Hard Feelings | Zelana

Ohana avait terminé de faire le repas pour toutes celles qui n’avaient malheureusement plus la force de le faire en rentrant du travail, un bon poulet au curry qu’elle avait pris une bonne demi-heure à préparer, elle y déposa un post-it pour les informer qu’elles avaient le droit de se servir avant de s’étirer de tout son long comme un chat. Elle glissa un regard en direction de la chambre d’où sortait Alexis et lui tira la langue, amusée de sa bouille mutine.

Elle attrapa son téléphone et répondit rapidement à un SMS de Lexie puis se décida enfin à rejoindre le salon pour s’écraser dans le canapé. Deux petites semaines s’étaient envolées depuis sa colère sourde et les choses étaient à peu près rentrées dans l’ordre. Elle se contentait d’être plus discrète avec Alexis, ne voulant pas se freiner pour satisfaire sa petite-amie, elle était au courant de sa situation. La blonde alla d’ailleurs se doucher alors que l’hawaïenne allumait la télé et attrapa une manette.

Il était devenu une habitude pour la brune de s’entraîner quand personne d’autre n’était là. Elle restait nulle au jeu, mais s’améliorait sur certains points et finissait par apprécier le jeu en lui-même et non les moments passés ensemble avec le reste de la colocation. Oh non qu’elle n’aimât pas se faire écraser sous les rires et les remarques, mais parfois il était agréable de se poser là et de jouer seule pour se vider l’esprit.

Alors qu’elle venait de perdre une course, elle entendit la porte d’entrée s’ouvrir.  Son regard s’arracha à l’écran et ses pouces se séparèrent des touches. Elle attendait de voir le visage de la nouvelle arrivante pour savoir si elle pouvait lui sauter dessus. Oui Ohana sautait sur tout le monde quand il s’agissait de câlin, mais si elle restait sur ses gardes en présence de Blue désormais. Un large sourire étira ses lèvres quand elle reconnut la silhouette de Zelda et la manette finit abandonnée dans un coin du canapé.

Sa blonde ne tarda pas à la rejoindre et Ohana la captura dans une étreinte amoureuse. « Je pensais que tu rentrais tard ce soir… » Son visage se réfugiait déjà dans son cou et elle ignora les voitures qui défilaient sur l’écran lui annonçant sa défaite prochaine. Elle était prête à l’embrasser quand Alexis fit son apparition dans la pièce commune, vêtue d’un t-shirt qui n’était visiblement pas le sien.

L’impatience me guète, comme à mon habitude. Le temps semble infiniment long, j’ai juste envie de rentrer à l’appart, prendre une douche, seule ou avec Ohana d’ailleurs. Je ne sais pas si elle bosse aujourd’hui, si elle rentrera tôt ou tard, mais je suis d’humeur à me lover dans ses bras et y passer la soirée et la nuit. Juste être contre elle, sentir son odeur, le plus simplement du monde. Pour la première fois depuis notre rencontre, nous nous sommes engueulées il y a quelques jours, et je me suis vraiment sentie mal. Je n’ai pas compris ce nouveau sentiment qui s’est emparé de moi, ce branle-bas de combat en moi, qui me hurlait des conneries alors que l’hawaïenne m’avait fait une déclaration d’amour quelques jours plus tôt. C’était complètement con et je me suis excusée mille fois. Je suis une vraie gamine quand je m’y mets, et j’ai toujours un peu peur qu’elle en ait marre, qu’elle soit saoulée de mon manque de maturité. Alors je fais du mieux que je peux pour essayer de lui plaire.

L’heure de la dernière livraison à sonné, et après avoir déposé le paquet en express et fait signer mon boîtier électronique, je le range dans mon sac et prends la route de la coloc. Je roule n’importe comment, pour changer, mais sûrement pas pire que ces livreurs de pizza et sushis qui mettent leur vie en péril tous les cinquante mètres. Scooter garé dans la cour, je grimpe les escaliers à la hâte, espérant trouver un visage familier et amoureux. Une fois la porte poussée, un peu essoufflée,un sourire étire mes lèvres en découvrant Ohana sur le canapé. Je retire mon sac, laisse tomber mon casque au sol et court sur le canapé pour rejoindre la brune. Je la serre contre moi et mon nez dans son cou, je respire son odeur à pleins poumons. « Je pensais que tu rentrais tard ce soir… » Je me redresse et lui souris amoureusement. « J’avais envie de te voir, j’ai filé quelques livraisons à mon collègue. » Je retire mon pull parce qu’il fait chaud d’un coup, et je laisse Ohana venir à moi, ses lèvres prêtes à m’embrasser quand j’entends la porte de la salle de bain s’ouvrir. Déception, moi qui croyait qu’on était seules… Alexis sort de la salle de bain et je me contente d’un signe de main à la volée, mais ma main retombe mollement sur ma cuisse lorsque je remarque ce qu’elle a sur le dos.

Mon visage s’assombrit et je regarde Ohana, la fusillant du regard. Je crois quelle sait exactement ce qui pose problème présentement. Ce t-shirt n’est pas celui d’Alex, c’est celui d’Ohana, SON t-shirt, son favori, celui qu’elle ne voulait pas me prêter quand je lui ai demandé la dernière fois. Je serre les mâchoires et me lève en me pinçant les lèvres,une boule naissant dans ma gorge. « C’était pas des conneries. Vous vous foutez bien de ma gueule toutes les deux. » Qu’elle n’essaie pas de nier, j’ai eu des doutes sur leur liaison, mais ce détail ne laisse plus part au doute.

J’avais envie de te voir, son cœur se gonfla à cette déclaration et elle souhaita l’embrasser, mais la laissa retirer son pull qui dévoila son ventre si parfait. Mais le baiser ne fut jamais donné puisque l’attention de sa belle se posa sur la silhouette d’Alexis qui venait d’apparaître. Ohana croisa par la suite le regard assassin de sa petite-amie et arqua un sourcil d’incompréhension. Quo ? Qu’est-ce qu’elle avait encore fait cette fois ? Puis lentement l’information monta au cerveau de l’hawaïenne qui glissa un coup d’œil sur ce que portait la blonde et une petite voix vint l’insulter de tous les noms, mais quelle conne. Il s’agissait de son t-shirt fétiche, celui qu’elle s’était achetée après avoir touché son premier salaire et il n’était qu’à elle, or Alexis était en train de le porter à l’instant même alors qu’elle avait refusé de le prêter à Zelda.

La voix de cette dernière claqua à ses oreilles et elle la regarda se lever en poussant un long soupir. Elle resta là dans le canapé, Alexis disparaissant pile au bon moment. Ses bras se croisèrent sur sa poitrine et elle fit tout son possible pour garder son calme, il ne fallait pas qu’elle repense à cette fameuse soirée, nope. « Zelda. Polyamoureuse tu sais ce que ça veut dire ? » lâcha-t-elle calmement « Je couche avec Alexis oui c’est vrai, c’est pas la fin du monde. » Le sexe n’était en rien pareil, il était amusant divertissant mais aucunement amoureux et attachant. Elle pensait que le sujet était clos après qu’elle eût rejoint Zelda dans son lit en murmurant des centaines de je t’aime au creux de son oreille, mais il fallait croire que ses mots s’étaient perdus dans un autre monde et non dans le crâne de Zelda, de quoi l’agacer légèrement.

Je comprends pas, tout se mélange dans ma tête, je vois rouge, je me mets jamais en colère comme ça, je crois que ça fait des années que ça m’est pas arrivé. Mais bordel, je me sens tellement mal, tellement… trahie. Voilà, c’est le mot. Trahie. « Zelda. Polyamoureuse tu sais ce que ça veut dire ? » Je lâche un rire nerveux. « Merci oui. » Je soutiens son regard, la colère transparaissant dans chacun de mes gestes. « Je couche avec Alexis oui c’est vrai, c’est pas la fin du monde. » J’ai envie de m’arracher les cheveux. Putain elle se fout de ma gueule c’est pas possible. « Mais tu couches avec qui tu veux Ohana. Avec la terre entière si tu veux, mais putain arrête de me faire croire que je suis la prunelle de tes yeux un jour, et une pauvre merde le lendemain ! » Parce que oui, c’est exactement ce que je ressens présentement.

« Je me suis offerte à toi, je t’ai donné tout ce que j’avais, je t’aurai suivie jusqu’au bout du monde moi, et tu crois que c’est agréable de se rendre compte comme ça que tu sautes je-ne-sais combien de filles qui vivent dans le même appart ? Dakota aussi ? Et Ava ? » Ouais, j’ai mal, et comme tout animal blessé, je montre les crocs, je me défends par l’attaque. « A elles aussi tu leur dit que tu les aimes dans toutes les langues que tu connais ? Mais putain est-ce qu’une seule seconde tu as pensé à ce qu’on peut ressentir ? » Les larmes me montent aux yeux, ça brûle là dedans, mon coeur bat si fort que je l’entends jusque dans mes tempes. « Tu fais chier. » Voilà tout ce que je trouve à dire pour ponctuer mon discours parce que je n’ai plus les mots. C’est peut-être con, puéril et tout ce qu’on voudra, de faire une crise de jalousie pour un putain de t-shirt, mais ça va plus loin que ça, et présentement j’ai l’impression d’être la dernière ses sous-merdes. Merci. Franchement merci. Je prends la direction de ma chambre, tapant des talons sous la colère qui m’a assaillie, la déception aussi.

Elle avait été étrangement calme en la voyant s’énerver de la sorte, elle pensait que la crise passerait en un claquement de doigts, mais il semblerait qu’elle se fût trompée puisque voilà que Zelda entrait dans une colère noire qui rouvrit les anciennes plaies de l’Hawaïenne. Elle l’écoutait toujours perchée dans le canapé et ne laissait rien paraître sur ses traits angéliques comme si chaque mot glissait sur cette peau de marbre et qu’aucune de ses paroles n’atteignaient son cœur. Alors qu’il s’agissait de flèches qui se plantaient dans sa poitrine à chaque minute qui passait, elle se demandait si elle tiendrait jusqu’au bout et si elle allait être capable de se défendre sur ce champ de bataille qui n’avait pas lieu d’être.

Si elle s’écoutait en cet instant, elle ferait ses valises et s’en irait définitivement de cette colocation parce que la souffrance lui faisait bien plus peur que tout autre sentiment de ce monde et qu’elle ne voulait pas sentir des larmes perler sur ses joues, elle préférait largement jouer le rôle de la sale garce qu’on oublierait en quelques semaines et laisser le beau rôle à Zelda, on irait la consoler, la choyer, lui susurrer toutes les plus belle excuses du monde, Ohana elle irait sûrement se saouler dans à peu près tous les bars de la ville. Elle avait toujours la solution de se réfugier chez Lexie, mais l’idée de la solitude la séduisait plus encore.

Son sang se glaça dans ses veines et elle crut bien entendre le monstre de sa fureur rugir dans son être, prêt à bondir au moindre débordement. Elle le canalisa toutefois, tentant d’oublier ce qu’elle venait d’entendre. Ohana avait une relation particulière avec ses sentiments, notamment ceux qui touchaient à l’amour et se faire traiter de la sorte lui donnait envie de murer son cœur dans une forteresse telle que personne ne pourrait le revoir un jour.

Mais elle savait différencier l’immédiat de la raison et elle ne laisserait pas son impulsivité lui dicter sa conduite comme la dernière fois. Et encore elle avait pris la décision de fuir plutôt que de lui hurler des horreurs au visage parce qu’elle l’aimait et la chérissait, et qu’au grand jamais elle ne viendrait se perdre dans les draps d’une autre fille de la colocation, Alexis avait été d’abord son amie avant d’être sa colocataire, elle n’entrait pas dans les critères à ses yeux.

Elle se leva finalement et la regarde partir dans la chambre, poings serrés, mâchoire si contractée qu’elle put sentir ses articulations craquer. Sans attendre, l’impulsivité gagnant du terrain sur ce champ de bataille chaotique, Ohana laissait ses traits exprimés son agacement. « Merci oui ?! Et toi tu te prends pour qui pour refoutre mes sentiments sur la table comme si c’était du vent ?! » Sa voix rugissait comme les mugissements d’une tempête infernale, ses yeux brûlaient d’un feu d’incompréhension mêlé de douleur. « Tu me prends pour une pute c’est ça ?! Tu crois que je couche avec tout le monde sans la moindre raison ?! »

Ohana n’était pas d’un naturel violent, seuls ses mots fouettaient et son corps restait sagement à sa place, mais elle avait peur de ne pas se contrôler, de ne pas comprendre les réactions de son être et de se retrouver à faire quelque chose qu’elle ne voulait pas. Elle regrettait qu’il n’y eût personne dans l’appartement pour la canaliser et lui promettre que tout ceci était un cauchemar et qu’elle allait bientôt s’arracher au bras de Morphée pour y échapper. « Et toi ? T’as pensé une seconde à ce que je pouvais ressentir à me balancer des horreurs à la gueule comme ça ?! Je fous pas mon boulot de côté pour Alexis, je me plie pas en quatre pour elle, je ne fais pas d’efforts pour elle ! Merde putain j’ai pas envie de me justifier pour un truc aussi ridicule ! »

Je suis tellement concentrée sur ma peine et ma colère que je ne remarque pas ce qu’il peut filtrer sur le visage d’Ohana. Sans doute que je ne la connais pas encore suffisamment, ou suis-je seulement aveuglée par mes ressentiments. Ça brûle à l’intérieur, ça cogne de tout les côtés, je peine à respirer correctement, je peine à reprendre mon souffle, à garder mon regard posé sur quelque chose. Je trépigne, je bouge, je suis incapable de rester en place alors que les mots fusent entre mes lèvres comme des lames acérées. J’essaie de lui faire comprendre pourquoi je me comporte de la sorte, pourquoi j’ai mal. C’est sans doute trop con de penser comme je pense, parce que je suis au courant que son coeur est capable d’aimer plusieurs personnes en même temps, tout comme le mien. Mais le mien bat plus fort quand je la regarde, quand je suis dans ses bras, quand je pense à elle. Il bat plus fort pour elle, simplement. Et c’est sans doute pour cette raison que je ressens de la jalousie en comprenant que je me suis sans doute laissée aller à trop de sentiments pour elle, alors qu’elle donne visiblement la même chose à toutes les filles qu’elle fréquente.

« Merci oui ?! Et toi tu te prends pour qui pour refoutre mes sentiments sur la table comme si c’était du vent ?! » Voilà qu’elle prend la parole, de cette voix et cette intensité que je ne lui connais que depuis peu. Je déteste ça, je déteste ce que ça crée en moi. Un trouble désagréable qui me fait me paralyser sur place avant d’avoir fini de franchir le couloir. « Tu me prends pour une pute c’est ça ?! Tu crois que je couche avec tout le monde sans la moindre raison ?! » Je me retourne vers elle et secoue la tête. « C’est pas ce que j’ai dit. » Ni même pensé d’ailleurs. « Et toi ? T’as pensé une seconde à ce que je pouvais ressentir à me balancer des horreurs à la gueule comme ça ?! Je fous pas mon boulot de côté pour Alexis, je me plie pas en quatre pour elle, je ne fais pas d’efforts pour elle ! Merde putain j’ai pas envie de me justifier pour un truc aussi ridicule ! » Ridicule peut-être, mais j’aimerai qu’elle comprenne que je suis blessée, et pour quelles raisons je le suis. « Comment je peux savoir moi ? Comment je peux être sûre que tu lui dis pas que tu l’aimes comme tu me l’as dit à moi, que tu lui fais se sentir unique quand elle est dans tes bras ?Hein ? Comment je suis sûre de ça moi ? Tu crois que ça fait plaisir de la voir porter tes fringues, ces mêmes fringues que tu m’as refusées y’a quelques jours ?! » Les larmes dévalent mes joues, je peux plus rien y faire. « Ouais c’est ridicule, mais ça fait mal putain. » Je reste là immobile, la voix chevrotante, ayant perdu un peu de vigueur.

Putain, putain, putain la situation lui échappait et elle allait clairement péter les plombs. C’était sa première dispute de couple et elle priait pour qu’il s’agît de sa dernière, c’était invivable cette impression d’étouffer, de sentir le ciel s’écrouler au-dessus de sa tête. Et tout ça pour quoi ? Des putains de vêtements. Des vêtements ! Elle n’avait tout simplement pas fait attention à ce qu’avait pris Alexis quand elle l’avait autorisé à lui piquer un t-shirt pour la douche, merde quoi ! Elle était aussi attentive qu’une personne sous dope ! « Tu m’engueules pour un putain de t-shirt ? Mais bordel va le lui arracher si c’est ça ! Va le brûler c’est qu’un putain de bout de tissu ! » Elle se prit la tête entre les mains pour une poignée de secondes avant de s’éloigner pour ne pas faire de conneries. « Ca fait mal hein ? » Elle eut un rire nerveux, papillonnant des yeux pour ne pas éclater en sanglots devant elle, elle ne se le permettrait pas. « Eh bah ça fait mal de voir que tu m’acceptes pas comme je suis. Je peux pas aimer une personne à la fois, j’y peux rien ! Tu seras jamais unique, je t’aimerai toute ma putain de vie mais il y en aura d’autres et tu peux rien y faire ! »  

Elle lui tourna le dos mais finit par se laisser glisser contre le mur, cachant son visage dans ses bras, toujours parcouru de ce rire qu’elle ne pouvait calmer, elle avait l’impression de devenir folle, de ne pas contrôler ce qui se disait dans sa tête, de ne plus avoir de pouvoir sur son cœur qui se contractait douloureusement dans sa poitrine. Une larme tomba sur son bras et elle fut surprise de ce contact froid. « Si tu peux pas le comprendre alors reste pas avec moi. J’risque de te faire souffrir encore et encore parce que… » Ses mots se perdirent au fond de sa gorge. Parce que quoi ? Parce qu’elle était elle-même et qu’elle ne pouvait rien y faire ?

« Tu m’engueules pour un putain de t-shirt ? Mais bordel va le lui arracher si c’est ça ! Va le brûler c’est qu’un putain de bout de tissu ! » Elle comprend pas, elle comprend pas la vraie angoisse qui se cache là dessous. L’espace d’un instant je repense à mes relations passées, ces filles ou ces gars qui étaient attachés à moi, et je me suis comportée comme est en train de le faire Ohana aujourd’hui avec moi. Ce n’est visiblement que le putain de retour du karma. Dans ta gueule connasse. « Ca fait mal hein ? » Mon corps entier se crispe en l’entendant rire, ma respiration se bloque. Si j’avais déjà la sensation qu’elle se foutait de ma gueule alors là c’est encore pire. « Eh bah ça fait mal de voir que tu m’acceptes pas comme je suis. Je peux pas aimer une personne à la fois, j’y peux rien ! Tu seras jamais unique, je t’aimerai toute ma putain de vie mais il y en aura d’autres et tu peux rien y faire ! » Les larmes reprennent vie au coin de mes yeux, elle ne se rend pas compte je crois. On est pareilles sur un point, notre besoin d’aimer plusieurs personnes en même temps, mais j’avais pourtant la sensation que quelque chose de spécial nous liait toutes les deux. Ce coup de foudre, jamais je ne l’avais vécu avec personne d’autre avant elle. Je croyais sans doute naïvement que ça faisait de nous des âmes soeurs ou ce genre de truc niais qui me faisait me sentir vivante un peu plus chaque fois que j’étais avec elle. Mais il fait croire que j’étais la seule à ressentir ce truc si particulier.

Tu seras jamais unique. Ses mots tournent en boucle dans mon esprit, je me demande ce que je fais encore là. Je devrais sans doute fuir, loin. Jusqu’à présent, jamais je ne m’étais donnée à ce point, au point de devenir folle pour des conneries. Au point d’être jalouse, au point de me sentir réduite à néant. Pourtant, quand je laisse mes souvenirs entraver mon esprit, je suis bien incapable de regretter quoi que ce soit la concernant. Ohana se laisse glisser contre le mur, le visage enfoui dans ses bras. Mon coeur se serre un peu plus mais ce n’est rien comparé au moment où elle ouvre la bouche à nouveau. « Si tu peux pas le comprendre alors reste pas avec moi. J’risque de te faire souffrir encore et encore parce que… » « Parce que quoi ? » J’ai deux choix présentement. Sauver les meubles en étant consciente qu’elle a raison, qu’elle a le pouvoir de piétiner mon coeur comme elle le veut, ou fuir loin pour essayer de vivre sans elle. Impossible. « Parce que quoi Ohana ? » Je m’approche d’elle assez rapidement, toujours cette voix tranchante. « C’est ce que tu veux ? Que je m’en aille ? Je serai peut-être jamais unique pour toi mais toi tu l’es pour moi. Et si tu crois que je peux te faciliter la tâche en me barrant, tu te fourres le doigt dans l’oeil ! » J’ignore qui est censé avoir le mauvais rôle dans l’histoire, une chose est sûre, on en souffre toutes les deux, à des niveaux différents j’imagine.

« Dit mama pourquoi les gens ils s’aiment ? » Elle était assise en tailleur dans son lit, sa peluche dans ses petites mains alors qu’une brosse brossait ses cheveux avec une délicatesse admirable. Elle se laissait faire, son regard perdu dans le vide, son esprit plein de questions. « Pourquoi mes parents ils m’ont pas aimé ? Tu crois qu’ils m’aimaient pas ? » Une main se posa sur son épaule et elle tourna la tête pour croiser le regard de sa grand-mère, une femme respectable et sage qu’elle admirait plus que tout au monde. « Tes parents t’aiment. » La petite fille poussa un soupir. « Les vieilles légendes disent que les enfants sans papa ni maman sont des enfants maudits par l’amour. » La prise sur son épaule se resserra et elle glapit de surprise. La vieille femme l’enveloppa d’une étreinte rassurante et aimante, ce fut à cet instant que la petite fille se rendit compte qu’elle pleurait.

Parce que quoi ? Ohana sentait son cœur devenir fou dans sa poitrine au fil des secondes qu’elle ne remplissait pas de sa parole, elle ne savait pas quoi lui répondre, elle avait toujours eu peur de ce genre de disputes, de se retrouver confronter à remettre en cause toute sa façon de vivre, de revoir cette construction qu’elle avait mise en place pour éviter les dégâts, mais tout était défaillant, la structure s’effondrait. Elle leva un regard larmoyant et rougi vers Zelda, reniflant un grand coup et essuyant ses yeux de ses paumes tremblantes. Une enfant qui se faisait gronder par une autre, c’était ridicule. Tu veux que je m’en aille ? « Non ! » Son cri s’était échappé sans qu’elle ne pût le retenir, sa main se glissant autour du poignet de Zelda pour l’attirer à elle. « Please don’t go… »

Ohana lui courait presque après, la peur lui arrachait les entrailles et ses poumons étaient sur le point de céder. Elle avait très peu de chance de parvenir jusqu’à elle, mais elle ne jetait pas l’éponge. Pour la première fois de sa vie, l’Amour l’avait accueilli dans son refuge, elle ne voulait pas s’en faire expulser pour une bêtise. « Célia ! Pitié ! » Mais la jeune femme était déjà trop loin et elle put entendre la porte de l’issue de secours claquer violemment. Sa course s’arrêta là et Ohana ne bougea plus, les bras ballants, la gorge nouée par des larmes qu’elle ne laisserait pas couler. Elle s’assit à une table et fixa la bougie éteinte, se sentant soudainement vide. Elle se souvint de cette légende et pesta contre ses ancêtres. Elle donnait de l’amour mais le détruisait par la même occasion, tout n’était plus que cendres dans sa bouche.

Ohana serra la blonde dans ses bras, une main se perdant déjà dans ses cheveux, son visage se cachant dans cette crinière. Elle pensait la crise de larmes passée mais elle éclata encore en sanglots contre elle, comme si toute la douleur contenue durant toutes ces années s’échappait enfin de sa prison après y avoir étouffé. Ohana n’avait jamais rien montré aux autres à part de la tendresse et des rires parce qu’elle n’avait jamais compris comment marcher les rapports humains, la colère des gens lui faisait peur et chaque conflit lui collait l’étiquette de coupable sur le front. « Je t’aime… Putain je t’aime pars pas. »

Unique. Il n’y avait pas d’autres mots pour définir la relation qu’elle entamait avec la blonde. Là dans cette pièce endormie, là dans ce lit où elle était allongée, les bras derrière la tête, c’était unique. Son regard se tourna vers la silhouette endormie à ses côtés, la tête blonde de Zelda, celle qu’elle venait de rencontrer il y avait de cela quelques jours, cette fille qui l’avait foudroyé à peine la porte franchie. Jamais elle n’avait ressenti pareille harmonie avec une femme, c’était effrayant et en même temps exaltant. Dans un sourire heureux, elle se tourna complètement vers elle pour la prendre dans ses bras. La blonde protesta dans un grognement adorable et Ohana l’embrassa pour la faire taire. Pour une fois dans sa vie, Ohana se sentait aimée.

Son souffle se calma dans sa poitrine et elle redressa la tête pour regarder Zelda dans les yeux. Son pouce caressa sa joue et elle déposa ses lèvres sur son front dans une demande muette. « Je suis désolée, tu es la première personne que j’aime vraiment dans ce monde et j’suis une gamine qui a jamais expérimenté ce genre de trucs. J’ai peur que tu partes un jour après t’être réveillée à mes côtés, j’ai peur que la flamme s’éteigne ou que tu me demandes de changer. » La tempête s’éloignait sur son long fleuve tranquille. « Ce que je veux c’est qu’on s’accepte comme on est, qu’on soit un couple qui se comprenne et qui se protège malgré tout. » Elle s’appuya contre le mur et dressa son regard vers le plafond. « J’suis à toi Zelda, j’le serai toujours. »

Elle tenait la photo de sa mère entre ses doigts fins et ses lèvres se pincèrent en la voyant si radieuse. Pourquoi n’y avait-il aucune photo de cet homme qui avait refusé de fonder leur famille et de créer ce havre de paix qu’elle avait toujours souhaité ? Pourquoi sa mère s’était-elle enfuie sans lui donner de nouvelles ? Elle leva son regard vers sa grand-mère et la remercia pour le bol de lait, posant la photo face contre terre. « Tu as l’air heureuse ‘Ana. » Elle arqua un sourcil « Là ? Je tire la tronche surtout. » Sa grand-mère se mit à rire et secoua la tête en prenant sa main dans les siennes. « Non je le vois dans ton cœur, il n’y a plus toute cette peur, ce doute, seulement un feu brûlant ce même feu qu’avait ton grand-père en me regardant. » Et Ohana rougit jusqu’à la racine, détournant le regard. « Comment s’appelle-t-elle ? » Elle se mordit la lèvre. « Zelda. »

Je perds patience, parce que j’ai encore du mal à respirer, du mal à me contenir. Alors je la provoque, j’ai envie qu’elle me dise ce qu’elle attend de moi. Je ne suis pas unique, très bien. Pourtant elle l’est pour moi. Alors il va sans doute falloir que je me fasse à l’idée, que j’arrête de trop attendre de notre relation, que je me calme peut-être aussi sur les élans et les déclarations d’amour. Je lui demande si elle veut que je m’en aille et je l’entends hurler un ‘non’ qui semble sortir de ses entrailles. Sa main tendue elle attrape mon poignet et mon coeur se serre davantage. « Please don’t go… » Je secoue la tête à la négative alors que les larmes reprennent leur course folle dans le sillon déjà creusé plus tôt. Je me laisse tomber à genoux près d’elle et la laisse m’attirer à elle sans rechigner. Mes bras se resserrent autour d’elle et je peux sentir les soubresauts de ses sanglots. Je regrette d’avoir piqué une crise pareille, même si au fond, c’était sans doute le seul moyen de me rendre compte de là où on était, peut-être même là où on va. Peut-être que nous n’attendons pas les mêmes choses, peut-être. En attendant, l’amour est là, je n’en ai jamais douté, mais il aurait sans doute mieux valu poser des mots, des ‘conditions’, pour éviter toute déception. Je ne suis pas contre l’idée qu’elle voit d’autre personnes, qu’elle les côtoie, les aime, les chérisse, mais j’aimerai autant éviter que ça se passe sous mon nez. Je ne peux pour le moment contrôler cette nouvelle forme de jalousie qui me possède et je n’ai aucune envie qu’elle nous détruise. « Je t’aime… Putain je t’aime pars pas. » Je la serre davantage contre moi, contre mon coeur. « Je pars pas Babe, je pars pas, je suis là… je t’aime. » Je plaque un baiser sur sa tempe et reste là encore un long moment le temps qu’elle se calme et que j’en fasse autant.

Lorsqu’elle redresse le visage pour me regarder, je suis à deux doigts de pleurer à nouveau juste en voyant ses yeux rougis. « Je suis désolée, tu es la première personne que j’aime vraiment dans ce monde et j’suis une gamine qui a jamais expérimenté ce genre de trucs. J’ai peur que tu partes un jour après t’être réveillée à mes côtés, j’ai peur que la flamme s’éteigne ou que tu me demandes de changer. » Je ferme un peu les yeux et secoue la tête, sensiblement. « Je veux pas que tu changes je… » Je me mords l’intérieur de la joue, peinant réellement à savoir ce que je veux. « Ce que je veux c’est qu’on s’accepte comme on est, qu’on soit un couple qui se comprenne et qui se protège malgré tout.J’suis à toi Zelda, j’le serai toujours.  » Mon menton se remet à trembler mais je me contiens, je retiens cette nouvelle envie de pleurer en entendant ces mots. D’un côté, ils me font un bien fou, et d’un autre, j’ai du mal à imaginer qu’elle puisse les dire à quelqu’un d’autre que moi. Ce que nous vivons est tellement nouveau pour moi, tellement unique, que la simple idée qu’elle puisse ressentir ça pour d’autres personnes me bouleverse. Pourtant, je préfère ne rien dire, ne pas ajouter d’huile sur le feu. « Je veux pas que tu changes, je voudrais juste… j’en sais rien. Je sais que tu vois d’autres personnes, je t’en empêcherai jamais, c’est pas ça c’est… » non, je crois que le problème c’est moi. J’en attends trop, il faut que j’arrête. « C’est pas grave. Je suis désolée. J’ai été nulle de m’emporter comme ça, d’être jalouse, je t’aime trop et tu me fais perdre la boule. » Je lui offre un petit sourire, un sourire qui demande pardon. « Excuse-moi, je veux pas te perdre… » Je fonds à nouveau dans ses bras, mon visage dans son cou, à l’abris sous ses cheveux et je referme mon esprit, focalisé la simple odeur de sa peau, le temps de retrouver le calme et la paix intérieure.

Elle se réfugia contre elle et Ohana l’entoura de ses bras malgré les paroles qui la heurtèrent une nouvelle fois, l’indécision de sa petite-amie ne faisait qu’ébranler la stabilité qu’elle possédait et elle se demandait si tout ceci se résoudrait un jour, les doutes étaient fortement présents dans son esprit, mais elle faisait tout pour les ignorer et sauver le peu de calme qui lui restait. Parce que oui, Ohana s’était certes mise à nue pour préserver leur amour, mais elle l’avait fait à contre-cœur, écœurée par l’idée d’être aussi faible face à son amour ; elle qui était d’ordinaire si forte.  Elle l’écouta sans l’interrompre, ses mains caressant son dos pour l’encourager dans ses propos. « Tu me perdras pas… »

Elle lui fit redresser le menton pour plonger son regard dans le sien dans un sourire quelque peu timide cette fois. Lentement sa main voyagea de son menton jusqu’à sa joue pour enfin se reposer contre sa nuque. « Tu me rends dingue Zelda. » Sa voix tremblait d’émotions mais restait presque énervée face à tout ceci, elle avait certes sacrifié sa fierté pour lui dire ce qu’elle ressentait réellement son égard, mais elle n’avait pu chasser tous ces sentiments parasites en un claquement de doigts. Ils restaient là, leurs serres plantées dans son cœur, prêtes à se resserrer au moindre faux pas. Il y eut un instant de flottement et Ohana la fixa une dernière seconde avant de fondre sur ses lèvres pour les clamer siennes.

Je ne peux pas dire le contraire, sentir ses mains contre moi, pouvoir la toucher, être contre elle, sentir son odeur, ça me rassure. Je me dis que tout n’est pas perdu, et qu’elle pourra bien me pardonner mon immaturité, mes conneries de piquer des crises pour n’importe quoi. Je ne connaissais pas la jalousie avant de la rencontrer, et c’est un sentiment désagréable. Je me promets intérieurement de travailler dessus pour être sûre que ce genre de chose ne se reproduise plus, parce que je me déteste de ressentir ça et de rendre folle Ohana avec ça. « Tu me perdras pas… » Je souffle un peu comme pour évacuer cette énergie dévastatrice en moi. Ses mots me rassurent, je ne peux le nier.

Je reste contre elle quelques secondes avant qu’elle ne me fasse redresser le menton pour me regarder. Nos yeux rougis et nos coeurs au bord des lèvres. « Tu me rends dingue Zelda. » Je peux encore sentir l’électricité dans sa voix, elle ne m’a pas totalement pardonnée, je le sens. Ce serait trop facile que de dire ‘excuse-moi’ et que tout soit réparé en quelques secondes. La vie, c’est pas ça. Quand on se fait mal, il faut réparer la plaie, et ça peut mettre du temps. Plus ou moins de temps. Je ne réponds rien à sa phrase, je n’ai pas envie de jeter de l’eau sur le feu, mais même si je l’aime passionnément, je ne peux pas immédiatement exulter ce sentiment de jalousie qui sévit toujours en moi. Je sais qu’Alex n’est pas loin, je sais qu’elles ont couché ensemble, j’avais des doutes, aujourd’hui je n’en ai plus puisqu’Ohana me l’a dit clairement. Et penser à elles deux dans les mêmes draps, ceux que j’ai froissés avec Ohana, je boue à l’intérieur. Penser qu’elles ont échangé des choses que j’aurai tellement voulu m’être uniquement destinées. Est-ce qu’elle donne à Alex des choses qu’elle ne me donne pas à moi ? Est-ce que leurs ébats sont plus langoureux ? Plus intenses ? Est-ce qu’elles se comprennent sans se parler ? Mon coeur se serre en y pensant et même si je me promets de travailler sur cette jalousie naissante, je ne peux pas m’en séparer d’un instant à l’autre, ça prendra sans doute un certain temps.

Les lèvres de la brune fondant sur les miennes font taire le flot de pensées qui sévissait dans ma tête. Mon coeur s’emballe, tracté par des sentiments contradictoires. Je sens mon corps bouillir, de désir, de rage aussi, parce qu’elle est encore présente et je n’arrive pas à la contrôler. Je mords la lèvre inférieure de la brune et reprends mes baisers avec plus de ferveur. J’ai presque envie de lui faire l’amour d’une puissance infinie, juste pour qu’elle oublie totalement Alexis, qu’elle se rende compte que c’est moi qui suis faite pour elle. Moi et personne d’autre. Je suis folle à lier.

Sa lèvre se fit mordre et Ohana comprit qu’elle n’était pas la seule à sentir cette nécessité d’extérioriser sa colère. Elle n’avait jamais expérimenté ceci antérieurement, jamais elle n’était arrivée à pareil extrême, mais elle ne renoncerait pas pour sa petite-amie, s’il y avait besoin de ce genre d’instant pour recouvrir les plaies d’un épais bandage alors elle se jetterait dans la gueule du loup sans hésiter une moindre seconde, elle était prête à tout pour les sauver. Un bras s’enroula autour de la délicate taille de la blonde pour la rapprocher au plus près, ses doigts se glissaient déjà sous le tissu qui faisait obstacle à sa soif de contact et ses ongles vinrent mordre la peau comme pour témoigner de sa présence prédatrice. Les baisers se faisaient fiévreux et le souffle de l’hawaïenne se faisait déjà irrégulier dans sa poitrine, elle dut rompre l’échange pour ne pas se perdre dans cette explosion de sensations contradictoires. Elle voulait la repousser tout comme la conserver, lui témoigner amoureusement son affection mais voulant témoigner sauvagement sa colère. L’éclair qui frappa le regard de Zelda lui fut suffisant pour faire taire tous les doutes et elle clôtura le débat d’un baiser tempêtueux qui fit tressauter son corps dans sa poitrine. Elle la voulait pour elle seule en cet instant, lui témoigner sa hargne, de faire rugir le désir au creux de son être, de la clamer sienne.

C’était précipité, maladroit dans certains gestes, mais jamais elle n’avait ressenti une pareille soif à étancher. Son esprit raisonnable perça un dernier rayon de clarté dans son esprit, de quoi la faire se lever, elles pouvaient se faire surprendre à tout moment et il n’était en rien dans ses souhaits de se faire ainsi interrompre. Son regard était le foyer d’un feu dévastateur qui venait à peine de naître et qui se nourrissait de tous ces nouveaux sentiments, ceux qui avaient su s’échapper de la prison qu’était sa quiétude pour se répandre comme une épidémie dans son être. Mais Ohana ne se préoccupait pas de toute ceci, elle n’avait d’yeux que pour Zelda et pour cet amour qu’elle avait à son égard. Il n’y avait qu’elle pour la mettre dans cet état et pour lui transmettre pareille harmonie autant dans les gestes que dans les paroles, l’absence de mots n’était en rien un problème, leurs échanges de regard suffisaient à comprendre l’autre et quand elles se perdaient entre les draps, elles fusionnaient pour atteindre des Monts qu’on avait toujours pensé inaccessible.

Elle lui tendit la main pour l’aider à se redresser et aussitôt face à elle, Ohana la saisit par la taille pour clamer ses lèvres comme siennes dans un baiser passionné et sans attendre, elle vint la plaquer contre le mur pour faire d’elle sa prisonnière.

Les mains de la brune s’agrippent à mon corps, m’approchant un peu plus d’elle. Je peux presque sentir son coeur battre dans sa poitrine, à vive allure, à l’unisson du mien. Ses doigts rencontrent ma peau, ses ongles s’en emparent et je grogne un peu sans pour autant lâcher ses lèvres. Ma peau se pare de frissons incontrôlables, j’ai cette envie profonde de lui faire entendre raison, de lui montrer que personne ne pourra jamais l’aimer comme je l’aime. Cette compétitivité n’anime depuis que je suis gamine, vestiges sûrement de cette fratrie qui m’a appris à me battre pour réussir à garder ce qui me tenait à coeur. Et aujourd’hui, celle qui me tient à coeur, c’est elle.

Ohana se lève et me tend la main pour que j’en fasse autant. Mon corps s’étire en se redressant et elle n’attend pas plus longtemps avant de m’attirer à elle et me plaquer contre le mur avec une ferveur que je ne lui connaissais pas. Un souffle s’échappe de mes lèvres lorsque mon dos se retrouve écrasé contre le mur et la prise de ma main dans la nuque de la brune se fait plus serrée, appuyant ainsi notre baiser comme si ma vie en dépendait. Une vague de chaleur intense irradie tout mon être et gronde en mon for intérieur, traduisant sans conteste de ce feu ardent qui me consume chaque fois que son corps se trouve être aussi proche du mien. Un appel charnel, mais cette fois l’amour n’est plus seul maître de notre échange, il y a quelque chose en plus, quelque chose de sans doute dévastateur.

Ma main plaquée sur son ventre, je la repousse juste assez pour mettre fin à notre échange langoureux, et je plante dangereusement mon regard dans le sien. Nous n’avons jamais eu besoin de nous parler pour nous comprendre, depuis le premier jour, depuis notre première rencontre il a ce petit quelque chose d’imperceptible dans nos échanges de regards. Aujourd’hui chargés d’une énergie nouvelle, d’une guerre qui fait rage, que je peux ressentir en moi tout comme je la ressens dans ses yeux. Et chaque fois que me prend l’envie de m’abandonner à elle, je me souviens de cette vision, Alexis portant fièrement le vêtement d’Ohana. Et si elles avaient partagé un moment charnel juste avant que j’arrive sans en être au courant ? Ohana ne s’est pas caché de me dire qu’elle couchait avec elle. Mais quand ? Même quand je suis présente et à quelques mètres de là. Je boue et sens la colère remonter d’un cran. Mes mains agrippent le tissus de son t-shirt, juste au dessus de sa poitrine, et je la fais se retourner pour la plaquer au mur à mon tour, avec peut-être un peu trop de rage si peu camouflée. Pourquoi elle a fait ça ? Pourquoi ? Je me jette à nouveau sur ses lèvres comme un animal avec une soif de vaincre. Elle est à moi. A moi.

Elle se consumait à son contact et ne s’était jamais sentie aussi vivante, la peur se fit ravager par le roi Désir qui instaurait un régime de pure sauvagerie qui complaisait ses sujets qu’étaient Ohana et Zelda. Elle se laissa aller à cette valse endiablée, glapissant de surprise en se sentant ainsi plaquée contre le mur, la voilà à sa merci et son ventre poussa un soupir de complaisance, elle découvrait une toute personne en face d’elle, mais dans ce regard qu’elles échangeaient elle reconnaissait toujours ce feu qui représentait celle qu’elle aimait. Les flammes léchaient les sentiments amoureux pour les renforcer d’une énergie nouvelle qui était prête à les ravager.

Elle put voir toutes les hypothèses défiler dans ses pupilles dilatées et entrouvrit les lèvres comme prête à la soigner par des mots d’amour, mais Zelda fut plus rapide et la fit taire d’un baiser assoiffé. Elle le lui rendit dans une tentative d’étancher cette soif, mais tout allait de mal en pis, un nouvel appétit rugissait en son être. Elle avait besoin de plus. Sa prise sur son t-shirt, son corps contre le sien, sa chaleur épousant la sienne.

Ses dents abimèrent délicatement sa lèvre et ses bras s’enroulèrent autour de sa taille pour la soulever sans le moindre effort. La valse reprit, mais pour se perdre encore et encore sur de nouveaux murs témoins de cet amour enflammé qui se déchaînait dans l’appartement. Ohana avait oublié Alexis, avait oublié cet instant amusant qu’elles avaient partagé parce qu’il s’agissait de divertissement, d’amitié curieuse, rien de plus. Seule Zelda pouvait ainsi l’animer d’un feu dévastateur, seule Zelda réveillait cette envie de la combler sous les draps, seule Zelda lui donnait envie de se battre pour la clamer sienne.  

Leur danse se stoppa contre la porte de la chambre que sa belle partagée avec sa meilleure amie, Ohana ne voulait pas tâcher leur paradis de cette colère amoureuse, elle souhaitait le garder intact de cette dispute et de cette hargne, la tendresse qu’avait connu ses draps ne pouvait mourir sous les assauts incessants de cette nouvelle énergie.