Hands on our faces ☾ Ft. Charn Darawan

De la musique dans les oreilles, des sourires pleins les pensées, il n'arrivait plus à laisser sa place, comme pris dans cette ambiance cosy qu'offrait ce genre d'endroit. Ce n'était pas étrange pour lui de s'amuser dans des bars lgbt, comme si de rien était. Il pouvait toucher un peu à tout pour s'amuser, sans avoir à se cacher. Quoi que, se cacher ? Il ne connaissait pas lui. Les regards des autres il s'en moquait, il se fichait de ce que l'on pouvait penser de lui, de ce qu'il pouvait lui arriver à l'extérieur. Profiter de la vie dans le plaisir et la luxure était sans doute la meilleure chose à faire. Les autres, il les emmerdait. C'était aussi simple que cela. Alors, une bière à la main, il s'était installé au comptoir, parlant avec tout ce qui bougeait. Personne de vraiment disponible pour passer la soirée avec lui. Mais ce n'était pas non plus une obligation. Après tout,  il était épuisé de sa journée en y réfléchissant. Appelé pour un shooting, il avait dû prendre une journée à son bar pour éviter d'avoir des ennuis, et avait dû rester des heures à attendre dans une pièce le temps que ses managers ne parlent paperasse. Et en quelques gorgées, il finit par terminer sa bière, se relevant alors sans grande envie.

Quelques sourires, des regards brillants à ceux qui l'arrêtaient sur son chemin, il laissait ses lèvres murmurer quelques mots doux aux personnes qu'il trouvait digne d’intérêt, comme une sorte de sélection avant toute chose. Il jugeait souvent sur le caractère de la personne, celles qui savaient lui tenir tête ou alors les plus naïves. C'était facile de jouer avec elles, ou alors de s'amuser dans un accord commun relié à des draps. Mais rien qui ne le faisait s'attacher. Rien du tout. Et du haut de un mètre quatre-vingt onze,  lui savait se démarquer pour attirer les regards des plus curieux. C'était ça qui le faisait vivre temporairement en dehors de chez lui. Du moment qu'il ne voyait par leurs visages, il n'avait plus cette impression d'être inutile et de ne servir à rien, ce qui était sans doute le cas de toute manière. Après tout, qui voudrait d'un gamin né d'une union interdite ? Pas grand monde. C'est ce qu'il avait cru comprendre au fil de ces années. Et malgré tout, ça lui était entré dans le crâne comme une vérité. Il ne méritait sans doute pas l'affection des autres, et faisait tout pour ne pas en avoir. Un connard entre autre.

Saluant alors tout le monde de quelques embrassades, il se dirigea vers la sortie, tout fier, un visage assez rayonnant. Ses pieds dehors, ses émotions s’effacèrent d'un coup, venant reprendre son visage froid qu'il affichait en temps normal. Pas qu'il mentait sur ses sourires. Il les utilisait juste quand cela lui semblait utile. Une arme pour charmer les gens outre son côté mystérieux. Téléphone greffé à la main, une lumière bleue qui se reflétait sur son visage dans la nuit. On ne voyait sans doute que lui à leur actuelle parmi les autres illuminations de la ville et de la voiture. L'établissement ne cherchait pas à se faire discret. Assumer et être soi-même, une devise que bien des gens devraient aborder pour ne plus avoir à souffrir selon lui. Se cacher réellement, c'était s'empêcher de vivre pour lui. Alors quitte à attirer les foudres de certains, autant vivre comme il souhaitait, tout en se faisant détester.

Ses doigts pianotaient sur son écran à la recherche d'un hôtel où il pourrait dormir, il s'était appuyé contre une des barrières juste en face du bar, sans faire attention à ce qu'il se passait autour de lui. Décompresser un peu en profitant de la détente de la nuit. Fraîcheur douce et amère caressant sa joue, il ferma doucement ses yeux pour pouvoir respirer légèrement et se retirer un peu ses idées noires de la tête. Sans doute que cela au final le faisait farder un lien avec soi-même, pour ne pas se perdre ni même défaillir ne serait-ce un peu plus dans sa manière de vivre. Le temps venu, il se redressa avant de doucement avancer sans regarder, percutant alors quelque chose qui s'était posé devant lui. Ou plutôt quelqu'un. Ses yeux se relevèrent alors sur un homme au visage bien taillé, un regard assez violent. Clignant un peu des yeux, il pencha la tête avant de reculer doucement. Il était sûr qu'il n'y avait eu personne quelques secondes auparavant. A moins qu'il ne se soit mis délibérément devant lui, ce qui ne l'aurait absolument pas dérangé en soi. "Hmm...Excusez-moi. Je ne vous avais pas vu. Si vous voulez bien m'excusez." lui dit-il alors en essayant de le contourner avec un léger rictus. Quoi que, il aurait peut-être pu essayer de charmer ce beau visage, mais étrangement, il n'était plus vraiment d'humeur, sans trop savoir pourquoi. Sans doute parce qu'il s'était aperçu qu'il allait devoir rentrer chez lui, ou alors parce qu'il allait passer la nuit seul. Tant pis. Ça ne le tuerait pas pour une nuit.

Pourtant, il appréciait particulièrement ce qu'il avait pu voir du visage du jeune homme, même dans la nuit. C'est que certaines personnes parvenaient à se démarquer des autres, même sous différentes teintes foncées et sombres. Des lèvres assez attirantes, brillantes même.  Il en faisait parti, cet inconnu. Inconnu dont il avait l'impression qu'il n'allait pas pouvoir fuir tant que ce qu'il avait prévu finalement.  

Souvent, lorsque l’on s’ennuie, on a de mauvaises idées. Comment dire que, lorsqu’on s’ennuie, en plus de se faire chier, on a des trucs qui passent par la tête. Et parfois, c’est des trucs brillants. Comme la fois où il avait décidé d’aller se faire tatouer. Ouais, c’était bien. Et puis, il en a d’autres où c’est juste des idées pourries. Mais qui, pour Charn, semblent tout à fait correct. Parce qu’il n’a pas la notion de « faire ou pas faire » comme on aime bien le dire aux gens. Pour lui, il n’y a plus de limites à respecter. Après tout, personne n’en avait jamais eu avec lui. Du respect pour sa personne, de l’amour pour son être. Alors, celle des autres, il les envoyait se faire voir. Il n’aime pas l’amour. Ça le dégoûte, ça le rend malade. Il n’aime pas les sentiments. Ça le fait vomir, lui donne la chiasse. Et puis, il en marre de ceux qui le montrent aussi. « S’assumer » et « être fier de soi ». Ouais… Mais à part vous trimbaler en jupe dans la rue pendant la gay pride avec des drapeaux, vous faites quoi de concret ? Parce que lui, il aurait bien aimé avoir ça quand il était plus jeune. Genre, que quelqu’un le voit quoi. C’est peut-être égoïste de sa part. En fait, ça l’est complètement. Mais il est sûr de ne pas être le seul à crier silencieusement à l’aide. Des gosses battus, des gosses oubliés, des gosses ignorés, il doit en exciter des millions. De quoi dégoûter n’importe qui, pas vrai ?

C’est donc avec une idée bien nulle, qu’il se retrouva à se balader dans les rues de la ville des anges. Il était sorti pour aller acheter un paquet de clopes au « tonton » et deux ou trois canettes de bières pour lui cette fois. Ouais, il avait claqué le pognon du vieux pour ses propres affaires et alors ? De toute façon, ses économies partaient toutes dans les dettes qu’il s’enquiquinait à rembourser scrupuleusement. On lui avait déjà sorti qu’il devrait peut-être se tourner vers des trucs un peu plus rentables. Mais un peu plus dangereux aussi. Ayant une certaine intégrité – une mal placée bien sûr – il avait tout refusé, continuant d’enchaîner les petits boulots pour s’en sortir. Il savait chanter, qu’on lui disait. Pourquoi est-ce qu’il ne viserait pas plus haut ? Parce que pour aller plus haut, il faut de la tune. Et de la tune, il n’en a pas. Ouvrant avec une main sa canette, il laissa la mousse dégouliner sur ses doigts avant de la porter à sa bouche pour en prendre une gorgée rapide. Puis il plissa des yeux en voyant des lumières artificielles flashis provenir d’une ancienne un peu plus loin. Ce bar gay était sur son chemin pour rentrer à l’appartement après le boulot. D’ordinaire, il se contentait de bousculer un peu violemment, voir de lancer une insulte. Mais aujourd’hui, il était de mauvaise humeur. Allez savoir pourquoi…

Rejoignant le petit groupe qui grouillait devant le bar, il but une nouvelle gorgée de sa bière avant de s’arrêter pour observer l’intérieur. Une idée folle de rentrer pour foutre le bordel lui prit. Mais fut rapidement bousculer en même temps que lui par un homme. Immense, il était, le gars. Charn releva les yeux vers lui. Un regard glacé en fait. Tandis que l’autre semblait être dans la lune. Ses excuses, il se les foutait dans le cul. Et ce rictus fut la goutte d’eau. Sans même réfléchir, le Darawan cracha sur le visage de l’homme, lui balançant la fin de sa bière sur ses pompes aussi. Je vous avais dis qu’il était de mauvaise humeur ? Et bien oui, il était de mauvaise humeur. De très mauvaise humeur. Lui jetant la canette à côté de lui, sans aucun respect pour ceux qui se trouvait autour, il lui fit un sourire aussi. Un de ceux qui, avec ses yeux furieux, rendaient tout son visage bestial. Il n’avait aucune honte, d’avoir craché sur un type comme lui. Parce que s’il était ici, c’est bien qu’il faisait parti de cette communauté qui sortait par tous les orifices du corps.

« Tes excuses, tu te les gardes, sale pédé. » lâcha-t-il en le fusillant des yeux.

Une mauvaise idée, on avait dit, de sortir. Et puis merde quoi ! Maintenant, avec son coup de gueule, il venait de perdre une moitié de bière ! C’est que c’était précieux, ces trucs-là. Ouais, mais voilà, Charn ne réfléchissait pas. Après tout, s’il réfléchissait, il ne serait pas là, à tenir tête à un mec d’au moins un mètre quatre-vingt dix, qui n’avait fait que le bousculer. Sauf qu’il l’avait bousculé devant un bar gay. Un endroit où ne pouvait se trouver qu’une seule espèce de gens. Charn n’était pas désolé d’avoir froissé un tantinet des gens autour de lui avec son insulte. Après quoi ? Ils l’auront oublié d’ici demain de toute façon ! Qu’est-ce que ça pouvait leur faire sérieux ? Ils étaient heureux non ? A se balader, totalement dévergondés, dans les rues. Des jupes sur des hommes, des femmes qui s’embrassent. Une décadence qu’il déteste. Ce qu’inspire l’individu face à lui. Peut-être qu’il n’a pas choisi la meilleure personne pour se battre ce soir. Mais, la colère, comme l’amour, ne sait pas très bien viser.

Son regard froid, il l'avait bien vu. Etrange, lui qui avait l'habitude de produire des palpitations dans le torse des personnes qu'il avait en face de lui. C'était toujours la même chose, comme s'il était destiné à ce qu'on le regarde avec des yeux qu'il n'aimait pas. Qu'il détestait même au fur et à mesure. Il avait cru pouvoir s'en sortir avec de simples excuses. Evidemment que non. Et sans comprendre, il ferma légèrement les yeux en sentant son crachat atteindre son visage censé être encore orné de son maquillage du matin. Ses yeux se baissèrent ensuite sur ses pieds, regardant l'homme vider la moitié de sa canette sur ses baskets blanches. Regard impassible, fermé à tout accord à présent. Il vint doucement essuyer de sa manche le liquide qui lui coulait sur le visage, sans faire attention à ce qu'il lui disait. Pour l'instant, tout ce qui le préoccupait était la trace humide de fond-de-teint sur sa manche. Le plus grand avait décidé de l'ignorer en regardant simplement le cirque que faisait l'homme, avant de lâcher un soupir bien audible en sa direction, lui rendant ironiquement son sourire.

"Rectification. Je ne suis pas homo mais bien bisexuel. Renseignez-vous avant si vous ne voulez pas vous faire corriger." qu'il lui dit alors en remontant finalement un peu ses manches, sentant que tout allait vite déraper avant de reprendre "Et je ne pense pas vous avoir permis de me tutoyer, si ?" articula-t-il plus sèchement.

Son corps se rapprocha doucement du sien, se fichant pas mal de son petit air menaçant. A vrai dire, il avait retiré son rictus qui pouvait sans doute en agacer certains pour afficher un air un peu plus sérieux. Pour une fois que ce n'était pas lui qui cherchait , il pouvait faire ce qu'il voulait non ? Ce n'était pas lui qui avait ouvert. Alors, venant lui lancer un regard tout aussi amical qu'il l'avait fait auparavant, venant tout doucement le pousser. Les gens comme lui, il les supportait difficilement. Il n'était pas forcément de bonne humeur depuis un moment, alors il avait fallu qu'il croise le chemin d'un imbécile sans aucune manière. Alors oui, il était énervé. Pas totalement, mais partiellement. Le détaillant un peu des yeux, il se dit que c'était dommage que ce soit toujours les belles gueules les plus grands connards. Était-ce même censé ? Il s'incluait dedans, mais à un autre niveau au final. Parce que lui n'était pas si différent d'un enfoiré. Par contre, si ce type voulait frapper des gens, alors qu'il n'hésite pas une seconde. Lui aussi voulait participer, taper, lui foutre son poing dans la figure. Il n'avait pas vraiment de raison, si ce n'est qui'il pouvait justifier par crachat dans la figure, mais passons. S'approchant alors de son oreille, il soupira un peu d'agacement.

"Arrête d'en faire tout un cirque. On va aller discuter ailleurs tu veux ? Tu pourras te défouler sur du bétail autant que t'en aura envie. A moins que sois un lâche et que tu veuilles faire ça ici. Les deux options me vont, même si je préférerais éviter de devoir bloquer le chemin à cause d'un sale type comme toi." dit-il tout bas.

Puis, il de venir lui agripper un bout de ses vêtements et de l'attirer avec lui un peu à l'écart, dans un parc silencieux pour le laisser gueuler à la mort parce qu'il l'avait souhaité si cela lui faisait plaisir. Autant que sa voix serve à quelque chose. Qu'est-ce que ça pouvait bien lui faire que les autres étaient heureux avec leurs choix de vie au final ? Pour lui, c'était un appel à l'aide pour signifier que lui même n'était pas heureux. Un con en soi qui n'allait pas le duper plus. Alors s'il voulait taper quelqu'un, et bien il n'avait qu'à le faire. Mais lui n'allait pas retenir ses coups. Il ne le connaissait pas et n'avait aucune raison de le faire pour sa part. Ça l'amusait en quelque sorte, qu'un si beau regard furieux ne vienne l'emmerder dans son petit moment de pause. Personne ne l'avait encore cherché ainsi, et c'était sans doute ça qui l'intriguait plus que tout. Ceux qui ne le traitaient pas comme un simple visage et qui lui donnait du fil à retordre. S'il avait pensé tombé sur une pauvre personne qui allait se plier en larmes à cause d'une petite insulte erronée et une paire de chaussures en moins, il s'était fourré le doigts dans l’œil pour être poli. Et d'un léger geste de la main, il lui fit signe d'approcher, s'amusant un peu de la situation.

"Allez viens. Tu m'as craché dessus pour ça non ? Je t'attends maintenant. Me fais pas plus attendre." lui dit-il en haussant un peu la voix.

Il ne ferait pas le premier pas, car tout simplement il voulait voir de quoi était capable celui qui lui avait manqué de respect pour rien du tout. Sur des suppositions qui plus est. Alors oui, il le cherchait légèrement, tout en restant poli tout de même. C'était classe, selon lui, ça faisait son charme. Calme, mystérieux, et pourtant suffisamment conscient pour connaître les limites qu'il aimait dépasser. Un léger geste de main, et il vint déboutonner quelques centimètres de sa chemise. Puis, il recala bien ses manches autour de ses coudes, faisant en sorte qu'elles ne le dérangent pas lorsqu'il devrait le remettre à sa place. Son regard se posa alors ensuite sur inconnu, lui faisant un nouveau rictus pour juste l'énerver un peu plus. Là il était prêt. Prêt à lui en faire voir de toutes les couleurs.

Homo, bi, c’était la même chose. C’était même pire. Eux, ils se permettaient de taper un peu partout, comme s’il n’y avait pas de limites. Réellement détestable. Complètement répugnant. Charn s’était retrouvé abreuvé très jeune des clichés sur les gens dans son genre. Du type à ne pas pouvoir garder sa bite dans son caleçon. La pire espèce. Gardant son regard glacé sur lui, il ne sourcilla même pas en le regardant retirer son make-up. A parce que, en plus, il faisait parti de ses tarlouzes qui se maquillent ? Il avait décidemment tout ce qu’il fallait pour ne pas se faire aimer du Darawan lui. Il trouvait ça tellement honteux, tellement dévalorisant de devoir se maquiller. C’était comme camoufler sa masculinité. Et pour lui, c’était impensable. Il ne réagit même pas à sa petite secousse, ne le quittant pas des yeux. Couper le contact en premier avec ce genre de gens, c’était s’avouer faible. Un faible face à une tapette. Ooooh non, ce n’était définitivement pas Charn. Pourtant, lorsque l’autre s’approcha de son oreille pour lui dire quelque chose, il eut un mouvement de recul. Pas de peur non. De dégoût oui. L’écoutant en grinçant des yeux, il le fusilla du regard.

« Lâche ? Ce serait plutôt toi, la tapette dans cette histoire. Vas-y, fait-moi voir comment une pédale tape. »

Déjà, il le tutoyait comme il voulait. Il se prenait pour qui d’abord ? Un mannequin d’une marque de parfum internationale ? Il fallait redescendre sur terre un peu. Et puis, même si c’était le cas, il était comme tout le monde. Humain, malgré sa belle gueule et sa taille. Et puis quoi encore ? Il allait lui sortir une artillerie de drag queen prêtes à le saupoudrer de paillettes ? Non mais franchement. Il fallait qu’il apprenne un peu comme on se battait dans le coin. Ce n’est pas comme si Charn avait déjà essuyé plusieurs dérouilles de mecs de la boîte. Mais la leçon ne rentrait pas. Et même, ce genre de comportement ne lui donnait envie que de le faire encore plus. Juste pour les pousser à bout. Les accuser de tous ses maux. Ça le défoulait, ça lui permettait d’extérioriser. De la pire manière possible. Mais on fait ce qu’on peut avec ce qu’on a. Surtout à son niveau de vie. Plus on sombre, plus on a envie de sombrer.

Il se laissa entraîner, resserrant simplement sa main sur le sac en plastique qu’il tenait. Ses phalanges en étaient banches. Il voulait tellement lui exploser sa jolie gueule. Il voulait lui faire comprendre que ce genre de réponse n’était pas ce que l’on attendait. En plus, il le provoquait. Comme s’il n’était pas assez dans la merde. Bouillonnant de l’intérieur, Charn sentait son propre pouls s’accélérer. Il perdait complètement le sens de ses émotions, et, comme à chaque fois, se laissait submerger par la vague de sentiments négatifs qui le caractérisaient si bien. Il était construit comme ça. C’était sa définition. Il était une mauvaise onde ambulante. Impossible de l’approcher sans le sentir. Et il le laissait personne s’approcher d’ailleurs. Hors de question. Balançant alors son sac contenant le reste du pacque de bières et les cigarettes sur vieux sur le mec en face de lui, Charn retira alors sa veste pour se jeter à son tour sur lui. Il lui envoya son poing dans la joue, avant de lui saisir le col pour l’obliger à se baisser, son genou rencontrant son estomac sans aucune délicatesse. Puis il lui saisit les cheveux pour l’envoyer à terre. Il l’avait eu, sa baston.

Bien sûr, il s’attendit à la riposte. Ne prenant même pas la peine de se protéger le corps des coups, il contrattaqua. Cela ne ressemblait pas à une combat de mecs super-entraînés comme on pouvait le voir à la télé. Nan, là, c’était une bagarre de merde, de rue, entre un type en colère et haineux et un qui voulait se la jouer caïd. C’était débile en un sens. Totalement débile. Mais, alors que Charn sentait ses muscles et sa peau commençaient à tirer à cause de l’effort et des coups, il se sentait aussi étrangement vivant. Il pouvait se rendre compte qu’il existait réellement. Et qu’il n’était pas l’ombre d’une personne, bonne à simplement payer des dettes et squatter comme un parasite dans un petit appartement. Non, il pouvait reprendre ses esprits. Et même, un sourire lui monta doucement au visage, étirant le coin de ses lèvres. Ses yeux étaient toujours figés dans le froid des glaciers. Mais il bouillonnait. Son cœur ne battait pas. Il pompait son sang pour le faire vivre. Mais c’était tout. Le repoussant alors brutalement après avoir essuyé un nouveau coup, il cracha sur le sol, s’essuyant ensuite la bouche en le fixant.

« Alors ? C’est tout ce que tu as ? le provoqua-t-il avec hargne. Tu mérites même pas mes premiers coups, connard. »

Comme pour le pousser un peu plus à bout, il ouvrit les bras, prêt à recevoir la suite. Il devait avoir l’air fou. Complètement illuminé dans la nuit de Los Angeles, complètement taré avec son sourire et l’ecchymose qui grandissait sur sa joue. Mais il en était fier. Il en était putain de fier de pouvoir dire qu’il se battait avec un enculé qui ne pouvait pas s’empêcher de crier à tout le monde qu’il était fier de fourrer des culs pour le plaisir. Un ricanement lui échappa même. Souvent, le « tonton » lui avait dit que la hyène le représentait bien : un animal hargneux, farouche, qui rongeait les carcasses jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien. Dont le rire, effrayant, attirait le malheur et la mort. Il était comme ça alors, Charn : psychopathe, au point de se relancer dans la bagarre sans même hésiter.

Esquivant le sac que lui balança l'imbécile à la figure, il observa légèrement le pack de bière exploser, se déversant sur le sol, tandis que le corps plus frêle de l'homme en face de lui se jeta sur lui, comme pour en démordre enfin. Il l'avait fait attendre, ce sang chaud qui apparemment n'aimait pas les provocations. Un poing dans la joue, puis les genoux au sol, il sentait les coups passer malgré tout, fier d'avoir engendré tout cela face à seulement un idiot de service qui avait besoin de se défouler. C'était assez amusant de voir qu'il avait réussi à le faire plier si rapidement. Sans doute parce qu'il n'avait pas encore riposté au final. Se remettant sur ses jambes, il se lança à son tour sur lui, son poing atterrissant dans sa mâchoire, tandis qu'il essayait de le mettre au sol. Etre grand, ça avait certains avantages en réalité, mais dans une bagarre aussi ridicule que celle-ci, nul besoin de chercher bien compliqué, du moment que les coups étaient francs et stratégiques. Alors il rentrait dans son jeu, se défendant par moment en répliquant. Parce que oui, il ne comptait pas non plus se laisser faire.

Visage haut, lèvre complètement fendue et joue éraflée, tout s'enchaînait. Entre coup, sourire pris par le plaisir d'un contact assez brusque et violent, il s'amusait à ressentir toutes ces douleurs. Masochiste ? Pas vraiment. Juste le plaisir de pouvoir communiquer par les poings et lui exprimer sa façon de penser. Ses mains agrippaient ses vêtements pour l'attirer à lui, lui plantant ses poings dans le ventre. Et quand ce fut fait, il le laissa se reculer après avoir été poussé violemment, le regardant alors devenir complètement fou. Ses jambes tremblaient doucement d'excitation, laissant sa langue naviguer doucement sur ses lippes ensanglantées. C'était complètement différent des type qu'il avait pu rencontrer. Lui, était tout simplement fou. Un psychopathe si l'on voulait. Tout ce qu'il aimait. Essuyant doucement son visage, il ne put que sourire un peu en coin en l'entendant rire après de telles paroles. Charmant. Non mais vraiment. Qui aurait pu croire qu'une tête aussi belle pouvait se révéler être un véritable connard en réalité ? Pas grand monde. Même lui y avait cru pendant quelques secondes. Le voyant ouvrir les bras, il rigola légèrement, prêt à sortir le plus haut de son humour ironique.

"Tu veux que je t'enlace ? Fallait le dire plus tôt tu sais ? Pas besoin de tout ce spectacle pour juste un câlin !" balança-t-il alors avant de s'approcher tout doucement, remontant encore une fois ses manches, prêt à s'en reprendre une.

Ses provocations, il les appréciait particulièrement, alors il n'hésita pas à lui sauter dessus pour riposter, s'amusant à venir lui asséner des coups tout en se prenant les siens dans la figure. Respiration haletante, sueur au front se mélangeant à l'odeur de son parfum. Tout allait si vite, tellement qu'il n'attendit pas longtemps pour lui en remettre un coup au visage avant de doucement se reculer de lui pour secouer un peu sa main aux phalanges ensanglantées.  Regardant alors doucement en l'air, ne faisant même plus attention à celui qui avait l'air un brin complètement attardé. Enfin, il était un peu comme lui au final. Il appréciait taper sur les autres, et surtout ceux qui l'emmerdaient particulièrement. C'était assez ironique en vérité de se retrouver ainsi, dans cette situation. Mannequin populaire et serveur de bar qui finissait à se taper dessus avec une belle gueule complètement insupportable. Mais c'était les meilleurs, les petits cons comme lui. Et s'il s'écoutait, il se mettrait en tête de le remettre en place et de faire son éducation. Personne ne le lui avait interdit après tout, même si celui en face de lui ne serait sans doute - même absolument - pas d'accord. Lui lançant un vague regard froid et blasé, il étira sa nuque tout doucement, puis son dos douloureux. Encore un truc qu'il devait gérer, ses douleurs de dos et d'épaules. Mais passons, pour le coup il avait mal partout, et ça lui plaisait plutôt bien.

"Tu te défends plutôt bien pour un petit con...Amusant." dit-il alors en souriant plus discrètement, avant de reprendre un air faussement amusé.

Puis, sans attendre, il l'attrapa par les épaules en se rapprochant de lui, avant de le balancer au sol, se mettant à califourchon sur lui pour lui envoyer des coups au visage, un brin amusé. Un connard complet, oui. Sans doute que ce n'était pas du jeu, mais lui appréciait plutôt la vue, il fallait se le dire. Son rire précédent ne l'avait aucunement fait flippé. Au contraire. Il appréciait l'effort mis dans ce combat, mais le jeu était fini. Un regard plus sérieux, essayant de le transpercer avec, il vint tenir fermement ses bras dans ses mains, essayant de contenir les coups qu'il lui donnait. Après tout il pouvait bien essayer de se défendre mais comme ça, il lui semblait plus inoffensif qu'autre chose. Soupirant un bon coup, même s'il appréciait mettre son poing sur sa figure, il se retint pour essayer un coup. Il avait beau lui en donner, tant qu'il ne le ferait pas chavirer sur le sol pour lui exploser la mâchoire, il n'avait pas beaucoup de chance d'y arriver. Prenant alors cette dernière entre sa main, il serra doucement en enfonçant ses doigts dans ses joues, soutenant son regard.

"C'est bien marrant tout ça, mais si t'aime pas voir des types comme moi, vient pas leur chercher des noises devant des bars." qu'il lui dit alors franchement avant de reprendre, "Mais bon j'imagine que si t'aime juste taper sur des gens on peut faire ça pendant toute la soirée." rigola-t-il un peu avant de relâcher un peu sa prise sur lui.

Pour le coup, il lui donnait une opportunité de le frapper et de pouvoir le renverser, mais s'il ne la saisissait pas il n'allait pas se gêner lui. Et les coups partaient doucement, tandis que le stress posé sur ses épaules diminuait. Il avait l'impression lors de ces moments de ne plus sentir la pression de son boulot, ni même de son entourage. Alors au final, un peu de contact comme celui-ci le faisait se sentir différent à bien des niveaux. Pour une fois qu'on ne le traitait pas comme un visage mais comme une personne, il ne pouvait pas faire semblant de ne pas être un peu heureux.

Putain, il le détestait. Son humour pourris, sa dégaine de prince, son air de victoire. Tout ce qui donnait envie au Darawan de lui écraser encore un peu plus le nez, voir même de lui casser. Il n’aurait aucun remord. Et encore moins si celui qui se trouvait être en face de lui avait dû succès. Il serait ravi de dire que c’était lui qui avait fait ce chef-d’œuvre. Tout chez lui méritait de se faire démonter. Charn n’arrivait sans doute plus à penser correctement. Mais avait-il seulement pu le faire une seule fois dans sa vie ? Après tout, on ne lui avait jamais laissé la possibilité d’être épanouis, d’être heureux, aimé comme tout le monde. Même l’homme en face de lui devait avoir reçu une expérience d’amour. Une relation, une famille, un animal de compagnie, n’importe quoi qui donne un peu de réconfort. Alors que lui, Charn, se retrouvait à se débattre dans un flot d’émotion que rien ne peut stopper maintenant. C’est trop tard. C’est beaucoup trop tard pour lui. Crachant alors par terre, allant s’essuyer le coin de sa bouche devenue pourpre de son propre sang, il ne répondit à l’autre que par un regard assassin. Ses provocations marchaient. Et cela énervait encore plus Charn, de savoir qu’il était réceptif à ce genre de choses.

Les coups recommencèrent. Et il se défendit avec toute la rage, mélangé au début de fatigue qu’une telle activité provoquait. Mais cela ne le rendait que plus hargneux, que plus fougueux. Il avait perdu ses esprits, complètement. Il était bien loin de se laisser faire. Même s’il fallait se rendre à l’évidence que l’individu en face de lui était bien plus mastoc que lui, plus grand aussi, ce qui était perturbant. Il ne le connaissait ni d’Eve ni d’Adam, mais il était sûr qu’il n’éprouvera pour lui qu’un profond sentiment de haine jusqu’à la fin. C’était sûr. Jamais, au grand jamais ! Il ne pourra accepter ce genre d’individu dans sa vie. Il était dégueulasse, dans tous ce qu’il faisait. Ou alors, au contraire. Il était tout l’opposé de la personne de Charn. Il devait peut-être être quelqu’un d’honnête, un peu sang-chaud, mais qui ne faisait que s’occuper de ses affaires sans faire de mal. Et lui, le Darawan, avait sauté à pied joint dans son confort, jouant le rôle détestable. En un sens, il en était heureux. Parce que c’était ce qu’il cherchait à faire. Il n’était pas gentil. Il n’était pas agréable. Et il ne souhaitait jamais l’être. Etre faible, voilà ce que cela signifiait, la gentillesse.

Il allait répliquer à sa deuxième remarque, mais ce fut trop rapide pour qu’il puisse dire quoi que ce soit. En un éclair, il se retrouva au sol, suffocant légèrement du choc dans son dos. Puis il sentait un poids sur lui, qui l’empêchait de se redresser. Par réflexe, il plaça ses avant-bras devant son visage, tentant par ce geste de se protéger un peu de l’attaque. Mais il ne put tenir bien longtemps, la régularité de l’assaut l’affaiblissant toujours un peu plus. Et il tenta de répliquer. Un geste bien idiot, vu la position dans laquelle il se trouvait. Il était clairement désavantagé. Pour retourner la situation, il faudra qu’il soulève cette masse humaine qui s’était confortablement installé sur lui. Et même si Charn était plutôt normal, physiquement parlant, il devra tout de même attendre le moment opportun pour le retourner, et ainsi reprendre un avantage. Ses bras furent alors bloqués, son visage pressé méchamment. Il regarda l’autre dans les yeux, le tuant et l’insultant de tout avec son regard. Il osait lui faire une leçon de moral en plus ? Il se prenait vraiment pas pour de la merde, ce type. Mais qui était-il simplement pour dire quoi que se soit à son sujet ?

« Va te… faire foutre… » arriva-t-il à articuler, commençant à se débattre pour le faire lâcher.

Ses bras et son visage furent alors relâcher pour se refaire attaquer. Mais cette fois, il ne laissa pas les choses lui échappait des mains. Appuyant fermement ses pieds sur le sol, ainsi que paumes de mains, il se souleva, lui ainsi que l’autre, se tournant alors en lui saisissant son haut, l’envoyant par terre à son tour. Certes, la chute avait dû être moins impressionnante que là sienne, et il ne devait pas être aussi essoufflé par le choc dur du sol contre ses organes. Mais au moins, Charn pouvait de nouveau sentir son ventre libéré et cela n’avait pas de prix. Il lui infligea deux coups dans le nez à la suite avant de se relever, s’écartant de lui pour qu’il ne lui fauche pas les jambes. De nouveau, il s’essuya le menton, se demandant comment il allait expliquer ça au vieux. Puis il se rappela qu’il n’avait pas de compte à lui rendre. Il n’avait de compte à rendre à personne.

« Ne refait plus jamais ça… Ou je t’arrache les dents. »

Quelque chose d’étrange s’était passé dans son corps. Il avait ressenti un truc étrange, alors que l’autre était monté sur lui, à califourchon sur sa personne. Avec une grimace, il préféra reléguer cette sensation à du dégoût. Oui c’est ça. Il était dégoûté de lui, parce que l’autre était tout simplement répugnant. Répugnant et un vrai connard. Un mec à ne pas approcher. Alors pourquoi est-ce qu’il avait visé cette tête là, hein ? Peut-être parce qu’il était celui qui lui était rentré dedans en premier. Oui, c’était pour ça. Totalement pour ça, et pas pour autre chose. Il était prêt à se noyer dans son propre sang plutôt que d’avouer quelque chose d’autre. Puéril et idiot. Mais personne ne lui avait appris à agir autrement. Il savait très bien que l’autre allait se relever aussi vite. Alors, il lui balança un peu mollement la première chose qui lui passa sous la main. Soit le couvercle d’une poubelle.

« Tu sais quoi ? dit-il enfin, un léger ricanement lui échappant. J’aurais même pas dû t’offrir de mon temps. Un enculé comme toi mérite pas les précieuses minutes de ma vie de merde. »

Maintenant, il fallait qu'il rachète des bières et des cigarettes. Bordel, mais quel con il avait en face de lui.

Regard assassin qui lui l'amusa plutôt bien, il laissa son visage se pencher un peu au dessus du sien en l'observant. Il avait desserré sa prise, comme pour le laisser s'amuser un peu. Ce n'était pas qu'être en position de supériorité ne lui plaisait pas, bien au contraire, mais il voulait voir ce que ce gamin avait dans le ventre. Insulte qui au lieu de le blesser ne le fit que rire un peu plus, il haussa un sourcil, avant de se sentir propulser et valser, tiré par son haut vers l'avant. C'est que c'était assez impressionnant, de voir un gabarit comme lui avoir une force pareil. Leurs carrures étaient bien différentes, et pourtant il faisait des efforts pour essayer de se montrer plus fort que l'autre. Pari risqué de vouloir voir ce qu'il avait dans le ventre au lieu d'arrêter de faire le malin. Corps contre le sol, tête heurtant la surface en dessous de lui, il sentit la valse se passer tout du long de son corps, dans un léger gémissement. Loin d'être agréable mais il trouvait tout de même cela divertissant, lui qui ne s’était jamais autant sentit vivant que dans les poings et les contacts physiques.

Faible sourire au visage qui se transforma pourtant en une grimace des plus stridentes. Deux coups bien placés au visage. Nez qui craqua sous ses poings. Le noiraud se plia en deux, larmes aux yeux dans une douleur infâme. Il les avait sentit passé, et pourtant il savait qu'il allait en entendre parler pendant un moment. Trace de cette soirée qu'il allait devoir camoufler pour ses photoshoots mais aussi son boulot au bar, il allait sûrement passer par un interrogatoire auprès de sa sœur, tandis que son père allait le démonter devant tout le monde pour le passer en dérision comme il savait si bien le faire. Quelle ironie du sort, lui qui aurait préféré se casser tout, du moment que ce n'était pas au visage. S'essuyant tant bien que mal son nez ensanglanté, il respirait rapidement comme pour faire vite passer la douleur insoutenable. Pour autant, cela ne l'empêcha de trouver les mots du plus petits hilarant. Il aurait sans doute dû le prévenir qu'il avait un truc pour les mains, et que s'il essayait de toucher à ses dents, il finirait par les lui mordre dans tous les sens du terme. Surprise sans en être vraiment une, il se redressa faiblement sur ses jambes, essayant d'arrêter le saignement de son nez.

Gamin à n’en plus finir, il l’observa lancer le seul objet qui lui passa sous la main, c’était à dire un couvercle de poubelle. A croire qu’il n’avait que cela à faire. Entre l’un qui rigolait pour un rien et l’autre qui se mettait à lui lancer tout et n’importe quoi sous la main, ils n’en avaient pas fini de cette soirée. Bientôt, ils allaient se rouler par terre pour faire une bataille d’herbe dans la plus délicate des douceurs. Autant dire que c’était juste ridicule, de devoir éviter aussi facilement un pauvre couvercle d’une poubelle qui n’avait rien demandé. Tête tournant un peu sous la douleur, il s’approcha tout de même en écoutant son pauvre discours de môme tourmenté. Il se fichait pas mal de savoir tout ça. Lui qui avait le don d’apprécier les types les plus cons du monde, il fallait se dire que l’envie de le voir plier et succomber aux plaisirs tels qui les connaissait était grande. Un petit con comme luin il ne pouvait que vouloir lui apprendre la vie, et si cela commençait par devoir lui foutre son poings dans la figure, alors il n’hésiterait pas une seconde.

”Dommage...Pourtant tu vas encore devoir attendre. J’aimerais moi aussi t’offrir un souvenir de moi, pour ne pas que tu m’oublies trop vite tu sais... Ce serait dommage non ? Un connard comme toi va être ravi de pouvoir en avoir un. T’as beaucoup trop de chance.” qu’il lui lança alors.

Et de pas fermes et décidés, lâchant son nez, il finit par se jeter sur lui et lui enfoncer son poing dans le visage, comptant lui aussi lui fendre une lèvres bien plus profondément ou rendre son nez bleu violacé. Il venait de lui pourrir des semaines de boulots cet imbécile, alors il ne voyait pas pourquoi il ne pourrait pas faire pareil après tout.  Donnant donnant. Et c'était bien le cas. Secouant un peu son poing dans le vide après son coup, légère douleur aux phalanges il le fixa avant de revenir essayer d'essuyer le sang qui dégoulinait sur son visage. Il espérait que comme cadeau de fin de soirée celui-ci lui convienne, car après tout, il était pas mal celui-là. Le regardant à moitié, lui et son visage d'emmerdeur encore plus beau, il croisa un peu les bras, se demandant bien ce qui allait lui tomber dessus cette fois-ci. Des vêtements ? Des cailloux ? Tout ça parce qu'il s'était laissé être rentré dedans. Le noiraud était sûr que si ça n'avait pas été lui, ça serait tombé sur quelqu'un d'autre. A croire qu'il ne cherchait que les ennuis depuis le départ. Soufflant un grand coup, venant un peu s'étirer en faisant doucement, il renfonça ses pieds dans le sol en un léger sourire de satisfaction.

"Content de ton cadeau ? T'es qu'un petit con qui connait rien à la vie pour agir comme ça. C'est dommage pourtant t'as une belle gueule mais le caractère suit pas, qu'il lui dit alors avec une légère moue, un peu déçu tout de même, T'as fini de t'amuser ? On peut retourner à nos petites occupations ? Ou alors tu veux qu'on refasse un tour et gâcher un peu plus de ton précieux temps ?" qu'il soupira alors en venant passer une main dans ses cheveux.

Question existentielle de ce combat ridicule : jusqu'à où voulait-il aller. Car si son but était de ne plus pouvoir se relever l'un l'autre, ils étaient bien partis. Personnellement, ça ne le dérangeait pas, il n'avait rien à faire de sa soirée de toute manière, alors autant en profiter encore un peu. C'était amusant de voir à quel point il pouvait être endurant. Et c'était pour le mieux. Frottant doucement sa main, il le regarda un peu de travers avant d'ouvrir un peu sa chemise. Beaucoup trop chaud. Normal, après tout il se divertissait plutôt bien avec celui qu'il avait devant les yeux. Et lui sauter dessus était plutôt une option tentante en y pensant.  Mais peut-être que pour une première rencontre, il allait s'abstenir. S'abstenir de s'amuser un peu plus.

La douloureuse sensation qui se répandit dans sa bouche lui fit tourner la tête. Œil pour œil, dent pour dent. Si l’autre avait le nez pété, Charn avait l’impression qu’il venait de perdre des dents. Ses yeux se révulsant un cours instant, il se laissa tomber en arrière, se retenant faiblement à se qu’il pouvait. Sa main se porta à sa bouche, découvrant un liquide carmin sur ses phalanges. La langue glissa doucement sur sa dentition, tentant de voir s’il avait perdu une canine dans la bataille. Mais non. Aucun dommage. Juste du sang qui s’écoulait d’une gencive ouverte. Son regard noir se releva vers l’autre jeune homme. Lui aussi, il dégoulinait. Avec dédain, sans le quitter des yeux, Charn cracha par terre, rejetant le sang qui lui obstruait les lèvres. Il ne pourra pas dire que cette soirée était ennuyeuse. Même s’il était sûr que le « tonton » ne lui en tiendrait pas rigueur (parce que la jolie gueule cassée de Charn lui avait toujours plu), cela faisait royalement chier le concerné. Pourtant, dans la bagarre, il était désormais à égalité. Restant silencieux, le souffle hachuré et embrouillé, le thaïlandais se redressa, inspirant doucement. Sa folie, brûlante et rageuse, continuait de pulser dans son torse comme un feu liquide, rayonnante froidement dans ses yeux.

« Tu veux qu’on parle de mon caractère ? T’as vu le tien, connard ? répliqua-t-il un peu plus mollement. Laisse-moi rire ! »

Ses oreilles sifflaient un peu. Et il secoua la tête pour se reprendre tapant l’une de ses tempes pour faire passer le bruit. Sa tête ayant cognée tout à l’heure, il était sûr d’en être affecté. Un peu étourdi, sur les nerfs, énervé par la douleur et la rancœur. Presque, à deux doigts, d’aller le voir et de lui refoutre un coup dans le nez pour qu’il lui rendre la pareille. Mais déjà, son sang enflammé en avait assez. Il le haïssait. Mais son propre corps souffrait assez. Son dos devait être recouvert d’un long bleu, son visage aussi. La beauté avait-il dit ? Qu’est-ce qu’il pouvait bien trouver de beau ? Lorsqu’on est pourris jusqu’à la moelle, il n’y pas de jolies yeux pour combler la noirceur de l’âme. De la paume de sa main, il essuya son menton, en laissant une trace sur sa peau cuivre. C’est que ça tâchait en plus, cette merde. Un sourire en coin étira sa joue alors qu’il releva les yeux vers lui.

« Tu parles trop. Tu te la joues trop. Et tu tapes comme un pd. (Son sourire s’élargit, n’atteignant pourtant pas ses yeux.) On en a finit pour ce soir ouais. »

Et heureusement sans doute, car des voix résonnèrent derrière eux, se rapprochant avec rires et cris. Un groupe de jeunes qui s’arrêta en voyant la dégaine des deux débiles qui venaient de se foutre dessus sans aucune raison. Foudroyant du regard l’autre, Charn se détourna, traversant les individus qui s’écartèrent, quelque peu surpris et impressionnés. Puis, ils passèrent leur chemin, car ce n’était pas si étrange que ça les confrontations de rue. Même, c’était plutôt courant, banal. Charn, remonta la rue, entrant dans la première superette pour racheter des bières et des cigarettes. Le caissier fixa un instant le tracé rouge sur son visage, mais n’osa rien dire. Il était indécemment tard et les histoires des gens restés entre eux. Chacun pour soi et tout le monde sera bien gardé. En tournant la tête, Charn aperçut un échantillon de parfum sur le coin. La dernière mode pour homme. Un rire lui échappa, faisant sursauter le cassier qui lui scannait ses articles. Sa putain de gueule était donc partout. De sa main ensanglanté, il prit l’échantillon, le rajoutant à ses articles avec un « rajoute-moi ça ». Et il ressortie, sale et fatigué, blessé et toujours autant en colère. Il venait de détruire le nez bien droit d’une égérie de parfum. Oh bordel, qu’il était fier ! Actionnant le produit devant lui, il renifla doucement avant de grimacer. En plus, elle pue cette connerie.

Il reprit le chemin vers chez l’ami de son père, n’osant pas s’ouvrir une nouvelle bière de peur de la gâcher. Une fois arrivé à Little Tokyo, il hésita un instant à jeter l’échantillon à la poubelle. En plus, il avait les yeux charmeurs de l’autre connard dessus. Mais il ne le fit pas. A la place, il rentra dans l’immeuble. Il découvrit une jeune fille par terre, croulante sous l’alcool sans doute, qui tentait de se relever en marmonnant des paroles incompréhensible. Demain, elle ne s’en souviendrait pas. Alors Charn l’aida à se tenir droite, l’amenant jusqu’à son étage où il toqua à la porte de son appartement, avant de s’éclipser. Dans les escaliers, il entendit la porte s’ouvrir et des voix – du japonais sans aucun doute – qui s’exclamèrent de l’état de la jeune demoiselle. Devant sa propre porte, il l’ouvrit. Une odeur de renfermé lui taquina les narines, alors qu’il alla poser les cigarettes sur la table et les canettes dans le frigo quasiment vide. Puis il déposa l’échantillon de parfum à côté de l’étui de sa guitare, s’ouvrant une bière en regardant avec hargne les yeux de Haru Satou. Il but une gorgée avant de donner une pichenette sur l’objet qui tomba délicatement sur le sol.

« ควายสายพันธุ์ » (Espèce de buffle.)