soulmates (seamus & brittany)

Je me suis réinscrite à la fac. Je l'ai dit à personne. Surtout pas à ma famille ! Ils me mettraient trop la pression en mode "qu'est-ce que tu veux faire ? qu'est-ce que tu étudies ? est-ce que tu as eu des partiels ? comment tu t'en sors ? est-ce que tu as des projets pour l'avenir ?" et compagnie. Non merci, je passe ! Du coup j'ai gardé le secret. Enfin, mon père sait, c'est lui qui paye. Mais de toute façon il parle pas avec Maman, ni avec les autres de toute façon. Puis comme je suis sa préférée et que je lui ai demandé de rien dire, il dira rien. Comme quoi, ça a des avantages d'être la chouchoute. En même temps c'est pas compliqué, je suis la seule de la famille à avoir tourné le dos à maman et à être partie vivre avec lui pendant un temps, donc bon... Enfin bref, tout ça pour dire que je suis inscrite à l'université. Et j'ai découvert pas mal de trucs sympas dans le quartier. Genre des restos. Y a vraiment de tout dans le coin ! Des restos italiens, africains, marocains, indiens, japonais, français, chinois... J'adore tester des plats de différents horizons, c'est trop cool. Même si je suis plus douée pour la pâtisserie que pour les plats salés. Enfin bref, ce midi j'ai décidé d'aller dans un restaurant chinois. Je décide de prendre un Hotpot, une espèce de fondue chinoise, vraiment délicieux. Et comme le veux la tradition, à la fin du repas j'ai mon petit biscuit chinois. Je l'ouvre et lis le message: « Votre âme sœur est peut-être installé à la table 10 ». Je ne peux m'empêcher de sourire et de lever les yeux au ciel. J'essaie de chercher des yeux la table 10 mais je vois pas les numéros écrits où que ce soit. Alors quand le serveur passe à côté de moi je l'interpelle. «Excusez-moi, je pourrais avoir l'addition s'il-vous-plait ? Oh, et... où est la table 10 ? » Le serveur acquiesce, sourit, et me montre une table un peu plus loin où un type plutôt pas mal est installé. Bon ça va j'aurais pu plus mal tomber. Pff c'est ridicule. De toute façon qu'est-ce que ça peut bien faire, c'est pas comme si j'allais lui parler ! Quoique en fait peut-être que je devrais. Ma vie est un peu chiante ces derniers temps mais en même temps c'est peut-être parce que moi je suis un peu chiante ces derniers temps. Je passe mes journées soit à regarder des séries sur mon lit, soit en cours à prendre des notes, ou alors à poster des trucs sur mon blog ou sur insta. Mais bon, c'est chiant ça, il se passe rien, et c'est ma faute, il est peut-être temps de remédier à ça. Je me lève donc de ma chaise et me dirige vers la table 10. « Hey ! Je peux m'asseoir ? » je demande en souriant, m'apprêtant déjà à m'asseoir. « Apparemment t'es mon âme soeur aloooors... »

Le tournage du premier clip de l’album à venir était dans la boîte et, déjà, je profitais de ces quelques minutes de tranquillité pour me réfugier dans un restaurant chinois de Los Angeles. Nul doute que d’ici peu mon téléphone se mettrait à sonner pour je ne sais quel rendez-vous ou afin de m’annoncer une nouvelle date dans le cadre de la promotion. Ma maison de disque était déjà en train de planifier des performances en Europe et au Japon ! J’étais tout simplement sur le cul – pardon my French . Comment pouvaient-ils penser qu’il y aurait suffisamment d’intéressés pour justifier un déplacement à l’autre bout du globe ? Soit ils avaient sérieusement confiance en nous, soit ils étaient franchement stupides. Prions pour la première possibilité. Préférable puisqu’ils avaient notre avenir en main.

Ce midi, j’étais seul. Mon petit-ami était en répétition – pour changer – et mon binôme s’était rendu dans sa famille pour leur faire le récit de nos dernières péripéties. Même si nous arpentions les routes depuis plusieurs années, le tournant très officiel que prenaient nos aventures était aussi exaltant qu’angoissant. Dès que j’y songeais je frôlais la crise de panique. Mieux valait-il donc changer de sujet avant qu’il ne soit trop tard !

Comme vous l’avez compris, un biscuit du bonheur n’était pas de refus ! C’est avec le ventre déjà bien rempli que je découvris le message qu’il renfermait : « Votre âme sœur se trouve peut-être à la table 4 ». Je pouffais. C’était si absurde ! Je ne pris même pas la peine de lancer un regard sur la pièce. N’avais-je pas déjà trouvé l’âme sœur auprès de Stefan ? Il est vrai que ce type me faisait un bien fou et que nous étions on ne peut plus fusionnels. Il suffisait que sa frimousse passe dans mon champ de vision pour que j’abaisse ma garde (et lui saute dessus la majorité du temps). En outre, d’aussi loin que je sache, la réciproque était valable. Le brun aussi semblait éperdument amoureux. Dans le cas contraire il méritait un Oscar pour la Meilleure Interprétation du Mec Transi.

Après avoir jeté un regard vers mon [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], je me félicitais de le trouver toujours immaculé. Pas de tâche ! Je faisais de sérieux progrès cette année. Vive 2020 ! Je jubilais encore lorsqu’une voix féminine me tira de mes pensées. Levant les yeux, je décrivis une inconnue très mignonne à la chevelure blonde. J’étais si occupé en tenter d’empêcher mes joues de prendre feu qu’il me fallut encore plus de temps que nécessaire pour comprendre à quoi elle faisait référence. Encore un sale tour de ces mots camouflés dans la bouffe ! Enfin, je retrouvais un minimum mes capacités.

- Je t’en prie ! Mais je ne suis pas à blâmer si tu ressors d’ici déçue. Le Destin est très imaginatif en matière de torture.  

Je ris. Intérieurement, je sentais peu à peu le sentiment de culpabilité se décuplant. Devrais-je plutôt jouer franc jeu avec la demoiselle et lui avouer de but en blanc que je n’étais plus sur le marché – pour parler « grossièrement » ? Ce serait faire preuve de très peu de second degré. Mon interlocutrice ne devait pas prendre cette affaire au sérieux ! Néanmoins, est-ce que Stefan pourrait mal le prendre ? Lui qui était jaloux de tous les mecs qui m’approchaient de près ou de loin… Au moins, je lui proposais de l’inédit aujourd’hui ! Surtout qu’elle était craquante pour être franc.

- Qu’est-ce qui t’amènes dans ce lieu de la haute gastronomie ?

Vu sa manière de m’aborder, je pouvais me permettre de la tutoyer ! Et aussi de me montrer curieux. Je ne faisais rien de mal !

Pourquoi ce type me dit un truc ? Genre c'est vague, très vague, mais sa tête me parle. Enfin j'en sais rien, peut-être qu'il a juste la tête du type super lambda après tout et que c'est pour ça qu'il me parait familier. Vaguement. De toute façon on s'en fout. Je m'assois pile quand il me dit "je t'en prie", j'avoue j'ai moyen attendu avant de prendre place face à mon "âme soeur". Pff, déjà ce concept d'âme soeur je trouve ça totalement ridicule mais bon, peut-être que ça va être drôle, qui sait. « Mais je ne suis pas à blâmer si tu ressors d’ici déçue. Le Destin est très imaginatif en matière de torture. » qu'il me lance alors. Je ne peux m'empêcher de sourire, un sourire parfaitement ironique. « T'inquiètes, mes standards sont super bas. Et puis c'est plus toi qui risque d'être torturé dans l'histoire, paraît que je suis la pire des teigne. » je réplique en haussant les épaules, d'un air nonchalant. Mais un petit sourire joueur se dessine sur mes lèvres. Non c'est pas de la drague ! Je m'éclate juste, je plaisante tout simplement. Je me montre honnête et pétillante. Ouais je préfères ces adjectifs là, même si c'est pas ceux qu'on utilise généralement pour me décrire mais bon, osef. « Qu’est-ce qui t’amènes dans ce lieu de la haute gastronomie ? » Je souris de plus belle en lançant un coup d'oeil au boui-boui dans lequel on se trouve. Bon y a pire comme resto, mais faut dire que c'est pas le plus fameux des restos chinois de la ville, loin de là. « En vrai... c'est super copieux, pas cher, et pas loin de la fac. Trois supers avantages à mes yeux. » je hausse les épaules en regrettant vaguement de pas avoir emporté les trucs de ma table qui restaient à grignoter. J'ai plus faim parce que je viens d'engloutir un plat normalement pour deux personnes, mais j'adore grignoter. Le grignotage c'est ma raison de vivre, okay ? « Puis... la nourriture chinoise c'est quand même carrément la meilleure non ? Enfin... en fait j'adore tout ce qui est bouffe asiatique... chinois, japonais, thai, coréen, indien... Et toi alors ? Fauché, passionné de cuisine chinoise, ou les deux ? » je demande alors sans me départir de mon sourire. J'y peux rien, j'suis une nana souriante. J'suis une meuf joyeuse. C'est pour mieux cacher la profonde dépression enfouie sous la surface. Ahaha. Bref.

Quelqu’un d’autre que moi aurait pu mal le prendre de faire potentiellement partie de ses « standards super bas » mais, de mon côté, cela me fit grandement rire. Je n’étais pas à ça près. Il n’y avait que Stefan sur cette Terre pour penser que je n’étais pas le fond du panier. Désormais, je le prenais à la légère, au second degré. Puis si j’avais affaire à une teigneuse comme elle se présentait, l’un ne valait sûrement pas mieux que l’autre. Match nul !

- Ok ça me rassure. Nous pouvons être médiocres à deux alors !

Je ricanai, trouvant la situation si particulière. Moi qui avais toujours eu le don de me retrouver dans des histoires des plus étranges réussissais même à être surpris aujourd’hui. Cette rencontre promettait de faire des étincelles ! Pas de façon romantique par contre. Je précise juste pour éviter toute confusion. Je n’étais pas un abandonné au polyamour et, dans le cas contraire, je risquerais d’abréger la vie de mes parents lors de cette annonce. Les pauvres ! Je ne pouvais pas leur faire un tel coup bas !

Un instant après, je réussissais déjà à réunir des informations sur mon interlocutrice. Cette dernière avait un très bon appétit, ne roulait pas sur l’or – ou était radine – et passait la plupart de ses journées sur le campus. En tant que quoi par contre ? Étudiante ? Enseignante stagiaire ? Je n’eus pas le temps de lui formuler mes questions que celle-ci enchaîna. « Bavarde » s’ajoutait à la liste. Pas dans le sens négatif du terme par contre. J’appréciais sa spontanéité et son apparente joie de vivre. Je ne suspectais même pas qu’elle jouait un rôle juste sous mon nez. Crédule. Quand la parole me fut rendue, j’hésitai tout en posant mon index sur mon menton.

- En vérité, je suis rentré au hasard en passant par là. J’avais la dalle et n’étais plus trop sûr de la direction à prendre pour rentrer chez moi… J’ai besoin de force si je dois errer jusqu’à demain.

Je ne blaguais qu’à moitié. Cela dit, j’aimais toujours inventer des petites histoires ou exagérer certains traits de la réalité. Malgré tout, afin de ne pas passer pour un psychopathe, je lui adressai un large sourire taquin.

- Ça et j’espérais un message positif dans mon biscuit du bonheur. En ce moment c’est un peu la panique à bord. Mais ça va.

Je me rassurai autant moi-même - si ce n’est plus – que je la rassurai. Néanmoins, je m’abstins d’étoffer tout ça par crainte de la gonfler. Après tout, qu’en avait-elle à faire des soucis d’un inconnu rencontré dans un restaurant asiatique ? La blonde devait déjà avoir suffisamment de tracas de son côté. Tout le monde en avait n’est-ce pas ?

- Et du coup, toi… Tu… es étudiante ? Tu me parais un peu trop jeune pour enseigner mais je n’en sais rien. L’Université ça n’a jamais trop été mon truc.

Je haussais les épaules nonchalamment.

Bon ça va il a l'air cool. Il m'a pas déjà prise pour la pire des folles, ni la pire des crétines, donc… strong start. Puis il a pas l'air non plus d'être complètement détraqué. Il fait même des blagues. Nulle, certes, mais des blagues quand même. Et puis les blagues nulles en vrai c'est les meilleures: simples et efficaces. Il a même réussi à me tirer un sourire avec la sienne, alors pas si mal quand même. Bon et après il s'est mis à me raconter ses états d'âmes. Ok, pas raconter, juste évoquer. J'avoue j'exagère un petit poil. M'enfin osef, c'est pas comme si j'allais lui demander ce qui va pas, ses bleus au cœur et compagnie, fin on se connait pas ce serait bizarre quand même non ? Quoi que, j'ai un peu fait pareil juste avant; wow je suis trop contradictoire, tu m'étonnes que je fais fuir les gens ! « On espère tous un peu de positif dans notre vie. Faudrait être sacrément déglingué pour demander du négatif. Ou alors faudrait s'ennuyer vraiment ferme depuis un bail pour souhaiter que n'importe quoi, bon ou mauvais, nous arrive. Ouais, sorry des fois je vais loin dans mes réflexions. » je réplique le plus naturellement du monde en haussant les épaules. Est-ce que je suis une fille bizarre ? Sachant que je sais pas si ce serait un compliment ou non de toute façon. J'ai pas franchement envie d'être ordinaire. Je suis déjà une fille blonde, blanche, mince, et riche. A Los Angeles on a du mal à faire plus générique. Si je peux pas me distinguer par une personnalité hors du commun j'suis mal barrée. Non que je compte pas me teindre les cheveux en rose, prendre trente kilos, et me retrouver à la rue. Donc bon... Wow, je vais vraiment loin dans mes réflexions c'est ouf. « Mmh ? Euh, l'Université, oui. » Oups, j'ai perdu le fil une seconde. « Non, j'suis étudiante, mais j'suis pas sûre que la fac ce soit mon truc non plus. J'étudie un peu tout et n'importe quoi, j'me dit que quand j'aurais trouvé ce que je veux faire de ma vie ça me sautera aux yeux, mais en fait... faut croire que non apparemment. Donc bon... » Niveau médiocrité j'crois qu'on fait pas mieux là. « Et toi alors, tu fais quoi dans la vie ? »

Finalement : il y avait plus barré que moi. J’écoutais mon interlocutrice se perdre dans une réflexion philosophique un brin terrifiante, me retenant de pouffer. Elle avait un fort potentiel comique malgré elle ! Cependant, elle avait raison sur toute la ligne. Qui souhaiterait son propre malheur ? Même les criminels ne devaient pas justifier leurs actes abjects comme un moyen de se pourrir l’existence. Ils avaient d’autres motifs, la vengeance et la haine en tête. Je n’étais pas franchement motivé pour approfondir ce sujet dans l’instant. Je sentais déjà mon estomac qui protestait. J’avais encore eu les yeux plus gros que le ventre. Une habitude vieille comme le Monde. Que je sois si mince demeurait un mystère pour tous mes proches, en particulier pour le benjamin de la famille qui luttait éternellement avec son poids. J’étais à tuer. En général, quand je me retrouvais en sa présence, je tâchais de faire attention désormais. Le tact et la considération venaient avec l’âge apparemment.

- Puis à quoi bon chercher le Mal ? Il finit toujours par retrouver son chemin !

Je haussais les épaules à mon tour, fatidique. Je ne venais pas de penser que je préférais une conversation plus lumineuse ? Sur ce, je me décidai de l’interroger concernant son statut au sein de l’Université. Ce serait surprenant qu’elle y enseigne, son visage rayonnant toujours d’une jeunesse non-éloignée de l’adolescence. Sa peau était parfaite, lisse. Même sa coiffure était impeccable ! Pas que les professeurs soient tous des vieux croûtons décrépits et habillés de sacs poubelles mais… Non. Je ne croyais pas une seconde qu’elle puisse être responsable de classes entières. Tout en l’écoutant, je mordis dans un gâteau, dernier vestige de mon festin. Ça de plus ou de moins… Je n’allais pas exploser avec si peu de supplément ! Par contre, je mourrais de soif maintenant. Est-ce qu’ils vendaient du Red Bull ici ?

- Tu es peut-être plus une femme d’action ? Du genre Totally Spies ou Lara Croft ! Je t’imagine bien botter le cul de mecs désagréables, avouai-je en plissant un peu les yeux. Tant que ce n’est pas le mien…

Mes fesses souffraient rien que d’y penser. Est-ce qu’elle portait des bottines ? Si oui, est-ce que ça ferait plus mal que des chaussures classiques ? Évitons d’être en mesure d’établir des comparaisons ok ? Il n’y avait qu’une personne sur Terre autorisée à y toucher et encore, ce n’était pas dans un contexte sadomaso comme celui-ci ! Malgré tout, par anticipation, je remuais sur ma chaise comme pour atténuer une douleur fantôme. My poor tooshie!

- Le cinéma, la scène ou la mode ne te branchent pas plus que ça ?

Après tout, Los Angeles était la capitale de la culture et de la couture ! Bon, surtout si on voulait bosser sur les costumes pour Hollywood mais ça ne devait pas être si mal que ça. Au contraire ! Admirer ses propres créations sur écran géant ne pouvait pas laisser indifférent. En parlant de ça, mon tour était venu de commenter ma carrière. Je ne m’étais pas renfrogné à l’idée que l’inconnue ne m’ait pas reconnu. J’étais à des lieux d’être une star internationale avec des disques d’or et des hits passant en boucle à la radio. Puis je n’étais pas pourvu de cette fierté mal placée.

- Je suis musicien/chanteur. Pas très original ici, je sais. D’ailleurs, tu te dis sûrement « Oh encore un looser qui va se brûler les ailes ! » et… tu n’as pas forcément tort. Mais qui ne tente rien n’a rien, déclarai-je avec conviction. On va bientôt partir en tournée, le clip sort ce mois-ci… Planning chargé. D’où…

Le besoin de détente et la goinfrerie de panique.

- Avant, j’étais le pianiste de Simon Says mais là je tente de relancer mon vieux groupe. Souhaite-nous bonne chance.

Je lui adressai un sourire timide, levant mes doigts croisés. L’anxiété me ressaisit. Il me fallait faire confiance en l’avenir, me persuader que tout était possible, que je n’allais pas finir SDF car je me serais nourri de faux espoirs. Nous pouvions le faire. Avoir été signé par un label était déjà un pas dans la bonne direction non ? Dans une tentative d’humour salvatrice je lançai :

- Bref, comme tu as compris, ça va être compliqué de poser une date pour notre mariage dans l’immédiat.

« Lara Croft, carrément ? I WISH ! Angelina Jolie est tellement badass ! Ouais que sorry pour moi c'est elle Lara Croft. » je réplique en riant. D'ailleurs en y réfléchissant bien ça fait une éternité que j'ai pas vu ce film. Faudrait que je me le refasse. Je verrais avec Rain si elle est partante pour une petite movie night, avec pop-corn et tequila, tout ça. Ouais, bon programme. Et je sais déjà qu'elle dira oui ! « Le cinéma, la scène ou la mode ne te branchent pas plus que ça ? » Je le regarde en plissant les yeux. J'hésite un peu pour le coup entre "effet Los Angeles" ou "sexisme". Non que c'est vrai qu'à LA, tout le monde veut plus ou moins devenir acteur ou chanteur. Mais c'est vrai aussi qu'on imagine souvent que les métiers de rêve de toutes les meufs c'est actrice, chanteuse ou dans la mode. Du coup j'avoue, je sais pas trop quoi répondre sur le coup. Non que je veux pas passer pour une tarée hystérique non plus quoi. « Nope. Mais t'inquiètes, je finirais par trouver. » je lâche en haussant les épaules avant de détourner le sujet en lui retournant la question. Un musicien. Pas mal. Mais en effet, comme il le dit si bien lui même, pas très original. Tout le monde est soit musicien soit acteur, c'est lassant à force. Enfin bref, on s'en fout. J'trouve ça stylé quand même. C'est cool de suivre ses rêves, de savoir ce qu'on veut faire et de se donner les moyens pour y arriver. Rien que pour ça je suis admirative. « Wow ! Ok, considère moi impressionnée. Je le serais certainement encore plus si je connaissais Simon Says mais... j'ai une culture musicale proche du néant. » je m'exclame alors d'un air faussement gêné. « Mais ouais, la tournée, le clip... bien joué ! Bon courage et bonne chance oui ! » Est-ce que c'est bizarre si j'ai envie de partir avec lui en tournée ? Non que, je sais c'est idiot, mais genre on voit souvent dans les films ou les séries, une nana qui s'est barrée avec un groupe en tournée et qui s'est éclatée comme jamais et qui ensuite s'est posée et tout. Aloooors.... « Bref, comme tu as compris, ça va être compliqué de poser une date pour notre mariage dans l’immédiat. » Je me met à rire. C'est que j'avais pratiquement oublié cette histoire d'âmes-soeurs, de mariage et compagnie ! « Je comprends, et je t'attendrais. » je réponds d'une vois mielleuse en battant excessivement des cils. « Ou sinon, si vous passez à Las Vegas un jour, tu m'appelles tout ça... » je lâche en riant de plus belle. J'imagine la tête de ma mère tient, ce serait drôle. Bon la crise cardiaque que ça lui génèrerait le serait un peu moins sur le coup mais bon... Non allez, faut que j'arrête de me faire des films débiles.

Tout le monde ne pouvait avoir une culture pharaonique en matière de culture, même dans le champ légèrement plus étriqué de la musique. Il restait si vaste, si varié… Comment pourrions-nous maîtriser ? Pire : j’étais dans le milieu et j’avais seulement dû n’en gratter que la surface malgré tout. J’étais curieux, n’hésitais pas à découvrir de nouveaux titres et artistes mais je n’en faisais pas ma priorité absolue. Des types lambdas feraient mieux office d’encyclopédie que moi je n’en doutais pas le moins du monde. Cela étant avoué, impossible de reprocher à Brittany de ne pas être une groupie de Simon Says ni même de mon propre groupe solo (à deux). Néanmoins, elle n’en paraissait pas moins enthousiaste, allant jusqu’à se calmer « impressionnée » par mes futurs projets. Oui, il était aisé de voir le fantastique dès qu’on abordait le tournage d’un clip, la sortie d’un nouvel album et ainsi de suite mais c’était aussi occulter l’angoisse tragique que cela engendrait. Chez moi en particulier. J’en avais parfois les jambes ramollies rien que d’y songer. J’étais si effrayé à l’idée de tout foirer car, si tel était le cas, je m’en voudrais pour le restant de mes jours. C’était ma chance. NOTRE chance, de percer ne serait-ce qu’un minimum. Hors de question de passer à côté.

- Je te remercie. L’envers du décor est moins glamour mais… je suis super excité. Si un jour tu apprends qu’on se produit dans le coin, n’hésite pas à venir nous voir. Je n'y crois pas trop mais peut-être que tu ne repartiras par complètement déçue !

Je ris puis relançai le sujet de notre manière dans un but purement humoristique. Non, j’avais beau être un tantinet à côté de mes pompes à l’occasion, je ne comptais pas épouser une personne inconnue quand l’homme le plus charmant que j’ai rencontré devait m’imaginer prendre la place de son violon. Quoi ? Bien sûr que c’était le cas ! Il ne s’agissait pas que d’un simple fantasme que j’avais construit de toute part ! Hum. Enfin, j’en étais à peu près sûr. La demoiselle ne manqua pas de surenchérir, me faisant pouffer encore davantage.

- Juré. On kidnappera une guetteuse aigrie en guise de « quelque chose de vieux ». Jackpot si elle est habillée en bleu ! m’exclamai-je amusé, avant d’ajouter une précision. Je dis « une » car je ne suis déjà pas certain d’avoir suffisamment de force pour réussir, alors si je m’en prends à un grand-père… Mes chances sont encore plus minces. Sauf si la femme est Lara Croft, bien sûr.

Moi et mon second degré. Il exigeait parfois un certain temps d’adaptation mais je ne pensais jamais à mal. Mon humour était ce qu’il était, il ne fallait pas y chercher du sexisme, de l’irrespect or God knows what. Bref, comme je l’avais estimé, mon repos touchait déjà à sa fin puisque le numéro de mon agent s’afficha sur mon téléphone portable occupé à vibrer au mieux de ses capacités. Je m’excusai avant de décrocher, nerveux. Vingt secondes plus tard, la conversation était suspendue, me permettant de m’adresser à nouveau à la blonde partageant ma table.

- Je suis désolé. Je dois filer. Des dates à l’étranger sont tombées et je dois y jeter un coup d’œil, révélai-je tout en me levant de ma chaise. Hum… Je suis content d’avoir fait ta connaissance. T’es sympa ! Avec un peu de chance on finira par se recroiser ici et peut-être que nous aurons l’honneur de partager un repas ensemble plutôt que des promesses d’amour infini ?

Je ris pour la énième fois, puis me penchai vers elle afin de lui faire la bise en hâte. J’étais surexcité – et anxieux - à l’idée de découvrir où la promotion du prochain opus nous emmènerait en 2021. L’Europe et le Japon étaient visés. Bordel, en espérant ne pas faire une crise de panique ! Je lui adressais un signe de la main rappelant mon côté si enfantin puis filais à vive allure. Je ne voyais pas comment mon départ précipité puisse chambouler Brittany. Nous ne nous étions rien promis de concret et nous avions déjà passés un agréable moment ensemble.

« Ouais, j'imagine que ça doit être assez... angoissant mine de rien. » je réponds quand il me parle de l'envers du décors moins glamour. Je ne peux qu'imaginer. Personnellement je serais terrifiée rien qu'à l'idée de chanter devant un public. Mais bon je chante comme une otarie alors bon... Mais oui, je peux imaginer que quand on est passionné et qu'on fait ce qu'on aime, que ça compte, qu'on veut le faire bien, parce qu'on se met la pression, alors c'est angoissant. Ok, les idées sont là, même si c'est un peu tout mélangé dans ma tête, mais osef, je me comprends. Après je sais pas si c'est parce que je m'embrouille toute seule dans ma tête, ou si c'est parce que c'était pas drôle mais j'ai pas trop compris la blague qu'il vient de faire. Je me contente de sourire, de laisser échapper un petit rire, et de laisser couler en acquiesçant légèrement. En général ça passe. « T'inquiètes, on a tout le temps de s'interroger sur la logistiq-... » Je m'interromps dans ma phrase quand son téléphone sonne. Il s'excuse et réponds. C'est moi où il a l'air angoissé ? Bon, je le connais pas assez pour reconnaître ses expressions tout ça, mais bon. J'espère qu'il y a rien de grave quand même ! Je reste là sans bouger, sans rien dire, alors qu'il est au téléphone. Je devine qu'il va devoir partir bientôt. N'empêche c'est quoi cette rencontre totalement improbable sérieusement ? Fin c'est drôle, c'est une anecdote fun, et ce même si on sait bien tous les deux que ça rien dans le genre "âmes soeur". Façon même pas certaine que ça existe ce genre de trucs. J'veux bien être romantique, mais faut être lucide un peu quand même. Ok, je m'éloigne un peu du sujet. « Des dates à l'étranger ? Énorme ! » je m'exclame alors qu'il se lève de la chaise. Je comprends carrément qu'il doive partir ! « Hum… Je suis content d’avoir fait ta connaissance. T’es sympa ! Avec un peu de chance on finira par se recroiser ici et peut-être que nous aurons l’honneur de partager un repas ensemble plutôt que des promesses d’amour infini ? » Je ris. « Ahah, ouais va pour le repas plutôt que l'amour éternel ! Justement c'est ce que j'allais te proposer. Après... au lieu de laisser ça à la chance, je peux plutôt te donner ça. » Je prends un bout de papier et un stylo dans mon sac et je griffonne mon numéro. Damn, ce serait si cool si j'avais eu une carte de visite. Bon en même temps je rencontre pas tant de gens que ça mais bon. Ça aurait été stylé quoi. « C'est mon numéro. Comme ça, le jour où t'es en ville et que t'as personne pour casser la croûte avec toi... tu sauras qui appeler. » Il attrape le numéro et à ma grande surprise me tape la bise avant de partir. J'avoue que pour le coup je l'avais pas vu venir ça. Mais ok, pourquoi pas. Et puis le voilà parti. Je reste quelques instants interdite, jusqu'à ce qu'une serveuse m'apporte l'addition. « Oh putain le salaud, il a oublié l'addition ! » Bon, y a intérêt que ce soit un oubli sous le coup de l'excitation pour ses dates et tout, et que ce soit pas genre calculé hein ! Bon sinon ça fera un plus à cette anecdote déjà bien incroyable. Après tout faut voir le côté positif des choses, non ? Je paye donc l'addition - merci papa chéri et la carte de crédit gold illimité tout ça tout ça - et je quitte le restaurant. Parenthèse terminée, c'parti pour le retour dans la vraie vie.