surprise ! je couche avec ta mère - seanen

Un jour comme les autres. Tout ce qu’il y avait de plus normal, dans la vie de cette jeune femme des plus émerveillées, heureuses. Elle aurait pu sautiller et gambader dans les champs si cela n’était pas dangereux avec sa cécité. Mais encore une fois, elle avait l’occasion de passer du temps avec Gloria, la seule, l’unique, la merveilleuse Gloria. La femme de sa vie, la femme de ses rêves. Elles avaient passé quelques moments des plus délicieux, la veille, l’avant-veille, et en ce soir qui s’annonçait bientôt, les couleurs du ciel changeant, sans qu’elle ne puisse les déceler, elle se savait prête à participer à une soirée d’une toute autre envergure. Parce que Gloria avait une représentation assez tard, dans une ville voisine. Elle devait passer la chercher quelques temps avant, et l’emmener, tandis que son mari et ses enfants apprendraient qu’elle « passerait la nuit à l’hôtel pour éviter tout accident ». En effet, c’était le genre de soirée qui se terminait dans l’alcool. Et il était plus prudent de réserver une chambre pour ne pas se retrouver, airbag sur le visage, et mort dans l’âme.
Sauf que ce moment, cette soirée, allait être leur façon de se donner l’une à l’autre, encore. Elles ne pouvaient pas le faire tout le temps, une mère de famille s’absentant chaque nuit devenant fait bien trop suspect, au grand désarroi de la syrienne.
Mais en ce jour,  elle ne rêvait plus que du moment où elle enfilerait sa robe de soirée, aidée par sa belle, avant de se jeter dans la voiture, et de lui voler baisers sur baisers. Pour cette occasion, Bongo était déjà entre de bonnes mains, Blair ayant accepté de s’en occuper. Il aurait été très peu responsable de laisser son chien tout seul, pauvre toutou. Mais il ne pouvait pas l’accompagner là où elles allaient.

C’était le pur bonheur.
Et cela se ressentant dans son travail, puisqu’elle était guillerette, chantonnant presque à chaque fois, attirant l’attention des clients qui blaguaient en lui demandant si son copain ou sa copine l’avait demandée en mariage. Elle était un peu jeune pour cela, mais elle répondait juste Je ne vous dis paaaas. Avec une petite voix qui faisait bien rire. Elle ne réfutait pas l’existence d’un copain, ou d’une copine. Puisqu’elle avait souvent besoin de parler de ses sentiments, pour Gloria. Mais elle ne pouvait pas parler de leur relation. Alors elle avait inventé de toutes pièces cette « personne mystérieuse » qui prenait de son temps, et de son cœur. Et si cela la faisait rire de savoir que certains l’imaginaient avec un homme, ce qui ne pourrait jamais arriver – avec une autre femme que Gloria non plus, cela n’arriverait jamais –, c’était encore mieux d’en rire avec sa belle. Belle qui ignorait complètement ses sentiments à son égard. Belle à qui elle voulait tant dire, sans pour autant en avoir le courage, la peur en ventre de se retrouver éconduite, la peur au ventre de lui briser sa vie.
Et elles buvaient souvent en se racontant les histoires que le petit ami, ou la petite amie imaginaire de Jezabel pourrait bien faire.
C’était un petit délire. Bien sympathique.

Son dernier client satisfait, doigté impeccable pour l’aider à se débloquer le dos, et à se soulager, elle rangea ses affaires avec le plus de précaution possible, comme à son habitude. Aveugle, elle était un peu chouchoutée, et personne ne touchait à ses affaires. On l’aidait, quand on pouvait, à lui redonner son sac, à lui tendre sa canne. Elle savait pourtant très bien s’orienter dans son petit espace perso, ce salon dans lequel elle recevait chaque homme, chaque femme. Elle savait parfaitement se diriger, puisqu’elle connaissait ce lieu comme sa poche, chaque recoin, chaque angle, chaque toucher, chaque sensation. Elle savait qu’il y avait un petit affaissement au niveau du sol, qu’il y avait un miroir en face d’elle à chaque fois, et qu’elle pouvait sentir la délicatesse du bois des meubles. Il s’agissait, après tout, d’un spa de luxe, dans un hôtel tout aussi luxueux. C’était tout à fait normal d’avoir de la qualité, et elle était ravie d’en profiter.
Même si elle n’avait pas les privilèges des clients. Elle avait parfois une chambre, qu’elle payait, mais dont elle profitait. Une belle chambre, avec un grand lit, dans lequel Gloria et elles s’envoyaient en l’air, et s’envoyaient des baisers, des caresses des plus sensuelles, et des murmures des plus doux.
Mais ce n’était que temporaire. Une fois de temps en temps.

Canne en main, passant au peigne fin le sol pour être sûre de ne pas marcher là où il ne fallait pas, pour être sûre de ne pas tomber, ou de ne pas gêner quiconque passerait près d’elle, elle se dirigea vers le hall de l’hôtel, d’un pas assuré, tout en souhaitant une bonne soirée à quiconque le lui souhaitait. Elle connaissait beaucoup de personnel, dans cet endroit merveilleux. Et chacun était attendrissant au possible, toujours prêt à lui venir en aide, et à ne pas la voir juste en une handicapée de plus.
Parvenant à la porte la séparant du reste du monde, elle allait l’ouvrir lorsqu’elle sentit cette porte se pousser, sans qu’elle ne puisse rien faire. Un client qui entrait ? Un travailleur qui reprenait ? Elle se poussa gentiment, s’excusant immédiatement Désolée… je… « ne vous avais pas vu » Un petit sourire satisfait. Elle ne se rendait pas compte qu’elle venait de faire une blague minable sur sa cécité.
Néanmoins, cet inconnu n’était décidément pas des plus communs, puisqu’elle put entendre, à ses pas immobiles, à sa respiration lente, qu’il ne bougeait pas. La dévisageait-il ? Ou était-ce autre chose ? Dans le doute, elle lâcha un petit Oui ?, espérant ne pas avoir blessé cette personne. Ou vexé cette personne.

Il y avait quelque chose. Quelque chose de trop puissant, dans son cœur, dans celui de Gloria. Un amour qui naissait, qui semblait si fort, trop fort pour elles. Et la jeune syrienne ignorait tout des sentiments de Gloria. Elle ne se pensait pas capable d’attiser les flammes de son cœur, et se pensait simple façon de se distraire, passade amoureuse. Elle ne disait rien, elle ne révélait pas ses sentiments, justement à cause de cette peur qui s’insinuait dans son esprit. Celle de n’être, finalement, qu’une amante sans que l’amour ne frappe. Elle aimait sincèrement Gloria. Cette dernière avait son âme, son cœur, son esprit, son corps. Elle était dans ses pensées, toujours. Elle était celle qu’elle voulait, sans se penser capable de l’avoir. Elle n’était que trop jeune… face à la famille de son aimée. Elle ne voulait pas tout détruire, elle ne voulait pas saccager la vie de sa belle.
Mais si un rêve existait en elle, ce devait bien être celui d’enfin pouvoir lui dire « je t’aime », d’enfin l’entendre dire « moi aussi », et de pouvoir vivre avec elle. De pouvoir dormir à ses côtés, de pouvoir la sentir contre elle à chaque instant, de pouvoir se réveiller en la sentant bouger. Elle voulait pouvoir lui tenir la main en public, l’embrasser peu importe le lieu. Un rêve trop difficile à réaliser, et trop dangereux. Surtout trop dangereux. Parce qu’elle savait que les enfants de la femme de sa vie avaient son âge, environ. L’une était plus jeune qu’elle, et les autres tous plus vieux. Alors comment réussir, déjà, à se faire accepter d’eux, si elle n’était à leurs yeux qu’une des leurs ? Comment pourrait-elle être avec la femme de son cœur, sans passer pour une horrible personne ? C’était un problème, comme bien d’autres. Et le mari de Gloria ? Comment pourrait-il accepter cette situation ? Et si sa belle se retrouvait sans rien, par sa faute ? Tant d’obstacles, à une vie pleinement heureuse. Sans compter qu’elle ne savait rien des sentiments de Gloria. Tant d’obstacles, dans cette vie, dans cette relation.
Et pourtant, elle s’accrochait. Guidée par l’amour, guidée par le besoin de la sentir près d’elle. Un amour puissant, et une attirance qui ne se basait pas sur le physique, mais sur le cœur et l’âme. Parce qu’elle ne la voyait pas. Elle rêvait de pouvoir la contempler, mais seules ses mains avaient le pouvoir de la voir, seul un toucher pouvait lui donner une idée de comment était celle qui faisait battre son cœur. C’était plus profond, pour elle. Loin d’être un jeu. C’était d’un esprit, d’une personne qu’elle était tombée amoureuse.
Et comme pour tout, l’amour avait ses raisons que la raison ignore, avait ses petits caprices.
Cette relation pourrait-elle un jour évoluer ? Subsister ?

Elle n’en savait rien. Elle ne voulait pas y penser, mais comment se concentrer sur autre chose lorsque l’on venait lui parler de Gloria, justement ? Un étonnement certain sur son visage, sa bouche presque entrouverte, son cœur qui battait trop fort, tellement qu’elle pensait que tout le monde pouvait l’entendre. Elle ne pouvait pas parler de Gloria en public. C’était de la folie ; Cela risquait de tout détruire. Qui était cet homme ? Pourquoi avait-elle l’impression qu’il savait quelque chose ? Pourquoi avait-elle peur ? Son sourire qui s’éclipsait, tandis qu’elle cherchait ce qu’elle pourrait dire. Elle ne savait pas mentir, elle ne pourrait donc jamais dire qu’elle n’aimait pas cette femme, sa dame de cœur. Mais peut-être pourrait-elle orienter la conversation ? peut-être…
Elle voulut parler. Ou peut-être voulut-elle s’éclipser avec le jeune homme pour être sûre qu’aucune oreille indiscrète ne venait la déranger. Mais elle n’eut le temps de rien faire, que déjà, il reprenait la parole pour se présenter. Comme le fils de Gloria. Seanen. Seanen McLain. Bien sûr, ce prénom ne lui était pas inconnu. Loin de là. Sa belle lui parlait de ses enfants, de sa vie. Elle lui aurait même sans doute montré des photos, si Jezabel pouvait les voir. Je… Oui… je crois qu’il faut qu’on parle… Bon sang ! Elle rêvait d’appeler Gloria, et de lui demander de venir sur le champ, pour l’aider. Elle ne savait pas quoi faire, ni comment gérer. Elle ne savait pas comment s’en sortir, et elle demanda Est-ce que… est-ce que vous… savez ? Silence. Elle ne voulait pas en dire plus. S’il venait lui parler de Gloria parce qu’il avait vue cette dernière lui parler, ou parce qu’il pensait qu’elle était une femme interviewée par la McLain, alors elle ne s’inquiétait pour rien. Peut-être qu’il venait lui annoncer une nouvelle ? Peut-être qu’il venait lui parler d’autre chose. Mais c’était là un espoir vain, parce qu’elle se doutait de la raison de sa présence. Elle ne savait pas que quelqu’un les avait vues, elle et sa belle, puisque cette dernière n’avait pas voulu l’inquiéter en lui en parlant. Mais Seanen était adulte, majeur. Gloria lui parlait de lui, et toujours en bien. Il était intelligent, il avait peut-être compris. Rectification. S’il venait lui parler, alors il avait certainement compris. Elle espérait secrètement que ce n’était pas le cas, mais elle savait qu’elle se fourvoyait.
Peut-on parler… ailleurs que dans ce hall ? Certains n’ont pas à savoir…
Qu’allait-il arriver ? Qu’allait-il faire ? Que des questions qui lui retournaient l’estomac. Si seulement sa Gloria était là, avec elle, pour l’aider…