Père castor raconte moi une histoire | Dakota

Ohana se réveilla dans un grognement mécontent. Allongée en étoile de mer dans son lit en bordel, elle se demandait ce qu’elle fichait là. Aux dernières nouvelles, mademoiselle s’était rendue à un gala organisé par l’agence et avait dû jouer l’hypocrite, non clairement elle n’allait pas tarder à déposer sa démission à ce rythme ; on lui demandait encore de maigrir et de cacher sa personnalité discordante, qu’ils aillent au diable. Dans un soupir, elle se redressa en position assise et se frotta les yeux dans un bâillement des plus sexy. En tout cas, aujourd’hui elle ne travaillait pas et comptait bien profiter de sa journée de glande pour embêter sa petite Dakota. Sur ce coup-là, Ohana était une enfant emmerdante. Ce genre d’enfants qui après avoir atteint l’âge de six ans ne cessait de dire un mot. POURQUOI ? Bah voilà, l’hawaïenne était pareil avec la tatouée, mais elle avait ses raisons !

Elle bondit sur ses deux pieds et le sol tangua légèrement en dessous d’elle, ouh doucement. Elle enfila un grand t-shirt et un jogging avant de glisser ses pieds dans des pantoufles de grand-mère. Hm. Elle passa devant la cuisine et s’arrêta nette un instant, Avalon devait déjà être partie comme le plus grand nombre des filles à en juger par le lave-vaisselle ouvert rempli de bols. Une idée germa dans son esprit et la belle prépara un petit-déjeuner à base de pancakes avant de sautiller vers la chambre de Dakota. Elle ouvrit la porte de son coude et glissa un regard à l’intérieur, madame dormait toujours.

Le plateau fut délicatement posé sur le sol et Ohana traça sa route jusqu’au lit pour s’écrouler dedans, s’accrochant à Dakota comme un koala à sa branche d’eucalyptus. « Coucou KoopKoop. » Elle la laissa émerger. « J’viens pour ma petite histoire du matin et j’t’ai fait des pancakes. » La petite histoire du matin était presque devenue une tradition au fil des semaines, chaque matinée Ohana venait embêter la brune pour connaître la signification d’un tatouage dans cette myriade de dessins.

Après une douche réparatrice, je m'écroule comme une merde sur mon lit. J'ai quand même fait l'effort d'enfiler un shorty et un tee shirt vu que je partage ma chambre. En règle générale je dors nue mais bon, j'essaye de faire attention. Même si parfois j'oublie. Je ne sais pas quelle heure il est, surement plus de trois heures du matin. Encore une soirée qui a réussi à déraper. Cette blondinette qui m'a fixé tout le temps où j'étais derrière mes platines et bien j'ai fini dans son lit. Faible femme que je suis. Enfin, on va dire ça comme ça. Elle n'a pas trop eu à me pousser faut dire. Mais j'aime bien qu'on me courtise quand même. C'est gratifiant. Quoiqu'il en soit, j'ai atterri chez elle, je me suis bien amusée et elle aussi visiblement. Carole ou peut être Diana, je n'en ai aucune idée. Je m'en fous en fait, je n'ai pas besoin de connaître son prénom. Je sais que si je la revois je me souviendrai de son visage, enfin peut être. Mais pas la peine de polluer mon esprit de noms en tout genre. Aucun intérêt. Alors j'ai fait comme d'habitude, j'y suis allée, j'ai couché avec elle et je suis partie. Ouais, ça non plus, ça ne m'intéresse pas. Dormir avec les conquêtes comme ça, très peu pour moi. Je suis peut être romantique pour les autres, j'aime voir les couples se former et c'est pour ça que je bosse dans une agence d'organisation de mariages. Mais tout ça, ce n'est pas pour moi. C'est bien plus drôle de s'amuser. Bercée par la respiration d'Ava, je m'endors paisiblement.

[...]

Je sens un poids sur mon corps, ce qui est peu habituel. Non, je ne m'endors pas avec les nanas qui partagent mes draps. Et d'ailleurs, je ne partage pas mes draps. Pourtant, il y a bien quelqu'un à côté de moi. Ou à moitié sur moi. " Coucou KoopKoop. " Un faible sourire prend place sur mes lèvres. Cette voix, je la connais. Une de mes colocs, Ohana. J'ouvre un oeil, pas trop vite non plus. Je n'ai pas assez dormi, ça je peux le sentir. Tout comme une délicieuse odeur qui a envahit la pièce. " Pancakes... " Je grogne en m'étirant du mieux que je puisse le faire actuellement. J'ai pas mangé hier soir tiens et mon ventre me le fait bien comprendre. Je me retourne et me pelotonne contre la brune. " Nourris moi d'abord. " Une vraie gosse. C'est dur d'ouvrir les yeux, mais j'ai l'habitude de peu dormir de toute façon. En attendant le plateau, je me redresse et m'adosse contre le mur. Je tends les bras au maximum et active mes doigts pour signifier mon impatience. Oui, vraiment comme une gosse. " Maaaaaanger. " Le plateau sur les genoux, je la laisse retrouver sa place à côté de moi. " Lequel tu veux découvrir aujourd'hui ? " C'est qu'il y en a pas mal... Et à part sur mon ventre où quelques espaces de peau vierge résident et mon visage et mon cou (excepté sur mes tempes), ma peau est encrée. J'ouvre enfin la bouche en grand mais pas pour lui répondre. Je lui ai demandé de me nourrir après tout.

Ca remuait sous elle et Ohana sourit en se disant qu’elle n’avait aucune chance de se faire expulser hors du lit, elle se considérait comme une peluche humaine pour tout le monde. Elle glissa un regard amusé en direction du visage endormi de sa colocataire et elle desserra sa prise pour lui donner la place de retourner dans le monde des réveillés. La dernière fois qu’elle avait débarqué sans prévenir, elle avait aussi réveillé Avalon qui avait crié de surprise, ce qui avait eu un effet domino, Ohana s’était écrasée les quatre fers en l’air. Elle ricana. « Bien j’vais te nourrir grosse larve. » Elle claqua un bisou sur sa tempe et fila rapidement chercher le plateau. Tout le monde ici s’était fait au côté tactile de l’hawaïenne qui utilisait les gestes pour exprimer son affection.

Elle glissa un regard par-dessus son épaule et pouffa en la voyant imiter un zombie fraîchement réveillé puis la rejoignit, le trésor gourmand dans les mains. « Maaaaaaaaanger comme tu dis. » Elle se recoiffa paresseusement. Elle attrapa les couverts pour lui couper des petits bouts, histoire de l’aider à se nourrir et de la pointe de sa fourchette, elle toucha le tatouage sous son bras droit. « Celui-là. » Elle lui sourit comme une enfant puis leva les yeux au ciel dans un soupir. « T’es une assistée. » Elle piqua un bout et l’enfourna dans sa bouche, elle réitéra l’opération jusqu’à que le castor fût rassasié.

J'ai conscience d'avoir l'air d'une gamine, mais il ne faut pas trop m'en demander au réveil. Déjà j'ouvre les yeux c'est quelque chose d'immense pour moi. Blottie contre elle, je lui demande à manger tout d'abord. Elle embrasse mon front et je couine de plaisir. Je m'assieds enfin, dos contre le mur et je l'attends. Elle n'a pas préparé tout ça pour rien. J'appelle la bouffe, je réclame ma bouffe. J'ai besoin de la bouffe. Elle se moque de moi mais je m'en fiche. J'ai trop faim pour bouder pour le moment. Elle se réinstalle à mes côtés et je me déplace pour coller mon flanc totalement à elle. J'ai besoin de chaleur humaine. Ohana c'est une peluche à taille humaine. C'est bien, c'est agréable. J'ai Avalon aussi mais c'est comme ci j'en avais une pour chaque moment de la journée. C'est marrant en fait. Ohana commence à tout couper, comme on le ferait avec un enfant. Je souris. Elle s'exécute, c'est mignon. Elle choisit un [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], je le regarde et souris. Je me souviens des histoires pour tous. Même quand j'étais un peu saoule. J'ai jamais été bourrée au point de ne rien me souvenir d'une soirée. J'accepte mais je veux qu'elle me nourrisse avant. Alors j'ouvre la bouche et lui réclame à manger. Une bouchée, deux bouchées, trois bouchées. " Ché cro bon ! " J'avale, j'en redemande et je souris. Je déplace le plateau et m'allonge sur elle de manière à ce qu'elle voit la phrase. " Il date celui là. Pas un des premiers que j'ai fait bien sur mais il a au moins cinq ans. " Je prends son doigt et lui fais tracer chaque contour des lettres, comme si elle l'écrivait elle même. " Il est assez simple à comprendre en fait. " C'est sur, ce n'est pas un dessin. La phrase est explicite. " J'ai grandi dans une famille étrange, un peu dysfonctionnelle. Je ne t'ai jamais raconté l'histoire de mon prénom mais ça résume assez bien les choses. " Ah ça... Enfin, c'est pas le propos. " J'ai parfois fait des erreurs, j'ai vécu dans la rue un temps. On ne peut pas dire que j'ai toujours eu de la chance mais je me bats pour en avoir. Même si parfois le karma n'est pas de mon côté. C'est une manière de m'en souvenir tu vois ? " La raison est légitime, mais l'histoire n'est pas finie. Pourquoi à ce moment là de ma vie. Parfois un coup de tête, parfois il s'est passé un truc précis. Comme là.

Elle la nourrissait dans un sourire adorable, amusée par son comportement d’enfant alors que son apparence donnait l’image d’une femme forte et mature, elle aimait ce contraste et ne s’en plaignait jamais. Elle piqua dans un dernier morceau de pancake et l’enfourna, heureuse du compliment. Bien sûr que c’était bon, c’était elle qui l’avait fait, ça ne pouvait qu’être délicieux ! Vu le nombre d’heures où elle s’était tuée dans la cuisine de sa grand-mère pour obtenir le niveau d’une bonne cuisinière… Ohana gigota un peu pour lui faciliter les mouvements et posa la fourchette sur le plateau ainsi posé avant de la regarder. Elle allongea ses jambes, lui permettant ainsi de s’installer sans se faire mal. Elle profita de l’avoir là pour admirer son corps parsemé de dessins et pencha la tête pour les contempler plus en détails. Elle avait dû souffrir sous les coups des aiguilles, mais le rendu était si merveilleux que la douleur ne devait être qu’un détail.

Son doigt parcourut donc la peau, redessinant la silhouette sanglante des lettres. « Je l’aime bien, il fait bien passer le message. » Elle l’écouta attention, buvant ses paroles passionnées par cette vie qui n’était pas la sienne. « Il y a un tatouage pour l’histoire de ton prénom ? » la curiosité perçait dans sa voix alors qu’elle venait jouer avec une mèche de cheveux de sa colocataire. Elle hocha vivement la tête. « Oui je vois, mais t’as carrément vécu dans la rue ? » Elle sentit son cœur se serrer à cette révélation et ressentit de la compassion à son égard et même de l’admiration. « Mais tu regrettes cette partie de ta vie ? »

Mon estomac est rempli, c’est un bon début et je me sens tout de suite mieux. Les réveils comme ça j’en veux définitivement tous les matins. Je suis certaine que ma journée n’en sera que meilleure après ça. Elle commence déjà bien. Allongée sur Ohana, elle me montre l’un de mes tatouages. C’est l’heure de l’histoire. Bad luck is better than no luck. Tout est dit. La phrase est simple, percutante, compréhensible. Je sens son doigt contre ma peau, qui dessine chacune des lettres de chacun des mots. ” Percutant en effet. “ Je souris comme une idiote même si tous les souvenirs concernant ma vie et surtout mon enfance ne sont pas bons à se rappeler. C’est souvent douloureux mais ça fait de moi ce que je suis aujourd’hui. Et ça, je ne le changerai pour rien au monde. ” Il y en a un oui. Ce sera ton prochain défi, le retrouver. “ Je rigole, il est assez bien fondu au milieu de tout ce bordel. Dans le bas de mon dos, une carte du dakota avec un point à l’endroit exact où se trouve l’hôpital dans lequel ma mère a accouché de moi. Enfin c’est pas un point, c’est plutôt une croix, comme celles que l’on retrouve sur une carte au trésor. Il faut juste savoir à quoi ressemble le Dakota pour pouvoir trouver la carte et ce n’est pas le plus évident parmi tous mes tatouages. ” Ouaip’, quelques mois, puis je trouvais des endroits où crécher et je repartais dans la rue, c’était en alternance en fait. On s’y fait, ça permet de se concentrer sur l’essentiel. “ Au début c’était dur mais j’ai fini par m’y faire. J’avais un peu d’argent, ce que je gagnais avec des petits boulots par ci par là. Je le gardais pour manger, c’était la seule chose que je ne pouvais pas contrôler, mon appétit. Je me pelotonne contre elle alors qu’elle joue avec mes cheveux. ” Je ne regrette rien. Je suis celle que je suis à cause ou grâce à tout ça. Il n’y a pas eu que des moments faciles c’est sur, mais voilà. “ Je ne suis pas forcément optimiste, un peu parfois, j’ai l’habitude de me contenter de ce que j’ai. ” Ce tatouage symbolise un peu tout ça. Je n’ai pas toujours eu la meilleure chance du monde, parfois de la malchance, mais je me suis toujours relevée. C’est le principal non ? “ Pour moi ça l’est en tout cas. Je suis là aujourd’hui.

Voilà une chose qu’elle aimait dans les colocations, découvrir le monde des autres et leur montrer qu’on s’en souciait, certes parfois il n’y avait rien à dire parce que le chemin avait été parfaitement tracé et ne comportait aucun obstacle, mais parfois il était possible de tomber sur de véritables romans qui pouvaient sensibiliser tout individu à la nature humaine. Et cette colocation était une sorte de paradis pour elles, entre Alexis qui avait connu le côté abusif des familles d’accueil, elle qui n’avait jamais connu ses parents et Dakota qui se confiait ainsi à elle, Ohana ne pouvait dire qu’il s’agissait d’une simple résidence qui se partageait la cuisine et la salle de bain non, c’était une famille qui se soudait au fil des jours et qui le resterait au fil des années, elle en était sûre.  

« Tu te fous de moi, c’est encore plus simple de trouver une aiguille dans une botte de foin. » bougonna-t-elle en laissant courir son doigt sur la peau de la brune avant de la reposer sagement sur son épaule, de peur de la chatouiller par inadvertance. Son regard quant à lui continuait de chercher en vain le moindre indice qui lui indiquerait que l’explication était là, toute proche, accessible à une débutante comme elle. Mais elle finit par jeter l’éponge pour l’écouter. Son cœur se serra de nouveau et elle pressa doucement sa paume contre elle pour lui exprimer son soutien, mais un sourire discret tout de même naquit sur les lèvres de l’hawaïenne. La vie forgeait la personnalité et le caractère, Dakota en était le parfait exemple.

« C’est le principal oui puis maintenant tu nous as nous et ton Ava qui ronfle. » Elle se pencha en avant pour lui ébouriffer les cheveux. « On t'aime Toi et ta carapace. » ricana-t-elle avant de retrouver son sérieux. « Ton histoire est vraiment intéressante, je reste toujours admirative quand tu me racontes tout ça parce que clairement c’est grâce à ça que tu es devenue unique. » continua-t-elle en commençant à s’intéresser à une nouvelle esquisse qu’elle apercevait sur son avant-bras, mais elle respecterait la règle d’un tatouage par jour, elle ne tricherait pas.

Je la mets au défi de trouver ce tatouage, celui qui explique pourquoi je m’appelle Dakota. Ma mère n’a jamais été très originale sur le choix de nos prénoms à mes soeurs et moi. Moi je préfère en rire. Nyx et Lupita préfèrent qu’on les appelle par leurs surnoms. Phoenix et Gualadupe c’est vrai que c’est plus compliqué à porter quand on y pense. Mais bon, c’est comme ça, on n’a pas vraiment le choix. Changer de prénom c’est possible mais je n’y vois pas d’intérêt. Plus de 20 ans qu’on m’appelle ainsi et même si avec ma génitrice c’est compliqué, je ne me vois pas devoir subitement me présenter autrement que comme Dakota Reeves. ” Un jour tu finiras bien par y arriver quand on sera toutes les deux séniles dans un hospice et qu’il ne restera que ce tatouage à découvrir. “ C’est vrai que vu le nombre de tatouages que j’ai sur le corps, on en a pour de nombreuses années à tout décrypter.

Ohana cherche toujours à en savoir plus sur moi et moi ? Ca m’amuse. Ca ne me dérange pas de parler de ma vie, même si tout n’a pas été toujours rose. C’est ainsi. Elle le comprend et met en avant une évidence. ” C’est vrai, sans ça je ne vous aurais certainement pas rencontrées et ça aurait été du gâchis. “ Même si cette coloc est au fond assez étrange. J’ai du mal à savoir qui couche, a couché, va coucher avec qui. Si ce n’était que ça ça irait, mais visiblement y’a de la jalousie en jeu. J’aime pas ce sentiment, il craint. ” Unique c’est le mot le plus approprié même si parfois c’est bizarre et étrange qui ressortent quand on parle de moi. Enfin ça me va, j’aime être différente. La normalité m’emmerde. “ Simple constat. Et je m’ennuie rapidement j’ai l’impression. ” Je te propose un truc. Tu me parles de toi, de ta vie ou de ton enfance ou autre et je te montre le tatouage qui explique mon prénom. Deal ? “ C’est que je suis curieuse aussi.

Un éclat de rire, un sourire, des yeux qui se levèrent vers le ciel. Ohana s’amusait et se sentait proche de sa colocataire dans ce genre d’instant. Ses doigts continuaient de pianoter sa peau alors qu’elle arracha son regard de la peau laiteuse de la tatoueuse pour observer un peu la chambre non sans pour autant devenir une voyeuse, elle avait souvent tendance à interdire l’accès à sa chambre quand elle était de sortie alors bon, l’espace privé c’était sacré pour certaines. « Un méga gâchis oui. » Elle rit et pencha la tête sur le côté, reprenant bêtement sa recherche de ce fameux tatouage si bien dissimulé pour une personne aussi nulle en géographie qu’elle. C’était à peine si elle connaissait les noms de tous les Etats d’Amérique. « Bizarre et étrange ? Bah voyons. » Nouveau lancer de yeux en l’air, ses tresses se balançant au rythme de sa négation.

Le deal manqua de la faire fuir. Ohana ne parlait pas de sa vie, enfin si elle le faisait tout le temps en se plaignant ou en plaisantant sur des conneries, mais son passé familial était clairement enfermé dans un coffre-fort dont elle avait volontairement oublié la combinaison ou la clé, au choix. Mais d’un côté, Dakota se confiait à elle en lui disant tout ceci, il serait alors égoïste de ne rien lui offrir en retour, mais tout souvenir lui était douloureux et elle les gardait avarement dans un coin de son esprit. Elle passa sa langue sur ses lèvres et se gratta l’arrière du crâne, elle penchait pour l’honnêteté cette fois-ci. « J’aime pas trop parlé de mon enfance ou même de ma vie en détail, je préfère te prévenir. » Elle lui offrit un sourire désolé. « Mais pour toi, je suis prête à faire un effort. » Elle tapa dans sa main et remonta sa manche pour lui montrer un tatouage sur son biceps. Elles inversaient les rôles, ironique. « Une ancre. Tout bête. Je l’ai tatoué très jeune, mon premier tatouage, j’avais quatorze ans. »

Son regard était attaché à ce tatouage. « Je l’associe à ma grand-mère qui est ma seule et unique famille. Ma mère m’a abandonné à la naissance et je sais même pas à quoi elle ressemble, idem pour mon père un lâche. » Elle haussa les épaules comme si tout ceci ne l’affectait pas alors que ça lui meurtrissait le cœur. « Elle m’a toujours aidé et m’a appris la culture de mon pays d’origine. Hawaï. Jamais elle ne m'a laissé tomber malgré toutes mes conneries, mes fugues, mes crises de merde. Elle est bizarre et étrange comme toi et pour rien au monde je pourrai me passe d’elle, elle est ce que j’ai de plus précieux au monde."

Toujours la tête reposant sur ses cuisses, je l'observe. Je lui propose un marché. Parler de moi, ça ne me dérange pas. Mais je me rends compte qu'au final, je ne connais pas grand chose d'elle. C'est quand même étrange et surtout très con quand on y pense. Alors j'accepte de lui dévoiler plus de chose aujourd'hui, de lui parler d'un autre tatouage mais seulement si elle se livre un peu. Je ne lui demande pas ses plus noirs secrets, j'avoue que je m'en fous. Mais au moins que je sache à qui j'ai à faire. " J’aime pas trop parlé de mon enfance ou même de ma vie en détail, je préfère te prévenir. Mais pour toi, je suis prête à faire un effort. " Je souris. Si j'arrive à glaner quelques informations déjà, ce sera un plus. Je la regarde remonter sa manche et dévoiler ce tatouage que j'ai déjà eu l'occasion d'apprécier. " Une ancre. Tout bête. Je l’ai tatoué très jeune, mon premier tatouage, j’avais quatorze ans. " Je lève le bras, dessine du bout du doigt le contour du dessin. Il est simple mais très bien réalisé. " Je l’associe à ma grand-mère qui est ma seule et unique famille. Ma mère m’a abandonné à la naissance et je sais même pas à quoi elle ressemble, idem pour mon père un lâche. Elle m’a toujours aidé et m’a appris la culture de mon pays d’origine. Hawaï. Jamais elle ne m'a laissé tomber malgré toutes mes conneries, mes fugues, mes crises de merde. Elle est bizarre et étrange comme toi et pour rien au monde je pourrai me passe d’elle, elle est ce que j’ai de plus précieux au monde." Je l'écoute me parler, me raconter son histoire. C'est bizarre cette inversion des rôles mais c'est pas déplaisant. Je la découvre. " C'est ton point d'encrage c'est ça ? " Ca y ressemble en tout cas. " T'as pas eu une vie facile toi non plus. " Même si je ne doute pas que sa grand mère se soit bien occupée d'elle. C'est pas la même chose. Puis c'est pas agréable de savoir que nos parents nous rejettent. Je me redresse et me tourne, dos à elle. Je soulève mon tee shirt et me penche en avant. D'une main, je lui indique l'endroit de ce tatouage qui représente mon prénom. La carte du Dakota, la croix pour l'hôpital. " Alors ? Une idée de pourquoi je m'appelle comme ça ? "

Merde ça lui avait foutu les jetons de parler de ça, elle avait la gorgée nouée et le cœur sensible d’une pucelle de seize ans. Ses yeux étaient rivés sur le tatouage qui pourtant était le plus léger de tous. Le plus récent était le « Mario avant les putes » qu’elle affectionnait particulièrement. Bref, elle allait pas s’auto-raconter une histoire pour se changer les idées. « C’est ça. » Oh si tu savais quand Dakota commenta sa vie mais elle se contenta de lever les yeux au ciel dans un sourire en coin. Elle fut tirée de son spleen quand sa colocataire se dégagea de ses jambes qui étaient soudainement terriblement froides pour mieux lui faire dos. Elle ouvrit des yeux ébahis en admirant la toile magnifique qu’était sa peau, elle laissa ses doigts courir dessus, subjuguée par cette beauté d’encre noire. On lui saisit la main et Ohana se laissa faire, ayant presque oublié la récompense à s’être ainsi confiée. Elle se pencha également en avant pour observer de plus près le dessin. C’était l’esquisse d’un Etat des Etats-Unis, l’un des cinquante et un, elle était pas sortie de l’auberge. « Attends je suis une bite en géographie. » murmura-t-elle en parcourant les contours du bout de son index. Dakota, la réponse était tout bonnement sous son nez, un jour elle parviendrait à connecter tous ses neurones d’un coup ou au moins deux. « T’es née là-bas ? » Elle se redressa et vint lui chatouiller les côtes distraitement. « J’aime la symbolique de la croix, on dirait presque une carte au trésor. » Elle vint l’étreindre dans un sourire idiot « Hop capturé le trésor ! »

J'aime bien en savoir plus sur elle. Je suis curieuse de nature mais pas que. Parce que Ohana c'est différent. Ohana elle a des bribes de ma vie, elle a des explications de mes tatouages, elle me connait par ces dessins. Alors que moi et bien, je ne connais pas grand chose d'elle. A part Avalon de toute façon, mes colocataires me sont un peu inconnues. Mais je les aime bien malgré tout. Chacune est différente, chacune à sa personnalité et on ne peut pas dire qu'on s'ennuie. Enfin, le plus important, c'est que là, j'apprends à la connaître. Je souris malgré ce côté un peu sérieux de la discussion. Ca n'a pas du être facile pour elle que de me dire ça et je l'en remercie silencieusement. Parfois, les mots sont superflus. Et puis de toute façon, j'ai sa récompense qui l'attend. Je me redresse, l'amène jusqu'à ce fameux tatouage, celui qui a pour signification mon prénom. " Attends je suis une bite en géographie. " Je rigole, contente qu'elle ait au moins reconnu ce que c'était. C'est un bon début quand même. Parce que le Dakota a une forme abstraite alors quand même... " T’es née là-bas ? " Je souris même si elle ne peut pas me voir. " Ouaip' dans le Dakota. " Un rire s'échappe de mes lèvres quand elle me chatouille. Oui, je suis chatouilleuse. " J’aime la symbolique de la croix, on dirait presque une carte au trésor. " Je commence à répondre. " La croix c'est... " Mais un cri de surprise remplace le mot lorsqu'elle m'encercle de ses bras. " Hop capturé le trésor ! " Et je continue de rire, plaçant mes bras sur les siens tout en me lovant contre elle. J'appuie ma tête sur son épaule et reprends mon explication. " La croix c'est l'hôpital en fait. Ma mère n'a jamais eu beaucoup d'imagination pour nos prénoms à mes soeurs et moi. Je suis la seule à le garder entier par contre. Phoenix elle préfère qu'on l'appelle Nyx et Guadalupe c'est Lupita. " Ce que peu de gens savent d'ailleurs vu que les deux ne supportent pas leurs prénoms. Moi je m'en fous. Et puis Dakota c'est pas facile à diminuer. J'ai jamais essayé et je m'en fous à bien y réfléchir. " Va falloir qu'on quitte le lit à un moment non ? " Calée contre son corps, j'en ai clairement pas envie. Mais on ne peut pas passer la journée ici. Dommage...

Elle aimait bien l’entendre rire et partager des moments de complicité qu’elles seules comprenaient. Ohana avait su se rapprocher de Dakota au fil des semaines, ne voulant pas connaître de froid entre chaque colocataire même si ça avait fini par arriver, mais elle s’en foutait pas mal au final, elle vivait sa vie et puis basta. Ohana ronronna de contentement en la sentant se lover contre elle et déposa un bref baiser contre sa tempe quand elle se servit de son épaule comme appui-tête. Ses doigts restèrent finalement sages contre ses côtes et elle devint un enfant discipliné qui écoutait l’histoire qu’on lui avait promis.

Une mère carrément originale dit donc, l’idée est pas mal quand on était en panne d’inspiration mais quand même trois fois d’affilée, il fallait le faire quoi. « Pourquoi pas Dak pour toi alors ? C’est cool pour les jeux de mots ou Ota mais c’est moche. » lâcha-t-elle sans réellement y réfléchir, le regard perdu dans le vide comme si elle cherchait la solution la plus intelligente du monde. Mais fallait pas trop lui en demander à l’hawaïenne au risque de la perdre dans des idées qui allaient trop loin. « T’es chiante à nous ramener comme ça à la réalité ! T’étais cool comme peluche ! » soupira-t-elle dans une mine boudeuse mais claqua un bisou sonore sur le sommet de son crâne et roula en arrière pour atterrir sur ses pieds et choper le plateau. « Demain même heure père castor ! » Elle lui offrit un clin d’œil « et je te laisserai l’opportunité de toi aussi choisir un tatouage ! » Puis elle fila, peu contente de devoir se rendre au boulot.