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C'est peut-être pas raisonnable, c'est peut-être pas une bonne idée, mais honnêtement je n'ai plus envie de me prendre la tête. Je ne veux penser à rien d'autre qu'à l'instant présent. Elle, nous. Si proches de pouvoir se retrouver entièrement, intimement. Nous avions déjà failli déraper par le passé, nous laissant emporter par ce désir qui nous lie l'une à l'autre. Parce que notre attirance est évidente. Elle a toujours été là, et ce depuis notre toute première rencontre. Ce soir, je n'ai plus envie de lutter. On dit bien que le seul moyen de se délivrer d'une tentation, c'est d'y céder. Alors cédons. Parce que nous en avons autant envie l'une que l'autre. On aura bien le temps de penser à la suite après. Elle m'a manquée, je lui dis et ne me fait pas prier pour laisser courir mes mains sur sa peau en dessous de son haut. « Juste à ton corps ? » Évidemment que c'est plus profond que ça encore. « Pas que. » Je ne peux m'empêcher de sourire lorsque la blonde vient se défaire de mon haut. « C’est beaucoup mieux comme ça… » Je la laisse profiter de la vue quelques secondes, avant de retrouver ses lèvres comme si je ne pouvais désormais plus m'en passer. « Tu m’as manqué aussi. » Je ne tarde pas à lui retirer son haut à mon tour, nous mettant toutes les deux sur le même pied d'égalité. Un frisson me parcoure le corps tout entier lorsque je sens ses lèvres venir se loger dans mon cou... bordel, elle a un tel pouvoir sur moi, sur mon corps, que ça en est presque inquiétant. Mais ce n'est rien encore comparé à la sensation exquise de pouvoir sentir à nouveau la chaleur de sa peau contre la mienne. Tout est décuplé avec elle, et je me perds déjà dans ce désir ardent qui me consume de l'intérieur. Un peu plus et je ne prendrais même pas le temps de l'emmener dans ma chambre. Mais on sera quand même mieux que dans le salon. « Viens. » Je la guide difficilement jusqu'à la chambre, sans perdre le contact de ses lèvres. Le chemin est compliqué, et on manque de peu de se ramasser à plusieurs reprises. Je laisse échapper un rire amusé d'entre mes lèvres entre deux assauts. J'ai l'impression de revivre à son contact, et la sensation est grisante. Une fois dans la chambre, je fais sauter l'agrafe de son soutien-gorge d'un geste habile avant de l'allonger sur le lit. Mes baisers descendent rapidement dans son cou, puis en direction du haut de son buste, de sa poitrine que je prends plaisir à retrouver, avant de descendre jusqu'à son ventre qui se soulève rapidement. Mes mains, quant à elle, viennent se défaire de son pantalon que je laisse glisser le long de ses jambes. J'ai l'impression de rêver, parce que ce moment je l'ai longtemps imaginé dans ma tête. Et cette fois-ci il n'y a rien qui ne sera en mesure de m'arrêter. Je veux la retrouver, toute entière.

J'ai beau avoir envie d'être raisonnable, de ne pas brûler les étapes, une fois que je me retrouve dans mon appartement avec elle, c'est juste trop difficile de lutter. Nous pourrions boire ce dernier verre, discuter encore un peu, et se contenter de ça. Mais... il y a cette attirance, cette envie mutuelle qui ne cesse de nous pousser l'une vers l'autre. Elle était déjà présente avant, même quand nous n'avions pas le droit d'y succomber. Comme la fois dans les vestiaires où nous nous sommes laissées emporter. Mais là, après les émotions de tout à l'heure, ce déclic, c'est encore pire. Il n'y a plus rien qui nous retient. Plus aucune barrière qui pourrait nous empêcher de céder à cette tentation. Alors pourquoi s'en priver ? Pour faire les choses bien peut-être, pour reconstruire quelque chose de solide. Prendre le temps de se séduire à nouveau, de savoir exactement ce qu'on veut pour la suite. Mais je suis attirée à elle comme un aimant. La tension est palpable, et plus je me rapproche d'elle plus j'ai envie de regoûter à ses lèvres. « Ne crois pas que je suis une fille facile pour autant. » Oh mais je crois rien du tout. Je lui souris d'un air innocent, alors qu'elle vient s'emparer de mes lèvres. Je laisse l'une de mes mains se loger dans sa nuque, profitant de ce baiser comme d'une libération. Ça fait tellement longtemps que je contiens cette foutue frustration que c'est un putain de soulagement. Elle met un terme à ce baiser, et je ne peux m'empêcher d'ajouter pour la taquiner. « J'en conclus donc que tu n'as plus très soif. Bien. » Cette solution me convient parfaitement. « Je ne pouvais pas imaginer mieux. » On est deux. Il ne nous faut pas longtemps pour remettre le couvert, rapprochant nos corps encore un peu plus près l'un de l'autre. Retrouver la chaleur de son étreinte, sentir ses mains sur mon corps. Je suis en train de revivre, littéralement. Comme si j'attendais de la retrouver comme ça depuis de nombreuses années. L'envie est déjà là, bien présente, alors que la passion monte d'un cran au fil des secondes. Nos langues se retrouvent, s'apprivoisent à nouveau dans une danse dont elles seules ont le secret. Dylan s'arrête, plantant son regard dans le mien. « Est-ce qu’on… Ne devrait pas être raisonnable ? » Raisonnable ? C'est vraiment elle qui est en train de me demander ça ? « Je ne veux pas être un coup d’un soir. » Ce n'est pas un coup d'un soir, ça ne l'a jamais été. Et pourtant... je ne peux rien lui promettre non plus. Je ne sais absolument pas où tout ceci pourrait nous mener, ce qu'on est exactement en train de faire. J'ai envie d'elle, de la retrouver, et de ne pas penser au reste. A quoi bon se prendre la tête ? Je penche la tête sur le côté, la regarde, et ne peux m'empêcher de sourire. « A condition que tu arrêtes de me regarder comme ça, parce que je ne donne pas cher de ma raison pour très longtemps… » Je ne tente pas de la corrompre, promis. « Alors comme ça la nouvelle toi devient raisonnable ? » C'est plus fort que moi que de la taquiner. « Je sais pas Dylan... je sais pas ce qu'on devrait faire ou ne pas faire. Je sais juste que je me sens bien là, avec toi, et que j'ai plus envie de me poser de questions. » Elle le sait, j'ai besoin de profiter maintenant. Mais pas avec n'importe quelle conquête, avec elle. « On en a envie toutes les deux... » Ça, c'est une évidence. En disant ça, je joins les gestes à mes paroles venant loger mes mains sous son haut. Si elle préfère me repousser, qu'elle le fasse maintenant ou qu'elle se taise à jamais (comme on dit). « J'crois que tu as manqué à mon corps. » A moi aussi. Et là, tout de suite, je n'ai plus envie de lutter. Tant pis si c'est peut-être à tord, je prends le risque en mon âme et conscience.

C'est exactement l'issue de soirée dont je pouvais rêver sans jamais oser imaginer que celle-ci puisse réellement se réaliser. Comme un rêve interdit auquel je n'avais pas le droit de penser. Parce que j'ai essayé de me convaincre de mon envie d'aller de l'avant, pour tourner la page. Pour rencontrer d'autres personnes, pour l'oublier elle. Mais je ne peux définitivement pas m'y résoudre. Et à en croire la tournure de la soirée je ne suis pas la seule. C'est pas moi qui vais m'en plaindre. Depuis nos retrouvailles, nous avons toutes les deux été confrontées à de nombreux obstacles. Mais ce soir, il y a eu une sorte de déclic. Je crois qu'il s'est passé quelque chose. Peut-être que c'est grâce aux confessions de Dylan, au fait qu'elle se soit livrée comme jamais elle ne l'avait fait jusqu'à maintenant. Peut-être aussi grâce à mon aveu de pardon, ces quelques mots échangés pour tirer un trait sur le passé, sur son erreur qui nous a causé autant de mal. Cette souffrance qui n'a désormais plus raison d'être. Comme une délivrance, un nouveau pas en avant. Une nouvelle histoire. Avec elle, le jeu est facile. Parce que ce n'est justement plus un jeu. La réalité des sentiments a repris instinctivement le dessus. Et il n'y a qu'avec elle que je peux me sentir aussi à l'aise comme ça. Le regard qu'elle porte sur moi me fait pousser des ailes. Et c'est sans grande surprise que Dylan accepte mon invitation d'aller prendre un dernier verre chez moi. « Ok. J’accepte un dernier verre chez toi. » Ça serait mentir que de dire que je n'ai pas d'arrières pensées en lui faisant cette proposition. En même temps c'était le but premier de cette soirée non ? Rentrer avec une conquête et profiter. Mais ce n'est pas n'importe quelle conquête. C'est elle, la seule et l'unique dans mon coeur. Alors forcément rien que de penser à cette idée... ouais on est en train de me perdre là. Mais je ne veux pas non plus griller les étapes. Si on essaye de reconstruire quelque chose, ça serait peut-être plus raisonnable d'y aller doucement. Bon ok, on s'en fout des principes. Arrivées devant mon appartement, je ne peux m'empêcher de sourire en repensant à la fois où elle a défoncé ma porte. « C’est vraiment pas loin chez toi. Tu avais tout prévu. » Je croise son regard avant d'ajouter. « Pour être honnête, c'est même encore mieux que ce que j'avais imaginé. » D'être là, avec elle. De l'avoir juste à portée de main, libérée de toutes contraintes. Morgan n'est plus dans le tableau depuis un moment et contrairement à nos précédents rapprochements je suis libre maintenant. Je me mets à l'aise retirant ma veste avant de me diriger dans le salon. « Qu'est-ce que tu veux boire ? » Pas de réponse. Je ris un peu, tout en rapprochant mon corps dangereusement du sien. « A moins que tu n'es plus très soif... » Mon envie de prendre notre temps s'est brusquement envolée. Mon regard dérive généreusement sur ses lèvres avec envie. « L'invitée est reine, c'est toi qui me dit. » De mon côté, je crois que mes intentions ne sont plus à dissimuler.

Le coeur a ses raisons que la raison ignore. Et malgré tout ce que j'ai pu faire pour essayer de la détester, toutes mes tentatives se sont avérées être des échecs. Ma relation avec Morgan en premier lieu. J'avais beaucoup d'affection pour elle, je pensais avoir de réels sentiments amoureux, mais je crois que mon coeur a essayé de s'en servir comme pansement. Pour combler un manque, un vide. Ce trou béant dans la poitrine que le départ de Dylan a causé. Cette cicatrice qui n'a jamais réussi à se refermer véritablement même après toutes ces années. Mais depuis qu'elle a fait son retour dans ma vie, de la pire manière qui soit d'ailleurs, tous ces sentiments enfouis ont refait surface. Comme un boomerang revenu en pleine gueule. Il m'a fallu du temps pour l'encaisser, pour l'admettre aussi surtout, mais c'est réel. Notre histoire ne s'est jamais réellement terminée. Il n'y a jamais eu vraiment de point final. Dans mon coeur en tout cas. Et la voir dans cet état ce soir fait resurgir en moi des sensations trop longtemps refoulées. Je ne peux pas accepter de la voir comme ça sans rien faire. Sans la libérer de ce poids qu'elle porte depuis toutes ces années sur ses épaules. Elle a merdé, oui, mais l'erreur est humaine. Et je suis mal placée pour dire le contraire quand on sait à quel point j'ai dépassé les limites lorsque j'étais avec Morgan. Est-ce que ça fait réellement de moi une mauvaise personne ? Les circonstances n'étaient évidemment pas les mêmes certes, mais quand même. J'ai besoin d'aller de l'avant, de lui pardonner. D'arrêter de nous infliger toute cette souffrance inutile. Parce que ça ne mène à rien, a part continuer de nous détruire à petit feu. Elle ne peut pas continuer de se pourrir la vie de son côté comme je ne peux pas lui en vouloir indéfiniment du mien. Elle a peut-être seulement besoin de l'entendre pour réussir à avancer. Et de l'avouer à haute voix me libère moi-même d'un certain poids comme d'un soulagement. Une évidence à laquelle j'ai longtemps essayé de lutter. « Merci. » Je sens mon coeur s'affoler dans ma poitrine alors que mon regard s'imprègne du sien. « On dirait que cette fois c’est moi qui ai cassé tes plans. » Je hausse les épaules en laissant échapper un léger rire d'entre mes lèvres. Pour le coup de la dernière fois, je l'ai bien mérité. « Désolée. » Pas certaine qu'elle le soit vraiment. « C’est dommage… Cette préparation pour rien. Quoi que tu peux toujours retourner à l’intérieur. » Sa main vient s'emparer de la mienne, et mon coeur manque un battement. « Pour quoi faire ? » Je penche légèrement la tête sur le côté dans un petit sourire en coin. « C'est bien plus intéressant la vue que j'ai de l'extérieur. » Et je ne me gêne pas pour dévier généreusement mon regard sur son corps pour accompagner mes mots. « Est-ce que je peux t'inviter à boire un dernier verre ? » Je lie mes doigts au sien l'air de rien. « Quelqu'un m'a suggéré l'idée que je tente ma chance ce soir alors voilà je me lance. » Je souris, faisant référence à notre petit jeu de mise en situation de tout à l'heure. Sauf que ce n'est pas un jeu, et que c'est bien avec elle que je veux rentrer ce soir. « J'habite pas très loin si le coeur t'en dit. » Inutile de retourner dans ce bar maintenant. La soirée peut se poursuivre ailleurs.

Je ne m'attendais pas à ce que cette situation puisse lui faire autant de mal. Et pourtant, indirectement, ça me fait mal à moi aussi d'être là avec elle, à essayer de tourner la page. J'aurais peut-être dû m'en douter... Mais je m'efforce de faire taire mes sentiments depuis trop longtemps. Je deviens aveugle, débilement égoïste aussi. A tout vouloir refouler pour ne surtout pas montrer ne serait-ce qu'une once de faiblesse. Cette fragilité pourtant que je peux voir à présent dans le regard de mon ex. Elle qui normalement encaisse tout sans broncher, gardant toujours les épaules solides et la tête haute. Mais là, c'est différent. Elle est vulnérable, comme je l'ai rarement vu par le passé. Et je ne peux pas rester indifférente. Je me fonds en excuse, parce que je m'en veux de nous avoir infligé ça. Nous aurions dû arrêter cette supercherie depuis bien longtemps. Voir ne jamais l'avoir commencé même. A trop faire comme si de rien n'était, nous sommes allées trop loin. Beaucoup trop loin. Non, elle n'est pas trop conne. Je secoue la tête, en essayant de capter son regard. « Je ne peux pas. Je croyais que j’allais être assez forte, pouvoir être assez indifférente. Mais être là, te voir aborder cette fille ou d’autres ou un mec. C’est plus que ce que je peux encaisser. » C'est tout ce que je voulais entendre, et pourtant ça me broie littéralement le coeur de l'entendre le dire. Pourquoi sommes-nous en train de nous infliger toutes ces conneries ? Dylan ne remet pas en question mon besoin d'aller de l'avant, mais elle ne peut pas m'aider pour ça. C'était absurde de croire que nous pourrions faire comme si de rien n'était, alors qu'il y a toujours ce lien si particulier qui nous pousse inconsciemment l'une vers l'autre. Ouais c'est toujours là, au plus profond de moi. Je la regarde avec intensité, essayant d'être la plus rassurante possible, pour qu'elle se sente en confiance pour me parler. « Arrête Dylan, tu n'es pas conne. On est deux dans cette histoire, et on a juste essayé de gérer la situation du mieux qu'on le pouvait. » C'était peut-être débile, oui. Mais je suis tout autant responsable, d'avoir cru que je serais capable de flirter avec quelqu'un d'autre alors que mon coeur n'appartient qu'à elle. « Ma vie c’est n’importe quoi Blake. Depuis… Ce soir là. J’ai plus été la même. Je me sens coupable, tout le temps et j’essaie de me donner l’illusion d’avoir le contrôle, mais en fait je suis en roue libre, à la recherche de je ne sais même pas quoi. » Mon coeur se comprime dans ma poitrine, alors que je ne peux m'empêcher de sentir l'émotion me gagner à mon tour. « T’étais la seule avec qui j’étais bien et j’ai tout gâché. Tout ça parce que j’avais peur. De l’engagement, mais surtout que tu te rendes compte qu’il y a mieux que moi, que tu te lasses de moi… » Si elle savait ce que mon coeur ressentait (ressent) pour elle, elle n'aurait jamais eu peur que je me lasse d'elle. Il n'y avait qu'elle à mes yeux, et je crois que ça sera toujours le cas. « Tu ne peux pas t'en vouloir indéfiniment Dylan. C'est fini maintenant, c'est du passé. T'as fait une connerie, mais ça ne sert à rien de continuer à te punir pour ça. » Il y a prescription depuis toutes ces années. Enfin le mal est toujours là, mais si j'ai été incapable de la rayer totalement de ma vie, c'est bien que je suis prête à ne plus lui en tenir rigueur. Si elle a besoin de l'entendre pour s'en convaincre, alors ainsi soit-il. Je viens remettre une mèche de ses cheveux derrière son oreille dans un petit sourire. « Je ne t'en veux plus tu sais... » J'ai peut-être mis du temps à le comprendre, mais ma réaction de ce soir en est la preuve vivante. C'est pas pour rien si je ne m'imagine pas aller draguer une autre femme... Cet aveu est peut-être ce qu'elle attendait pour réussir enfin à se pardonner elle-même.

Bon ok, on ne va peut-être pas passer notre soirée à jouer à ce jeu de drague complètement débile. C'était mon idée ? Ah oui c'est vrai... mais j'ai pas dit que c'était l'idée du siècle non plus. Loin de là. Ça se saurait si j'avais des élans de génie. En attendant, je ne sais plus vraiment quoi penser de tout ça. C'est pas plus mal que Dylan mette un terme à sa démonstration. Un peu plus et je m'y perdais. Enfin... c'est déjà trop tard en fait. Mais je ne suis pas venue ici pour retomber sous le charme de mon ex. J'ai déjà trop longtemps lutté, essayer de placarder mes sentiments dans un coin de ma tête pour ne plus jamais y penser. Mais les choses ne sont jamais aussi simples. Je devrais déjà le savoir quand il s'agit de la jeune femme. Je chasse ces pensées de mon esprit, tentant de me reconcentrer sur l'objet de la soirée. Allez. Un élan de détermination s'empare de moi, et je me lance. Advienne que pourra. Dylan me souhaite bonne chance, et je sens mon coeur se serrer étrangement dans ma poitrine. Est-ce que je m'attendais à ce qu'elle me retienne ? Oui totalement. Mais au lieu de ça, elle m'encourage comme je viens spécifiquement de lui demander. Quelle conne. Je fais quelques pas en avant avant de l'entendre ajouter. « T’es pas obligée tu sais. Si tu te sens pas prête. » Je me retourne pour croiser finalement son regard. « Je veux pas te pousser à y aller si c’est pas ce que tu veux vraiment… Enfin, que tu te sens pas assez en confiance pour l’aborder. » Est-ce que c'est moi qui n'en a pas vraiment envie ou c'est elle qui ne veut pas que j'y aille ? Je crois qu'on est en train de se perdre. Mon coeur tambourine à tout rompre dans ma poitrine, alors que je ne la quitte pas des yeux. Je la connais, je remarque cette pointe de déception dans son regard qu'elle s'efforce de toujours vouloir cacher. Mais ça serait peut-être temps de baisser sa garde une bonne fois pour toute non ? « C’est toi qui décide Blake. Je… Je devrais même pas être là. » Elle se lève et récupère sa veste sans que je puisse avoir le temps de dire quoi que ce soit. « Je suis désolée. Bonne soirée. » Mon ex se réfugie à l'extérieur dans un éclair, et il me faut quelques secondes pour reprendre mes esprits. Je me fous de cette blonde deux tables pour loin, la seule qui m'intéresse est celle qui vient justement de partir. Je secoue un peu la tête avant de me dépêcher pour sortir à mon tour, espérant que ça ne sera pas trop tard pour la rattraper. Je la retrouve juste devant, dans un état qui me fend littéralement le coeur. « Dylan... » Ma main vient se lier à la sienne avant de lui faire face. « Eh, qu'est-ce qui se passe ? » Je l'incite à me regarder, posant mon autre main sur sa joue. « Tu peux me parler tu sais, je suis là. Je m'en fous des autres, c'est pas important. » Elle a l'air d'en avoir gros sur le coeur, et c'est pas bon de tout garder pour elle. Je ne demande que ça moi ; qu'elle me parle. « Je suis désolée si j'ai été maladroite... » Je m'excuse pour tout à l'heure, pour tout et n'importe quoi d'ailleurs. Parce que je ne voulais surtout pas la mettre dans cet état...

La démonstration que m'offre mon ex est probablement un classique. Ça me fait du mal de l'admettre, mais elle a de l'expérience dans le domaine. C'est une séductrice dans l'âme, une coureuse de jupons. Et c'est ce qui a d'ailleurs causé notre perte. « Pourquoi ? Ça fonctionne ? » Peut-être un peu, beaucoup même. Mais je dois rester infaillible face à elle. Je ne dois pas lui montrer qu'elle ne me laisse pas indifférente. A moins qu'elle le sache déjà et qu'elle en joue volontairement. Je ne veux pas me faire prendre à mon propre piège. C'est moi qui lui ai proposé de jouer le jeu, ça serait quand même con que je finisse par me brûler les ailes. Et pourtant... je sens mon coeur s'affoler dans ma poitrine, ces petits papillonnements dans le creux de mon ventre. Rhaa je suis tellement faible. Dylan a toujours été ma plus grosse faiblesse, et de toute évidence ça n'a pas changé. « Oh il m'en faut quand même un peu plus, je suis pas une fille facile. » Sauf avec elle. Je lui souris avec malice, ne voulant surtout pas lui donner raison. Je joue les filles insensibles que rien ne peut atteindre. Ouais... si seulement. « C’est moche de se faire poser un lapin par une copine. Heureusement, je suis là pour te tenir compagnie. » Heureusement oui. Pour le jeu, mais pas que. Je ne serais jamais venue ici toute seule si elle n'avait pas été là. « Je sauve les belles inconnues seules dans les bars en leur offrant un verre. » Je ris un peu avant d'enchainer. « Je suis sûre que la cape de super-héroïne t'irait à la perfection. » Est-ce que je l'imagine déjà dans ce genre de déguisement hyper moulant ? Oui, évidemment. C'est pas de ma faute si j'ai toujours eu beaucoup d'imagination. La faute à mon cerveau aussi créatif. Il y a un moment de flottement, un peu troublant, et je ne sais pas réellement comment dois-je l'interpréter. Est-ce qu'elle aussi est en train de se perdre entre le jeu et la réalité ? « Alors, est-ce que ça t’aide ? » Elle vient d'interrompre sa démonstration, et je mets un peu de temps à le comprendre. « Je sais pas trop, c'est tellement naturel pour toi... » Je le dis d'un air déçu, une grimace venant déformer les traits de mon visage. J'aurais préféré que ça ne soit pas le cas, que ce soit par le passé ou même encore aujourd'hui. Une partie de moi aimerait pouvoir la garder pour moi toute seule. « Mais je vais essayer. » Après tout, on est là pour ça non ? Je ne pourrais pas me défiler éternellement. « Bon allez. » Je me lève sans doute un peu trop brusquement. « Souhaite-moi bonne chance. » C'est maintenant ou jamais. Pourtant, je rêve secrètement que mon ex m'en empêche. Je lui lance un dernier regard avant de tourner les talons.

Je sais bien que ça ne sera pas suffisant à ses yeux. Elle veut que je garde un contact visuel avec elle en continuant de lui sourire, pour tenter d'aller l'aborder quand une occasion se présentera. Mais je me connais, je vais attendre longtemps avant d'avoir le cran de saisir une quelconque opportunité. Si j'y arrive. Et ça, c'est loin d'être gagné. C'est peut-être naturel pour elle, mais pour moi c'est une autre histoire. Ok, si elle veut que je tente un truc, va falloir qu'elle m'aide. Concrètement. Elle à qu'à me montrer. « Je te connais, ça fausse la donne. » Non, elle ne se défilera pas si facilement. Si elle veut que je fasse des efforts, il faut qu'elle montre le bon exemple. C'est mon mentor, c'est son rôle. Je soutiens son regard avec insistance. « Ok, ok. » Un petit sourire en coin se dessine sur mes lèvres. « Restes là. » Elle se lève et se dirige vers le comptoir. Mais qu'est-ce qu'elle fout ? Le serveur vient déposer un verre jusqu'à moi, me précisant que c'est de la part de la blonde près du comptoir. Je relève la tête et croise le regard de Dylan. Je ne peux m'empêcher de sourire parce que la situation est amusante. Troublante peut-être un peu aussi. « J’ai remarqué que ton verre était presque vide. Je peux me joindre à toi ? » Je hoche un peu la tête avant de répondre. « Je t'en prie. » Je tapote la banquette de ma main pour l'inviter à s’asseoir à mes côtés. « J’espère que tu ne t’es pas sentie trop observée… Sinon je plaide coupable. » Non mais sérieusement ? Je comprends mieux maintenant... comment c'est possible de résister à ça ? Et puis ce sourire... rhaaa mon dieu. « Peut-être un peu, mais ce n'était pas si désagréable. » Ouais, ok, il faut pas que j'oublie que c'est un jeu de rôle quand même. Et pourtant, mon coeur s'emballe plus que de raison. « Tu as attiré mon attention. Et j’aime beaucoup ton sourire. Tu es venue seule ? Tu attends quelqu’un ? » Je souris à nouveau, le plus naturellement du monde, penchant la tête légèrement sur le côté d'un air innocent. « C'est la technique de drague que tu sors à toutes les filles ? » C'est pas pour sortir du jeu que je dis ça, c'est vraiment quelque chose que j'aurais pu dire en situation réelle. Pour voir sa réaction, jauger un peu plus le style de la personne à qui j'ai affaire. En l’occurrence pour mon ex, je sais que c'est une technique qui n'est pas réservée exclusivement à moi. Même si j'aurais préféré à l'époque. « Pour répondre à ta question, j'attends une copine mais elle est toujours en retard. Sacrément en retard même, je sais même plus si elle va venir du coup. » Ajoutais-je en jetant un œil à ma montre. Ça le fait pas trop de venir seule dans un bar, je crois d'ailleurs que ça ne m'est jamais arrivé. Alors l'excuse de la copine en retard ou du faux plan, c'est mieux. Est-ce que je suis en train de me perdre entre le jeu et la réalité ? Peut-être un peu. « Et toi alors ? Qu'est-ce que tu fais là, a part venir aborder les inconnues dans les bars ? » Je plante mon regard dans le sien, portant mon verre à mes lèvres. « Merci pour le verre. » Je n'arrête pas de sourire, peut-être un peu bêtement. Là, tout de suite, je ne pense plus du tout à la blonde de l'autre table.

Je me prends un peu au jeu, et essaye de faire mes propres repérages. Je tente de ne pas seulement me baser sur l'apparence physique des gens privilégiant le charisme que chacun peut dégager. Mais c'est un exercice assez difficile en soit. C'est forcément un peu subjectif comme système de sélection. On juge sans connaitre la personne, comme ça, aux premiers abords. Comme ce groupe de mecs au comptoir, tous plus stéréotypés les uns que les autres. Mais pour Dylan ça a l'air beaucoup plus facile. C'est un exercice qu'elle connait bien, et qu'elle maîtrise à la perfection. C'est même elle qui remarque cette blonde à cette table qui apparemment regarde très souvent dans notre direction. J'sais pas pourquoi, mais j'ai du mal à imaginer que ça soit pour moi. Pourquoi pas pour elle ? Mon ex a ce je-ne-sais-quoi qui attire la gente féminine, elle l'a toujours eu. Ça a marché avec moi, et à l'époque où nous étions ensemble, j'étais consciente des nombreux regards qu'elle pouvait attiser. La preuve en est... elle a finit par me tromper. Bref, on ne va pas revenir sur le sujet. Je lui demande comment elle fait elle. Comment elle s'y prend pour aborder les gens. « J’ose, j’improvise, je m’adapte. Le plus difficile c’est de se lancer. » Oui, la première approche, la première phrase lancée, je crois que c'est ça le plus dur. C'est en tout cas ça qui me fait peur. Je ne sais même pas ce que je pourrais leur dire. « Souris lui. A la blonde de la table. Quand elle regardera par là, souris lui. » Je grimace un peu, pas très convaincue. J'ai l'impression que je vais avoir l'air trop conne si je fais ça. Genre comme si ce n'était pas naturel, ou je sais pas. « Bon alors, tu lui dégaine ton plus beau sourire ou j’y vais ? Je vais la voir pour lui dire qu’elle te plait, s’il faut. » Mon dieu, non. Surtout pas. « Non c'est bon, je vais le faire. » Si Dylan fait ça, je crois que je ne saurai définitivement plus où me foutre. La honte quoi. Je m'exécute alors, essayant de sourire à la blonde lorsque celle-ci tourne une nouvelle fois la tête dans notre direction. Elle me rend mon sourire, et c'est déjà une bonne chose. Et maintenant ? « Bon bah voilà, c'est tout. » Ouais c'est tout. Je vais me contenter de ça pour le moment. Et qui sait, avec un peu de chance, c'est elle qui va prendre l'initiative de faire le premier pas. En réalité ça m'arrangerait tellement qu'elle le fasse, que ça soit elle qui vienne me voir. Ça m'éviterait peut-être de me sentir aussi con, là, tout de suite. Je plante à nouveau mon regard dans celui de mon ex, ajoutant le plus sérieusement du monde. « Comment tu ferais pour m'aborder toi ? Vas-y, qu'est-ce que tu me dirais ? » Bah quoi ? Elle a voulu être mon mentor, faut assumer maintenant. Et quoi de mieux pour mon apprentissage que de voir le maître en action. Même si ce n'est pas une situation réelle, mais un exemple, ça revient finalement au même. Ce n'est qu'un jeu de rôle, rien de plus. Pas de quoi en faire tout un plat... enfin...

Ma langue a fourché, et je le regrette dès l'instant où je vois le regard de ma demi-soeur se troubler. Mes mots sont blessants, très certainement mal venus même. Et pourtant, ça ne m'empêche pas de les penser. Il y a une petite part en moi qui le pense vraiment. Parce que c'est à cause de ce bébé que notre relation est devenue aussi compliquée. Enfin pas que, mais en grande partie. Mais c'est injuste de ma part de lui dire ça. Ce n'est pas de sa faute si j'ai eu cet accident, et si j'ai perdu mon bébé. Elle ne mérite pas que je me défoule sur elle. « Ne t’excuse pas. » Je baisse les yeux à mon tour, incapable de soutenir plus longtemps son regard. Elle est là pour moi, à mon chevet, et moi je ne trouve rien de mieux à faire que de continuer à lui faire du mal. Je suis vraiment un monstre. « C’est vrai qu’au début j’ai eu la sensation que c’était ça qui était en train de nous séparer. Mais j’aurai pu accepter de vivre ça avec toi et je… j’ai pas réussi. » Je sais bien que les choses auraient sans doute été différentes entre nous si je n'étais pas tombée enceinte. Mais je ne devrais pas lui en vouloir. Pas maintenant, pas comme ça. « Jamais j’ai voulu ça, que tu perdes ton bébé, que tu sois malheureuse, je voulais juste ton bonheur et je… Je suis désolée Kez. » Je viens de nouveau lier mes doigts entre les siens, en espérant qu'elle ne me tienne pas compte de cet écart. « Je sais, Kai. » C'est moi qui suis désolée. Je n'aurais jamais dû lui dire ça. C'était con. « Repose-toi. Wyatt devrait bientôt arriver, je te réveille quand il sera là. » En parlant de Wyatt... je crois qu'il y a un truc qu'elle doit savoir avant qu'il arrive. « Kai ? » Elle plante son regard dans le mien, et je décide de me lancer. « Wyatt est au courant. » Je la sens perplexe, et enchaîne rapidement. « C'est ça que je voulais te dire au téléphone avant l'accident. Je voulais te prévenir pour ne pas que tu te sentes con s'il venait t'en parler. » Il aurait très bien pu venir la confronter, lui demander des explications. Il aurait pu jouer aux cons et lui prendre la tête. En réalité je ne sais pas trop ce qu'il est capable de faire, mais il était tellement en colère quand il est parti de chez moi l'autre jour que tout est possible. « Il sait pour nous, enfin... pour ce qu'il s'est passé à Bali. » Il sait qu'on a couché ensemble, et que je l'ai "théoriquement" trompé avec elle. Pour coucher avec lui dès mon retour de voyage d'ailleurs. Ouais quand on y repense, j'ai vraiment été conne. Quand je vous dis que j'attire les emmerdes, c'est pas une connerie. « Il est tombé sur une de nos photos, celle que je t'ai envoyé par sms. » Une photo pas réellement anodine, qui lui a très vite mis la puce à l'oreille. Et puis il est pas con non plus, il a compris tout seul. En tout cas, maintenant c'est trop tard. Et c'est normal que je lui dise. Après tout, Kai est tout autant concernée que moi dans cette histoire. Et même si le moment n'est pas vraiment le mieux choisi, je préfère qu'elle soit au courant avant qu'il ne débarque à l'hôpital. Sait-on jamais. Je suis bien placée pour savoir que la douleur est capable de nous faire dire n'importe quoi.

Annoncer la mauvaise nouvelle à Wyatt est difficile à envisager. Je crois que c'est encore trop tôt pour moi, trop dur à supporter. Et pourtant il a le droit de savoir. Mon ex petit ami est tout autant concerné par le sujet. Même s'il n'avait que le second rôle dans toute cette histoire, il a toujours été là pour moi. Malgré notre dispute par rapport à Kai, malgré tout le mal que j'ai pu lui faire. Il ne mérite pas d'être mis à l'écart. Mais je pense être incapable d'affronter son regard. « Bien sûr, je vais m’en occuper. » Un simple regard pour la remercier. « Je suis là, je te lâche pas d’accord. Je suis là et je serai toujours là. » Ça me fait du bien qu'elle soit là, présente pour moi. « Je me doute que c’est dur, et que ça va être dur, mais tu t’en sortiras, on sera tous là pour t’aider et te soutenir, et je serai là. A n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Tu entends ? » Je sais que je ne serai pas seule. Il y a ma mère, mon beau-père, Wyatt aussi. Ils ont toujours été très importants dans ma vie, et je sais qu'ils ne m'abandonneront pas. Jamais. « Je sais, et je crois que je pourrais jamais vous remercier suffisamment pour ça. Honnêtement je ne sais pas ce que je ferais sans vous... sans toi. » Je m'allonge à nouveau dans mon lit, fermant les yeux quelques minutes. De longues minutes pour me reposer, je crois que j'en ai besoin. Mais mon cerveau ne semble pas vouloir déconnecter. De nombreuses pensées viennent envahir mon esprit, sans que je puisse les contrôler. Je repense à Kai, à notre relation, tout ce qu'il s'est passé entre nous. Mais je pense aussi à Wyatt, à notre nuit ensemble. A ce bébé que nous avons conçu lors de notre première fois. Tous les événements de ma vie de ces derniers mois se bousculent, et me font littéralement perdre pied. Brusquement, je lâche la main de ma demi-sœur. « C'était ce que tu voulais... » Que je laisse échapper du bout des lèvres sans réellement en avoir conscience. Je suis dans une espèce de semi-conscience, bercée par la fatigue et le chagrin qui me consume de l'intérieur. Je ne sais pas vraiment ce que je dis, ce que je fais non plus. Comme si je n'avais plus réellement la maîtrise de moi-même. C'est une pensée qui m'a traversé l'esprit, une pensée parmi tant d'autres. Comme toutes celles qui peuvent se bousculer dans ma tête depuis mon réveil. Mais je ne pensais pas que cette pensée pourrait m'échapper. Et pourtant les mots sont sortis délibérément de mes lèvres dans un murmure, impossibles à contrôler. J'ouvre les yeux, difficilement, et croise le regard embrumé de ma demi-sœur. Merde. « Pardon, je... je voulais pas dire ça. » Je suis maladroite, blessante même. Elle est là pour moi, et je suis en train de tout gâcher. Encore. « Je suis désolée, je crois que je suis vraiment à bout. » Les émotions que j'ai vécu durant la journée ont été intenses. Et je n'arrive définitivement plus rien à gérer.

Y'a pas à dire, c'est vraiment une situation étrange quand même. A croire qu'il y a que nous pour faire ça. Genre je ne suis pas certaine que ça soit le kiff de tout le monde de se faire aider par son ex pour essayer de coucher avec un(e) autre. Qu'est-ce qui a bien pu nous passer par la tête pour en arriver là ? A la base c'était un délire, mais rien ne nous obligeait à aller aussi loin. Pourquoi aucune de nous deux n'a eu l'intelligence d'annuler cette mascarade ? Maintenant, c'est un peu tard. Et quitte à se brûler les ailes, autant y aller jusqu'au bout. Ouais on est plus à ça près. « Tu as des critères ? » Je secoue la tête dans un réflexe. Je ne suis pas le genre de filles à avoir une liste de tous un tas de critères incontournables. Non, je ne suis pas chiante. Mais je ne suis pas non plus une fille facile. Loin de là. Je préfère juste avoir un minimum de discussion avec la personne, de partager certains points en commun, le feeling, tout ça, que de me jeter sur la première proie possible. En réalité je ne sais pas vraiment si je suis prête pour ça. Mais je ne perds rien à essayer, au moins. Qui sait, peut-être que c'est ce dont j'ai besoin. Ou pas. « Pas vraiment. » Elle me connait, ce n'est sans doute pas une surprise. « A la deuxième table à gauche, parmi le petit groupe une nana a déjà regardé au moins trois fois dans notre direction. Elle a détourné le regard en croisant le mien… Je pense que c’est pour toi. » Je tourne la tête dans la direction indiquée, posant mon regard sur l'une d'entre elles. Une blonde. « La blonde ? » Dylan approuve d'un hochement de tête, alors qu'elle me montre un nouveau groupe près du comptoir. « Sinon y’a un groupe de mec en rut au comptoir, ceux là tu peux sans doute tous les avoirs. Si jamais tu veux jouer la facilité. » Je grimace directement, absolument pas convaincue. « Ouais non on va éviter ce genre-là. » Certes je n'ai pas de critère mais quand même. J'ai un minimum de respect pour moi-même. « C'est rédhibitoire. » Totalement. « La blonde est jolie. Mais t'es sûre que c'est moi qu'elle regardait ? » Ça c'est sans doute à cause de mon manque de confiance en moi, mais c'est plus fort que moi. « Sinon il y a la fille là-bas, celle qui est avec son téléphone. » Une autre blonde. Ouais mais non promis, je n'ai pas de style. Je n'ai pas du tout de truc avec les blondes. Morgan était rousse, et Dylan... ouais bon, c'est juste une coïncidence. « En vrai, je saurais même pas comment m'y prendre pour les aborder. » J'ai un peu tendance à attendre que les gens viennent à moi dans ces cas-là. Faut dire que je n'ai jamais vraiment dragué ouvertement quelqu'un que je connaissais pas. « Tu fais comment toi ? » La dernière fois, ça avait l'air plutôt facile avec elle. La fois où je me suis un peu surprise à vouloir casser son coup d'ailleurs. Mais bon, on ne va pas vraiment en tenir compte.

Jonah a été un point de repère important dans le passé de ma petite-amie. Un point d'ancrage, une relation amoureuse qui a énormément compté pour elle. Peut-être son plus grand amour ? Ça, c'est ce que j'en conclus en tout cas. Je n'étais pas dans sa vie à cette période-là, et je ne peux pas vraiment savoir. Mais c'était du sérieux entre eux. Au point d'aller jusqu'à fonder une famille. Même si Jihane est tombée enceinte par accident à la base, ils ont très vite transformé cette "erreur" en volonté. Ils en avaient envie tous les deux de cet enfant, ce n'est pas rien quand même. Et malgré les circonstances, l'accident, la perte du bébé, c'est quelque chose qui les liera probablement à tout jamais. Ça ne me fait pas peur, parce que je ne doute pas de ses sentiments à mon égard, c'est juste que ça fait peut-être un peu... bizarre. De penser à ça, d'imaginer ce qu'aurait pu être sa vie s'ils avaient finalement eu cet enfant. Peut-être seraient-ils encore ensemble à l'heure actuelle, qui sait ? Dans tous les cas, je peux facilement comprendre que ces retrouvailles soient difficiles pour elle. « Je ne sais pas trop. » C'est normal que je lui demande comment elle se sent par rapport à tout ça, par rapport à lui, au passé et à ses éventuels souvenirs. « C'était assez étrange. Je pensais que Los Angeles était une ville suffisamment grande pour ne pas avoir à le croiser, alors je ne m'étais pas préparée à le faire. Mais maintenant, je n'ai plus à y penser. » Je ris légèrement. « Los Angeles n'est jamais assez grand finalement » Pour nous déjà, Los Angeles n'avait pas été suffisamment grand. Pire que ça même. Pour se retrouver dans la même colocation, il fallait quand même le faire. Comme quoi le hasard (ou le destin ?) se fout bien de nous quand il veut. A croire que nous sommes que des marionnettes, des pions sur un échiquier. « Enfin pour nous, ça a été plutôt un mal pour un bien quand on y repense. » Mais s'il ne s'était pas joué de nous, nous en serions très certainement pas là au jour d'aujourd'hui. On en a fait du chemin depuis nos retrouvailles ce matin-là au petit déjeuner. « Il a été un peu froid, ce que je ne peux pas lui reprocher. Mais cette rencontre s'est finie, de manière assez.. polie. C'est peut-être le mieux de ce qui pouvait arriver. » Polie. Comme deux vieilles connaissances qui ne s'échangent finalement que de simples banalités. « C'est du passé désormais. Même si je ne pourrais jamais effacer ce que nous avons perdu. » Une grimace vient inconsciemment se dessiner au coin de mes lèvres. Je ne suis pas très douée dans ce genre de cas, ne sachant jamais trop ce qu'il faut ou ne faut pas dire. Mais je laisse parler mon cœur, alors que ma main vient de nouveau se lier à la sienne. « C'est normal, il y aura toujours ce lien particulier entre vous. » Le plus important et peut-être le plus dur aussi, c'est de réussir à l'accepter. « Mais c'est peut être pas plus mal que ces retrouvailles aient eu lieu. C'était sans doute l'étape la plus difficile à surmonter, pour lui comme pour toi d'ailleurs. » Se retrouver tous les deux confrontés à leur passé, à leurs souvenirs respectifs de cette épreuve douloureuse. C'est le meilleur moyen de tourner la page, de tirer un trait sur le passé, pour continuer d'avancer chacun de leur côté. Et je suis là, maintenant. Pour elle, pour rendre son quotidien plus joyeux. Pour construire une nouvelle page de sa vie. De son bonheur. « J'ai bien réussi à tuer l'ambiance, super. Je suis désolée. » Mon sourire se veut réconfortant, rassurant aussi. Je veux qu'elle se sente en sécurité, en confiance avec moi. Qu'elle puisse se confier à moi en toutes circonstances. « Tu n'as rien gâché du tout Jihane. Au contraire, je suis contente que tu te sentes suffisamment bien avec moi pour en parler. » C'est vraiment important pour moi de le savoir. « On devrait peut-être payer et partir d'ici ? » Je hoche un peu la tête, avant d'avaler la dernière bouchée de notre dessert. « Attends moi ici, je reviens. » Je me lève et me dirige à l'intérieur pour régler l'addition. Ce tête à tête avec elle a finalement été un tournant important dans notre relation. C'est officiel maintenant. Comme l'espoir de réussir à construire un avenir commun, ensemble.

Je ne tiens plus en place, tournant en rond dans mon appartement. Je suis prête depuis déjà de longues minutes, bien habillée mais sans en faire trop non plus. Juste ce qu'il faut, là où il faut. Dylan avait raison hier, je n'ai pas non plus besoin de devenir une toute autre personne. Je suis moi, naturelle et authentique. Je sens une légère boule se loger dans le creux de mon ventre, comme si je m'apprêtais à me rendre à mon premier rendez-vous. C'est une sensation étrange, un peu déstabilisante même. Parce que je suis sur le point de rejoindre mon ex dans un bar. Pour sortir, rencontrer de futurs conquêtes. Quelque chose me pousse toujours à penser que ce n'est pas l'idée du siècle de continuer à passer du temps avec elle, mais tant pis. J'ai envie de lâcher prise. Définitivement. De ne plus me prendre la tête et de profiter simplement de l'instant présent et de ce que la vie peut bien vouloir m'offrir. Je suis célibataire, libre de tout engagement, et si je veux que mon cœur en soit totalement guéri, il faut que je sois assez intelligente pour mettre ma rancœur de côté. Après toutes ces années, elle n'a plus vraiment lieu d'être. Y'a prescription non ? Et malgré tout, je crois que je ne suis pas prête à tirer un trait définitif sur Dylan. C'est inconscient mais c'est réel, au plus profond de mon être. Je jette un dernier coup d’œil à ma montre avant de rejoindre notre lieu de rendez-vous. Je tente de la jouer totalement décontractée, mais à l'intérieur de moi c'est une autre histoire. Plus je m'approche d'elle plus je sens les battements de mon cœur s'entrechoquer dans un rythme inconsciemment plus irrégulier. « Hey ! » Je lui rends son sourire, venant la saluer dans une petite étreinte naturelle. « Je vois que tu es prête à entrer dans l’arène. » C'est un compliment déguisé ? En tout cas, ça y ressemble. « On dirait bien que toi aussi. Tu veux essayer de me voler la vedette ? » Ajoutais-je en laissant échapper un léger rire amusé d'entre mes lèvres. Dylan a toujours eu beaucoup de charme. Et c'est pas faute d'en être tombée complètement dingue d'ailleurs. Par le passé, et même encore maintenant. Bref, mon cerveau s'égare un peu là. « Qu’est-ce que tu bois ? » Je suis mon "mentor" jusqu'au comptoir, plus habituée des lieux. « Un sex on the beach. » Bah quoi ? C'est drôle, et puis c'est un peu de circonstance aussi. Dylan commande nos boissons et nous nous installons sur une table libre en fond de salle. L'endroit idéal pour avoir une bonne vision d'ensemble. « Et bien commence désormais la phase de repérage. Quoi que tu as peut-être déjà commencé ? » Je jette un œil aux personnes qui nous entourent, sans être totalement à l'aise pour le moment. « Déjà, homme ou femme, je sais même pas... Me faudrait peut-être un mec, les filles c'est trop compliqué. » Je ne peux m'empêcher de rire, parce que je l'englobe évidemment dans le lot. « Et puis ça fait longtemps... je sais même plus quelle sensation ça fait. » Là, on ne peut pas faire plus bizarre. Mais un peu plus ou un peu moins, on est plus à ça près. C'est que le début... « Mais bon, tu vas pas pouvoir bien m'aider à ce niveau-là. » En réalité je marche au feeling, et je ne suis pas quelqu'un qui se focalise uniquement sur l'apparence. Que ce soit une fille ou un mec n'est pas là le plus important. Je veux juste trouver quelqu'un qui dégage un truc en particulier. Pas non plus coucher avec le/la premier(e) venu(e) juste pour dire de coucher.