent pas, je ne peux pas savoir. Une fille prend le micro et commence à chanter. Sa voix est différente, assez envoûtante, pourtant je tente de me concentrer sur les garçons qui l'accompagnent. Ma voisine de table me regarde bizarrement, je soupire. " Maggie c'est ma soeur, mon autographe ne vaut rien. " Et je repars en contemplation du groupe. Je suis là pour être bercée par la musique, pas pour être emmerdée par les fans de ma jumelle. J'envoie un sms à Charlie, pour l'avertir de ma présence, guettant par la suite qui ira répondre à la pause ou à la fin du concert.

Ça bougeait contre son ventre, des petites pattes s’enfonçaient dans son abdomen pour ensuite se poser sur sa poitrine. Charlie poussa un grognement et se frotta les yeux de ses doigts pour darder un regard menaçant vers… Bobby, le lapin et mascotte de la colocation. « Qu’est-ce que tu fais là toi ? » Se redressant sur un coude, elle le gratta entre les oreilles pour ensuite le poser délicatement sur le sol, dans un sourire attendri. Même par terre, il continuait de la fixer, mais elle ne fit pas attention à son adorable petite frimousse.

Son téléphone en main, elle déverrouilla l’écran et ouvrit ses messages, à peine eut-elle aperçu le prénom d’Effy que son cœur partit au grand galop dans sa poitrine et que ses angoisses se réveillèrent de leur longue torpeur, elle se mordit la lèvre et lâcha l’appareil comme si ce dernier avait tenté de la mordre férocement. Une partie d’elle sautait de joie à l’idée de rencontrer pour la première fois cette correspondante mystérieuse qui avait autrefois hanté ses songes, Une autre quant à elle paniquait à l’idée de se montrer à une figure qui appartenait tout autant au présent qu’au passé. Elle ne lui avait jamais avoué sa transition et continuait de se faire passer pour un mâle de peur de la voir fuir.

Elle quitta les draps et rejoignit la pièce commune pour s’abreuver de sa boisson vitale du matin. Ses deux colocataires étaient dans le canapé à grignoter un semblant de petit-déjeuner, elles avaient encore oublié de faire les courses. Charlie s’empara d’une pomme et d’une tasse de café. « Ah ta collègue a appelé, t’es dispensée de tatouages today. » Elle arqua un sourcil puis haussa les épaules, tant mieux elle devait se préparer pour le concert de ce soir où se trouverait… Elle déglutit difficilement et croqua sa pomme pour atténuer le nœud présent dans sa gorge.

Elle quitta l’appartement dans les alentours de midi dans sa fameuse tenue marinière salopette, sa trompette et un autre sac sur le dos. Elle enfourcha sa bicyclette et bondit dans les rues de Los Angeles pour rejoindre le reste de la bande, elle était heureuse de pouvoir se produire sur scène pour le festival d’art, c’était une occasion en or pour se faire connaître et partager leur talent. Un quatuor de Jazz comme le leur était parfait pour un petit coup d’air frais. Elle à la trompette, Dick au piano, Liam au violoncelle et Louis à la batterie. Parfois elle chantait, quoique ça devenait de plus en plus fréquent.

Elle planqua son vélo dans le hall du bâtiment et rejoignit le reste des musiciens pour une répétition qui était bonne pour durée toute l’après-midi. Ils se mirent d’accord sur les titres à interpréter puis prirent la direction du bar qui avait accepté de les produire, le stress ne cessait de grimper au fil des heures et Charlie priait pour ne pas s’évanouir sur scène, Liam fit justement un commentaire sur le fait qu’elle était bien plus pâle que d’habitude ce qui pouvait être laborieux quand on avait déjà un teint de porcelaine.

« On peut commencer. » Charlie glissa un regard en direction de Dick et hocha doucement la tête, glissant sur un coin de la scène pour ensuite s’approcher du micro. Ils avaient opté pour du Nina Simone pour l’ouverture, une chanson qui plaisait énormément à la Suisse de par ses paroles qui la concernait et de par son rythme entraînant. Trois chansons défilèrent pendant lesquelles elle sonda la foule à la recherche d’un quelconque indice à propos de la présence d’Effy, mais rien ne pouvait l’amener sur une piste, son visage lui était inconnu et elle ne pouvait interrompre la représentation pour tranquillement demander où elle s’était cachée. La pause sonna la fin de ses questions et elle fit dos à la foule pour consulter sa messagerie. Effy était là. Elle jeta aussitôt un regard par-dessus son épaule, mais ça n’aidait pas.

Elle prit une profonde inspiration et une bonne gorgée de bière offerte par la maison pour ensuite faire une nouvelle fois face au micro, ses doigts tremblaient dessus et elle hésita un instant. Il y avait un moyen de se faire reconnaître, elle le savait et elle le redoutait, mais dans un élan de courage -et à la grande stupeur de son groupe- Charlie s’empara de sa trompette et partit sur un morceau qui sortait de la sélection prévue, heureusement pour elles ses partenaires possédaient un don délicieux pour l’improvisation. Son regard fuyait la foule, il se contentait de fixer un point imaginaire et puis quand elle sentit les derniers accords s’échapper dans une dernière tirade, elle se pencha vers le micro et avant que tout ne s’effritât, elle prononça ces quelques mots. « Hey Effy, c’est Charlie. »

Y’a un truc qui ne colle pas avec le reste. Enfin, je n’arrive pas à comprendre quoi. Je regarde la scène et cherche à savoir lequel des garçons peut bien se cacher derrière le prénom “Charlie”. Je sais qu’il joue de la trompette déjà mais aucun des musiciens n’en joue pour le moment. Peut être un peu plus tard qui sait. Je ne désespère pas de le voir. D’ailleurs je lui ai envoyé un sms pour l’informer de ma présence. Je me dis qu’il le verra bien à un moment donné. Les chansons défilent et toujours aucun indice sur l’identité de mon correspondant. Ca fait tellement longtemps qu’on se parle que j’ai pu me faire une idée mais au fil des années elle a changé. C’est ce qu’il se passe lorsqu’on ne sait pas à quoi ressemble la personne qui se cache derrière un pseudo. On l’imagine, on l’invente, on se fait plusieurs scénarios possibles et inimaginables. Et enfin une pause arrive. Je tiens là ma chance. J’observe les garçons pour voir si l’un d’eux récupère son téléphone mais ils le font tous. Ca ne va pas m’aider ça, clairement pas. Je fronce les sourcils et attends encore. Je suis patiente mais ça commence un peu à me stresser tout ça. Calée dans le fond de mon siège, j’ai le regard fixé sur mon écran de portable. J’attends de voir s’il s’allume, si j’ai une réponse à mon sms. Mais rien ne vient. Je soupire et sirote ma bière sentant ma patience s’effriter encore un peu. Jusqu’à ce qu’un son ne résonne dans la salle. Une trompette. Je relève les yeux et vois la chanteuse jouer de cet instrument. Je bug quelque peu, je ne comprends pas vraiment. Peut être qu’ils sont deux dans le groupe à en jouer après tout. Mais c’est étrange. Mon regard est planté sur elle, je tente de décrypter ce qu’il se passe. Et lorsque le morceau se termine, la jeune fille prend le micro pour faire une révélation qui me laisse sur le cul. Valait mieux que je sois assise. Elle se présente sous le prénom Charlie, elle prononce le mien. Oui, je bug. J’ai les yeux écarquillés, la bouche entrouverte et je suis consciente d’être forcément la seule à qui cette phrase fait de l’effet. Je ne sais pas si je me sens trompée ou si je suis juste subjuguée. C’est assez difficile à définir. La pause prend fin et le groupe reprend. Je regarde avec plus d’attention la Charlie qui se trouve face à moi. Toutes nos conversations me reviennent en tête et je tente de chercher dans ma mémoire des indices qui auraient pu laisser présager cette situation. Mais rien ne me vient. J’ai l’impression d’être dans un brouillard épais. Les chansons s’enchaînent, jusqu’à ce que soit annoncée la nouvelle pause. C’est le moment. Je finis ma bière, récupère mon sac et m’approche de la scène pour me planter face à la brune. ” Et bien… Salut Charlie, moi c’est Effy. “ J’ai le regard un peu perdu et le sourire qui peine à se dessiner sur mes lèvres. Je crois que j’ai bien besoin de quelques explications. Et elle doit très certainement en avoir conscience.

La bombe était lancée mais il était impossible encore d’en voir les conséquences puisque le spectacle n’avait toujours pas touché à sa fin. Il était si difficile pour elle de se concentrer alors que son regard était intenable, balayant cette foule à la recherche de celle qui venait sûrement d’être médusée par la nouvelle. Un de ses partenaires lui donna un sévère coup de coude pour la ramener sur terre et elle se força à jouer correctement pour une poignée de minutes encore. La pause s’annonça et Charlie sentit les cheveux de sa nuque s’hérissaient sous le stress qui s’imposait. Comment allait-elle expliquer tout ça ? Elle ne savait même pas par où commencer, la saluer était sûrement la meilleure chose à faire. Elle était prête à partir à la recherche d’Effy quand une demoiselle se pointa devant la scène.

Charlie laissa son regard glisser vers elle et son cœur loupa un battement sous la beauté des traits de l’inconnue. Elle était sûre de l’avoir déjà vu quelque part mais impossible de mettre le doigt dessus. Ce fut quand elle se présenta que Charlie comprit et ses joues prirent une horrible teinte rosée. Elle était timide de nature et Effy avait toujours su la mettre dans tous ses états, bon certes elle n’avait prononcé que quelques mots, mais ça suffisait pour créer la panique dans son esprit. « Salut… Effy. » C’était ridicule et elle était sûre qu’elle en rirait sûrement plus tard, mais sur le coup elle avait l’impression de s’être enfoncée dans des sables mouvants trop gourmands. La beauté de son amie d’internet n’aidait pas à garder la tête froide.

« Merci d’être venue. » Elle se gratta l’arrière du crâne. « Je ne savais pas comment te le dire par message et je crois que j’ai jamais eu le courage. » Un rire nerveux s’échappa de sa gorge. « Tu veux peut-être que je t’offre une bière pour digérer tout ce que je vais t’expliquer ? » Elle avait chaud et ses joues ne cessaient de virer au cramoisie, c’était ridicule merde quoi elle n’avait plus seize ans, elle ne pouvait être dans pareil état à chaque fois. Mais c’était Effy, c’était forcément différent. Charlie attrapa le pantalon de Louis et lui intima de continuer le concert sans elle, il lui lança un regard surpris mais il comprit par un simple coup d’œil qu’elle lui expliquerait tout ceci plus tard.

J'ai besoin de quelques explications pour le coup. Comment peut on discuter avec un mec et voir face à soi, une fille. Bon d'accord, elle est pas moche Charlie. Mais j'ai comme l'impression qu'on s'est foutu de ma gueule. Et que ça dure depuis des années. Alors est ce que le Charlie que je connais est l'un des mecs du groupe et qu'il veut savoir qui je suis avant de se présenter ? Non je pense pas. Ce serait bien trop tordu et la personne avec qui je discutais n'était pas aussi barré que ça. Ou alors je me suis vraiment faite avoir. Mais non, je refuse de le croire. Je dois en avoir le coeur net. Je m'approche de la scène, je me présente à Charlie. Pas besoin de mentir, on verra bien ce qu'il se passe. Il n'y a rien d'autre à faire de toute façon.

" Salut… Effy. " Bon elle semble savoir qu'elle devait me retrouver. J'attends, je sais pas quoi faire mais j'attends. J'ai l'air con plantée là mais je n'en démords pas. " Merci d’être venue. " Je lui souris. " Evidemment que je suis là. " Même si je suis totalement paumée ouais. Elle ne semble pas être bien plus à l'aise finalement. En même temps après autant de temps à se parler par internet, la rencontre en réel c'est compliqué. " Tu veux peut-être que je t’offre une bière pour digérer tout ce que je vais t’expliquer ? " Je rigole. En voilà une bonne idée. " Une bière pourquoi pas mais oui des explications ce ne serait pas plus mal là. " Voir même vraiment indispensable.

Elle acceptait la bière, c’était déjà une bonne chose et un poids en moins sur ses épaules. Son rire la conforta dans le peu de courage qu’elle avait réussi à dégager et dans un sourire, elle lui indiqua le bar à quelques mètres de là. La bande de jazz reprenait le spectacle et Charlie s’installa sur un tabouret, commandant pour deux alors qu’elle jouait nerveusement avec une mèche de cheveux. Elle s’était imaginée différents scénarios dans un coin de son esprit, différentes façons de le lui dire, différentes façons de terminer les choses, mais elle avait toujours fini par abandonner les idées et se dire qu’elle ne pouvait prévoir ce genre de choses. Tout ce qu’elle souhaitait, c’était chasser la gêne et le mystère qui avaient pris place entre elles et qui se délectaient de cette situation.

Elle aurait sûrement dû lui avouer plus tôt mais les quelques réactions de ses proches l’avaient coupé dans son élan et elle avait continué de mentir, donnant peut-être de faux espoirs à Effy. Etait-elle fâchée ou seulement décontenancée ? Les bières arrivèrent enfin et Charlie attrapa la sienne sans pour autant la boire, si elle commençait elle risquait de la terminer d’une traite. « Bon… » Elle se gratta la tempe. « Par où commencer ? » Elle eut un rire nerveux et prit une profonde inspiration. Autant tout déballer d’un coup non ? Certes ça serait dur à encaisser et à digérer mais au moins elle ferait sauter toutes les serrures et libérerait les non-dits. Oh et puis merde. « Quand on s’est connues j’étais encore un garçon… J’étais LE Charlie mais disons que plus je grandissais, plus je me sentais mal dans ma peau. Je me suis jamais sentie à ma place chez les gars, toujours en décalé, toujours à me poser des centaines de questions. Je t’ai rien dit parce que j’ai rien dit à personne à l’époque, seule ma famille était au courant et ça a été très dur pour eux, ma sœur a renié mon existence, pareil pour mon beau-père. »

Bon finalement elle but une longue gorgée de bière et osa enfin regarder Effy. « J’ai commencé à devenir une jeune femme à mes dix-sept ans et définitivement à mes vingt ans. Ma copine m’a quitté, m’a insulté, tout mon lycée s’y est donné à cœur joie. J’ai perdu pas mal de gens et je ne voulais pas te perdre toi… Alors par honte et par lâcheté, je vois pas comment le dire autrement, j’ai rien dit, je t’ai rien dit et je suis désolée. J’avais peur que ton comportement change vis-à-vis de moi, que ça soit plus pareil ou même que tu disparaisses. » Une autre gorgée et une inspiration qui s’y accompagnait. Maintenant, elle attendait la sentence, les questions, les remarques ou même les cris. Elle avait le droit de lui en vouloir, de se sentir blessée et Charlie ne viendrait pas se défendre, elle encaisserait et accepterait parce que c’était ce que faisait une grande personne, une adulte responsable de ses conneries. Ca ne l’empêchait pas d’avoir peur mais la voilà libérée d’un poids qui la hantait depuis trop longtemps.

Je la suis jusqu'au bar et m'installe tout comme elle sur l'un des tabourets. La commande est passée et moi, j'attends. Je ne sais pas comment aborder le sujet, tout simplement parce que je ne connais pas le sujet. En attendant, je me laisse porter par la musique. C'est pas mon style de base mais je dois avouer que le jazz c'est quand même sympa. Bon je ne suis pas certaine de pouvoir écouter ça encore et encore et encore, mais pour une soirée de temps en temps c'est agréable. Les bières arrivent, j'attrape la mienne et plonge mes lèvres pour une gorgée salvatrice. " Bon… Par où commencer ? " Je ne dis rien je me contente de sourire. J'attends qu'elle m'en parle, je ne peux pas l'aider sur le sujet. " Quand on s’est connues j’étais encore un garçon… J’étais LE Charlie mais disons que plus je grandissais, plus je me sentais mal dans ma peau. Je me suis jamais sentie à ma place chez les gars, toujours en décalé, toujours à me poser des centaines de questions. Je t’ai rien dit parce que j’ai rien dit à personne à l’époque, seule ma famille était au courant et ça a été très dur pour eux, ma sœur a renié mon existence, pareil pour mon beau-père. " Forcément, je suis surprise. Qui ne le serait pas en apprenant ça. En la voyant, rien ne laisse imaginer qu'elle ait pu, à un moment donné, être un garçon. Mais c'est vrai que du coup ça explique pas mal de choses. Je hoche la tête, je sens qu'elle n'a pas fini. " J’ai commencé à devenir une jeune femme à mes dix-sept ans et définitivement à mes vingt ans. Ma copine m’a quitté, m’a insulté, tout mon lycée s’y est donné à cœur joie. J’ai perdu pas mal de gens et je ne voulais pas te perdre toi… Alors par honte et par lâcheté, je vois pas comment le dire autrement, j’ai rien dit, je t’ai rien dit et je suis désolée. J’avais peur que ton comportement change vis-à-vis de moi, que ça soit plus pareil ou même que tu disparaisses. " Je reprends une gorgée et inspire longuement. " Du coup t'as préféré me le dire en face. Mais si on ne s'était pas vues, en vrai je veux dire, tu aurais fini par me l'avouer ou pas ? " C'est quand même une question légitime au fond. Même si j'en ai quelques autres en stock encore.

Charlie pinça les lèvres à la question et joua nerveusement avec son verre, baissant la tête, honteuse. Elle n’avait même pas réfléchi à ça et elle avait bien peur de sa propre réponse. Elle but une gorgée et se redressa, passant sa langue sur ses lèvres comme pesant chacun de ses mots avant de les prononcer. « Je ne sais pas. Je ne vais pas te mentir en disant que oui, clairement j’en sais rien. » Elle haussa les épaules et darda un regard coupable sur cette foule qu’elle ne connaissait pas. « Ça commençait à me peser de te le cacher, je pense que j’aurais fini par te le dire dans tous les cas. » La musique de fond lui permettait de rester apaisée dans son esprit mais elle pouvait comme sentir les yeux curieux de ses partenaires de Jazz sur elle, sentant des centaines de questions muettes lui parvenir au creux des oreilles. Eux ne le savaient pas, elle s’était toujours présentée en fille à leurs yeux et n’avait pas jugé bon de les prévenir de son passé. « Tu… » Elle ne termina pas sa phrase, incapable de savoir si elle était sûre de vouloir poser la question. « Tu m’en veux ? »

Ca fait beaucoup d'informations d'un coup à encaisser. Bon c'est vrai que c'est pas une situation banale, on ne peut pas dire le contraire. Mais il y a aussi cette façon dont elle a été traité par son ex et visiblement le lycée. Je sais ce que ça fait que d'être pointée du doigt pour une différence qu'on ne peut pas contrôler mais c'est clair que je ne peux pas me mettre à sa place. Disons que peu de monde peuvent le faire. Après je sais comment moi j'aurai réagi face à cette nouvelle et que clairement ça n'aurait pas été de la même manière que ces personnes qui l'ont entouré à l'époque. " Je ne sais pas. Je ne vais pas te mentir en disant que oui, clairement j’en sais rien. Ça commençait à me peser de te le cacher, je pense que j’aurais fini par te le dire dans tous les cas. " Je prends une gorgée de mon verre et la fixe du regard. C'est sur que c'est pas facile à dire mais bon je pensais qu'il enfin elle me faisait confiance. Tant pis, c'est sur que les rencontres sur internet, pas tout le monde ne les voient de la même façon. " Okay. " Au moins là, j'ai la vérité, je vais pas m'en plaindre. Je suis juste toujours un peu sous le choc de la nouvelle. " Tu… Tu m’en veux ? " Je sors de mes pensées et la regarde plus franchement que je ne le faisais jusqu'à maintenant. " Ah non du tout. Enfin c'est sur que ça me fait un choc dans l'idée mais bon c'était à toi que je parlais de toute façon. Fille ou garçon ça change pas grand chose pour moi. " Au fond c'est vrai... " Tu dois retourner jouer ou t'as encore du temps ? " On va pas épiloguer, c'est devenu une fille voilà.

Elle a peur Charlie mais elle ne sait pas de quoi exactement, elle sait seulement que ça lui serre l’estomac depuis tout à l’heure et qu’elle aimerait bien s’en débarrasser. C’est Effy, pas un monstre prête à la dévorer, c’est un être souriant et plein de douceur qui la connait depuis des années, alors pourquoi avoir cette angoisse quand elle plonge son regard dans le sien ? Qu’est-ce qui lui arrive ce soir ? Pourquoi n’est-elle pas naturelle, elle-même, cette Charlie hyperactive aux allures timides ? Elle boit son verre pour noyer ses pensées et promène son regard sur la foule absorbée par ce qu’il se passe sur scène. Ils s’éclatent comme des fous et elle ne peut s’empêcher d’esquisser un sourire en les voyant donner tout ce qu’ils ont, c’est des passionnés ces gars-là, c’est sa petite famille.

Okay. Elle tourne la tête vers elle et est surprise par ce regard qui l’accueille. Il est parfois difficile de rencontrer une connaissance d’internet, c’est une première fois pour Charlie et elle doit avouer que c’est étrange, bizarre mais pas dans un mauvais sens, il lui est agréable d’enfin pouvoir mettre un visage sur ce nom, mettre une voix sur ces mots qu’elle a lu. Enfin elle la voit en chair et en os, ça ravive cette relation, les sentiments, les souvenirs surtout. Elle ne lui en veut pas et Charlie expire de soulagement, devant se retenir de la prendre dans ses bras. Elle est tactile la Suissesse parce qu’elle est pas habile avec les mots et que parfois c’est plus simple d’exprimer ce que l’on ressent par des gestes. Son verre de bière est terminé et elle lui sourit.

La mélodie se termine derrière elle, au fond son âme de musicienne lui hurle de quitter le bar pour rejoindre ses partenaires, pour envoûter la foule de sa trompette et de sa voix cristalline. Mais il est difficile de s’arracher au regard d’Effy, cette fille qu’elle a souhaité rencontrer pendant des années et qui se trouve enfin là. Mais elle a un sens des responsabilités Charlie. Elle quitte son tabouret. « Je dois y retourner. » répond-elle « Mais on termine dans une demi-heure, si tu as le temps je peux t’inviter à manger un bout ? » Elle tente et elle fait bien, elle prouve qu’elle souhaite passer du temps avec elle, c’est une bonne chose au final non ? « Heureuse de te voir en tout cas. » Elle conclut sa phrase d’une étreinte amicale, peu prononcée pour ne pas l’effrayer et fuit sur scène.