and what are you going to do now ? (loumi #4)

Les heures défilent, et je n'arrive toujours pas à fermer l'œil de la nuit. En réalité je ne sais même pas quelle heure il est, ni depuis combien de temps je garde les yeux fixés sur le plafond de ma chambre. C'est en train de me rendre dingue, et je n'arrête pas d'y penser. A elle, à ce baiser. Je n'ai pas besoin d'une grande concentration pour retrouver la sensation qui s'est invitée en moi lorsque Yumi s'est emparée de mes lèvres. Parce que oui, c'est elle qui m'a embrassée. Aussi surprenant que cela puisse être. Je n'aurais jamais cru ça possible. Et pourtant, c'est bel et bien elle qui a initié ce baiser. Mais voilà, depuis ce moment dans les vestiaires, elle me fuit comme la peste. Elle n'a même pas dormi à la maison ce soir là. Ok je comprends que ça ait pu la retourner. Parce que moi-même déjà je n'arrête pas d'y penser. Mais elle compte plus jamais m'adresser la parole ou comment ça se passe ? Je crois que j'aurais préféré qu'elle fasse comme si de rien n'était, comme si ce moment n'avait jamais existé. Enfin quoique... j'en sais rien en fait. Dans tous les cas, ça m'énerve, et j'arrête pas de cogiter. Elle est 'hétéro', en couple avec Sacha, et ça fait au moins deux bonnes raisons pour qu'elle regrette son geste. Ça, j'en suis consciente. Mais j'y suis pour rien moi dans l'histoire. Pour une fois. Ce n'est pas moi qui l'ai embrassé. Enfin pas la première fois. Alors ouais va falloir qu'elle m'explique. Ou en tout cas qu'elle arrête de me fuir pour un truc dont je ne suis même pas responsable. Comme si c'était de ma faute sérieusement. On peut aussi très bien en parler, comme deux filles matures et responsables, et passer à autre chose. En théorie. Dans la pratique, ça risque d'être un peu compliqué pour moi d'oublier ce moment. Parce que justement c'est cette scène qui ne cesse de repasser en boucle dans mon esprit. Comme impossible à effacer. Mais si c'est ce qu'elle souhaite elle de son côté, alors je peux essayer de respecter son choix. Avant ça, j'ai besoin de crever l'abcès. Oh et puis merde. Je me lève de mon lit, pour me diriger vers sa chambre. Elle doit sans doute être en train de dormir, comme tout le monde à cette heure-là, mais ça n'a pas d'importance. Au moins elle ne pourra pas me fuir. J'ai besoin de la confronter une bonne fois pour toute. J'allume la lumière sans aucune gêne, venant m'asseoir sur son lit près d'elle. « Faut qu'on parle Yumi. » Elle se réveille en sursaut, se demandant sans doute ce qui est en train de se passer. Ouais c'est maintenant que j'ai envie de parler, et alors ? Y'a pas d'heure pour avoir une conversation sérieuse. Elle peut encore chercher à quitter la chambre pour aller s'enfermer dans les toilettes ou dans la salle de bains, mais je ne la laisserais pas faire. Aucune issue possible. « Et ne te défile pas sinon je suis capable de me mettre à hurler. » Ça serait quand même con de réveiller son frère et ses parents en plein milieu de la nuit n'est-ce-pas ? Un petit sourire victorieux s'installe alors au coin de mes lèvres.

Ces derniers jours, j'ai fui l'appartement familial. Enfin.. j'ai fui Lou surtout. Ce qu'il s'est passé dans les vestiaires, c'était une erreur, ça ne doit pas se reproduire. Et pour y parvenir, j'ai fait le choix de ne plus la croiser, au maximum en tout cas. C'est une bonne idée, non ? Bon.. c'est vrai que ce n'est peut-être pas l'idée de quelqu'un de très mature, mais soit. Lorsque j'ai décidé ça, c'était la seule option que je voyais. Lui parler ? Non, surtout pas. Ça pourrait engendrer des remises en question supplémentaires, des moqueries de la part de Lou. Je vois peut-être le pire, c'est vrai, mais c'est le plus logique pour moi. Durant le dernier repas tous ensemble, je n'ai pas beaucoup levé la tête de mon assiette et après ça, j'ai prétexté des devoirs à faire pour m'enfuir au plus vite. Cela ne me ressemble pas vraiment et pourtant, ça ne semble pas inquiéter mes parents pour l'instant. Ils sont sûrement d'autres choses à faire. Après ça, ils ne m'ont plus revu : j'ai fait en sorte d'aller dans la salle de bains lorsque tout le monde était couché. Une nouvelle journée de terminée, une de moins à fuir.

Sans vraiment comprendre pourquoi, ma nuit est interrompue. La lumière de ma chambre est allumée, sans qu’on me prévienne, sans prendre de petites pincettes. Dans un premier temps, je me demande si je n’ai pas raté mon réveil. Qui sait, je suis peut-être en retard pour aller au lycée. « Faut qu'on parle Yumi. » Et non, ce n’est pas la voix de ma mère. Même si pour le coup, j’aurais peut-être préféré me faire engueuler. Doucement, je me redresse dans mon lit. J’ai été réveillée par surprise et forcément, ma tête a un peu plus de mal à mettre en place un plan pour me sortir de cette situation. « Et ne te défile pas sinon je suis capable de me mettre à hurler. » Bon.. j’aurais essayé. Je sais maintenant qu’il est inutile pour moi de réfléchir. « Va-t-en Lou. » Nous sommes en pleine nuit, est-ce qu’elle s’attendait à un autre accueil que celui-ci ? Je me rallonge et attrape mon oreiller pour le mettre sur ma tête. Avec cette lumière, c’est bien le seul moyen pour moi de retrouver le sommeil. Mais malheureusement, je sens toujours Lou à côté de moi, elle ne semble pas vouloir partir comme ça. Je soupire légèrement et finis par revenir à ma position précédente. « Tu veux quoi ? » J’ai une petite idée déjà, mais je préfère être sûre. Ça ne sert à rien que je me lance là-dedans, à être honnête, si elle est là simplement pour me rappeler qu’elle avait raison, que je ne suis pas avec Sacha. « Tu sais, bien souvent, les gens dorment la nuit. Tu devrais essayer. » Dis-je, sur le ton de l’humour. Ce n’est pourtant pas dans le but de rigoler, mais bien de lui envoyer une pique. « On s’en porterait mieux toutes les deux. » Oui, je pense qu’il est inutile de mentir : sa présence ici ne m’enchante pas.

En me pointant dans sa chambre en plein milieu de la nuit, je ne lui laisse pas vraiment le choix. En même temps, elle ne pourra pas me fuir éternellement non plus. Et puis on vit sous le même toit quand même, ça allait être compliqué pour elle de jouer les fantômes encore longtemps. Quoi qu'il en soit, si ça n'avait pas été cette option là, ça aurait été autre chose. J'aurais forcément trouvé un moyen de réussir à la piéger. Mais c'est là, maintenant, tout de suite. C'est elle qui ne me laisse pas le choix finalement. J'en ai marre de la voir se trouver des excuses, s'inventer une vie pour tout faire pour ne pas rester cinq minutes dans la même pièce que moi. Je suis même sûre qu'elle a simulé un faux appel sur son téléphone la dernière fois dans les couloirs du lycée pour éviter que je l'aborde. Je suis peut-être chiante, mais je suis pas bête non plus. Je ne vais pas lui parler de ça au lycée alors qu'on peut se retrouver rien que toutes les deux ici, à la maison. Et à cette heure-là, on ne risque rien. Il y a très peu de chance que notre conversation puisse fuiter en sachant que ses parents dorment à poing fermé au rez-de-chaussée. Son frère ? C'est une marmotte, et il a le sommeil quasiment imperturbable. Elle n'a donc rien à craindre quand on y pense. Alors pourquoi continuer de m'esquiver ? « Va-t-en Lou. » Non, elle ne se débarrassera pas de moi comme ça. Elle se cache sous son oreiller pour se protéger de la lumière, mais je ne bouge pas pour autant. En réalité, elle commence à me connaitre, elle doit bien se douter que je ne bougerais pas d'un poil tant qu'on aura pas crever l'abcès toutes les deux. « Tu veux quoi ? » Je suis têtue dans mon genre. Et surtout déterminée. Quand je veux quelque chose, je fais tout pour obtenir. En l'occurrence là, je veux qu'elle me parle - ou du moins qu'elle arrête de me fuir comme la peste. « Tu sais, bien souvent, les gens dorment la nuit. Tu devrais essayer. On s’en porterait mieux toutes les deux. » Un léger rire moqueur s'échappe d'entre mes lèvres alors que je ne tarde pas à répliquer. « Tu sais, bien souvent, les gens assument leurs actes au lieu de fuir comme de vulgaires fantômes. » J'aurais pu même dire "lâches". Mais je la pique seulement pour lui renvoyer la balle, pas non plus pour être méchante. C'est direct, peut-être un peu trop, mais je suis comme ça. « C'était rien, ok ? Pas besoin d'en faire tout un drame. » Je parle évidemment du baiser, de son baiser. Du mien aussi. Si elle veut considérer que c'était une connerie, soit. Peu importe. Même si ce n'est pas ce que je pense au plus profond de moi-même. Mais sur ce coup-là, je tente de me mettre de son côté. De jouer la carte de l'insensible pour dédramatiser la situation. « Ça sert à quoi de me fuir comme ça ? » A rien, strictement à rien. A part à me donner encore plus envie de la confronter justement. « On peut juste oublier et passer à autre chose aussi tu sais ! Moi, j'men fous, j'y pense déjà même plus... c'est pas comme si c'était un truc exceptionnel en soit. » C'est absolument pas vrai, mais on s'en fout. Si c'est ce qu'elle veut entendre, voilà, c'est bon. Elle peut essayer de se détendre maintenant non ?

Une fois enfermée dans ma chambre, je pensais avoir gagné pour la journée : avoir suffisamment fui Lou pour qu’elle ne cherche pas à me causer. Mais j’étais loin de m’imaginer qu’elle allait débarquer dans ma chambre, en plein milieu de la nuit pour avoir une discussion. Qui fait ça ? Surtout quand les deux parties ne sont pas réveillées. Je pense qu’il n’y a qu’elle, c’est sûrement son côté un peu bizarre qui fait ça. Mais à son comportement, je comprends bien vite que je ne pourrais pas y échapper, peu importe l’heure qu’il est et les paroles désagréables que je lui adresse. « Tu sais, bien souvent, les gens assument leurs actes au lieu de fuir comme de vulgaires fantômes. » Ok. Elle marque un point là-dessus, je ne peux rien dire. Enfin si.. je l’ai sûrement bien cherché. Il faut croire que c’est plus facile de faire des reproches aux autres que de s’en faire soi-même. « C'était rien, ok ? Pas besoin d'en faire tout un drame. » Elle a raison, une nouvelle fois. Ce n’était rien, non ? Et pourtant, ce baiser n’arrête pas de me hanter, de jour comme de nuit. Lou est belle, c’est vrai, mais ça s’arrête là. Avec le comportement qu’elle a pu avoir avec moi, même si ça s’est calmé dernièrement, je n’explique pas ce qui m’a poussé à l’embrasser. « Ça sert à quoi de me fuir comme ça ? » Éviter d’aborder un sujet qui est bien trop compliqué pour moi ? Mais ça, je ne peux pas clairement lui dire, sinon on devrait en parler et je n’en ai pas envie. Sûrement aussi parce que je crains que l’envie de l’embrasser de nouveau se présente et ça, ce n’est clairement pas possible. Je n’ai pas le droit de ressentir ce genre de choses pour elle. « On peut juste oublier et passer à autre chose aussi tu sais ! Moi, j'men fous, j'y pense déjà même plus... c'est pas comme si c'était un truc exceptionnel en soit. » Pendant un certain temps, je reste silencieuse. Probablement parce que ses mots me touchent personnellement. Enfin non, ce n’est pas une possibilité, c’est vérifié. Elle semble si distante de tout dans cette histoire, alors que moi, ce baiser m’a complètement retourné. J’en suis même arrivée à me confier à ma sœur sur ma sexualité. Un baiser et j’ai tout remis en question, alors qu’elle, ça lui a fait ni chaud, ni froid. « J’espère que tu ne dis pas cela à toutes les filles que tu embrasses. » Cette phrase est sortie tout de seule, mais c’est vrai ça.. même si je suis à l’origine du premier baiser, elle l’a été pour le deuxième. Ça ne pouvait pas être qu’un simple réflexe, avant que cela n’arrive, il y avait une certaine distance entre nous. « Parce qu’on est d’accord, tu m’as embrassé ? » Autant se mettre d’accord sur les mots à utiliser, non ? Après tout, peut-être que je me trompe, que ce n’était que mon imagination et qu’elle m’a joué un mauvais tour. « En fait, tu sais quoi, je m’en fiche. Je suis avec Sacha, ça m’importe peu. C’était rien d’exceptionnel après tout. » Involontairement, j’utilise exactement les mêmes termes qu’elle, lui montrant indirectement que cela a touché mon égo.

Je joue les filles distantes, comme si j'étais complètement détachée de la situation. Pour aller dans son sens surtout, et faire de ce baiser quelque chose d'anodin. C'est bien, mais c'est faux. La réalité est toute autre. Ce baiser ne m'a pas laissé indifférente... mais j'ai bien trop de fierté pour lui avouer. Et puis si c'est pour qu'elle me fuit encore plus après ça, c'est débile. C'est pas ce que je veux. Alors je fais comme si ce n'était rien, comme si tout ça n'avait aucune importance à mes yeux. Ce baiser n'avait rien d'exceptionnel, et c'est très bien comme ça. Yumi peut se détendre et arrêter de jouer les courants d'air plus longtemps. On est assez matures pour faire la part des choses n'est-ce-pas ? Enfin en théorie, parce qu'en pratique c'est peut-être plus compliqué que prévu mais ça, c'est un détail. « J’espère que tu ne dis pas cela à toutes les filles que tu embrasses. » Bah si en fait. Si je veux être totalement honnête avec elle, il n'y a pas une fille que j'ai embrassé avec qui ça signifiait réellement quelque chose. Les amourettes que j'ai eu par le passé ne compte pas. Je n'ai rien connu de sérieux, jamais, et ce que j'ai ressenti avec elle... c'est différent. Bizarre aussi dans un sens. Enfin bref, j'en sais rien. « Parce qu’on est d’accord, tu m’as embrassé ? » Je ne peux m'empêcher de rire à sa question. Est-ce qu'elle est vraiment sérieuse ? Si elle a un doute, je peux recommencer si elle veut. Ouais... non, pourquoi je pense à ça au juste ? « En fait, tu sais quoi, je m’en fiche. Je suis avec Sacha, ça m’importe peu. C’était rien d’exceptionnel après tout. » Je lève les yeux au ciel comme par réflexe. « Ah bah oui Sacha... évidemment. » Je n'ai pas besoin d'en dire plus pour qu'elle comprenne ce que j'en pense. Je lui ai déjà suffisamment dit mon avis sur son couple. « Si ça peut te rassurer, je ne lui dirais pas que TU m'as embrassé. » J'insiste volontairement sur le "TU". Qu'elle ne retourne pas la situation, c'est elle qui m'a embrassé la première. Alors oui, je l'ai embrassé aussi en retour, mais ce n'est pas moi la fautive. Enfin... pas entièrement. On se partage les tords sur ce coup-là. « Je ne lui dirais pas non plus que du coup j'ai eu envie de t'embrasser aussi et que je ne me suis pas gênée pour le faire. » Sous-entendu pour répondre à sa question de tout à l'heure. Et d'ailleurs j'en profite pour lui faire plus ou moins comprendre que j'en ai eu envie de ce baiser. Généralement quand on embrasse quelqu'un, c'est qu'on en a un minimum envie quand même. Même si elle de son côté, contrairement à moi, elle n'assume pas. « Bah quoi ? » Voilà qu'elle fuit à nouveau mon regard. Comme si j'avais dit quelque chose qu'il ne fallait pas. Mais j'ai simplement mis des mots sur la situation, c'est tout. Et ça rend peut-être les choses encore plus concrètes finalement. « Tu vas pouvoir arrêter de m'éviter maintenant, tout va bien. » Les choses ne sont sans doute pas aussi simples que je veux le faire croire, mais passons.

Malgré ce qu’elle me dit, sa présence ici, en plein milieu de la nuit me fait me questionner sur ce qu’elle éprouve vraiment suite à ce baiser. Suite à ces baisers. Si ce n’est rien comme elle le dit, pourquoi cette discussion avait-elle besoin  d’avoir lieu maintenant ? Malgré mon envie à l’ignorer, elle aurait très bien pu me prendre au piège ailleurs qu’ici. Elle en aurait été capable, je n’ai aucun doute là-dessus. Et puis quoi ? Maintenant que les choses sont mises à plat, elle va retourner dans sa chambre et continuer sa nuit comme si de rien était ? « Ah bah oui Sacha... évidemment. » Je n’ai pas pu me retenir de parler de lui. Après tout, l’inverse aurait été assez étrange, il ne faut pas oublier qu’il est censé être mon petit ami. Cette relation est complètement fausse, mais si je veux que ça reste crédible, il faut que je joue un peu le jeu, quitte à m’enfoncer un peu plus dans mes mensonges. « Si ça peut te rassurer, je ne lui dirais pas que TU m'as embrassé. » Je n’en attendais pas moins d’elle : garder cela secret et me rappeler que j’étais à l’origine de tout cela. Je ne peux pas lui reprocher, après tout, c’est ce qui est vraiment arrivé. « Je ne lui dirais pas non plus que du coup j'ai eu envie de t'embrasser aussi et que je ne me suis pas gênée pour le faire. » Bon là.. je suis prise de court. Elle joue à quoi exactement. Est-elle honnête ou est-elle simplement en train de se jouer de moi ? Encore. « Bah quoi ? » Mes traits ont sûrement dû refléter ce que je pensais, car Lou a très vite compris que je bloquais suite à ses propos. Je ne sais pas pourquoi, mais face à elle, je perds tous mes moyens, encore plus depuis cette fameuse soirée dans les vestiaires. « Tu vas pouvoir arrêter de m'éviter maintenant, tout va bien. » Je hoche machinalement la tête. Si je me contente de cela et que je lui fais croire que tout est bon, elle devrait sûrement retourner dans sa chambre et ainsi me laisser tranquille. Mais est-ce que ça va être aussi simple ? De ne pas l’éviter je parle. Si j’ai commencé à faire cela, c’est pour une raison bien précise et ça, ce n’est pas encore complètement éclairci. « Tu as vraiment eu envie de m’embrasser ? Pourquoi ? » À croire que je trouve cela choquant. Je n’ai jamais eu de réel petit ami et encore moins de copine. D’ailleurs, hormis de rares personnes, le sujet de mon attirance est assez tabou. Pour moi en l’occurrence. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai du mal à en parler et à m’affirmer auprès des autres. « Je pensais que tu me détestais. » Oui, c’est toujours mieux à dire qu’à prétexter que je trouve cela bizarre qu’elle puisse être attirée par moi. « Avant que tu ne demandes, je ne sais pas. Ça m’a pris comme ça. » Je lui pose ouvertement la question, alors je m’attends à avoir la même en retour, ou quelque chose qui s’en rapproche au moins.

C'était pas si compliqué que ça de crever l'abcès. Quand je vous disais qu'il ne fallait pas en faire tout un plat. Et pourtant, je ne suis pas sûre que le fait d'avoir mis les choses au clair change finalement grand chose de mon côté. Parce que ces baisers ont bel et bien existé. Que je le veuille ou non, ça ne m'empêchera pas de continuer à y penser. Même si je joue les filles insensibles pour essayer de garder la face devant elle. Tout va bien dans le meilleur des mondes. Elle est en couple avec Sacha, et ce baiser ne voulait absolument rien dire. Voilà, c'est ça. On s'en fout de savoir ce que j'en pense réellement. Mais dans un coin de ma tête, j'aurais aimé que les choses soient différentes. Alors quoi maintenant ? Je vais retourner dans ma chambre comme si de rien n'était ? C'est ce qu'il faudrait que je fasse. Comme je l'ai dit, on oublie et on passe à autre chose. C'est aussi simple que ça. Faire comme si rien ne s'était passé, comme si ses lèvres ne hantaient pas mes pensées. Pourquoi mon regard est justement en train de les regarder ? « Tu as vraiment eu envie de m’embrasser ? Pourquoi ? » Oui j'en ai eu envie, sinon je ne l'aurais pas fait. Et d'ailleurs pour être totalement honnête, je crois que j'en ai encore envie à cet instant. C'est bien ça le problème. « Je pensais que tu me détestais. » Je pensais que je la détestais aussi. Mais faut croire que sous cette haine un peu malsaine, il y a quelque chose de plus fort encore. Ce truc qui me pousse à vouloir passer du temps avec elle, que je déguise très facilement derrière des envies de faire chier le monde. Et elle alors, elle est pas censée me détester aussi ? Je rappelle que c'est bien elle qui m'a embrassé la première. « Avant que tu ne demandes, je ne sais pas. Ça m’a pris comme ça. » Ah bah voilà, j'ai même pas besoin de demander. Même si sa réponse n'est pas très convaincante. « Je fais souvent cet effet aux filles. » Et voilà que je recommence. Mais c'est pas de ma faute, c'est trop tentant. Et c'est le meilleur moyen pour moi que de me protéger. C'est surtout ça. « T'es pas la première "hétéro" qui se laisse tenter. » J'accentue volontairement en minant les guillemets autant sur le mot "hétéro" que sur les mots "comme ça", pour réutiliser les mêmes mots que les siens. Parce qu'une fille totalement hétéro n'embrasse pas une autre fille juste comme ça n'est-ce-pas ? « Et pour ton information, je ne te déteste pas. Je ne t'ai jamais vraiment détesté d'ailleurs. » Je m'arrête là, sans en dire davantage. Je sais, j'ai pas vraiment répondu à sa question... « C'est juste trop tentant de te faire chier. » Je ris un peu avant de poursuivre, voyant une grimace venir déformer son beau visage. « Tu sais que t'es belle quand t'es en colère ? » Là, je joue avec elle. Encore. Comme je sais si bien le faire. Même si entre nous, il y a toujours un fond de vérité dans mes propos, toujours. Quoi ? J'ai toujours pas répondu à sa question initiale ? C'est tellement facile de faire dériver le sujet sur autre chose.

Avoir cette discussion au plein milieu de la nuit, je trouve cela complètement insensé. Insensé et dangereux. Qui sait, à peine réveillée, je pourrais facilement dire des bêtises ou au moins laisser échapper des choses que je préfère pour l’instant garder pour moi. Ce qu’elle évoque attise une certaine curiosité chez moi, mais pour éviter qu’elle se serve de mes questions en retour, je décide de prendre les devants et de lui avouer que ce baiser entre nous est arrivé de manière spontanée. Il n’était pas prémédité, ni justifié. En réalité, à bien y réfléchir maintenant, je ne sais pas si c’était vraiment me sauver de prendre les devants et je m’en rends bien rapidement compte lorsque la jeune femme me répond. « Je fais souvent cet effet aux filles. » Je ne sais pas pourquoi, mais une vague de chaleur s’empare de moi et étrangement, ce n’est pas agréable. Je crois que l’entendre dire cela, ça me met en colère. Pourquoi ? Visiblement, je suis sujette à de la jalousie. Non. Ce n’est pas possible, ça n’a aucun sens. « T'es pas la première "hétéro" qui se laisse tenter. » Je viens soupirer et balancer ma tête de gauche à droite. Elle est incorrigible. À la voir parler comme cela, on dirait que rien ne l’atteint. « Tu ne me connais pas. » Finis-je par simplement répondre. Mais cela pourrait me faire défaut. Et si elle cherche plus loin que cette phrase, qu’est-ce que je vais bien pouvoir lui dire ? Que je ne fais pas partie du groupe de personnes dont elle parle ? Non, clairement pas. Je n’ai pas fui jusqu’ici pour baisser les armes aussi facilement face à elle. « Et pour ton information, je ne te déteste pas. Je ne t'ai jamais vraiment détesté d'ailleurs. » Il est vrai que je me suis peut-être un peu emballée avec ce terme, mais c’est le seul que j’ai trouvé et qui collait au mieux à la situation. Il faut être honnête, il n’est pas évidant de savoir ce que nous éprouvons l’une pour l’autre. Je suis même surprise de la voir aussi.. gentille ? « C'est juste trop tentant de te faire chier. » Bien sûr, ça ne pouvait pas durer. Je fronce légèrement les sourcils et laisse tomber mes épaules. Elle va finir par avoir ma peau. Plus les jours passent et moins je sais sur quel pied danser avec elle. « Tu sais que t'es belle quand t'es en colère ? » Mon regard se plante dans le sien et ma mâchoire se resserre. « Arrête Lou. Ne joues pas à ça avec moi. » À quoi au juste ? Je ne suis pas certaine de le savoir, mais la dernière fois qu’elle m’a fait des compliments, on sait toutes les deux comment ça s’est terminé et clairement, si elle veut plus que je l’évite, autant ne pas retourner sur cette pente glissante. « Tu prends tout pour une plaisanterie, n’est-ce pas ? » Et moi, je prends tout cela un peu trop à cœur. Encore. Si elle voulait m’énerver un peu plus, je crois que c’est réussi. « Il est peut-être temps que tu retournes te coucher. » Elle a pu parler de ce qu’elle voulait, non ? Il est peut-être temps qu’on retourne toutes les deux dans les bras de Morphée. Même si pour le coup, je ne suis plus vraiment sûre d’avoir sommeil maintenant.

Ça y est, je suis passée en mode insupportable. C'est comme ça avec moi. En un rien de temps, tout peut basculer. Comme le bouton on/off d'un appareil électronique. Est-ce que ça fait de moi quelqu'un de lunatique ? Ouais peut-être un peu j'avoue. Je suis aussi plutôt excessive dans mon genre. Mais c'est ce qui fait mon charme comme on dit, n'est-ce-pas ? Je n'ai jamais prétendu être parfaite, bien au contraire. C'est à prendre ou à laisser. En tout cas je m'amuse à jouer avec elle, dans un compliment déguisé. Parce que oui, c'en est un finalement. Ça se voit peut-être pas mais c'est vrai. « Arrête Lou. Ne joues pas à ça avec moi. » Apparemment Yumi n'est pas de cet avis. Ou du moins ça ne lui plait pas tant que ça. Pourtant ça ne m'arrête pas pour autant. Je réplique alors aussi sec. « Jouer à quoi ? » Je fais une petite moue innocente tout en haussant les épaules. C'était mal me connaitre que de croire que je pouvais rester sérieuse aussi longtemps. C'est en train de l'énerver, je le sens dans son regard. Et moi, ça me fait rire. Les montagnes russes entre nous. Des hauts, des bas. Sans oublier des passages un peu chelous qu'on ne peut pas trop expliquer. « Tu prends tout pour une plaisanterie, n’est-ce pas ? » Tout de suite, les grands mots. Je hausse à nouveau les épaules dans un petit sourire narquois. La vie est suffisamment cruelle comme ça, inutile de se prendre la tête plus que de raison. Alors oui, peut-être que je prends tout à la rigolade ou presque. Mais c'est mieux que de déprimer et de s'apitoyer sur son sort non ? Si on ne peut même plus se permettre de rigoler... C'est tentant de lui faire une nouvelle réflexion sur le fait de la voir en colère, mais on ne va pas pousser le bouchon trop loin. Ça ne m'empêche pas de la trouver plus belle encore. « Il est peut-être temps que tu retournes te coucher. » Je soupire un peu, venant croiser mes bras sur ma poitrine comme si je boudais. « J'ai pas sommeil Maman. » Je secoue la tête à la négative avant de m'installer progressivement à ses côtés. Je m'allonge, la tête à ses pieds, à l'inverse d'elle, essayant de me faire toute petite. « Tu vois je peux rester là, je prends pas beaucoup de place. » Je joue peut-être avec les limites de la jeune fille mais je ne cherche pas à arrêter pour autant. Quand je suis lancée, je n'ai pas beaucoup de limites. « J'ai jamais eu la chance d'avoir une soeur avec qui partager mon lit en plus. » Bah oui, normal, je suis fille unique. Même si je mime volontairement les guillemets de mes mains en employant ce mot, parce que Yumi n'est pas réellement ma soeur. Une soeur d'accueil si on peut dire ça comme ça. En l'occurrence, pour le coup, c'est son lit mais c'est un détail. Je me redresse un peu pour croiser son regard. J'essaye de jouer sur sa corde sensible. « Allez, s'il te plait. » Je fais mon regard de chien battu battant exagérément des cils. Elle ne peut rien me refuser après ça hein ?

Après ce moment d’honnêteté, Lou redevient la jeune femme à qui j’ai l’habitude d’avoir à faire. Sûre d’elle, prétentieuse et détachée. Tout ce que je déteste et pourtant.. il y a toujours ce petit truc. C’est peut-être cela qui me pousse à m’éloigner d’elle, encore et encore. Et si j’étais finalement attirée par tout le contraire de ce que je pensais vraiment ? « Jouer à quoi ? » Là encore, elle joue avec mes nerfs. Encore et encore. C’est peut-être ce qu’elle veut, c’est même sûrement le cas. Elle doit vouloir voir jusqu’où je vais tenir. Il m’en faudra plus. Je ne mens pas à toute ma famille et à mes amis pour me livrer aussi facilement à quelqu’un que je connais finalement peu. « J'ai pas sommeil Maman. » Dit-elle en réponse à ma proposition d’aller se recoucher. Là encore, elle utilise un terme bien précis. Maman. Mais avant que je puisse dire quoique ce soit, Lou se redresse, avant de s’allonger à côté de moi, dans le sens inverse de celui où elle m’a trouvé un peu plus tôt. « Tu vois je peux rester là, je prends pas beaucoup de place. » Je soupire légèrement. Quelle idée est encore en train de lui traverser l’esprit ? J’ai peur et en même, je me demande si cela m’intéresse vraiment. « J'ai jamais eu la chance d'avoir une soeur avec qui partager mon lit en plus. » Maman et maintenant sœur. C’est bien, elle arrive à utiliser tous les termes possibles pour rendre nos baisers encore plus bizarre qu’avant. Au moins, l’imaginer en sœur, ça devrait me couper l’envie de recommencer. « Allez, s'il te plait. » Je soupire légèrement. Est-ce que j’ai vraiment le choix de ce que je vais lui répondre ? Je n’en suis pas aussi sûre, elle serait capable d’aller plus loin pour simplement obtenir ce qu’elle veut. « Je suis sûre que tu vas me donner des coups de pieds. » Somnambule ou pas, je suis sûre qu’elle en meurt d’envie. Alors avec ses pieds à proximité de mon visage, qu’est-ce qui va bien pouvoir la retenir ? « Mets-toi au moins dans l’autre sens. » Alors que ces mots s’échappent de mes lèvres, je me décale au sein de mon lit. Je viens me mettre du côté le plus loin de la porte et autant dire que je ne fais pas les choses à moitié : je me décale encore de quelques centimètres et je tombe. « Tu as ton côté, j’ai le mien. » J’aurais eu suffisamment de coussins, je crois que j’en aurais construit une montagne entre nous. Malgré la présence de la jeune femme dans mon lit et la discussion que nous avons pu avoir, je ne tarde pas à retrouver le sommeil. Soit elle m’apaise, soit je suis vraiment fatiguée. C’est sûrement la deuxième option, c’est impossible que ce soit la première. Les rayons du soleil commencent à percer dans la pièce et doucement j’ouvre les yeux. Mais ce qui se trouve face à moi n’est clairement pas ce à quoi je m’attendais. Lou est là, les yeux fermés, dans mes bras, son visage à quelques centimètres du mien. Je devrais vouloir m’échapper de là et pourtant, mon regard est automatiquement attiré par ses lèvres. Merde. Il m’arrive quoi là, ça ne va plus.

Est-ce que j'en fais des caisses pour qu'elle prenne finalement pitié de moi ? Ou qu'elle finisse par abandonner me laissant alors l'opportunité de dormir avec elle ? Peut-être bien que oui. En tout cas cette idée est plutôt alléchante. Même si je joue sans doute un peu avec le feu. Oh et puis merde, c'est pas la première fille avec qui je vais simplement dormir. Enfin quoique... non, ça va, je déconne, je couche pas avec toutes les filles avec qui je dors quand même. J'ai des amies avec qui il ne se passe strictement rien. Mais pour certaines personnes, dormir avec une lesbienne c'est pas normal. Vous savez le cliché débile des gens qui pensent qu'un homo ne peut pas être pote avec une personne du même sexe que lui. Ouais c'est terriblement con quand on y pense. Bref. « Je suis sûre que tu vas me donner des coups de pieds. » Je ne peux m'empêcher de rire, agitant volontairement mes pieds sur son matelas près de sa tête. Je ne suis pas si violente que ce que j'en ai l'air, non mais ! « Mets-toi au moins dans l’autre sens. » Ah bah volontiers. Je ne vais pas dire non si c'est elle qui propose. Je suis à deux doigts de penser qu'elle profite un peu de la situation. Ou d'espérer qu'elle le fasse peut-être ? « Tu as ton côté, j’ai le mien. » Elle ne peut pas plus se décaler qu'elle ne l'a fait, et ça me fait doucement rire. On dirait que son corps va se mettre à brûler si par malheur je viens à ne serait-ce que simplement la frôler. « Promis, je reste sage. » Pourquoi mes pensées divaguent inconsciemment vers des envies incontrôlées pas forcément très catholiques ? Ok, on stoppe les conneries là, ça suffit. « Bonne nuit Yumi. » Finalement elle s'endort rapidement, et je me cale sur le rythme de sa respiration pour en faire de même. Je suis bien là, avec elle. Près d'elle. Je crois que j'ai inconsciemment rapproché mon corps du sien dans mon sommeil. Et finalement je me réveille avec la sensation de me sentir regardée. Quand j'ouvre les yeux, je croise le regard de Yumi fixé sur moi alors que mon coeur s'emballe légèrement. Il me faut quelques secondes pour me rendre compte de l'ambiguïté de ma position. Ouais je suis littéralement dans ses bras là en fait. Mais le plus surprenant en fin de compte, c'est que Yumi n'a pas eu l'air d'avoir envie de me repousser. Je me redresse prenant un peu mes distances, alors que je sens un léger malaise envahir sa chambre. « Alors bien dormi ? » Pour ma part, j'ai dormi comme un bébé. Et cette nuit avec elle a été étrangement agréable. J'ai eu une bonne idée finalement de m'imposer dans son lit. « Ça fait longtemps que t'es réveillée ? » Je lui adresse un large sourire, tout en glissant brièvement mon regard sur ses lèvres. J'aurais pu être tenté de lui demander depuis combien de temps elle me matait comme ça, mais autant pas l'énerver de bon matin. Il y a comme un moment de latence pendant quelques secondes, jusqu'à ce que la réalité vienne reprendre ses droits. Et bizarrement, ce qui se joue sous nos yeux me plait plutôt bien. Mais quelque chose me dit que ça ne va pas durer...

La sentir là, près de moi, ça me fait quelque chose, mais je ne saurais dire quoi et c’est bien ce qui me dérange. En général, j’arrive à mettre des mots sur mes émotions, sur mes sentiments ou plutôt mes non-sentiments, car ça va plus souvent dans ce sens, mais là, rien. Je perds mes moyens face à elle et je crois que c’est ça qui me fait peur. Lorsque je vois ses yeux s’ouvrir, je ferme les miens, comme un réflexe, comme pour éviter de lui montrer que je la regardais. Mais c’est peine perdue, je le sais, je n’ai pas pu être suffisamment réactive. « Alors bien dormi ? » Dit-elle, après avoir pris un peu de distance. Ce n’est pas plus mal, l’atmosphère devenait irrespirable à l’avoir si près de moi. « Ça fait longtemps que t'es réveillée ? » Elle sourit, légère, alors qu’une colère reste ancrée au fond de moi et subitement, je m’en veux de réagir ainsi. Je vois le mal partout, je me pose trop de questions. « Non, non. Quelques minutes seulement. À peine. » Mensonge. Mais je suis la seule à le savoir et ça ne me fera donc pas défaut. « Je ne voulais pas te réveiller. » Là encore, je dis ce qui m’arrange le plus. Même si ce n’est pas complètement faux : en bougeant et en m’éloignant d’elle, je risquais de perturber son sommeil. Je me redresse à mon tour du lit et repose rapidement les yeux sur elle. « Je ne sais pas si tu le sais, mais il t’arrive de ronfler. » Il fallait que je parle, que je dise quelque chose qui n'avait pas de rapport avec ce moment que l'on pourrait qualifier de.. gênant ? Durant la nuit, il est arrivé que je me réveille, juste le temps de quelques secondes, comme pour m'assurer qu'elle était bien toujours là et à certains moments, j'entendais de petits bruits qui venaient d'elle. Mais elle n'a pas de soucis à se faire, je ne dis pas cela pour me moquer d'elle. En réalité, j'ai trouvé cela adorable. « Je vais aller prendre ma douche. Au moins pour une fois, c'est toi qui aura l'eau froide. » Même si c'est peut-être de ça dont j'ai besoin, d'une douche froide pour me remettre les idées bien en place. Je me lève et viens fouiller dans mon armoire pour trouver quoi mettre. Une fois mon choix effectué, je me rapproche de la porte de ma chambre, mais avant de la franchir, je me stoppe et me retourne vers Lou. Pourtant, aucun son n'arrive à sortir de ma bouche. À ce moment précis, je ne sais pas quoi faire, ni quoi dire. Cette nuit était étrange, on ne va pas se mentir. La jeune femme a fait irruption ici pour mettre les choses au clair, mais c'est finalement pire, de mon côté au moins. Qu'est-ce que c'était tout cela ? Qu'est-ce que ça signifiait pour elle ? Est-ce que c'était vraiment quelque chose de fraternel ? « Je m'attendais à une nuit plus horrible. Mais ce n'est pas une raison pour recommencer et venir me réveiller en pleine nuit tous les soirs. » Dis-je finalement à dire pour briser ce silence qui devenait lui aussi gênant.

C'est étrange, parce que cette nuit a été étonnamment agréable. Est-ce que c'est vraiment la chose la plus surprenante qui soit ? Non, pas vraiment. En réalité je ne suis pas totalement surprise. Ce n'est pas la première fois que je me surprends à aimer sa présence. Et ce n'est finalement pas pour rien que je me suis invitée dans son lit. C'est un truc qui me dépasse complètement. Comme une envie incontrôlée de pouvoir la sentir au plus près de moi, mon corps contre le sien. Me réveiller quasiment dans ses bras me procure une sensation qui m'était jusqu'alors inconnue. C'est nouveau, profond. Intense. Et ça me bouleverse bien plus que je n'aurais jamais pu l'imaginer. Je n'ai pourtant jamais été troublée à ce point-là par personne d'autre avant. Alors pourquoi elle ? Je prends légèrement mes distances, essayant de savourer encore un peu ce moment privilégié comme si je savais inconsciemment qu'il pouvait être rompu à tout moment. « Non, non. Quelques minutes seulement. À peine. Je ne voulais pas te réveiller. » Elle est mignonne. Même comme ça, au réveil, les cheveux ébouriffés, les yeux encore légèrement embrumés. Je souris un peu bêtement avant de détourner le regard, essayant d'éviter de rendre la situation encore un peu plus gênante. C'est moi ou c'est chelou là ? « Je ne sais pas si tu le sais, mais il t’arrive de ronfler. » Mon dieu non. Je fais mine d'être choquée avant de secouer la tête à la négative dans un réflexe. « Impossible. » Elle a passé la nuit à me regarder dormir ou bien ? « Tu sais que c'est pas bien de mentir ? » Je ne crois que ce que je vois - ou ce que j'entends en l'occurrence. Donc non, je ne ronfle pas. Point final. « Je vais aller prendre ma douche. Au moins pour une fois, c'est toi qui aura l'eau froide. » Je ris un peu tout en hochant la tête. Je ne suis pas d'humeur taquine encore pour le moment, et même si c'est bizarre de ma part, je n'essaye même pas de répliquer. Elle se lève, récupère des vêtements avant de s'apprêter à quitter la chambre. « Je m'attendais à une nuit plus horrible. Mais ce n'est pas une raison pour recommencer et venir me réveiller en pleine nuit tous les soirs. » Je penche ma tête sur le côté, dans un petit sourire inconsciemment charmeur. « Je ne voudrais pas que tu finisses par y prendre goût quand même. » Bon, ok, fallait bien que je la taquine quand même un peu. En même temps c'est elle qui m'a tendu la perche là. Mais l'idée de redormir avec elle est plutôt tentante, c'est vrai. « Dépêche-toi si tu ne veux pas que je te pique la place sous le nez. » Je fais semblant de me lever rapidement du lit pour qu'elle m'en croit capable alors qu'elle se précipite dans la salle de bains. Finalement, je me laisse tomber sur le lit, profitant de quelques minutes de répit pour laisser mes pensées envahir mon esprit. Qu'est-ce qui est en train de m'arriver au juste ?