ghost of the past (neelana 1)

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C’est une scène étrange qui se déroule là. Tu as presque l’impression de voir un fantôme. De vivre une illusion qui risquait de disparaitre à tout instant. Depuis combien de temps n’avais-tu plus senti sa peau contre la tienne, le son de sa voix dans tes oreilles ou simplement pu observer son sourire ? Il n’y avait même plus à compter tant l’époque était prescrite. Et pourtant … Sa main dans la tienne, tu sens ton coeur battre un peu plus fort. Tes doigts se resserrent très légèrement sur leur prise lorsque tu comprends que le geste ne l’effraye pas. « Peut-être que c’est toi qui les a construits, ces murs. Mais j’y suis pas pour rien, et c’était important pour moi de te présenter mes excuses. » Ses pupilles sont venues chercher les tiennes après les avoir esquivées un moment. Elle insiste. Tu mordilles légèrement ta lèvre inférieure, traduisant - sans que tu ne t’en rendes compte - une certaine nervosité. Neela avait raison. Elle avait joué son rôle. Une bonne part. Et tes faiblesses n’avaient trouvé que le bon moyen d’y voir là une excuse parfaite. Neela. La briseuse de coeur, d’espoir. La raison de ne plus aimer. De ne plus s’engager. A quoi bon ? Puisque lorsque tout semble parfait, la souffrance reste au coin de la rue à épier et attendre le moment le plus opportun pour frapper ? C’était facile, pas vrai ? Jouer, profiter, butiner. Quelle belle idiote tu faisais là !

Une simple moue et un haussement d’épaules suffisent à répondre à la belle brune. Selon les situations, tu n’es pas toujours la meilleure pour rassurer les autres. En cet instant, tu n’as plus de flèche à ton arc. Pas le moyen de lui faire croire qu’elle se plante. Car ce n’est pas le cas. Tu as souffert. Beaucoup.
« Tu n’as eu aucune histoire qui a compté, après moi ? » Tu ne t’attendais pas à cette question. Tu te sens comme prise au dépourvu. Mal à l’aise. Tu te racles la gorge et finis par lâcher la main de Neela dans un mouvement de recul pour laisser aller ton dos contre le dossier de ta chaise. Tu gesticules un peu, te passes une main dans les cheveux et fais signe à un serveur de vous resservir la même chose. “Je … Non, pas vraiment. C’était très bien comme ça.” Nouveau raclement de gorge, cachant une certaine hésitation. “Enfin. Si. Mais c’est …” Tu as du mal. A t’exprimer, à parler de tout ça. De manière générale mais encore plus face à Neela. C’est en cet instant que tu comprends à quel point les plaies sont présentes. Te montrer vulnérable devant elle te semble un effort insurmontable. “… compliqué. Je ne suis plus la même que celle que tu as connu” A ses mots le ton est plus grave, le regard presqu’assombrit. Il y a bien des choses que tu as traversées. Seule. Ou presque. La vie n’a pas toujours été clémente avec toi et tes espoirs ne sont clairement plus les mêmes que ceux de cette jeune femme enthousiaste que tu étais à l’époque. Le deuxième round vous est servi. Tu te rends soudainement compte ne même pas avoir demandé à Neela si elle désirait ce deuxième verre, ni même si son premier était vide. Tu approches tes mains du tien et viens y tremper tes lèvres pour retrouver le seul réel réconfort que tu connaisses à présent. Ton esprit s’enfouit. Tes pensées te mènent auprès de Sol. Tu penses à elle et tu as mal au ventre. Mal d’aimer. Mal de peur. De la perdre. De souffrir à nouveau. Quelle belle ironie lorsque tu sais tout ce que tu lui fais subir au quotidien. Tu redresses un bref instant les yeux : “Je suis heureuse que tu aies pu profiter de la bonne version de moi. Certaine n’ont pas cette chance. Peu importe ce que je puisse ressentir ou non” Défaitiste. Tu l’étais clairement. Mais comme si un ange passait, ou comme s’il ne te restait qu’à renfiler ton masque, tu demandes en souriant de manière presque charmeuse : “Et de ton côté ? Tu es heureuse ? Quelqu’un pour te combler au quotidien ?” Quelque part, au fond de toi, tu avais besoin de l'entendre. Qu'elle était en couple, mariée ou pas loin. Que son coeur était pris et scellé à double tour. Une protection dont tu savais avoir besoin.

Je ne m’attendais pas à son geste, mais il est bénéfique, je crois. En tout cas, il me fait du bien, il me rassure, me ramène tout droit à cette période d’insouciance, quand nous n’avions que l’une et l’autre à se préoccuper, faire vivre notre amour, simplement. Cette période n’a pas duré si longtemps, entre la période où elle habitait encore chez ses parents, et le début de nos disputes à cause de nos désaccords. Mais je ne regrette rien, je sais que j’ai agi pour mon bien, et même si je m’en veux un peu de l’avoir blessé, parce que j’aurai sans doute pu mieux faire, je ne regrette pour autant pas de l’avoir quittée à ce moment là de ma vie. Et de toute manière, il n’y a aucun retour en arrière possible. Je tente quand même de savoir si elle n’a eu aucune histoire qui a compté, après moi. Parce que même quand on tente de se barricader, le coeur reste vulnérable, d’une certaine manière, et prompt à se faire kidnapper sans qu’on puisse imaginer que ce soit encore possible. Elle a un geste de recul, lâche ma main et s’adosse à la chaise qui la retient. Elle n’est pas à l’aise, ça se voit bien. Parler de ses sentiments, ça n’a jamais été une grande partie de plaisir pour elle. « Je … Non, pas vraiment. C’était très bien comme ça. Enfin. Si. Mais c’est… compliqué. Je ne suis plus la même que celle que tu as connu. ». Elle souffre, je le vois bien, et ça me fait mal au coeur de m’en rendre compte. Parce que j’ai véritablement aimé cette femme, et que jamais je n’ai souhaité son malheur. Je reste silencieuse, je vois bien qu’elle n’a pas envie d’en parler, je ne la forcerai pas à le faire. Un silence s’installe, un peu désagréable, avant qu’elle ne redresse le regard et ne reprenne la parole. « Je suis heureuse que tu aies pu profiter de la bonne version de moi. Certaine n’ont pas cette chance. Peu importe ce que je puisse ressentir ou non. » Je déglutis, un peu difficilement, comme si ce geste pouvait en un instant faire disparaître la boule dans ma gorge. Mais c’est un leurre. Elle est toujours là. Et oui, ça me fait mal d’entendre ce qu’elle me dit. Pas parce que je me sens totalement responsable - bien qu’un peu quand même - mais surtout parce que je me rends compte à quel point elle peut être brisée. Je n’ai pas la prétention de croire que je suis la seule et unique personne à avoir eu le pouvoir de la mettre dans cet état, mais ce constat me fait vraiment mal au coeur. « Et de ton côté ? Tu es heureuse ? Quelqu’un pour te combler au quotidien ? » Son sourire presque un peu charmeur me désarçonne, je ne la pensais pas capable de passer du coq à l’âne de cette manière. Mais elle est douée pour porter un masque, elle l’a toujours été. Ce n’est qu’un exercice de plus pour elle, une façon de cacher ce qu’elle ressent au plus profond d’elle même. Si je ne connais pas la Sana d’aujourd’hui, je sais qu’il y a toujours la Sana d’autrefois, quelque part en elle. « Je… disons que c’est compliqué aussi. » Je soupire un peu, baissant les yeux sur mon verre quasiment vide, mais que je me refuse à terminer. Par peur peut-être que ça ne signe la fin de cette entrevue avec mon premier amour. « Je suis avec quelqu’un oui. Mais ça se passe plus très bien. » Je hausse les épaules, ne sachant pas vraiment pourquoi je lui avoue une chose pareille. Ce n’est pas un mensonge. J’omets tout de même de dire que j’ai une fille, ce serait trop d’un coup. « Pourquoi ? » Y’avait-il besoin que je pose cette question ? Absolument pas. Je sais que quoi qu’il arrive elle ne répondra pas sincèrement à la question. Une réponse basique serait ‘parce que je voulais te savoir heureuse’, mais au fond de moi, je me déteste de vouloir que ce soit pour une autre raison… Ces retrouvailles me chamboulent bien plus que je ne voudrais l’admettre.

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Tu venais de parer le bouclier derrière lequel tu t’étais toujours sentie en sécurité. Celui du charme inaccessible. Celui te détachant presque entièrement de toute réalité. Un entier attirail faisant de toi le pire anti-héro qui puisse exister. Tu avais laissé la brèche s’écarter un peu mais lorsque le danger s’est approché trop rapidement, tu as tout refermé. Un réflexe automatique. Ce qui t’aidait à - soit disant - tenir le cap, n’était qu’en réalité un danger permanent. Une bombe à retardement faisant de ta vie une tragédie rondement menée. « Je… disons que c’est compliqué aussi. » Son regard se baisse, elle expire profondément alors que, de ton côté, ta gorge se serre doucement. Ce n’était pas ce que tu voulais entendre. Enfin si … peut-être un peu trop d’ailleurs. « Je suis avec quelqu’un oui. Mais ça se passe plus très bien. » Tu sais que ton esprit ne peut pas aller là où il veut t’emmener. Non. Impossible. Tu viens juste de la revoir après des années, tu en aimes une autre, tu dérapes déjà bien assez souvent et Neela n’a visiblement pas besoin de plus de complexité dans sa vie ! Pourtant … tu te sens faible. Une faiblesse de moins en moins assumée. Un mélange d’émotion te submerge. D’un côté, tu pourrais presque te réjouir de la savoir souffrir un peu (sans pour autant savoir de quoi il en retourne). Qu’elle ressente et comprenne ce qu’une vraie peine de coeur pouvait faire. De l’autre, tu te doutes que ce n’est peut-être pas la première fois, tu te trouves stupide de même y penser et un seul regard à la triste mine de Neela te donne juste l’envie de la prendre dans tes bras. Bon sang, Sana ! Tu te mords la lèvre inférieure. Que voulait donc ton destin en te la représentant de la sorte sous le nez ? Si ceci était un test, il était du genre audacieux !

« Pourquoi ? » Tu ne t’y attendais pas. Cette demande. Si simple et pourtant trop compliquée. Ton esprit s’emballe. C’est vrai ça, Sana, pourquoi ?! Tu cherches les mots tout autant que la réelle raison de ta propre question. “Je … j’sais pas.” Tu hausses les épaules. Tu tentes de garder toute contenance. Pour ce faire, étrangement, tu t’appuies dans ses iris. “Ce n’est pas le genre de question qu’on pose en telle situation ?” Le ton est presque plus provocateur que tu ne le voudrais. “Je ne voulais pas être indiscrète …” Tu fais la moue avant qu’un sourire en coin ne vienne naitre sur tes lèvres. “ou peut-être un peu, si. Désolée” Etrange aveux. Qui en dit beaucoup tout en restant étrangement flou. Tu tends les doigts vers ton nouveau verre et le portes à tes lèvres alors que ta main libre vient pousser celui de Neela vers elle. “Je suppose que j’aurais aimé me sentir indifférente. Comme pour les autres. Mais toi c’est … pas pareil” Tu oscilles entre sincérité et protection. Tu pourrais vite t’y perdre. Tu le sens. “Je ne t’en voudrais pas de prendre tes jambes à ton cou. Pas cette fois” Nouveau clin d’oeil et nouvelle gorgée d’alcool. Au fond, c’était peut-être toi qui aurait du quitter ce bar en vitesse … Cela serait surement plus prudent pour toutes les deux. N’est ce pas ?!

Je ne sais pas trop si je m’attendais à cette question. Si elle allait vraiment la poser, s’inquiéter de savoir si j’ai quelqu’un avec qui partager ma vie. Et je suis sincère avec elle, j’aurai pu mentir, ou me contenter de répondre par la positive sans m’étaler. Mais je lui dis quand même que c’est compliqué, que ça ne fonctionne pas comme je l’espérais. J’essaie de trouver en elle quelque chose, une émotion dans son regard. Mais lorsqu’elle se mord la lèvre, je suis obligée de baisser les yeux, sentant mon coeur qui s’emballe. Ça ne devrait pas être le cas, elle fait partie de mon passé. Mais je constate maintenant que je suis en face d’elle, que le passé reste toujours là, quelque part, et qu’un petit rien peut faire remonter beaucoup de choses.
Je lui demande quand même pourquoi cette question, j’ignore ce que je voudrais entendre en guise de réponse. Elle me dit qu’elle ne sait pas, mais au fond je sais qu’elle sait. Est-ce qu’elle avait besoin d’entendre que je n’étais pas heureuse en couple, comme pour se rassurer que le mal que je lui ai fait m’est retombé dessus ? Karma. Peut-être, qui sait. Ou est-ce qu’elle voulait savoir si mon coeur était libre ? Non, ça ne peut pas être ça. « Je ne voulais pas être indiscrète … » Je ne parlerai pas d’indiscrétion, plutôt de curiosité. « ou peut-être un peu, si. Désolée » Sa franchise. Utilisée parcimonie. Que j’ai toujours appréciée, d’ailleurs. Je ne peux réprimer un sourire en coin, avant de récupérer la paille de mon cocktail entre mes lèvres, maintenant que Sana vient de pousser ce dernier en ma direction. « Je suppose que j’aurais aimé me sentir indifférente. Comme pour les autres. Mais toi c’est … pas pareil » Je la regarde à nouveau, oscillant entre cette envie profonde de plonger dans son regard, et celle de fuir pour me protéger, parce que j’ai peur de ce que je pourrai encore ressentir pour elle. « On n’oublie jamais son premier grand amour. » Elle l’a été pour moi, et je sais que je l’ai été pour elle aussi. « C’est normal. Tu seras toujours spéciale pour moi. » Un léger silence s’installe, comme si elle prenait le temps d’assimiler mes paroles. « Je ne t’en voudrais pas de prendre tes jambes à ton cou. Pas cette fois » Elle m’adresse un clin d’oeil, il n’est pas vraiment naturel, je le sens. Ça s’apparente plutôt à de la protection, une image qu’elle se donne, mais pour moi ce n’est que de la poudre aux yeux. Je sais que ce n’est pas elle. « J’ai aucune envie de prendre mes jambes à mon cou. » Par cette phrase j’attire à nouveau son regard et lui offre un léger sourire pour appuyer mes dires. « Je m’étais toujours demandé ce que je ferai, si je te recroisais un jour, par hasard. Aller boire un verre était une option. » Il y en avait d’autres. Je ris un peu, plus pour me moquer de moi-même qu’autre chose. Parce que dans certains de mes rêves, ils se passait bien d’autres choses quand on se retrouvait. « J’aimerai bien passer un peu de temps avec toi, apprendre à connaître la nouvelle Sana… enfin, si tu es d’accord, bien sûr… » Evidemment, si elle n’est pas d’accord je garderai ma vie et elle la sienne. C’était aussi une des options.

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C’est assez fou à quel point plus les minutes passent et plus tu sens le flot d’émotions en toi faire surface. Il y a de tout. Absolument de tout. Un parfait bordel dans lequel tu pourrais te perdre aisément. Ses yeux profonds croisent tes pupilles à de nombreuses reprises. Ils s’éloignent aussi tout autant. Comme les tiens. Votre danse du regard a tout d’un ballet presque rodé. Entre envie et protection, les limites sont floues. « On n’oublie jamais son premier grand amour. » Tu retiens une légère toux de surprise alors que ton verre entre en contact avec tes lèvres. Tu le laisses là, tout contre toi, comme gardien. Ton coeur vient de manquer un battement et tu as bien besoin de cette vaine contenance. Il n’y a pourtant là rien de nouveau. Rien que tu ne saches déjà. Mais de l’entendre mettre des mots concrets sur le réel de la situation, ne fait que lui donner un peu plus de rondeur encore. « C’est normal. Tu seras toujours spéciale pour moi. » Tu peux sentir ton corps se crisper et ton ventre se serrer. Pourquoi diable a-t-elle encore autant d’effet sur toi ? Elle venait de l’énoncer mais tu te refusais de croire que tu n’étais pas plus forte que quiconque. Tu t’étais si bien murée dans l’illusion depuis des années. Une illusion qu’un simple échange de sa part venait faire vaciller. Quelques secondes de silence s’égrainent avant que tu ne finisses par déposer ton verre et déglutir non sans mal. Sa dernière phrase résonnait en boucle dans ta tête. Tu étais “spéciale”. Pour quelqu’un. Pour elle. Dans quel monde pouvais-tu encore espérer que cela soit le cas ?

Tu dérapes un peu. Ton naturel se perd. Tu cherches tes marques mais sens que la fluidité de tes masques n’est plus. « J’ai aucune envie de prendre mes jambes à mon cou. » Quelques mots. Une phrase prononcée avec calme et la lourdeur d’une ancre. C’est un fait. Elle ne te ment pas et tu peux le lire en elle comme dans un livre ouvert. Cette idée te plait. Probablement de trop. Son sourire en coin n’aide pas. Si elle savait … « Je m’étais toujours demandé ce que je ferai, si je te recroisais un jour, par hasard. Aller boire un verre était une option. » Cette fois plus amusée, un petit rire s’échappe de ses lèvres. Ce son est doux à tes oreilles. Il te rappelle une époque révolue mais il étire à son tour ton visage qui s’illumine. “Il y en avait d’autres ?” Tu sourire et ton oeil frétillant ne devraient pas s’empresser d’enfoncer les portes entre-ouverte. C’était dangereux. Pour tout le monde. Mais Neela devait savoir que tu ne pouvais pas passer à coté de la perche. Tu n’aurais pas pu même si tu le voulais … . Avant toute réponse, elle enchaine, un brin plus sérieuse. « J’aimerai bien passer un peu de temps avec toi, apprendre à connaître la nouvelle Sana… enfin, si tu es d’accord, bien sûr… » Non. La réponse à donner était très clairement la négative ! Elle avait quelqu’un dans sa vie. Tu avais quelqu’un dans ta vie. Et puis surtout, tu étais dans un lamentable état de chantier. Tu n’étais pas assez forte pour t’assurer du bon déroulé de la suite. Dans un sens comme dans l’autre. Cette question, c’était ton rattrapage. L’occasion de mettre fin au danger. “Tu n’as pas peur de le regretter ? D’être déçue ?” Etrange tentative d’annoncer la couleur. L’air de rien ce n’est pas un rejet non plus, loin de là. Neela hoche doucement la tête d’un coté et comme on craque devant un chiot qui vous fait les yeux doux, tu optes pour l’irresponsabilité … “Ok. Je suis d’accord.” Tes doigts tapotent le verre ondulé de ton alcool. Ton regard l’évite, venant danser autour d’elle alors que tes lèvres ne peuvent réprimer : “J’en ai même bien envie moi aussi”

« Il y en avait d’autres ? » me demande-t-elle lorsque j’évoque les idées qui m’étaient passé par la tête quand j’avais imaginé la recroiser un jour, par hasard. Je hoche alors la tête, hésitant à répondre à la question ou la laisser simplement en suspens. « Fuir. Comme la première fois. Simplement te sourire et passer mon chemin. Entre autre. » Les autres éventualités que mon cerveau avaient créé de toute pièce étaient plutôt récentes, en réalité, depuis que mon couple bat de l’aile. Les dernière fois où j’ai repensé à Sana, je me suis même imaginé encadrer son visage de mes mains et presser mes lèvres contre les siennes, tout en espérant qu’elle ne me repousse pas. Mais je sais que cette utopie n’est possible que dans les dédales de mon imagination. Ça s’apparenterait même plutôt aux rêves, si on y réfléchit.
J’avoue à la jeune femme avoir envie de passer un peu plus de temps avec elle, si elle en a envie elle aussi. Je ne sais pas trop ce qui me prend de lui dire ça, de lui proposer de nous revoir, consciemment, et pas grâce au simple hasard de la vie. Même si je suis persuadée qu’il n’y a aucun hasard, et que si nous sommes là l’une en face de l’autre aujourd’hui, c’est pour une raison bien précise. Mais laquelle ? « Tu n’as pas peur de le regretter ? D’être déçue ? » Je penche sensiblement la tête sur le côté. Sa fausse assurance traduit sans peine son manque d’estime d’elle-même. Elle a été très destructrice envers elle même, je le sens et je me sens coupable aussi pour ça, même si ça devrait ne plus m’appartenir. Sa manière d’avoir réagi lui est propre, et pourtant. « Je crois que tu n’es pas passée sur cette route aujourd’hui par hasard. » Je pense que ça répond assez bien à son interrogation. Et je sais aussi que si je ne lui avais pas proposé de nous revoir, ça m’aurait hanté et je l’aurai regretté. Elle accepte, et je ne peux retenir un sourire ravi d’étirer mes lèvres. Je ne devrais pas me sentir aussi heureuse qu’elle accepte, et pourtant. « J’en ai même bien envie moi aussi » Ce sourire initialement plutôt discret s’étire davantage, dévoilant mes dents cette fois, pour une intention d’autant plus radieuse. « Parfait. Je te laisse mon numéro de téléphone, je compte sur toi pour m’envoyer un message pour que j’ai le tien. Et on trouvera un moment pour se voir pourquoi pas aller dîner quelque part, ou ce qui te fera envie. » Je sors de mon sac un morceau de papier - un ticket de parking - et appose les numéros les uns après des autres. Je crois que je n’ai pas besoin de préciser mon prénom au dessus. Désormais, la balle est dans son camps, et je ne compte pas insister. Si après cette entrevue elle préfère changer d’avis et ne pas donner suite, alors j’accepterai sans chercher à comprendre. Je me ferai une raison.

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« Fuir. Comme la première fois. Simplement te sourire et passer mon chemin. Entre autre. » Ah. Ton esprit déjà embué n’avait pas vraiment envisagé ces réponses pourtant évidentes. Voilà qui a l’art de te remettre à ta place l’espace d’un instant. Mais lorsque la proposition de ton ex tombe, c’est à nouveau dans une réalité impossible et glissante que tes pensées s’engouffrent. Tu tentes - du bout des lèvres - de la mettre en garde. Contre toi. Qu’elle reparte maintenant plutôt que de vous faire croire que le passé pouvait ne pas être révolu. Ce serait bien moins douloureux que lorsqu’elle se rendrait compte de son erreur. De la tienne aussi d’ailleurs.

« Je crois que tu n’es pas passée sur cette route aujourd’hui par hasard. » Le destin s’amuserait-il de vous ? De vos deux petites vies pathétiques à la dérive ? S’ennuyait-il à ce point que pour venir jouer les trouble-fêtes et remuer la soupe déjà trop cuite ? Peut-être. Ou peut-être que Neela avait raison … une véritable et noble raison a tout ceci existait potentiellement dans les limbes de vos retrouvailles. Qui sait ? De toutes façons, l’une et l’autre veniez d’invisiblement signer le pacte. Il était trop tard pour faire marche arrière et tu n’en avais plus envie non plus. Encore moins lorsque le sourire que Neela décroche vient t’atteindre en ton sein. Ce visage, ce rayonnement, … le passé te frappe en flashback de plein fouet. C’est aussi délicieux que douloureux. « Parfait. Je te laisse mon numéro de téléphone, je compte sur toi pour m’envoyer un message pour que j’ai le tien. Et on trouvera un moment pour se voir pourquoi pas aller dîner quelque part, ou ce qui te fera envie. » Tu sens ta silhouette se raidir juste un instant. La dernière fois que Sol avait trouvé un numéro de téléphone dans l’une des poches de ta veste, les choses avaient mal tourné. Neela te tend le vieux ticket de parking. Tu l’attrapes non sans frôler le bout de ses doigts. Tu regardes les numéros comme s’ils détenaient un secret en eux. Qu’ils étaient précieux. Différents. Tes iris finissent par retrouver celles de la brune. Tu hoches sobrement, sourire en coin, venant glisser le papier à l’arrière de la coque opaque de ton téléphone.
Neela termine son verre. Tu poses un billet sur la table et vous voilà dehors. Ton ex t’assure être à quelques mètres de chez elle. Tu n’insistes pas, enfourches ta bécane et disparais dans un grondement de moteur controlé.

sujet terminé