what about us ? (falloane #10)

Cette fois, c'est bon ; victoire. Jihane est officiellement de retour à la colocation depuis quelques jours. Une nouvelle qui ne peut que me faire plaisir. Je sais pas si c'est directement lié à notre nuit passée ensemble, mais en tout cas ce n'est pas moi qui vais m'en plaindre. Je rêvais de ce moment depuis déjà très longtemps. C'est pas faute d'avoir tenté de la faire revenir avant, en essayant de jouer de mes charmes à plusieurs reprises. Ça fait quelques temps que j'essaye de lui faire mes preuves, pour regagner doucement sa confiance. Je suis consciente que je suis partie de loin, trop loin peut-être. Après le mal que j'ai pu lui faire, c'était vraiment pas gagné d'avance. J'ai eu réellement peur de la perdre à un moment. Mais le chemin ne sera que plus beau après tous les obstacles traversés. Tout n'est pas encore gagné, le but ultime étant que la brune puisse réellement me pardonner. Oublier définitivement mes erreurs passées. Que sa méfiance et ses doutes à mon égard s'envolent à tout jamais. Ça, c'est une autre paire de manche. Mais nous sommes proches, très proches, et je sens que notre relation est sur la bonne voie. En tout cas elle me rend heureuse. Et je crois que c'est là le plus important. Aujourd'hui, j'ai envie de marquer le coup. De fêter son retour comme il se doit, juste entre nous. Pour cela, je prends l'initiative de l'inviter au restaurant. Ce n'est pas un rendez-vous à proprement parlé, enfin... pourquoi pas. Finalement nous n'avons jamais eu l'occasion de partager un moment de ce genre-là toutes les deux. Dans un lieu public, comme des gens "normaux". La plupart de nos moments de complicité n'ont lieu qu'entre quatre murs, à l'abri de tous les regards. A l'appartement, dans nos chambres. Mais là, c'est d'un autre niveau. Et je prends sur moi pour aller au-delà des craintes que je peux encore ressentir au fond de moi-même. Parce qu'elles sont encore là, cachées sous les apparences. Si seulement je pouvais m'en séparer une bonne fois pour toute. Installées en terrasse, en tête à tête, nous commençons le déjeuner par un apéritif pour trinquer à son retour. « A ton ré-emménagement. » Je plonge mon regard dans le sien, dans un sourire aussi large que sincère, avant de venir naturellement poser ma main sur la sienne. A cet instant, j'essaye de ne pas me soucier du regard des autres. Je me focalise sur elle, uniquement sur elle. Je ne veux pas gâcher l'instant à cause de ce genre de futilités. « A nous aussi. » Nous, un pronom lourd de sens. C'est la première fois que je me surprends à l'employer, à haute voix, comme ça. Sans prendre mes jambes à mon cou et à en avoir peur. C'est là la preuve évidente du chemin parcouru et de mon évolution personnelle. Ça me fait bizarre quand même, je n'ai pas l'habitude de parler de moi en mentionnant également quelqu'un d'autre. C'est tout nouveau pour moi. Mais les choses changent, et Jihane me pousse quotidiennement à me battre pour devenir une meilleure personne. Je ne sais pas exactement quel est son secret... mais de toute évidence, ça a l'air de bien fonctionner. Un peu trop bien même. Je ne me suis jamais comportée comme ça de toute ma vie. La nouvelle Fallon est-elle prête à s'engager réellement dans une vraie relation ? Telle est la question. Et si la réponse sonnait déjà comme une évidence ?

L'invitation de Fallon m'a quelque peu surprise. Avec mon retour à la colocation, j'espérais bien passer un peu de temps avec elle, juste avec elle. Mais je ne pensais pas que cela se ferait au restaurant, dans un endroit avec d'autres personnes, des inconnus. Il ne faut pas se voiler la face, pour l'instant, les seuls moments où nous avons été intimes, c'était à l'appartement. Et bien souvent, quand Wylona n'était pas là. Alors oui, j'ai été surprise, mais ce n'est pas pour autant que j'ai refusé sa proposition. Au fond de moi, je me suis dit que c'était peut-être l'occasion pour nous d'éclaircir les choses et de voir ce qu'il advenait de notre relation désormais. Toute la matinée, je n'ai pas pu m'empêcher d'y penser. De me demander si au fond, elle ne voulait pas m'annoncer quelque chose, mettre un frein à ce qu'il se passe entre nous. Non, ce n'est pas possible. Ça ne peut pas être ça. Pourtant cette idée ne peut pas quitter mon esprit et c'est finalement avec un poids sur le cœur que j'arrive au rendez-vous. J'essaye néanmoins de faire bonne figure, de sourire au maximum. On nous emmène jusqu'à une table et rapidement, nous commandons nos premiers verres. « A ton ré-emménagement. » Je hoche doucement la tête et lui offre un tendre sourire. Lorsque je sens sa main se poser sur la mienne, j'oublie soudainement toutes mes inquiétudes. Si vraiment elle voulait calmer les choses entre nous, elle ne ferait sûrement pas cela. « A nous aussi. » Ça monte crescendo et mon cœur se met à battre plus vite. « À nous. » Je ne peux pas la laisser là, sans rien lui répondre. Nos verres s'entrechoquent et alors que je porte le mien à mes lèvres, je viens doucement caresser sa main de mon pouce. « Je te manquais, il fallait bien que je revienne. » J'y vais un peu au bluffe, je dois l'avouer. Enfin, pas tellement quand on y réfléchit bien. Les derniers échanges que nous avons eus, que ce soit par téléphone ou directement face à face, m'ont laissé croire que je lui manquais vraiment. Cette sensation est agréable, il faut le dire. Ça fait bien longtemps que je n'avais pas ressenti cela, pas avec elle au moins. La sensation de cette proximité me plaît, elle me ramène à la belle époque, celle où elle n'avait aucun problème avec moi et ma sexualité. C'était le bon temps. Mais depuis, beaucoup de choses se sont passées, de bonnes choses comme des mauvaises et maintenant que tout cela semble apaisé, il est temps d'écrire une nouvelle histoire. « Bon.. il reste toujours une chambre entre nous, mais c'est toujours mieux que de vivre dans deux logements différents. » Au fond de moi, j'ai envie que ce détail fasse changer les choses, mais ce n'est peut-être pas l'envie de la blonde. Nous avons été proches ces derniers temps et forcément, mon retour à la colocation va faire que nous allons plus nous croiser. J'aurais sûrement très envie d'aller la rejoindre dans son lit et j'espère que l'inverse sera vrai aussi. Mais est-ce vraiment une bonne idée ? Je ne sais pas vraiment ce que nous sommes aujourd'hui ? Des amies ? Non. Ce n'est pas possible, il y a bien plus que cela. Et pourtant, je ne peux pas dire que nous sommes un couple. Mon regard planté dans le sien, j'en oublierais presque que nous sommes dans un lieu public. Mais l'arrivée du serveur à notre table me ramène bien vite à la réalité. « Est-ce que vous avez fait votre choix ? » Tout à l'heure, nous n'avons commandé que l'apéritif. Le jeune homme nous avait alors laissé les menus afin que nous fassions notre choix pour la suite du repas. Malheureusement, nous avions un peu la tête ailleurs pour nous concentrer dessus. Et ça, il le comprend bien vite quand il voit nos mains presque entrelacées. « Pardon. Je ne voulais pas vous interrompre. »

Cette sortie au restaurant a un peu des allures de premier vrai rendez-vous. Bon certes, nous ne faisons pas vraiment les choses dans l'ordre depuis le début, mais le contraire aurait été étonnant. Et puis c'est justement ça qui fait tout le charme de notre histoire non ? Ok, il y a bien certains points de notre relation que nous aurions pu éviter. Mais peut-être que finalement nous avions inconsciemment besoin de tout ça pour se rendre compte de nos sentiments. Enfin pour ça, je parle plutôt pour moi. Je ne suis pas sûre que ça soit le cas de Jihane en soit. « À nous. » Le sourire qui illumine le visage de ma colocataire me donne du baume au cœur. Vraiment, ça fait du bien de la voir aussi heureuse qu'elle a l'air de l'être à cet instant. Et si c'est grâce à moi c'est encore mieux. « Je te manquais, il fallait bien que je revienne. » Elle marque un point. Bien sur qu'elle me manquait, et je me suis pas gênée pour lui faire savoir. Ce n'était pas qu'une tentative pour la faire revenir, non, c'était bel et bien réel. Sincère. « Bon.. il reste toujours une chambre entre nous, mais c'est toujours mieux que de vivre dans deux logements différents. » Un léger rire s'échappe d'entre mes lèvres alors que je hoche un peu la tête. Effectivement je préfère la savoir de l'autre côté de la cloison, qu'à l'autre bout de la ville en train de me détester. Parce que oui, si elle était partie, c'était un peu - beaucoup pour ça. « Ça peut s'arranger ça. » Répliquais-je aussi sec pour lui faire comprendre que ce n'est qu'un détail. Et que mes envies ne seront très certainement pas stoppées à cause d'une histoire de chambre. Le serveur vient alors nous interrompre pour prendre notre commande. « Est-ce que vous avez fait votre choix ? » Une petite grimace s'installe au coin de mes lèvres, alors qu'il comprend rapidement que ce n'est pas encore le cas. Effectivement je crois que nous avions la tête un peu ailleurs. « Pardon. Je ne voulais pas vous interrompre. » Je hausse les épaules pour lui signaler qu'il n'y a pas vraiment d'importance. « Vous formez un très beau couple... enfin si je peux me permettre. Je vous laisse un peu de temps, je reviens. » Il nous sourit le plus naturellement du monde, alors que je reste un peu surprise. Mais je n'enlève pas ma main de celle de Jihane pour autant. Et ça, c'est une grande première. Pire encore, je ne cherche même pas à nier et à démentir comme j'ai pu le faire la dernière fois avec ses amis. Au contraire même, je le remercie dans un franc sourire. « Merci, c'est gentil. » Il fait alors volte face, nous laissant plus de temps pour regarder la carte. Je fais rapidement mon choix avant de planter à nouveau mon regard dans celui de ma meilleure amie. Si ce serveur a pensé que nous étions en couple, c'est peut être bien pour une raison. Sans doute pour nos mains liées ensemble et nos regards qui en disent suffisamment longs. A croire que nous pouvons plus vraiment nier nos sentiments, et cette foutue alchimie qui nous a toujours étroitement liée. Je me lance finalement à aborder le sujet avec elle, pour essayer de comprendre. De mettre des mots sur ce "nous", ce que nous sommes véritablement. « Tu crois vraiment qu'on formerait un beau couple toutes les deux ? » Je laisse échapper un léger rire d'entre mes lèvres. Honnêtement ça me fait vraiment tout bizarre d'avoir ce genre de discussion. Je ne suis plus aussi à l'aise que d'ordinaire, mais le regard que la brune porte sur moi aide mes doutes à s'envoler. « Nous sommes quoi exactement Jihane ? » Je crois que c'est le moment de se poser vraiment la question. Parce que de toute évidence nous ne sommes pas que des amies. Ni même de simples meilleures amies. Mais plutôt des amies et plus si affinités. Ou même plus encore d'ailleurs...

Cette invitation est à la fois agréable et bizarre. Je ne pensais pas mettre ces deux mots ensemble un jour, mais quand ça concerne Fallon, il faut croire qu’il faut toujours s’attendre à tout. D’abord sur la défensive, craintive de ce que ce repas signifie vraiment, je finis par me détendre suite à ses propos. « Ça peut s'arranger ça. » Un sourire se dessine sur mon visage, un sourire malicieux. Elle voudrait donc faire en sorte que ce mur qui nous sépare ne soit pas un problème. Ça me va plutôt bien, mais tout de suite, ça donne l’impression que les choses s’accélèrent entre nous. Ce n’est pas pour me déplaire, bien sûr. Je voudrais juste être sûre que c’est bon pour nous deux. Je n’ai même pas le temps de répondre que le serveur arrive pour nous demander si nous avons fait notre choix. Peut-être qu’ils attendent du monde ce midi. Cela expliquerait son retour vers nous assez rapide. « Vous formez un très beau couple... enfin si je peux me permettre. Je vous laisse un peu de temps, je reviens. » Ma mâchoire se serre légèrement. La phrase a ne pas dire, celle qui me fait le plus peur. Parce que cette conversation, nous ne l’avons pas eu. Pas encore. Et si même nous, nous ne savons pas ce que nous sommes, il est difficile de pouvoir l’affirmer aux autres. Au fond de moi, j’ai juste peur que ça braque Fallon. La dernière fois qu’on lui a parlé de sa sexualité, la jeune femme a complètement nié, m’ignorant par la même occasion. Alors là, maintenant que ça monte d’un cran, j’ai peur. « Merci, c'est gentil. » Mes yeux s’ouvrent un peu plus, sous le coup de la surprise. Plus les minutes passent et plus ce rendez-vous devient intéressant. Plus ça va et plus je me dis que les choses se passeront bien, pour une fois. Le jeune homme s’éloigne de nous, nous laissant ainsi le temps de faire notre choix. Je me sépare de la blonde, afin de pouvoir facilement tourner les pages du menu. Une fois mon choix terminé, je le dépose sur le bord de la table et je viens instantanément retrouver le contact de sa peau. « Tu crois vraiment qu'on formerait un beau couple toutes les deux ? » Je hausse légèrement les épaules, comme première réponse. Mais je ne tarde pas à surenchérir. « J'ai peur de ne pas être objective. » Ce n'est pas vraiment un mensonge. Cette image, ce rêve, je l'ai déjà fait il y a plusieurs années. Alors forcément, dans ma tête, c'est comme une évidence. « Nous sommes quoi exactement Jihane ? » Et voilà. Le sujet tant attendu est enfin mis sur la table. Je ne pensais pourtant pas qu'il viendrait d'elle. « Je ne sais pas. » Autant être honnête. Même si au fond de moi je pensais à cette question, je n'ai jamais cherché à y répondre. Je ne pouvais pas faire cela seule, pas en sachant que tout cela était nouveau pour la jeune femme. « Qu'est-ce que tu voudrais que l'on soit ? » Elle est là la vraie question. Tout dépend d'elle. De mon côté, j'ai déjà fait mon choix et ça, je ne pense pas que ce soit une grosse surprise. « Où est-ce que tu en es ? Dans la découverte de toi-même, de ta sexualité ou quoique ce soit qui pourrait nous concerner. » J'avais dit que je lui laisserais le temps nécessaire, c'est toujours le cas aujourd'hui, mais il est vrai que je ne pensais pas que la situation changerait aussi vite entre nous : cette deuxième nuit ensemble, ces messages échangés, ces photographies envoyées, ça fait peut-être beaucoup pour de simples amies.

Nous. Ça fait quelques jours que je me pose véritablement la question de ce nous. De ce que nous sommes concrètement, et de ce que notre relation représente à mes yeux. Et aux yeux du reste du monde aussi. Ce compliment de la part du serveur me conforte dans l'idée que l'image que nous reflétons à l'extérieur n'est pas celle que peut véhiculer de simples amies. C'est bien plus que ça... et je crois que c'est grâce à lui que je prends le risque de me lancer. J'essaye de mettre de côté mes peurs, mes doutes, pour ne me focaliser que sur elle. Sur nous. Avant de me jeter dans cette discussion, j'avale mon verre d'apéritif d'une traite comme pour me donner un semblant de courage. C'est vraiment pas facile pour moi de parler de ça, sans doute parce que l'inconnu m'a toujours plus ou moins effrayé. Et que là, clairement, on est en plein dedans. Les sentiments, l'attachement, ou ne serait-ce que la notion de couple, ce sont des choses que je n'ai encore jamais connu. C'est nouveau pour moi, et tout aussi déstabilisant. « J'ai peur de ne pas être objective. » Ce qui m'inquiète aussi, inconsciemment, ce sont les sentiments de Jihane à mon égard. Parce que depuis le début, ils sont là. Je le sais maintenant, et je crois qu'ils n'ont jamais été aussi forts. J'ai peur de la décevoir à nouveau, de lui faire involontairement du mal. Encore. Et si ses attentes étaient beaucoup trop élevées pour moi ? Non, il ne faut surtout pas que je réfléchisse comme ça. Et pourtant, c'est plus fort que moi. J'y pense forcément, parce que je ne suis pas toute seule dans cette histoire. « Je ne sais pas. » Ok, on en est apparemment au même point. « Qu'est-ce que tu voudrais que l'on soit ? » Bonne question. Je crois déjà savoir ce que Jihane aimerait en soit, même s'il y a toujours la question de savoir si elle est prête à me faire véritablement confiance. Si c'est le cas, alors je sais que c'est plus ou moins moi qui a désormais les cartes en main. Mais c'est peut-être ça qui m'angoisse justement. « Où est-ce que tu en es ? Dans la découverte de toi-même, de ta sexualité ou quoique ce soit qui pourrait nous concerner. » Aïe, la question à laquelle je ne peux pas réellement échapper. Merde alors. « Ça me parait tellement lunaire tout ça. » Ouais c'est un peu surréaliste en fin de compte. « Est-ce que je suis obligée de mettre des mots sur ce que je suis pour savoir exactement ce que je veux être avec toi ? » Pour moi, ce sont deux choses différentes. Je n'ai pas forcément envie de me prendre la tête à me mettre une pseudo étiquette sur le front, pour me caser dans une case ou dans une autre. « Non parce que je rigolais pas forcément quand je disais que j'étais probablement Jihanesexuelle. » En réalité je ne sais pas ce qu'il en est exactement. Je suis attirée par elle, c'est plus qu'une évidence maintenant, mais je ne sais pas si ma meilleure amie fait exception à la règle ou si potentiellement une autre fille pourrait également me plaire. Je suis loin d'en être encore là. « En fait, j'en sais rien. Le truc, c'est que je n'ai pas vraiment envie de me poser la question. » Ça ne m'intéresse pas de le savoir pour le moment. « Je suis bien quand je suis avec toi, et c'est tout ce qui importe non ? » Ça, c'est bien l'une des seules choses que je peux affirmer avec certitude. Le reste n'a pas réellement d'importance. Même si certaines zones d'ombre continuent parfois de me faire peur, je préfère éviter de penser à ça. Ne pas trop réfléchir si je ne veux pas encore risquer de tout foutre en l'air. « Mais j'ai bien envie de tenter quelque chose avec toi... » Il m'est encore difficile de lui dire les choses concrètement, ou de réussir à mettre les bons mots sur mes envies. Mais je pense que mon comportement avec elle de ces derniers temps est tout de même assez explicite. Le regard que je lui porte à cet instant en dit suffisamment long aussi.

Savoir où nous en sommes, c'est bien plus compliqué que ce qui n'y paraît. Parce qu'à côté de ça, il y a tout notre passif. Ce qui s'est passé entre nous, mais aussi les raisons pour lesquelles elle m'a barré de sa vie, un temps au moins. « Ça me parait tellement lunaire tout ça. » Et je ne peux que la comprendre. La jeune femme a déjà fait beaucoup de chemin en quelques semaines, mais à chaque fois, elle a suivi son instinct, sans vraiment se poser de questions ou encore, sans apporter de réelles réponses à celles qu'elle avait déjà. « Est-ce que je suis obligée de mettre des mots sur ce que je suis pour savoir exactement ce que je veux être avec toi ? » Je hausse légèrement les épaules. Nous ne sommes pas tous pareils, nous n'avons pas les mêmes attentes de nous-même, peut-être que ça y joue. Ce n'est pas une obligation de mettre des mots sur tout cela, mais si c'est pour se rétracter dans quelques jours parce qu'elle n'est pas sûre d'elle, ce n'est peut-être pas très utile. Enfin ça, c'est ma vision des choses. Peut-être parce que j'ai grandi dans une famille homoparentale, ou peut-être parce que je ne me suis jamais cachée de ma sexualité. « Non parce que je rigolais pas forcément quand je disais que j'étais probablement Jihanesexuelle. » Même si l'idée me plaît bien, je ne sais pas si c'est la vérité. Aujourd'hui, c'est moi, mais rien ne me dit qu'un jour, elle n'aura pas une attirance pour une autre femme. C'est plus facile avec moi pour l'instant, parce que finalement, cette histoire traîne depuis plusieurs années. Il y a toujours eu quelque chose entre nous, même si Fallon avait décidé de se voiler la face. Ce terme me de Jihanesexuelle me plaît, mais il reste très flou. Quant à son orientation sexuelle et à ses envies. Même si mes premières pensées sont tournées vers une femme, rien ne dit qu'elle ne pourra pas retourner avec homme aussi, comme bien souvent. Tellement de pensées, toutes plus effrayantes les unes que les autres, sur le moment surtout. Parce que là, la seule chose dont j'ai envie, c'est d'être l'unique personne à ses côtés, amoureusement parlant. « En fait, j'en sais rien. Le truc, c'est que je n'ai pas vraiment envie de me poser la question. » Un sourire se dessine sur mon visage. Je ne peux pas la pousser à faire cela et au fond de moi, je crois que je la comprends : répondre à cette question, c'est remettre beaucoup de choses en question. « Je suis bien quand je suis avec toi, et c'est tout ce qui importe non ? » Elle a tout à fait raison. Ce qui se passe entre nous ne concerne personne d'autres, alors si ça nous va ainsi, il ne faut peut-être pas se prendre plus la tête. « Mais j'ai bien envie de tenter quelque chose avec toi... » Ces mots que j'ai tant rêvés écouter. D'ailleurs, je pense toujours être en train de rêver. Comme un réflexe, je me demande si c'est bien réel, si c'est bien en train de ses passer. « Tu as envie de tenter quelque chose avec moi ? » Mon sourire s'est soudainement élargie. Cette nouvelle est celle que j'espérais et pourtant, je ne pensais pas qu'elle arriverait aujourd'hui. « Je ne devrais peut-être pas répéter cette phrase. Ça serait quand même dommage qu'à force de l'entendre, tu décides de changer d'avis. » Je rigole légèrement, comme pour rendre moins grave cette conversation. Doucement, je viens complètement lier mes doigts avec les siens. « Je.. J'ai envie moi aussi, de tenter quelque chose avec toi. » Est-ce vraiment une surprise ? Je ne pense pas. Même si dans le fond, après ce qu'elle a pu me faire, certaines personnes vont me penser sadique de faire cela. « Je ne sais pas où ça nous mènera, mais je veux essayer. » C'est peut-être risqué de faire cela, mais en nous voyant récemment, c'est la suite logique des choses. J'aime nos moments à deux, nos échanges, mais me dire que nous sommes simplement amies, c'est devenu compliqué. Tout gâcher, encore, c'est un risque à prendre. Et puis, de toute façon, rester ainsi, à se demander ce que nous sommes, ce n'est pas bon non plus. « On peut prendre notre temps et voir où les choses nous mènent. » Je ne lui passe pas la bague au doigt aujourd'hui : je sais qu'elle n'a jamais été du genre à avoir quelqu'un dans sa vie, je ne veux pas lui faire peur, on ira à notre rythme.

Cette fois, ça y est. J'ai enfin eu le cran de me lancer, et de dire réellement ce que j'ai sur le cœur depuis déjà plusieurs semaines. Même si je ne sais pas exactement où j'en suis avec moi-même, je suis au moins sûre d'une chose ; d'elle. Dans mon cœur, je ne peux plus le nier. C'est devenu une telle évidence qu'il m'est impossible désormais de continuer à faire semblant. Et malgré mes peurs, je décide finalement de me lancer la tête la première dans cette relation. Fini de jouer à l'ornithorynque qui ne cesse de se refermer sur lui-même. La Fallon d'aujourd'hui devient mature, ou presque. En tout cas il n'y a plus de retour en arrière possible maintenant que cette phrase est sortie de mes lèvres. J'ai envie de tenter quelque chose avec elle. Même si je ne sais pas exactement où tout ça peut nous mener, je prends le risque de la laisser entrer dans ma vie. Officiellement parlant du moins - parce qu'en réalité ça fait déjà trop longtemps que Jihane a une place particulière dans mon cœur. « Tu as envie de tenter quelque chose avec moi ? » Voir les étoiles dans les yeux de ma meilleure amie me fait énormément de bien, et je ne peux m'empêcher de sourire à mon tour. C'est comme un énorme poids qui se libère de mes épaules, qui me fait me sentir plus légère. « Je ne devrais peut-être pas répéter cette phrase. Ça serait quand même dommage qu'à force de l'entendre, tu décides de changer d'avis. » Je hoche un peu la tête en mêlant mon rire au sien. Vaut mieux le prendre au second degré, même si de toute évidence son inquiétude que je change d'avis soit finalement justifiée. Elle commence à me connaitre depuis le temps... mais cette fois, les choses sont différentes. Je ferais tout pour que ça le soit, vraiment. « Je.. J'ai envie moi aussi, de tenter quelque chose avec toi. » C'est à mon tour d'avoir des étoiles dans les yeux, des papillons dans le coeur. Si on m'avait dit un jour que ces conneries d'amour à la con étaient vraies, je crois que je n'aurais jamais pu le croire. Et pourtant... comme je l'ai déjà dit, il y a que les cons qui ne changent pas d'avis. « Je ne sais pas où ça nous mènera, mais je veux essayer. » Au fond de moi-même, je sais qu'il y a tout de même un risque. Que cette histoire finisse une nouvelle fois par tout gâcher, que je fasse un nouveau faux pas. Mais j'ai envie d'y croire aussi. Avec Jihane, j'ai l'impression que l'impossible peut devenir possible. « On peut prendre notre temps et voir où les choses nous mènent. » Elle a raison, on a pas besoin d'aller trop vite non plus. Même si, en l’occurrence, on a déjà sauté quelques étapes normalement importantes. Mais c'est ce qui fait que nous sommes nous justement. « J'ai envie que les choses se passent bien, et que tu puisses me faire confiance. Même si pour être tout à fait honnête avec toi, je ne sais pas exactement comment m'y prendre. » C'est tout nouveau pour moi cette histoire de couple. « Mais je suis contente de voir qu'on est sur la même longueur d'onde. » Pour une fois, nous sommes en totale union toutes les deux. Et ça fait du bien. « Si on m'avait dit que la première fois que je me mettrais réellement en couple avec quelqu'un ça serait avec une fille... » Ajoutais-je en pouffant légèrement de rire. La situation est tout de même complètement contradictoire quand on y pense. « A croire que tu vas devenir ma première pour tout. » Elle est la première fille avec qui j'ai couché, la première personne avec qui je me mets en couple aussi. Quoi d'autre encore ? En ramassant ma serviette tombée au sol, ma main vient involontairement à la rencontre des fesses du serveur qui a décidé de passer pile à ce moment-là pour nous servir. La honte. Je ne sais plus vraiment où me mettre avant de me confondre immédiatement en excuses. Y'a qu'à moi que ça peut arriver ce genre de moment gênant ou quoi ? Après ça, le serveur s'éclipse nous laissant déguster nos plats respectifs. Je regarde Jihane, dans une grimace un peu gênée. « Tu vois, ça commence mal... » Faisant référence à mon aveu sur le fait que je ne sais pas exactement comment m'y prendre. En tout cas, si je touche les fesses des autres, ça ne va pas le faire. Mais vaut mieux prendre la situation à la rigolade.

Pour une fois, nous pensons pareil, nous voyons le futur de la même manière et ça, c’est la meilleure des choses qui pouvait nous arriver. Enfin, à moi au moins. C’est ce que je voulais, c’est ce qui me rend heureuse présentement et il n’y a que ça qui compte. « J'ai envie que les choses se passent bien, et que tu puisses me faire confiance. Même si pour être tout à fait honnête avec toi, je ne sais pas exactement comment m'y prendre. » Je pense que le temps jouera beaucoup dans cette confiance. Même si ça fait de nombreuses années que l’on se connaît et que j’ai envie de croire tout ce qu’elle me dit, ce que nous avons vécu ensemble m’empêche de le faire. Pas complètement en tout cas. Mais si je souhaite lui donner une chance, à nous, c’est qu’au fond de moi, je sais que ça finira par changer. Surtout si elle continue de me prouver ses sentiments comme elle l’a fait ces derniers jour. « Mais je suis contente de voir qu'on est sur la même longueur d'onde. » En nous observant, ici, mais aussi à la colocation, il est difficile de penser que nous ne sommes pas sur la même longueur. « Si on m'avait dit que la première fois que je me mettrais réellement en couple avec quelqu'un ça serait avec une fille... » Je l’accompagne et rigole légèrement. C’est vrai qu’en repensant à tout ce qu’on a traversé, à l’enterrement de sa mère, à cette haine qu’elle avait pour les personnes étant homosexuelles, il était difficile de l’imaginer avec une femme. « A croire que tu vas devenir ma première pour tout. » Un large sourire se dessine sur mon visage, un mélange entre de la joie et de la fierté. C’est quand même touchant de savoir que je suis sa première fois, pour cela et pour autre chose bien sûr. Alors qu’on échange, la serviette de la blonde tombe, par accident. Et alors qu’elle se penche pour la ramasser, sa main vient effleurer les fesses de notre serveur. Situation plutôt amusante, quand ça ne nous concerne pas je suppose. Elle s'excuse, mais ça n'enlève pas le malaise. Le jeune homme dépose nos assiettes et s'en va, au plus vite. Il nous trouvait mignonnes, je ne suis pas sûre que ce soit toujours le cas. « Tu vois, ça commence mal... » Doucement, je balance ma tête de gauche à droite. « Tu cherches déjà à me rendre jalouse, je vois.. » J'ai l'air sérieuse, mais au fond de moi, je plaisante. D'ailleurs, je ne tarde pas à laisser un rire s'échapper de mes lèvres. Même si pendant un certain temps, j'aurais peur qu'elle s'éloigne de moi, pour un homme, je n'en suis pas au point de m'énerver pour un simple geste accidentel. Mon attention finit par se porter sur son assiette, puis sur la mienne. Il serait peut-être temps qu'on commence. « Bon appétit ! » Je lui offre le plus tendre des sourires et je commence à attaquer mon plat. « Je sais qu'on vient de dire qu'on y allait doucement, mais.. j'ai quelque chose à te demander. » À m'entendre, la situation semble grave et pourtant, ce n'est pas le cas. C'est juste que cette demande tombe à ce moment précis, mais elle aurait bien pu arriver avant ou même après. « Depuis plusieurs semaines, j'ai envie de faire quelque chose d'assez fou. » En réalité, ça remonte même à plusieurs. Depuis que j'ai trouvé cette photographie dans la chambre de Liam. Ce cliché avec cette femme, cette femme qui ressemblait aux souvenirs que j'avais de celle qui m'a mise au monde. « J'ai envie de partir plusieurs jours au Mexique, dans l'espoir de peut-être retrouver ma mère. » Peut-être que je ne la retrouverais pas, mais je suis sûre que passer un certain temps dans mon pays natal, ça me fera le plus grand bien. « Et je me demandais si tu accepterais de m'accompagner. » J'aurais pu demander à ma famille aussi, mais là, en ce moment, c'est juste avec elle que je veux partager ce moment. Et puis, un voyage à deux, loin d'ici, ça ne peut pas faire de mal.

C'est officiel. Je ne suis plus célibataire, et ce pour la première fois de ma vie. Les choses sérieuses avec Jihane débutent réellement. Enfin, même si en soit, ça fait déjà un moment que notre relation a plus ou moins commencé. Mais cette fois, nous sommes un couple. Un vrai couple, en bonne et due forme. Et ça, c'est quand même une grande évolution. Ça fait bizarre de se le dire comme ça d'ailleurs. Pour autant, cette sensation me rend complètement heureuse. C'est ce que mon cœur a toujours voulu, et ce que je veux aujourd'hui au plus profond de moi-même. L'évidence des sentiments qui me lient à elle depuis le début. A moi de ne pas tout foutre en l'air cette fois-ci. Peut-être que ça m'aidera de ne pas précipiter les choses entre nous, de ne pas brûler les étapes. Autant prendre notre temps et y aller doucement, au risque de finir par tout détruire. Je veux faire les choses bien, être sérieuse, et lui prouver que je peux réussir à changer. Le prouver à moi-même aussi, parce que c'est un challenge difficile pour moi. Mais j'ai bon espoir. Jihane est la seule qui a réussi à atteindre mon cœur jusqu'à présent, et si je suis prête à changer, c'est uniquement pour elle. Pour ses beaux yeux - littéralement parlant d'ailleurs. Mais bizarrement, cet épisode maladroit avec le serveur commence plutôt mal. C'est moi ou j'ai le don pour attirer les ennuis ? A croire que c'est un vilain signe du destin ou quelque chose du genre. C'est quand même amusant, de l'extérieur. Je me mets officiellement en couple, et bim tout de suite après je me retrouve à toucher malencontreusement les fesses d'un autre. Y'a de quoi en rire quand même. Evidemment, la scène est à prendre au second degré. Je sais bien que Jihane ne va pas m'en vouloir pour une connerie du genre. C'est pas comme si mon geste avait été volontaire. « Tu cherches déjà à me rendre jalouse, je vois.. » Elle réplique avec tout autant de sérieux, et je ne peux m'empêcher de rire. Finalement ça me fait du bien, et rend mon cœur un peu plus léger, laissant mes doutes s'envoler pour le moment. J'ai juste envie de profiter de ce moment en tête à tête avec elle, sans laisser mes peurs venir semer le trouble dans mon esprit. Même si je ne doute pas une seconde que ces dernières finissent rapidement par revenir au galop. Mais un peu de répit ne peut pas nous faire de mal. A elle, mais surtout à moi. « Je sais qu'on vient de dire qu'on y allait doucement, mais.. j'ai quelque chose à te demander. » Je relève la tête pour planter mon regard dans le sien, un peu perplexe. « Depuis plusieurs semaines, j'ai envie de faire quelque chose d'assez fou. » Pour être totalement honnête, je ne sais pas trop à quoi m'attendre de sa part. Quelque chose de fou ? Il peut s'agir là de tout et n'importe quoi. Et ça suffit pour éveiller en moi un élan de curiosité instantané. « J'ai envie de partir plusieurs jours au Mexique, dans l'espoir de peut-être retrouver ma mère. » Alors là, je ne m'attendais pas à ça. Pour avoir déjà parlé de cette partie de sa vie par le passé, je sais que c'est un sujet qui lui tient particulièrement à cœur. Et c'est légitime. C'est son histoire familial, sa génitrice. Mais à l'époque, elle n'avait jamais encore émis l'idée de vouloir la retrouver. « Et je me demandais si tu accepterais de m'accompagner. » Je suis touchée qu'elle me le propose, vraiment. C'est pas rien quand même qu'elle veuille partager ce moment si important dans sa vie avec moi. « T'es au courant que le voyage de noces c'est après le mariage normalement ? » Je ne peux m'empêcher de sortir une connerie, c'est plus fort que moi. « Si c'est un moyen détourné de m'avouer que tu as déjà envie de m'épouser, je peux comprendre. C'est l'effet que je fais à tout le monde. » Je me rends compte sans doute un peu tard de la maladresse de mes mots, mais je suis comme ça. Faut toujours que je foute les deux pieds dans le plat. La taquinerie, c'est un peu inné chez moi. « Plus sérieusement, ça serait vraiment un plaisir pour moi de t'accompagner dans ce voyage. » Je plonge mon regard dans le sien, avec plus de sérieux et d'intensité. « J'ai toujours rêvé d'aller au Mexique et de pouvoir découvrir ton pays natal. » Ça, c'est le côté exotique attirant. « Mais je savais pas que tu faisais des recherches sur ta mère. » En même temps avec tout ce qu'il s'est passé je peux comprendre qu'elle n'ait pas trouvé le moment de m'en parler. « Tu as déjà trouvé quelque chose ? »

Ce rendez-vous est étonnant, mais pas dans le mauvais sens du terme. Il y a d’abord eu cette proposition, puis cette discussion qui a finalement abouti sur une déclaration de sentiments réciproques et voilà que maintenant, je lui propose de venir avec moi au Mexique. Je crois que plus le temps passe et plus je me sens à l’aise avec elle, comme avant. « T'es au courant que le voyage de noces c'est après le mariage normalement ? » C’est vrai que je n’avais pas pensé à cela, à ce qu’un tel voyage pouvait représenter. Surtout là, avec toute cette histoire liée à ma mère. Tout de suite, ça ne ressemble plus au simple petit voyage entre amis. « Si c'est un moyen détourné de m'avouer que tu as déjà envie de m'épouser, je peux comprendre. C'est l'effet que je fais à tout le monde. » Je rigole légèrement à sa remarque. C’est vrai que j’ai dû attendre longtemps avant d’avoir mon histoire avec elle, mais de là à précipiter les choses et à lui demander de m’épouser ? Je ne pense pas. Même si plus tard, dans quelques années, je n’exclue pas l’idée si jamais il y a toujours un nous. « À ce que je sache, de nous deux, tu es celle qui parle de mariage. Ça veut dire beaucoup. » Retourner la situation, voilà la meilleure des choses à faire. Surtout que ce que je dis n’est pas complètement faux : pour en parler, c’est que cette idée lui a traversé l’esprit. « Comme depuis quelques temps tu cherches à être honnête avec tes sentiments envers moi, je pense que c’est un signe. Une envie cachée. » Elle a voulu me chercher pour plaisanter, bien sûr, et un retour de flammes était bien trop tentant. « Plus sérieusement, ça serait vraiment un plaisir pour moi de t'accompagner dans ce voyage. » Cette réponse me fait sourire, c’est plus fort que moi. Je ne doutais pas du fait qu’elle accepterait, pas en venant à ce repas en tout cas. Mais avec ce qui s’est passé depuis le début, cette relation naissante dans laquelle on prendrait notre temps, ça a fait naître des doutes en moi. Et si elle prenait peur, en pensant que je voulais précipiter les choses. Heureusement pour moi, ce n'est pas le cas. Et ça tombe plutôt bien, car finalement, ce n'est qu'avec qu'elle que je m'imaginais le faire. « J'ai toujours rêvé d'aller au Mexique et de pouvoir découvrir ton pays natal. » J'arque un sourcil, continuant encore et encore de lui sourire. Je suis étonnée de l'entendre dire cela. Elle ne parle pas que du Mexique comme un pays qu'elle voulait visiter comme cela, elle en parle comme mon pays d'origine et ça me fait chaud au coeur. « Mais je savais pas que tu faisais des recherches sur ta mère. » Je hausse légèrement les épaules. Il y a des surprises partout, des évènements inattendus qui se produisent. « Tu as déjà trouvé quelque chose ? » « Ce n'était pas forcément volontaire. Je ne pensais pas que c'était ce que je voulais. » Je n'ai donc pas à proprement parlé rechercher. Disons que ça m'est tombé dessus et que depuis, je me pose un bon nombre de questions. Pourquoi ? La première qui est presque inévitable d'ailleurs. Mais j'aimerais aussi savoir comment elle va et lui dire que de mon côté, les choses se passent plutôt bien. « Mais j'ai trouvé une photographie dans la chambre de Liam, de l'un de ses voyages. Et j'ai reconnu les traits d'une femme, celle de ma mère. Ce n'est pas une certitude, mais c'est ce que j'ai pensé dès que je l'ai vu. » J'étais encore petite quand j'ai été mise à l'adoption, mes souvenirs me font peut-être défaut. Il y a même de fortes chances pour que ce soit cette hypothèse là la vérité et non qu'il s'agit de ma mère sur la photographie. « Peut-être que ce n'est pas et que je ne la retrouverais pas là-bas. Mais je pense que retourner dans mon pays d'origine me fera tout de même du bien. » Même si je ne la trouve pas, même si je ne trouve aucune réponse, je n'ai jamais vraiment voyagé au Mexique, ça me fera du bien de découvrir le pays.

Si j'ai déjà pensé au mariage ? Ok, ok, on se calme. Tout doux. J'ai déjà du mal à me faire à l'idée d'être officiellement en couple avec elle, alors clairement on en est pas encore là. Et pour être totalement honnête, je n'ai jamais pensé au mariage tout court. La plupart des gens, surtout les filles, rêvent de ce moment depuis leur plus jeune âge. Le rêve du mariage de princesse, de la robe blanche et de la cérémonie à l'eau de rose qui va avec. Ouais... non, très peu pour moi. Je ne dis pas non à tout jamais, mais disons que pour le moment c'est juste un concept complètement illusoire dans ma tête. Peut-être que Jihane me fera une nouvelle fois changer d'avis sur le sujet, mais pour le moment ce n'est pas au programme. Et heureusement d'ailleurs. J'adore la chercher et la taquiner, mais ma petite-amie n'est pas en reste non plus de son côté. C'est une partie de sa personnalité que j'apprécie tout particulièrement. Elle ne me prend pas au sérieux, et ne se laisse pas faire pour autant. A croire qu'elle sait exactement comment s'y prendre pour dompter un peu mes conneries. Ce qui tend à un certain équilibre dans notre relation. Après ça, j'essaye doucement d'en savoir plus sur sa mère, sur ce qui a pu déclencher chez elle l'envie de vouloir la retrouver. C'est forcément lié à quelque chose, à un déclic. « Ce n'était pas forcément volontaire. Je ne pensais pas que c'était ce que je voulais. » Je ne comprends pas exactement où elle veut en venir sur le moment. Elle a trouvé des informations sur sa mère sans forcément le vouloir, c'est ça ? « Mais j'ai trouvé une photographie dans la chambre de Liam, de l'un de ses voyages. Et j'ai reconnu les traits d'une femme, celle de ma mère. Ce n'est pas une certitude, mais c'est ce que j'ai pensé dès que je l'ai vu. » Elle a eu une sorte d'instinct, comme un flash. Et je crois qu'elle a raison d'y croire et de garder un espoir. Même si finalement c'est pas grand chose, et qu'elle s'accroche peut-être qu'à un détail. En tout cas je veux qu'elle sache que je suis là pour elle, que je suis prête à l'accompagner dans ses recherches. « Peut-être que ce n'est pas elle et que je ne la retrouverais pas là-bas. Mais je pense que retourner dans mon pays d'origine me fera tout de même du bien. » Je hoche un peu la tête dans un sourire qui se veut rassurant, alors que ma main vient de nouveau se lier à la sienne. « Tu as raison, il faut tenter le coup. Tu ne sauras jamais vraiment si tu n'essayes pas d'aller là-bas. » Il faut qu'elle aille au bout des choses, pour qu'elle puisse en avoir le cœur net. Même si elle prend aussi le risque de se confronter à un échec... et de subir la déception qui s'en suivra. Mais je serai là pour elle, pour ça. Dans les bons mais surtout dans les mauvais moments. Pour la soutenir peu importe les circonstances. « En tout cas, je suis contente que tu veuilles partager ce voyage avec moi. Sache que je suis là, et que tu pourras compter sur moi. » Je viens caresser sa main de mon pouce, alors que je ne peux m'empêcher de la dévorer du regard. « Tu voulais partir quand ? » Je pose la question juste pour mon organisation personnelle, notamment par rapport à mon boulot. Mais en soit, il n'y aura aucun problème. J'ai des jours de congés à poser, et le champ assez libre pour le faire tant que mes collègues ne sont pas en vacances en même temps. Mais aux dernières nouvelles, ce n'est pas le cas. D'autant plus depuis l'arrivée du nouveau. De ce côté-là, il ne semble y avoir aucune ombre au tableau. « Non parce que moi si tu veux je signe tout de suite. T'avoir rien que pour moi pendant quelques jours, c'est plutôt tentant. » Ça peut nous faire du bien aussi. De nous retrouver rien que toutes les deux ailleurs, dans un pays "neutre" où nous ne connaissons personne. Juste pour profiter de nous, d'être ensemble. Et qui sait, ça pourrait peut-être m'aider à m'ouvrir un peu plus à elle. De ne plus avoir peur des autres, ni de moi-même surtout. Je pense que ce voyage ne peut que renforcer notre couple.

Ce moment, pourtant si anodin à la base, remplit mon coeur de joie. Il ressemble beaucoup à mes rêves, même s'il y a encore quelques semaines, je ne pensais pas qu'ils pourraient se réaliser un jour. Ça me donne des ailes, c'est une certitude. Au point de lui proposer ce voyage, un peu fou, non ? On commence tout juste quelque chose, on dit qu'on va aller doucement et moi, je ne trouve rien de mieux que lui proposer un voyage, en tête-à-tête, à des centaines de kilomètres d'ici. C'est un peu fou et pourtant j'ose. Avec elle, c'est ce que je dois faire, car bien souvent, je suis surprise par sa réponse. C'est le cas encore aujourd'hui, avec sa réponse positive. La jeune femme repose sa main sur la mienne, faisant dessiner un sourire sur mes lèvres. « Tu as raison, il faut tenter le coup. Tu ne sauras jamais vraiment si tu n'essayes pas d'aller là-bas. » Je ne peux pas me plaindre de l'enfance que j'ai vécue. J'ai été heureuse à Los Angeles, j'ai grandi dans une famille formidable, avec deux pères compréhensifs et de nombreux frères et sœurs. Néanmoins, il y a un vide en moi, une partie de mon histoire qui me manque. Je n'ai jamais posé de questions, je n'ai fait qu'imaginer ce qu'il s'était passé. Sûrement parce que cela me permettait de faire de mon passé ce que je voulais. Mais désormais, à presque trente ans, il est temps que j'aie des réponses. « En tout cas, je suis contente que tu veuilles partager ce voyage avec moi. Sache que je suis là, et que tu pourras compter sur moi. » D'un geste tendre, Fallon vient caresser ma main et je ne peux m'empêcher de sourire. Malgré tout ce qui a pu se passer entre nous, depuis quelque temps, elle me fait du bien. Avec elle, tout semble devenir plus simple, c'est bien pour cette raison que j'ai envie de partager de nouvelles choses avec elle, que j'ai envie d'écrire un nouveau chapitre de ma vie. « Tu voulais partir quand ? » Par réflexe, je hausse légèrement les épaules. « Ce n'est pas encore défini. Je voulais voir avec toi avant, si tu voulais m'accompagner. » Ce n'était qu'une idée ce voyage pour l'instant. Cette proposition faite à la blonde le rend tout de suite plus réel, l'organisation va pouvoir se faire maintenant. « Je ne voulais pas choisir une date sans être sûre que tu serais disponible. » Si j'avais tout planifié à l'avance et que la blonde n'aurait pas pu se libérer, je m'en serais voulu. « Non parce que moi si tu veux je signe tout de suite. T'avoir rien que pour moi pendant quelques jours, c'est plutôt tentant. » Elle n'a pas tort. L'idée de passer du temps, seule avec elle, loin de tout, ça me réjouit. Ce voyage nous permettrait de mettre en parenthèse tout le reste et de profiter pleinement de nous et de cette histoire qui commence. « C'est vrai que l'optique de ce voyage me plaît bien. D'être avec toi, à longueur de journée. » Cela pourrait l'effrayer, mais j'aimerais que ce ne soit pas le cas, que cette parenthèse pourra nous faire le plus grand bien. « En espérant que tu ne te lasseras pas de moi. Ça serait dommage que tu me quittes aussi vite. » La relation la plus courte, pas de la Terre, car des personnes doivent sûrement se supporter moins longtemps que deux jours, mais la plus courte pour moi. « La semaine prochaine, ou celle d’après ? Mon patron n’est pas trop embêtant, il devrait m’accepter mes congés. » Surtout que j’en ai pas mal en réserve. La dernière fois où j’en ai utilisé, c’était le week-end où Fallon est arrivée à la colocation. Et avant ça, ça faisait bien six mois que je n’avais pas pris un seul jour de congés. En réalité, en tant général, je ne suis pas du genre à partir en vacances, pas depuis plusieurs années. Quand cela arrive, c’est que derrière, quelqu’un m’y a poussé. Mais là, c’est différent, là, il y a Fallon. « La colocation va être vide sans nous. » Après les cris, il y a eu de la joie. Mais depuis que la jeune femme a rejoint l’appartement, nous ne l’avons pas quitté, du moins, pas complètement. Ça risque de faire bizarre à Wylona.

Ça me rend sans doute un peu trop mielleuse cette idée de voyage. Cette histoire de couple tout court en fait. C'est trop bizarre, je ne me suis jamais comportée comme ça. J'ai l'impression d'être une adolescente devant son premier crush. Et finalement, c'est un peu ça. Jihane est véritablement la première personne pour qui j'ai de réels sentiments. De vrais sentiments amoureux. « C'est vrai que l'optique de ce voyage me plaît bien. D'être avec toi, à longueur de journée. » Je ne peux m'empêcher de sourire, imaginant déjà ce à quoi pourraient ressembler nos journées rien que toutes les deux. « En espérant que tu ne te lasseras pas de moi. Ça serait dommage que tu me quittes aussi vite. » J'écarquille grand les yeux, avant de rigoler. « C'est peut-être toi qui va te lasser de moi, qui sait ? Tu vas te rendre compte que je suis insupportable, et tu vas rentrer à L.A. toute seule. » Je plaisante, bien sur, je n'ai pas envie que ça se finisse comme ça. Loin de là. Enfin finalement, avec le recul, tout est possible avec moi. Je suis consciente que je ne suis pas facile à vivre, ouais je suis chiante quoi et elle doit le savoir depuis le temps. Mais peut-être qu'elle n'est pas encore assez lucide pour comprendre dans quoi elle s'est embarquée. C'est la seule explication logique qui me vient en tête. Même si j'ose tout de même espérer que ce voyage toutes les deux loin de tout renforcera encore plus nos sentiments. Et qu'il m'aidera à estomper mes doutes une bonne fois pour toute. J'ai peut-être besoin d'avancer, main dans la main avec elle, pour ne plus avoir peur. Définitivement. « La semaine prochaine, ou celle d’après ? Mon patron n’est pas trop embêtant, il devrait m’accepter mes congés. » Ça n'a peu d'importance pour moi, que ce soit cette semaine ou bien une autre. Même si je suis déjà excitée à l'idée d'y aller, et que je risque d'être impatiente jusqu'à notre départ. « Quand tu veux, de mon côté ça devrait le faire aussi. » Y'a plus qu'à organiser tout ça concrètement maintenant. « La colocation va être vide sans nous. » Ça c'est sur. « Ça va surtout lui faire des vacances à elle aussi. Je crois que depuis mon arrivée, on ne l'a pas vraiment épargné avec nos histoires. » Wylona doit en avoir marre de nous et de notre relation en montagnes russes. « D'ailleurs, est-ce que Wylona est au courant des dernières nouveautés ? » Elle n'est pas conne, et elle vit sous le même toit que nous. Elle a forcément dû comprendre ce qui se tramait entre nous ces dernières semaines. C'est un peu trop calme à l'appartement, parce que nous ne sommes plus en guerre à longueur de temps. Et apparemment nos regards ne trompent pas. Je ne suis pas sûre que la discrétion soit ma plus grande qualité en plus, alors bon. Et même si ça me fait potentiellement bizarre que quelqu'un soit au courant pour nous, c'est logique en soit. Jihane est proche d'elle, et ça serait normal qu'elle puisse lui en avoir parlé. Tant que ce n'est que ça, et qu'elle ne passe pas trop de temps avec elle non plus. Oui, oui, j'oublie pas que les deux ont déjà couché ensemble. Plusieurs fois d'ailleurs. Et si je n'étais pas spécialement jalouse avant, ça pourrait peut-être changer. « C'est peut-être mieux qu'elle sache pour nous en tout cas. » Je ne sais pas si je suis prête à le dire à tout le monde non plus ni à le crier sur tous les toits pour l'instant, mais Wylona c'est différent. C'est notre colocataire, et on aura un peu de mal à garder le secret pour nous. « Et si ça peut éviter qu'elle te reluque un peu trop dans les couloirs, ça m'arrange aussi. » Je ris légèrement, faisant volontairement référence à ce qu'il s'est passé entre elles. Je préfère en rigoler, même si dans le fond ça me dérange probablement un peu. Après avoir terminé de déguster nos plats, il est venu le temps de choisir un dessert. Je n'ai plus très faim, mais par gourmandise je ne peux pas dire non. « On se partage un dessert ? » Je crois que là, on ne peut pas tomber plus dans le cliché du couple parfait. Mais ça me fait rire, et j'ai bien envie de continuer de jouer sur la carte du romantisme. Comme quoi, tout peut arriver.

L’idée de ce voyage m’enchante de plus en plus. Il s’est passé beaucoup de choses entre nous, des bonnes, comme des moins bonnes et je pense que le Mexique pourrait nous permettre de remettre tout cela à zéro. « C'est peut-être toi qui va te lasser de moi, qui sait ? Tu vas te rendre compte que je suis insupportable, et tu vas rentrer à L.A. toute seule. » Ah oui. Elle parle quand même de revenir ici, sans elle. Autant dire, elle parle des grands moyens. À l’époque, nous nous supportions et nous passions beaucoup de temps ensemble. Aujourd’hui encore, nous nous voyons beaucoup. C’est vrai qu’au Mexique, il n’y aura pas nos boulots pour nos occuper la journée, loin l’une de l’autre, mais pour le reste, ça ne changera pas grand-chose je pense. Mon envie de passer du temps avec elle est revenue au moment où j’ai arrêté de la détester. Enfin.. détester est un bien grand mot. « Quand tu veux, de mon côté ça devrait le faire aussi. » « Je vais lui en parler et je planifierais ça. » Et autant dire que j’aurais cette discussion avec mon patron le plus vite possible, aujourd’hui très certainement. L’avantage d’être bien vue par mon patron, c’est qu’il ne verra aucun problème à ce que je le contacte en dehors des heures de travail pour lui parler de cela. Il faut quand même se souvenir que c’est lui qui m’a offert un soin à l’institut où travaille Fallon, il m’apprécie bien. Ces détails abordés, je ne peux m’empêcher de la colocation et de ce que notre absence à toutes les deux va entraîner. « Ça va surtout lui faire des vacances à elle aussi. Je crois que depuis mon arrivée, on ne l'a pas vraiment épargné avec nos histoires. » Ce n’est pas faux. Même si avec son boulot, la brune a quand même eu de la chance. Ses horaires lui ont sûrement empêché de subir le pire de notre guerre à toutes les deux. « D'ailleurs, est-ce que Wylona est au courant des dernières nouveautés ? » Je hausse les épaules. « Je ne crois pas. Je lui ai rien dit de mon côté. » Je n’ai jamais trouvé le bon moment pour le faire. Mais partir du principe qu’elle ne le sait pas, alors qu’un serveur qui nous a vu que quelques minutes nous a directement considéré comme un couple, c’est peut-être être complètement à côté de la plaque. « C'est peut-être mieux qu'elle sache pour nous en tout cas. » Elle a raison. La colocation devrait être un endroit de confiance et puis, vaut mieux qu’elle l’apprenne de nous, plutôt que de nous surprendre, dans la salle de bains comme l’autre jour par exemple. « Et si ça peut éviter qu'elle te reluque un peu trop dans les couloirs, ça m'arrange aussi. » Je rigole légèrement, me rappelant soudainement du moment où j’ai croisé Fallon, alors que je sortais de la chambre de notre colocataire. « C’est surtout pour cela en fait. » Bizarrement, l’idée que ce soit cela me plaît. Un minimum de jalousie, ça veut dire qu’elle tient à moi, non ? « Si ça peut te rassurer, il ne s’est rien passé entre nous depuis que tu m’as surprise sortant de sa chambre. » Finalement, de nous deux, j’ai été la plus sage. Alors qu’elle, elle a ramené un garçon à l’appartement la semaine qui a suivi. « Mais oui, tu as raison. Nous ferions mieux de lui en parler, d’éviter trop de cachotteries au sein de la colocation. » J'ai proposé aux deux jeunes femmes un repas à trois, à mon retour, pour mettre un terme à toutes les tensions qui avaient quelque peu remises en cause la sérénité dans l'appartement, ça serait quand même dommage de tout gâcher aussi vite. « On se partage un dessert ? » Une proposition lancée, alors que nous venons de terminer nos plats respectifs. « Avec plaisir ! Par contre, un dessert au chocolat ! » Et ça tombe plutôt bien, puisque dans le menu, un trio de gourmandises au chocolat est proposé. Trois desserts pour le prix d'un, qui refuserait ? Même si je suppose que la taille de chacun sera moins conséquente que les autres plaisirs proposés à la carte. Le serveur passe pour nous débarrasser, tout en s'assurant de garder ses distances avec Fallon après ce qu'il s'est passé tout à l'heure, et j'en profite pour lui demander le dessert, avec deux cuillères. « Je.. l'autre jour, j'ai vu Jonah. » Un prénom que la jeune femme n'a pas beaucoup entendu et pourtant, elle sait parfaitement de qui il s'agit. Je ne sais pas pourquoi je lui parle de cela, peut-être pour éviter qu'elle l'apprenne de quelqu'un d'autre et qu'elle interprète mal un tel secret. « Quand j'ai été faire les courses pour le repas que je vous ai préparé, je l'ai croisé. En réalité, il travaillait au magasin où je suis allée. Assez surprenante comme rencontre. » C'est le moins que l'on puisse dire, ça m'a quelque peu refroidie pour faire mes courses.

Je n'ai jamais été jalouse par le passé. Faut dire aussi que je n'ai jamais vraiment eu l'occasion de l'être. Mais avec Jihane, et depuis que les choses sont doucement devenues sérieuses entre nous, c'est différent. Je découvre d'autres facettes de ma personnalité jusqu'à présent encore inconnues, et c'est pour le moins surprenant. Motus et bouche cousue. Faudrait pas non plus que tout le monde se rende compte que la Fallon forte et indépendante d'avant commence à avoir des faiblesses. Et pourtant, c'est bel et bien le cas. Je me suis déjà surprise à ressentir cette pointe de jalousie à plusieurs reprises ces dernières semaines. Il y a eu Wylona d'abord, lorsque j'ai croisé Jihane en petite tenue sortir de sa chambre. Lou, aussi, son ex et leur complicité évidente. Et puis Jonah avec qui elle a failli avoir une famille. Leur histoire était sérieuse, ce n'est pas rien quand même. « C’est surtout pour cela en fait. » Ça se voit tant que ça ? « Peut-être, et alors ? » Bon ok, même si j'ai essayé de faire passer ma remarque pour une plaisanterie, il y a quand même une petite part de vérité au fond de moi. Si Wylona est au courant pour nous deux, on pourra sans doute éviter les situations gênantes du genre. « Si ça peut te rassurer, il ne s’est rien passé entre nous depuis que tu m’as surprise sortant de sa chambre. » Un petit sourire en coin se dessine sur mes lèvres. Évidemment que ça me fait plaisir de l'entendre, je ne vais pas dire le contraire. « Mais oui, tu as raison. Nous ferions mieux de lui en parler, d’éviter trop de cachotteries au sein de la colocation. » Je hoche un peu la tête avant d'ajouter. « On lui en parlera pendant notre soirée toutes les trois. » Jihane a prévu de jouer les apprentis cuisinières pour nous préparer un repas à la colocation pour fêter son retour. Si elle nous cuisine une piperade, je l'épouse direct. Je profite que le serveur soit venu prendre notre commande pour m'éclipser aux toilettes. Sur le trajet, comme une conne, je me tords la cheville sur une marche quasiment invisible et qui entre nous ne sert pas à grand chose. Je me rattrape in extremis en prenant appui sur un mur, alors qu'une légère douleur fait son apparition. Je vois déjà l'hélicoptère des secours venir à ma rescousse. Ouais... non, c'est juste une petite foulure de rien du tout, ne nous enflammons pas quand même. Lorsque je reviens à table, Jihane a l'air pensive. Un peu trop sérieuse aussi, et ça m'inquiète. « Je.. l'autre jour, j'ai vu Jonah. » Outch. Changement de sujet radical. « Ah. » Je sens ma gorge se nouer légèrement, alors qu'une petite boule vient se loger dans le creux de mon ventre. Je ne m'attendais pas vraiment à ce qu'elle le revoit aussi rapidement après la soirée où elle a su qu'il était de retour en ville. Et étrangement, des tonnes de questions se bousculent dans ma tête à présent. Est-ce que c'est elle qui a reprit contact volontairement avec lui, pour organiser des retrouvailles ? « Quand j'ai été faire les courses pour le repas que je vous ai préparé, je l'ai croisé. En réalité, il travaillait au magasin où je suis allée. Assez surprenante comme rencontre. » Bon d'accord, c'était juste un mauvais coup du hasard. C'est bon à savoir. Le serveur vient nous apporter notre dessert, avec deux cuillères. Trois petites gourmandises au chocolat, dont une en forme de pyramide. « Comment ça s'est passé ? » Ils ne se sont à priori jamais revus depuis leur rupture, et l'accident qui a causé la perte de leur enfant. « Ça a dû être étrange comme retrouvailles... » Et c'est le moins que l'on puisse dire. Ça me fait instinctivement penser à nos retrouvailles à nous, de nombreuses années après l'enterrement de ma mère et la violence de mes mots. J'ose juste espérer que la finalité de leurs retrouvailles ne soit pas la même. Et que ça n'a pas remué en Jihane trop de mauvais souvenirs par rapport à son bébé. Ni de bons souvenirs de sa relation passée avec lui d'ailleurs. On vient juste de se mettre ensemble, alors si elle peut éviter d'être déjà confrontée à des doutes... c'est pas comme si nous en avions déjà pas assez des miens, mais presque. « Comment tu te sens par rapport à ça ? » A ses souvenirs du passé, à lui aussi.