christmas is hell (elliot 10)

J’ai sans doute un peu abusé sur le nombre de cadeaux. Autant dire que je me suis même carrément lâchée. J’étais partie pour ceux de Loan et des filles, et puis je suis partie sur ceux d’Eliot et il m’eut été impossible de choisir correctement, alors j’ai pris le parti de tout prendre. Ça fait des années que je ne dépense rien. Même mes achats littéraires sont sur le compte de la fac la plupart du temps, je passe mon temps à emprunter de nouvelles choses à la bibliothèque. Le vin. Le vin est un poste de dépense non négligeable, c’est vrai, mais rien qui ne mette en danger mon épargne.
« Pourquoi t’en as acheté autant. T’étais pas obligée, juste une babiole ça aurait suffit. » « Parce que j’en avais envie. » Elle est tendre et j’en profite parce que ça n’est pas tous les jours, en dehors de nos moments d’intimités. Elle commence à s’ouvrir, à arrêter de se cacher derrière tout ce qu’elle peut compter comme ne pas être en couple à proprement parler. Mais le fait est que nous avons cette vie-là. Et tous les avantages qui en découlent. « Toute manière, je peux dire ce que je veux, tu t’en fous. » « Je m’en fous. » J’arque un sourire amusé, et dépose un baiser furtif sur ses lèvres. « J’ai juste un seul cadeau moi, pour toi.. » « Et on ne fait pas de cadeaux pour en recevoir. Tu as pensé à moi, j’en suis très flattée. » Je plonge mon regard dans le sien pour la rassurer. Tout va bien. Nous sommes ensemble, et on passe un bon moment. De la nourriture sur la table, des cadeaux au pied du sapin, notre présence, au final, on a un Noël plus joyeux que certains. Alors à quoi bon les regrets ? « Je peux les garder et les ouvrir un peu toute l’année ? Ou je suis obligée de les ouvrir aujourd’hui ? » « J’en serais très frustrée. » Elle fait une moue, je la connais, par cœur, et ça n’est pas pour lui plaire, mais je sais très bien qu’au final, elle en meurt d’envie. « Et si tu les ouvres trop tard, tu ne pourras plus les échanger s’ils ne te plaisent pas. » J’ai peu de doutes, mais si ça peut la motiver à le faire…
Je m’assieds sur le canapé et lui tends la main pour qu’elle me rejoigne. « On fait un deal. Un verre, un cadeau. OK ? » Je sais trouver les arguments. L’alcool peut aider à faire passer Noël. « Tu dois ouvrir le premier du coup. »

Elle en avait envie. M’offrir plein de cadeaux. Le pire, c’est que je comprends. Si j’avais plus d’argent, je lui aurai sûrement offert d’autres choses, même si je ne me suis pas laissé l’opportunité de réfléchir à ce qu’auraient pu être ces potentiels autres cadeaux. Il n’y en a qu’un, et c’est celui-ci. Je sais bien que je n’ai pas trop de poids, elle fait ce qu’elle veut, et après tout, c’est tant mieux. Je n’ai pas du tout envie qu’elle devienne quelqu’un d’autre, parce que c’est elle que je veux. « Et on ne fait pas de cadeaux pour en recevoir. Tu as pensé à moi, j’en suis très flattée. » Je pense souvent à elle. Plus souvent que je le voudrais même. Mais j’ai commencé à en prendre l’habitude, c’est quelque chose que je ne commande pas.
J’essaie de gruger un peu, tente de distiller mes cadeaux sur le reste de l’année, mais ça ne fonctionne pas. « Et si tu les ouvres trop tard, tu ne pourras plus les échanger s’ils ne te plaisent pas. » cette fois je hausse un peu les épaules. Ellen me connaît bien, très bien, même si je garde évidemment un jardin secret, j’ai comme la sensation qu’elle a réussi à me percer à jour, d’une certaine façon. Et je suis sûre que tous mes cadeaux me plairont. « On fait un deal. Un verre, un cadeau. OK ? Tu dois ouvrir le premier du coup. » Je penche un peu la tête sur le côté. « Tu veux me bourrer la gueule ? C’est sûr que pour toi c’est pratique. Un verre un cadeau… » Je lui souris un peu et laisse échapper un petit soupir, avant de récupérer un cadeau sous le sapin. Au hasard. Je m’assieds sur le canapé et hésite un peu avant d’ouvrir. Vu le poids et le format, ça ressemblerait bien à une paire de pompes. Bingo. Des basket dernier cri, flambant neuves, chose que je n’ai jamais porté de ma vie. Les miennes commencent à partir en lambeaux. Et elle a choisi ma couleur préféré en plus. « Elles sont magnifiques. Mais je vais pas oser les porter par peur de les abîmer… » Je lui souris et m’approche pour aller l’embrasser tendrement. « Tu veux bien ouvrir le tien, histoire que j’arrête de stresser de savoir si ça va te plaire ou pas… ? »

Mon deal du un verre, un cadeau, peut avoir un autre impact sur elle. Vu le nombre qu’il lui reste à ouvrir. Pour autant, je sais qu’elle tient bien mieux l’alcool que moi, parce qu’un verre et c’est fini. Il est bien loin derrière moi le temps où j’étais capable de boire toute la nuit, de prendre une douche et de boire une bouteille d’eau par-dessus pour enchainer sur une journée de cours. Tout ça, c’était une autre époque et surtout, ma vie d’étudiante. Entre temps… j’ai pris de l’âge et certainement pas de la bouteille… Encore que certaines soirées sont assez mémorables, celles qu’on peut passer au Planet avec Loan. Je ne les regrette pas, bien au contraire, et je ne me fais jamais prier pour la suivante. Mais ce soir elle est en famille, avec ses filles, et elles ont besoin de se retrouver, sans doute avec beaucoup d’alcool aussi. Son premier Noël sans Stella.
« Tu veux me bourrer la gueule ? C’est sûr que pour toi c’est pratique. Un verre un cadeau… » « Même avec ça, tu tiendras encore debout à la fin de la soirée, moi, c’est un peu moins sûr. Mais si ça peut t’aider à te détendre… » Elle est tellement inquiète, nerveuse, anxieuse, et sur le fil. En dehors du repas, je ne sais pas ce qui pourrait l’aider à apprécier le moment, alors je fais tout pour qu’elle se fasse de bons souvenirs de Noël, changer son à priori, parce que nous en aurons peut-être d’autres à vivre, qui sait ?

Elle ouvre le premier, une paire de baskets, celles qu’elle reluque parfois sur son téléphone, je le sais, je la vois faire, ça n’est pas pour rien que ce sont ces paires-là qui apparaissent sur l’ordinateur quand je m’en sers. Parfois elle l’utilise elle aussi, et je ne suis pas sans savoir quelle est la couleur qu’elle porte le plus. Et puis Noël, c’est fait pour se faire plaisir.
« Elles sont magnifiques. Mais je vais pas oser les porter par peur de les abîmer… » « Alors quel intérêt ? Eliot, c’est fait pour te faire plaisir. Alors tu évites de les porter sur le chantier, mais je pense que pour le reste, elles iront très bien avec ce petit paquet là-bas. » Je pointe celui du fond, un sac blanc, assez grand, qui contient toute une tenue de sa marque préférée, et de la même couleur, sinon ça n’est pas drôle. « Tu veux bien ouvrir le tien, histoire que j’arrête de stresser de savoir si ça va te plaire ou pas… ? » Je me penche alors pour prendre mon verre et le vider d’une traite. « Un verre, un cadeau. » Je le repose en grimaçant d’avoir bu trop vite, et attrape le cadeau qu’elle me désigne. Je l’ouvre, et mes yeux brillent. « Une édition du XVIII°… » Je suis émue, parce qu’elle a vraiment dû perdre un temps fou à se creuser la tête, à rechercher et à faire tous les bouquinistes du coin. « Je suis très touchée, merci… » Je l’entoure de mon bras et dépose un baiser sur ses lèvres, un baiser plein de tendresse, et de merci. « Tu as dû passer un temps fou à trouver ça. » J’ai actuellement 6 ans et je viens de recevoir la poupée de mes rêves.

 « Même avec ça, tu tiendras encore debout à la fin de la soirée, moi, c’est un peu moins sûr. Mais si ça peut t’aider à te détendre… » Je lève les yeux au ciel, un peu amusée. C’est vrai que vu mon âge et mon ‘habitude’ à boire de l’alcool, j’aurai plus de facilité qu’elle à tenir sur la longueur. Mais je n’ai pas envie de finir bourrée non plus, tout est dans la mesure. Quoi qu’avec tous les cadeaux qu’elle m’a fait, je commence à me demander si elle veut pas me voir bourrée. Ça l’amuse. J’ouvre le premier cadeau qui m’est destiné, une paire de basket flambant neuves. J’ai jamais eu de pompes neuves, je les ai toujours achetées d’occasion. Ellen me propose de ne pas les porter sur le chantier, et je lève encore les yeux au ciel, laissant échapper un petit rire amusé. « Ah bon, elle sont pas coquées pour la sécurité ? » Je joins le geste à la parole en appuyant sur le bout des chaussures, qui s’enfonce sous mes doigts. Ellen me propose d’ouvrir un autre paquet, qui est censé aller avec. J’ouvre, après avoir bu un verre, comme décidé un peu plus tôt. Un ensemble de marque, style décontracté, mais pas mode survet’ de rue non plus. Juste parfait. J’ai probablement les yeux qui brillent. Je la remercie d’un sourire, je compte bien la remercier comme il se doit une fois que j’aurai tout ouvert.
Mais cette fois, à son tour, je stresse trop pour qu’elle continue de me faire ouvrir les paquets alors qu’elle n’a pas ouvert le mien. A mon tour de voir ses yeux briller en découvrant mon cadeau. Ça a l’air de lui plaire, je crois. Est-ce qu’elle est émue ? Elle s’approche pour m’embrasser et me remercier, et je souris, peut-être un peu bêtement. « Tu as dû passer un temps fou à trouver ça. » Je hausse un peu les épaules, avec cette fausse nonchalance qui me va si bien. « J’ai vu que tu avais plusieurs éditions de ce bouquin. A chaque fois que je passais devant une librairie j’allais voir si y’en avait pas une que tu n’avais pas. Et puis je suis tombe sur celle là, par hasard. » J’ai eu de la chance, je crois. Visiblement, vu ses yeux, ça a l’air d’être une pépite. En même temps, vu le prix que je l’ai payé, j’imagine que c’est pas le genre de bouquin qu’on trouve à tous les coins de rue. Je suis vraiment heureuse que ça lui plaise.
Je continue de déballer mes cadeaux, elle n’a pas lésiné sur les moyens, je me sens beaucoup trop gâtée, mais heureusement, les verres qui s’enchaînent m’empêchent de me sentir mal à l’aise à chaque nouveau paquet ouvert. J’ai l’impression d’être dans un film de Noël, cul-cul à souhait. Mais c’est agréable, je peux pas le nier. On se met à table, le meilleur moment de cette soirée. Mon premier vrai Noël. J’ai réussi à me détendre, l’alcool aidant. Je raconte des conneries, je la fais rire, et je me sens juste bien. Peut-être que c’est ça, le bonheur.