hello bro...sister ! (charlie)

J'ai l'adresse notée sur un petit bout de papier. Petit tout petit à force de le replier sur lui même. Dire que je stresse serait un doux euphémisme. Mon assurance légendaire en prend un coup, il faut bien l'avouer. Au boulot c'est pas compliqué, au boulot on peut avoir de moi, on me respecte. Là il faut que j'aille me présenter à un garçon qui ne me connait pas et que je lui apprenne que je suis sa grande soeur. On a vu plus facile comme journée. Et au niveau de la technique d'approche, j'ai rien du tout. En fait, je ne sais pas du tout commente le lui annoncer. Mon géniteur ne m'a pas dit grand chose. Juste qu'il a eu quelques années après moi, des jumeaux. Un garçon, Charlie et une fille, Louise. Il m'a montré à l'époque une photo des enfants mais je serai bien incapable de les reconnaître maintenant. Heureusement que grâce à ce détective privé, j'ai pu retrouver au moins la trace de Charlie. Un sur deux. Et peut être qu'en le retrouvant lui, je pourrai retrouver Louise. Oui, une pierre deux coups. En attendant il faut que je m'active. Je sais qu'il travaille dans un salon de tatouage du centre ville et je compte bien y être avant la fermeture. Ce serait con que le courage que j'ai réussi à acquérir en prenant le chemin aujourd'hui, ne serve strictement à rien finalement vu qu'il ne sera plus là. Je me dépêche, sors enfin de ma voiture. J'ai opté pour une tenue plus classique aujourd'hui, troqué mes escarpins pour des baskets en toile, mes robes moulantes pour un jean et une chemise simple et relevé mes cheveux en une haute queue de cheval. Quelques tatouages parsèment déjà mon corps, mais je ne veux pas apparaître comme un extraterrestre non plus. Je souffle un bon coup et passe enfin la porte de la boutique. Deux personnes sont présentes, deux filles. Pas de garçon en vu, étrange. Je m'approche de la première, une blonde. Je ne sais pas si elle travaille ici ou bien si c'est une cliente régulière mais peut être saura-t-elle me renseigner. " Bonjour. Excusez moi, je cherche Charlie. " Elle me sourit et me désigne l'autre personne présente dans la pièce. L'autre jeune fille. Je fronce les sourcils mais remercie la blonde pour sa réponse. Bizarre. Je n'ai pas pu me tromper dans les prénoms, même si Charlie est mixte, Louise ne l'est pas. Et entre Louis et Louise, ce serait quand même abusé d'avoir interverti les deux. Je m'approche donc de la brune, prudemment. " Charlie ? Charlie Balmat ? "

Lunettes sur le nez et aiguille dans la main, Charlie travaillait sur une œuvre qui lui prenait déjà deux bonnes heures. La musique d’ambiance lui permettait de tenir et d’ignorer les longues plaintes de celle qui avait passé commande. La sirène sur son rocher prenait vie sur sa cuisse et heureusement qu’elle ne travaillait pas selon ses goûts sinon jamais elle n’aurait accepté de tatouer cette chose à cet endroit-là. Elle se redressa et fit craquer sa nuque pour boire un peu d’eau puis admira ce qu’elle avait déjà fait, utilisant un chiffon pour essuyer le surplus d’encre. Ça commençait sérieusement à prendre forme, encore une petite heure. Son regard se glissa vers la face blême de sa cliente et dut se retenir de les lever au ciel, la cuisse était un endroit peu sensible, elle n’imaginait pas sa tête s’il avait s’agi de ses côtes ou de son pied. L’heure passa à une lenteur effrayante et Charlie posa de la crème sur l’œuvre, l’enroula pour la protéger et donna les règles à suivre pour une bonne cicatrisation.

Une fois la personne partie, Charlie rejoignit la pièce principale après s’être nettoyée les mains. Elle se jeta sur son sandwich et mordit dedans avec appétit, elle n’avait encore une fois pas mangé ce midi. Elle bavarda quelques minutes avec sa collègue puis la laissa tranquille pour se mettre à sa table de dessin où elle croquait les commandes de différents clients. Oreillettes vissées dans les oreilles, elle esquissait la silhouette parfaite d’un arbre dénué de feuilles quand la porte du salon s’ouvrit. Perdue dans son travail, elle ne fit pas attention à sa question. Ce fut lorsque l’on prononça son nom qu’elle arracha une oreillette pour tourner la tête vers la nouvelle arrivante. « C’est moi. » Elle posa son stylo et quitta sa chaise pour se mettre à son niveau. Il ne s’agissait pas d’une de ses habituées, elle connaissait leurs visages par cœur. « C’est pour une commande ? »

Je suis un peu déstabilisée. Je ne m'attendais pas à ça. Charlie est une fille. C'est quand même étrange. Déjà que ma tête va exploser et mon coeur sortir de ma poitrine, l'incompréhension prend place. Parce que la petite brune se retourne et acquiesce. Elle me confirme que c'est bien elle. A quel moment c'est elle ? Non j'ai du mal à l'imaginer, je me suis trop conditionnée à voir un jeune homme face à moi. Je bug, littéralement. Elle me pose une question, je balbutie. J'en perds mon anglais et laisse échapper quelques mots sans aucun sens en italien. Au bout de quelques secondes, je me reprends. " Pardon, je ne ... Enfin non, je n'ai pas passé commande. " Je crois que je ne sais même pas ce que ça signifie. Peut être qu'elle me demande si j'ai déposé un dessin et que j'attends de me le faire tatouer ? J'ai encore un peu de mal avec certains mots en anglais, certaines expressions spécifiques. " Est ce que vous auriez un peu de temps à m'accorder ? " Maintenant cherche à savoir comment je vais lui présenter la chose. Parce que lui balancer que je suis sa soeur, c'est peut être un peu brut. Pourtant je n'ai pas trente six mille façons de présenter la chose. Je ne peux pas tourner autour du pot très longtemps, je n'ai pas l'habitude de prendre des pincettes et je ne suis pas très douée avec ça. Je suis plutôt franche et directe. " En privé de préférence. Ou ailleurs je ne sais pas... " Je regarde autour de moi, il n'y a pas foule vu l'heure tardive mais je ne veux pas de spectateurs superflus. Ca ne nous regarde que toutes les deux et personne d'autre. Et surtout je ne sais pas comment elle peut réagir face à l'annonce que j'ai à lui faire. Alors j'attends patiemment, si elle veut qu'on reste ici, si elle a fini son temps de travail et souhaite aller prendre un café ou un verre. Ouais un verre ça ne serait pas du luxe là. Je lui souris, tente de lui montrer que je ne vais pas lui annoncer la fin du monde. Ou presque pas. Pour moi c'est une bonne nouvelle, pour elle j'en sais rien. Surtout que j'ai vraiment l'impression de me tromper sur la personne. Je vais peut être annoncer à une parfaite inconnue que je suis sa soeur. Pourtant, les informations que j'ai me semblaient juste...

Charlie devait avouer être surprise de voir l’inconnue bredouiller des choses étranges dans une langue qui lui était complètement inconnue. Certes elle reconnaissait qu’il s’agissait de consonances italiennes, mais elle avait fait option qui ne lui était pas d’une grande utilité. Un sourcil interrogateur s’envola sur son front et ses doigts firent tourner son stylo pour empêcher toute question indélicate de franchir ses lèvres, Charlie était une personne très douce et elle faisait toujours tout pour ne froisser personne. Malgré son accent prononcé, elle n’eut pas de mal à la comprendre et elle glissa un regard en direction de sa collègue suite à la précision de sa demande. Elle était intriguée et quelque peu inquiète de rester seule avec cette personne, mais elle ne risquait rien dans son monde de bisounours.

« Bien sûr, allons dans mon atelier. » Elle put sentir le regard surpris de sa collègue, mais elle lui répondit d’un rapide geste de la main pour lui faire comprendre qu’elle lui expliquerait plus tard. Elle tourna les talons et franchit la porte qui menait à sa petite salle personnelle. Il y avait une photo de ses parents sur l’étagères pleine de petites figurines, de trucs en tout genre, la photo de sa sœur avait été planquée. Charlie s’écrasa sur son tabouret à roulettes et fit face à la parfaite inconnue, les coudes sur les genoux, les paumes de ses mains sous son menton. « C’est à propos de quoi ? J’avoue que je suis un peu intriguée. »

Je ne peux définitivement pas lui balancer ça comme ça, face à tout le monde, dans ce salon. Déjà que je ne sais pas par où commencer, j’ai peur d’être un peu trop abrupte et de laisser tout sortir un peu trop rapidement. Elle accède à ma demande et m’explique qu’on va se rendre dans son atelier. Je la suis, un peu mal à l’aise et pourtant impatiente de comprendre ce qu’il se passe. Parce que définitivement, ce n’est pas un garçon que j’ai face à moi. Je la vois intriguée, tout comme je le suis aussi. Rapidement je passe au scanner la salle dans laquelle elle m’amène. Je la vois cette photo où ce qui semble être ses parents prennent place. Son père que je reconnais vu que j’ai le même finalement. Je souris doucement alors qu’elle s’installe. Moi je reste debout, sans trop savoir quoi faire de mon corps pour le moment. Elle m’interroge de nouveau. Une inspiration, une expiration. Je cherche comment amener le sujet sur le tapis. Les deux sujets finalement. ” Je suis désolée, je suis un peu décontenancée je pensais me retrouver face à un garçon. “ Je ne vois pas où le détective aurait pu faire une erreur. Mais visiblement il y en a bien une non ? C’est un peu obligée. Mais sans trop lui laisser le temps de répondre, je reprends. ” Je suis la fille de… Enfin de votre père. “ Comme pour appuyer mes dires, je désigne la fameuse photo d’un revers de la main. J’en sors néanmoins une autre de mon portefeuille, celle que cet homme que je ne connaissais pas à l’époque a tenu absolument à prendre de nous deux. On le voit une bonne dizaine d’années auparavant, avec une version adolescente de moi. Je la lui tends même si je sais que ça ne prouve pas grand chose. ” J’ai été adoptée à ma naissance, d’où mon accent. Il m’a retrouvé quelques années plus tard et m’a expliqué la situation. Il m’a dit également qu’il avait d’autres enfants mais je n’étais pas trop dans l’humeur à l’époque de m’intéresser à sa famille. “ Et maintenant, il faut que je la laisse digérer tout ça. Bon courage.

Un garçon. Charlie manqua de tomber de sa chaise et se tint de justesse à sa table, le regard grand ouvert fixé sur l’inconnue. Le premier réflexe de son cerveau fut de crier EFFY mais sa raison le fit taire d’une bonne claque, ce n’était pas son genre de débarquer comme ça sans prévenir et puis elle n’était pas à Los Angeles aux dernières nouvelles. Alors qui était cette femme qui la savait autrefois jeune garçon ? Charlie se mordilla nerveusement la lèvre et se leva pour ne pas avoir à lui faire face puis se saisit de la photo de famille, caressant tendrement le visage de ses parents de son pouce. Enfin elle savait, elle savait la raison de leur divorce, eux qui s’étaient tués à cacher la réelle source de leur discorde. La tatoueuse jeta un coup d’œil par-dessus son épaule et offrit un sourire timide à l’inconnue avant d’observer la photo qu’elle lui montrait. Il s’agissait bien de son père.

« Il a eu la gentillesse de te prévenir, il ne nous a jamais rien dit à Alice et moi. » Pourquoi vouvoyer une demi-sœur après tout ? C’était si étrange, elle avait toujours pensé qu’il n’y avait qu’Alice… Penser à sa sœur lui brisa le cœur et elle préféra ignorer le sujet. « Je ne l’ai pas connu, enfin pas suffisamment mais tu dois sûrement être la raison de leur divorce. » Charlie se rendit compte de la dureté de ses mots et se reprit immédiatement. « Je suis désolée, je ne voulais pas… Je… » Elle bafouillait des excuses inaudibles et s’écrasa sur son tabouret dans un soupir décontenancé. Le sujet de famille n’avait jamais été agréable à évoquer surtout avec sa transition qui avait encore bouleversé le peu d’équilibre qu’il y avait. Enfin son père était revenu et sa mère semblait plus heureuse désormais, il n’empêchait qu’ils semblassent toujours omettre sa nouvelle situation.

« Je suis bien son fils, le petit Charlie enfin j’étais. J’ai fait ma transition à mes dix-sept ans, il a dû oublier de te le dire je suppose. » Elle lui offrit une moue désolée en haussant les épaules. « En tout cas ravie de faire ta connaissance… Hum… euh ? » Elle se rendait seulement compte qu’elle ne connaissait toujours pas son prénom.

J’ai lâché la bombe. Je lui ai annoncé qui je suis, qui elle est pour moi. J’ai tenté d’être la plus douce possible, mais franchement je ne sais pas si il y a une bonne manière d’annoncer ça avec douceur. Oui, je suis sa soeur, sa demi soeur du moins. La moitié de notre ADN est commun. Charlie me dit qu’au moins je suis au courant de leur existence. Parce que elles visiblement non. Alice. Bizarre je pensais que la soeur s’appelait Louise. Enfin déjà je pensais avoir à faire à un garçon et une fille et visiblement c’est deux filles. Je commence à me demander si je ne me suis pas trompée de personne. Pourtant l’homme sur cette photo de famille est bien celui qui s’est présenté à moi. Je me suis peut être emmêlée les pinceaux… Depuis le temps ce ne serait pas si étonnant que ça surtout vu tout ce qu’il s’est passé dans ma vie dernièrement. Et elle me parle du divorce dont je suis visiblement responsable. Je me mords l’intérieur de la bouche alors qu’elle s’excuse. ” Ce n’est rien. “ Je n’ai aucune idée de la raison qui a poussé ses parents à se séparer ni même si j’ai quelque chose à voir avec ça. Après tout il est venu me voir, j’étais déjà adolescente et abandonnée par ma génitrice également. Ce n’est pas comme s’il avait quitté sa mère pour la mienne. ” Je ne sais pas pourquoi ton père a quitté ta mère, je ne lui ai pas parlé suffisamment longtemps pour ça. “ Non, pas vraiment. Je me fichais de ce qu’il avait à me raconter à ce moment là. J’aurai pu reprendre contact avec lui, discuter plus longuement mais on va dire que le moment opportun n’a jamais eu lieu. Une question de destin ou de karma peut être. Elle s’asseoit sur son tabouret et moi je reste là face à elle à attendre. Comme si j’avais besoin d'éclaircissements. Et ceux ci viennent. Et me laisse un peu sur le cul. ” Selena. En effet il ne m’a pas parlé de ça mais je ne pense pas qu’au moment où je l’ai vu c’était déjà fait, j’étais moi même ado. Mais je comprends mieux du coup… “ Oui, je comprends mieux pourquoi j’avais en tête de rencontrer un garçon et que je me retrouve face à une fille. ” Désolée je suis pas forcément à l’aise. “ Puis je me rends compte de la double interprétation de mes propos. ” Enfin pas avec ta transition hein mais plus le fait de te rencontrer et de t’annoncer tout ça comme ça. “ Ouais finalement le “coucou je suis ta soeur” que j’avais en tête paraissait plus facile.

Selena. C’était un joli prénom à consonance italienne d’où son accent, enfin elle le supposait. Le paysage nuageux semblait se dégager et ainsi dévoiler un ciel quelque peu plus clair pour la jeune femme qui tentait désespérément de se remettre de sa surprise. Pour elle, ce genre de choses n’arrivait que dans les séries ou dans les films, pas dans la vraie vie, elle qui pensait avoir une vie monotone. La voilà qui s’excusait et Charlie arqua un sourcil, se demandant le pourquoi de ce malaise, quelque peu effrayée qu’il s’agit de sa transition, mais ce ne fut pas le cas et elle soupira de soulagement dans un soupir. « Je suis dans le même cas si ça peut te rassurer. Moi qui pensais me contenter d’une soirée pizza et netflix, voilà que je découvre que j’ai une demi-sœur. » Elle rit presque nerveusement avant de jeter un coup d’œil à l’horloge qui se tenait au-dessus de ses étagères. Le salon allait devoir fermer ses portes.

Elle quitta son tabouret pour se saisir de sa veste et de son sac. « Je te propose de continuer cette discussion autour d’un verre, ça nous permettra sûrement de nous détendre et de discuter plus posément. » D’un geste, elle lui indiqua la porte et prévint sa collègue que c’était à son tour de gérer la fermeture de l’enseigne. « Tu as rencontré Alice ? » Elle tourna la tête dans sa direction presque sur le ton de la confidence. Secrètement, Charlie souhaitait entendre des nouvelles de sa sœur qui lui avait pourtant sauvagement tourné le dos, mais elle ne pouvait oublier leurs jeunes années où elles s’étaient soutenues et aimées. Elle restait sa sœur après tout, sa famille.

On m’a toujours appris à être honnête. Parce que mentir ça fait du mal aux autres et ça n’apporte rien de bon. Et puis de toute façon merde, je ne vais pas lui sortir des conneries. Je suis là pour la voir, lui parler, connaître cette famille que j’ai un peu malgré moi. Alors oui, je lui sors les mots comme ils viennent. Même si je suis un peu maladroite je me reprends assez vite. Je n’ai évidemment rien contre son changement de sexe. Après tout chacun fait ce qu’il souhaite. ” Je suis dans le même cas si ça peut te rassurer. Moi qui pensais me contenter d’une soirée pizza et netflix, voilà que je découvre que j’ai une demi-sœur. “ Je rigole, c’est sur que j’ai un peu perturbé son quotidien en débarquant comme ça. Je la vois regarder l’heure, la journée se termine c’est vrai. ” Je te propose de continuer cette discussion autour d’un verre, ça nous permettra sûrement de nous détendre et de discuter plus posément. “ Je réfléchis quand même. Non pas que je ne veuille pas passer du temps avec elle mais c’est surtout pour Amanda. Mais bon, je ne pense pas qu’on va s’éterniser non plus, je serai rentrée pour le dîner. ” Avec plaisir écoute. “ Je la suis vers la sortie, la laisse prévenir sa collègue, bref ce qu’elle a à faire avant qu’on ne quitte l’endroit. Ce sera le moyen d’apprendre à la connaître, je ne peux quand même pas passer à côté de ça. ” Tu as rencontré Alice ? “ Je tourne la tête de gauche à droite alors qu’on quitte l’endroit. ” Non, t’es la première que j’ai retrouvé. Mais je suis impatiente de la rencontrer également. “ Dans la rue je la regarde sans trop savoir de quel côté partir. ” Je ne suis pas ici depuis longtemps, je te laisse choisir l’endroit du coup. “ Je souris pour lui montrer que ça ne me dérange pas non plus de me laisser guider.

Alice et Charlie, le duo d’enfer pour des parents dépassés par des jumeaux qui avaient passé leur enfance à leur courir dans les pattes, leur tendre des pièges. Des jumeaux qui s’étaient rassurés lorsque l’un pleurait ou qu’un orage s’abattait non loin de la maison. Elle avait pensé cette complicité éternelle mais la vie était bien cruelle et voilà des années qu’elle n’avait plus aucune nouvelle, c’était à lui en fendre le cœur mais elle avait appris à vivre avec. Elle esquissa un regard en direction de sa mystérieuse demi-sœur et lui offrit un sourire chaleureux. Alice n’avait donc toujours pas refait surface, dommage, mais elle était tout de même heureuse de savoir que Selena avait pensé à les rencontrer, peut-être serait-elle un pont qui permettrait aux deux jumelles de se retrouver. « J’espère que tu la trouveras. » conclut-elle devant se retenir qu’elle n’avait jamais réussi à lui mettre la main dessus et que sa mère était tout aussi dépourvue de nouvelles, enfin c’était ce qu’elle disait à Charlie. Elle haussa les sourcils et regarda autour d’elle. « Nouvelle ici, c’est pour y habiter ou tu es de passage ? » Elle lui tint la porte d’un bar plutôt tranquille voir branché, après tout elles étaient dans une grande rue de la ville, elle avait bien de la chance de travailler dans un salon de tatouages reconnu. Charlie s’installa à une table et commanda pour les deux.

Je ne sais pas vraiment à quoi je m’attendais en venant faire cette visite surprise pour rencontrer mon demi-frère, enfin ma demi-soeur plutôt du coup. Mais je dois dire que je suis agréablement surprise. Comme quoi l’honnêteté paye après tout. Je suis Charlie dans un bar et la laisse commander pour nous deux. Je ne suis pas certaine d’avoir envie de grand chose à vrai dire. C’est moi qui ai initié cette rencontre mais ça commence à faire beaucoup pour moi. Surtout qu’au regard que Charlie a eu en parlant d’Alice, je comprends qu’il y a peut-être une histoire là-dessous, et je ne suis pas sûre de vouloir m’y mêler. Je viens déjà de remuer le passé en apparaissant subitement comme ça, venue de nul part, peut-être que ça devrait en rester là pour le moment. “Plutôt pour y habiter.” Je réponds simplement. Je ne sais pas trop quoi dire d’autre alors je me contente de prendre la boisson que la serveuse apporte et je la sirote un peu nerveusement. “Je m’installe ici, donc je devrais être dans les parages pour un moment. C’est aussi pour ça que je voulais vous rencontrer toi et ta soeur. A vivre dans la même ville, je me doutais qu’à un moment ou à un autre on se croiserait. J’ai préféré prendre les devants.” Je ne suis pas du genre à attendre que les choses se passent. Je préfère garder le contrôle de ce qui m’arrive plutôt qu’être surprise par des choses que je ne maîtrise pas. Je pense que j’ai bien fait de venir, je suis contente de l’avoir rencontrée, mais cette rencontre soulève tellement d’interrogations. Je regarde l’heure et décide alors de finir mon verre et de sortir un peu d’argent pour payer les consommations. “Je suis désolée, il faut que j’y aille. Mais si tu es d’accord on pourrait se revoir ? Apprendre à se connaître tout ça…” Maintenant que le plus dur est passé, à savoir la rencontre et la surprise du “coucou je suis ta demi-soeur”, ce sera sûrement plus simple. Mais peut-être pas maintenant de suite. Alors je lui souris et puis je finis par partir, contente que ça ne ce soit pas trop mal passé.