You need to let go | Ft. Chulhei Yun

   

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] ~ La journée vient à peine de commencer. Et déjà, elle tourne mal du côté du jeune Jae Won. Après s'être levé un peu plus tôt que d'habitude, il s'est habillé rapidement après avoir pris une douche express. Ses parents adoptifs l'avaient invité à déjeuner chez eux, pour une fois. Depuis qu'il a pris son appartement du côté de Westside, le coréen ne passe plus énormément de temps avec eux, déjà que c'était limite bien avant ça. Alors arrivé chez eux, Jae se sent plutôt content. Il va pouvoir passer des bons moments avec eux et ça lui redonnera sûrement la pêche pour aller de l'avant. Mais non. Ça ne se passe pas comme prévu. Il a suffit d'une petite remarque déplacé, et c'est parti en vrille. Les couverts sont à peine mis et le repas presque prêt, que Jae se relève brusquement de sa chaise. Si c'est pour repartir en guerre comme la dernière fois, non merci pour lui. Entendre ses mots de la bouche de ses « parents », ça va finir par le rendre dingue. Il se dirige vers l'entrée, attrapant sa veste dans la volée. Il sort ensuite avant de claquer la porte de la maison assez violemment pour bien leur faire comprendre qu'il ne reviendrait sûrement pas avant un bon bout de temps. Et c'est dans ces moments qu'il se dit qu'il aurait voulu revenir en arrière et changer le passé. Un monde où ses parents biologiques seraient toujours en vie, et où il aurait passé une vie normale comme la majorité des enfants de ce monde. Cependant, il fait partie de la minorité des gens qui n'ont pas connus leurs parents du tout, et qui ne les connaîtront jamais jusqu'à la fin de leur vie.

Marchant dans une ruelle animée, mains en poche et pensif, il finit par bousculer un homme qui passait à ces côtés. Un homme blond pas commode qui n'a pas du tout aimé ça, surtout quand Jae ne prend pas la peine de s'excuser. Rapidement, le coréen se sent tirer avant de se retrouver pousser contre une paroi, dans une autre ruelle plus en contrebas. Relevant les yeux vers son agresseur, il serre les dents. Il n'est pas d'humeur. Et quand il n'est pas d'humeur, Jae Won peut vite devenir violent. La preuve. Il pousse à son tour l'homme en face de lui et lui fout un coup dans le ventre. S'en suit une bagarre à mains nues. Le coréen réussit à se défendre comme il peut, mais son adversaire finit par prendre la main, avec l'aide de son renfort. Un autre gars plutôt costaud qui n'hésite pas à mettre l'asiatique à terre. Ce dernier agrippe les poignets de l'homme qui tente maintenant de l'étrangler. Mais heureusement pour lui, la sonnerie de son portable le sauve. Le blond attrape son acolyte par le col en voyant qu'il va trop loin. Pour lui, Jae a eu ce qu'il méritait. Alors il taille la route, laissant le coréen à terre qui souffle un coup pour reprendre ses esprits. Au moins, ce genre de bagarre à le mérite de lui remettre les idées en place. Un peu. Se relevant doucement en s'appuyant contre le mur d'un immeuble, il attrape son portable qui est tombé sur le sol avec tout ça. Il passe un doigt sur la petite fissure qui s'est formé sur son écran, remarquant qu'il a plusieurs messages et appels manqués. Certains proviennent évidemment de ses parents adoptifs, d'autres de Kang.. Et de Chulhei. Ce dernier à l'air de le chercher, voulant sans doute passer du temps avec lui. Mais Jae n'a pas le moral ni l'envie pour ce genre de chose. Surtout pas dans cet état.

Il reprend sa marche, ignorant le regard horrifié des passants qui se posent sur lui. Oui, il a du sang sur le visage, sur les mains, et alors ? Qu'est-ce qu'il peut s'en foutre. Le jeune homme est revenu au même point de départ. Faire des conneries, se battre pour oublier sa douleur qu'il a au plus profond de lui. Maintenant, il veut s'isoler dans son coin. Tout en déambulant dans le quartier, il finit par trouver un endroit calme et où peu de monde s'y trouve. L'endroit parfait pour ne pas se faire déranger. Soupirant un coup, il se dirige vers un banc et s'y assoit comme pas permis. Genoux remontés contre lui, il pose doucement sa tête dessus en fermant à moitié les yeux. La seule personne à qui il peut penser à ce moment, c'est Kang. S'il le voyait comme ça, il le repousserait sûrement. Ce côté impulsif et violent, Kang-dae ne le connaît pas. Encore moins Chul et Ren. Ces trois garçons qu'il a rencontré il y a peu de temps et qui ont déjà pris une place dans sa vie. Jae Won se mord la lèvre, reprenant son téléphone pour y voir son reflet via l'écran. Il active l'appareil photo et appuie sur la touche pour mettre en mode selfie. Là, il peut mieux voir l'étendu des dégâts. Il va se faire tuer par ses parents adoptifs. Clairement. S'ils le voient comme ça, il va encore se prendre une dérouillée de leur part. En pensant à ça, il sent les larmes monter à ses yeux. Il les essuie rapidement du revers de la main. Ne pas craquer.

Il se mordille à nouveau la lèvre avant de glisser ses doigts par dessus. Lèvres fendues. Ses doigts remontent ensuite au niveau de son front, une plaie s'étant formée. Encore du sang. À croire qu'il ne verra que ça sur son visage à partir de maintenant. Malgré tout il n'a pas envie de repartir de la sorte. Il n'a pas envie de partir de nouveau en vrille. Maintenant qu'il a trouvé un nouveau sens à sa vie. Maintenant qu'il n'a pas envie de décevoir ceux qu'il aime. Encore un nouveau soupir. Il passe une main sur son cou encore rougi et marqué. Ça lui ferait presque de la peine, en se disant qu'il a prit l'habitude de tout ça. Il cherche aussi la bagarre, c'est un peu de sa faute. Mais il n'y peut rien. C'est l'une des rares façons qu'il a pour oublier tous ses soucis de familles. Si on peut appeler ça comme ça. Son autre manière d'oublier tout ça, c'est de passer du temps avec ses amis.. Mais là. Aucun d'entre eux ne voudrait être en sa compagnie avec sa mauvaise humeur et son aura négative. Cependant, cela lui ferait sûrement du bien. C'est une certitude. Et au final, ses pensées dérivent encore une fois vers son coréen à lui, son Kang. Il se demande bien ce qu'il peut faire en ce moment. Il aimerait être avec lui. Et le prendre dans ses bras. Tout oublier en étant contre lui. Jae et lui se sont vu il y a même pas un ou deux jours de ça, et déjà.. Déjà, Jae Won ressent un manque.

Il s'apprêtait à se relever du banc, mais il sent une présence proche de lui. Derrière lui. Il sursaute en sentant des mains se poser sur ses épaules et se redresse vivement pour faire face à.. Chulhei. Surpris, Jae reste quelques secondes à le fixer. « Qu'est-ce que tu fais là ? » lui demande-t-il. Clairement, il ne s'attendait pas à le voir ici. Lui qui a forcé pour vouloir le voir. Eh bien sa mission est réussit. Les voilà face à face. Cependant, Jae soupire une énième fois avant de passer une main dans ses cheveux. Il se rassoit sur le banc, évitant le regard de son ami. « Si je ne t'ai pas répondu, c'est parce qu'il y a une bonne raison. Laisse moi... » Il baisse les yeux vers ses mains, fixant le sang qui a eu le temps de sécher. Jae qui est complètement à côté de la plaque. Il demande à Chul de partir, mais au fond de lui, il n'a pas envie qu'il s'en aille. La présence de Chulhei lui fait du bien. Lui qui est toujours de bonne humeur, souriant. Rien que pour ça, Jae est envieux. Il le laisse alors s'installé à ses côtés, mais continue d'éviter son regard. Peut-être parce qu'il ne veux pas croiser le regard de Chul remplit de pitié face à son état. Non. Maintenant que Chulhei l'a vu autrement qu'il le connaissait, Jae ne peut plus faire marche arrière.

A vrai dire, ce n’était pas dans le plan. Que la machine à laver le linge implose littéralement, ne faisait pas partie des priorités de Chulhei. Il se trouvait devant, son panier à linge sur la hanche, en pyjama, l’air encore à moitié endormis, sa frange tombant sans aucune honte devant ses yeux. Il se tourna vers l’intérieur de l’appartement pour voir Kang-Dae mâchonnait mollement son petit déjeuner. Leur semaine a été particulièrement rude, niveau travaux domestiques. Déjà la cuisine avait à moitié pris feu lorsque Chul avait allumé le four. Pourquoi ? Même le propriétaire ne savait pas. Ensuite, il y avait eu une remonté des égouts dans leurs toilettes. Un plaisir pour les narines, vraiment. Et enfin, une latte du lit de Chulhei s’était cassée. Mais là, il soupçonnait très fortement le fait que ce n’était pas bien de se vautrer dedans sans retenue en revenant de cours. Alors tout simplement, il fit demi-tour, son linge sale toujours dans les mains. Il l’abandonna sur le canapé avant d’aller dans la salle de bain. Il allait laisser le plaisir à son colocataire de régler ça. Parce que lui avait eu droit aux toilettes la dernière fois.

Propre, habillé et les méandres du sommeil oubliés, le Yun réapparut. Kang-Dae était au téléphone devant la catastrophe, les mains sur les hanches, les sourcils froncés. Il ne semblait pas content. Mais qui pouvait être content devant ce genre de débat ? Chulhei arriva dans la cuisine et écouta d’une oreille distraite ce qui se racontait. Il prit une pomme et croqua dedans tout en servant un jus de fruit. Il n’allait pas rester ici aujourd’hui, c’était sûr. Ce n’était pas « prendre la fuite ». Cela ressemblait plus à « un abandon organisé ». Tandis qu’il prenait son petit déjeuner, le Kim arriva. Il semblait au bord du gouffre à ce moment précis. Ce qui fit rire son colocataire. Il passa la main dans les cheveux du plus jeune avant de rejoindre le salon. Ren était occupé. Il travaillait à son café. Chulhei pensa un instant à aller le voir, puis il se ravisa. Il ne voulait pas le déranger dans son travail. Surtout que c’était pour fuir – abandonner dans les règles de l’art, s’il-vous-plait –, donc il aurait souhaité pouvoir discuter avec lui. Lorsqu’il voyait le japonais, il avait plus envie de l’embrasser partout que de simplement attendre que les choses se passent. Alors la case Ren fut barrée, malheureusement.

Une idée lui vint alors qu’il mettait sa veste. Chul attrapa son téléphone et envoya un message à Jae Won. Tous les deux, ils avaient le chic pour finir dans des conneries qui les dépassaient. Rien de bien méchant, parce que Chulhei arrivait toujours à s’en sortir avec un sourire. Mais il fallait noter le bon nombre de fois où ils durent courir rapidement. Que se soit en cours ou à l’extérieur, un micro-univers de chao se formait autour d’eux dès qu’ils se retrouvaient. Par leur caractère ou leur je-ne-sais-quoi de garçons à problèmes, ils avaient construit une relation basée sur les emmerdes. Avant de claquer la porte, il lança à Kang un « Je vais voir ton futur mari ! ». Un ricanement lui échappa alors qu’il entendait la voix du Little Bunny s’élevait avec force. Oui, Chul aimait le taquiner avec ça. Parce que Kang avait encore un peu de mal à accepter le fait d’aimer les garçons. Mais ce n’était pas méchant. Rien n’était jamais méchant lorsque cela venait de Chul.

Une fois dehors, n’ayant pas reçu de nouvelle, il décida d’envoyer un autre message à son ami. Peut-être qu’il était occupé lui aussi. Avec un haussement d’épaule, le Yun prit le chemin qu’il connaissait le mieux, soit celui de l’arrêt de bus le plus proche. Il allait bien trouver de quoi s’occuper. Los Angeles est une grande ville qui regorge de merveilles. Il était sûr qu’il allait encore se perdre et devoir appeler quelqu’un au secours. Comme à chaque fois qu’il sortait s’aventurer dans un univers qu’il ne connaissait pas. Soyons clair, les Etats-Unis sont un mystère pour le coréen. Les américains pouvaient être les derniers idiots du monde, comme les personnes les plus compréhensives. Un peu comme Double-Face dans Batman. Il songea que Ren était encore harcelé alors que lui avait été accepté sans aucun problème. Cela ne devait pas avoir de rapport avec le physique. Sinon, Ren n’aurait plus du problème maintenant. Il monta dans le bus. Pour le moment, tout allait bien.

Son téléphone vibra. C’est Kang qui s’énerve un peu tout seul en coréen. Il lui renvoie un emoji tournesol avant de verrouiller l’écran. Une idée stupide fit son chemin dans son esprit. « Hey ! T’es jamais allé dans le sud de la ville ! Ça te dit d’aller faire un tour, comme ça, pour te perdre ! » Vraiment idiot, oui. Mais il suivit cette pensée. Il n’avait rien à faire. Autant s’amuser un peu en ne suivant pas ces bonnes vieilles règles de survie ! En descendant, il appela Jae pour tomber sur son répondeur. Bon. Il avait réellement décidé de l’ignorer. Ou alors, il était réellement occupé. Dans tous les cas, nous avions un Chulhei Yun débarquant dans la partie de la ville la plus malfamé, la bouche en cœur et les yeux lumineux. Un problème, ce garçon. Dans une supérette tenue par un jeune garçon aux traits asiatiques et à l’allure malade, Chul acheta un paquet de sucettes. Puis il se mit à arpenter les rues. Pour finir par se perdre. Complètement. Tout espoir semblait perdu lorsqu’une veste rose attira son attention. Sur un bac, dos à lui, il reconnu un garçon dont les épaules et la couleur de cheveux singulière lui étaient plus que familiers. Jae Won Seok. S’il avait voulu l’ignorer, là, c’était un coup du destin. Personne ne pouvait ignorer Chulhei Yun. Personne. Il se dirigea vers lui. Un sourire aux lèvres, une sucette entre les dents, il pressa les épaules du jeune homme. Celui-ci se redressa rapidement. Les yeux du Yun le détaillèrent rapidement : blessures sur le visage, autour du cou, vêtements froissés, sang sur les mains. Une mauvaise journée. Son sourire se fana. Qui avait fait ça ?

« A vrai dire, je me suis perdu. » répondit-il en haussant les épaules.

Jae se réinstalla sur le banc. Chul prit place à côté de lui en sautant par-dessus le dossier. Mauvais jour pour la team Jae à ce que voyait le danseur. Il semblait détruit, autant dans son regard que sur son corps. Une plaie ambulante, pensa-t-il en croquant légèrement dans son bonbon. L’autre le repoussa. Pensait-il réellement qu’il allait partir aussi facilement ? De un, il ne laissait pas un ami dans un si mauvais état seul. De deux, il était perdu. De trois, il ne voulait pas rentrer. Avec en bonus, une journée ennuyeuse à souhait qui se présentait s’il quittait son ami. Alors, non.

« Tu crois vraiment que je vais te laisser dans cette état-là ! rigola-t-il. Dis-moi plutôt qui t’a fait ça, que j’aille leur faire regretter leurs biberons. »

Encore une fois, Chulhei était d'un naturel pacifiste. Mais si on touchait à une seule personne de son entourage, il taclait. Même s'il savait pertinemment que le Seok pouvait se battre pour lui-même. C'est quelque chose que l'on comprend sans vraiment y réfléchir. L’endroit était calme. C’était rare pour une ville comme L.A.. Jae, aussi, était calme. Ou plutôt, il bouillonnait de l’intérieur sans rien montrer sur son visage. Seuls ses yeux lançaient des éclairs à chaque feuille d’arbre qui avait le malheur de remuer. Hyperbole et ironie bien sûr. Les pauvres feuilles n’avaient rien demandé. Chulhei tira de sa veste une sucette qu’il tendit à son voisin de banc. Autant lui remonter le moral autant que possible avec un peu de douceur.

   

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] ~ S'il y a bien un endroit où Jae Won sait qu'il ne se fera pas déranger, c'est bien du côté sud de Los Angeles. Un endroit malfamé et où il y a peu de monde qui s'y aventure. Que ce soit en jour, mais surtout de nuit. Mis à part Jae, qui a pris l'habitude d'y traîner avec ses potes. Les potes qui l'ont influencé vers le côté obscur, comme dirait ses parents adoptifs. Enfin, Jae se fiche maintenant de leur avis, préférant vivre sa vie comme il le souhaite. De toute manière, depuis qu'il a appris la vérité sur sa vraie famille, il est partit en vrille. Et depuis, il ne peut plus revenir en arrière malheureusement. Revenir en arrière serait parfait pour lui. Le coréen pourrait retrouver ses parents biologiques et vivre une belle vie avec eux, dans son pays natal qu'est la Corée du Sud. Mais en même temps... Revenir en arrière voudrait aussi dire oublier tout ce qui s'est passé dans sa petite vie. Ses parents adoptifs qui ont quand même été adorable avec lui, ses amis qu'il s'est fait en arrivant à Los Angeles, sa rencontre avec Ren, Chul, et Kang... S'il revenait en arrière, ça reviendrait aussi à effacer tout ça. Et ça, c'est bien trop dur pour lui.

S'étant arrêté sur un petit banc, le danseur ne s'attendait pas à voir Chulhei débarquer de nulle part. Lui qui pensait pouvoir lui échapper, c'est raté. Sur le coup il se demande bien comment il a bien pu faire pour se retrouver ici dans ce coin, alors que ce n'est pas censé être le meilleur lieu de la ville pour se balader. À moins qu'il ai eu un véritable instinct de chasseur, et que son radar Jae s'est mis en route. Oui bon, c'est bête dit comme ça. Mais c'est encore plus bête qu'il arrive à ce moment-là, alors que le jeune coréen n'est pas dans sa plus grande forme. Que ce soit physiquement et mentalement parlant. Tout en gardant ce regard vide d'émotions, il tourne légèrement le visage vers son ami qui perd son sourire lorsqu'il le détaille du regard. Évidemment, il s'y attendait. Comme les autres personnes, Chulhei s'attarde sur ses blessures au visage, et ses marques au niveau de son cou. Dans un réflexe tout à fait naturel, Jae remonte sa veste pour tenter de cacher au mieux ces marques, avant de s'installer correctement sur le banc. C'est-à-dire en tournant un peu le dos à son ami. Son ami avec qui il a toujours eu l'habitude de faire des conneries, à l'école et à l'extérieur. Des conneries qui ne sont pas si horribles que ça au final, car ils finissent toujours par en rire. Soupirant un coup, il passe une main dans ses cheveux avant de regarder de nouveau le danseur qui s'est posé à ses côtés. « Franchement, ça m'étonne pas que tu te sois perdu. Ton sens de l'orientation est.. Bref. » dit-il avant de fixer le sol, un peu ma à l'aise. Mal à l'aise en comprenant que Chulhei ne compte pas partir de si tôt. C'est qu'il peut être têtu aussi quand il le veut. « Tu n'a pas autre chose à faire, plutôt que de te coltiner le pauvre type amoché ? C'est-à-dire moi. » rajoute-t-il dans l'espoir de le voir s'en aller une bonne fois pour toute. Mais ça n'arrive pas. Chul reste assis à le regarder.

Sa réaction fait rire nerveusement Jae. Il secoue légèrement sa tête, passant une main sur son cou. « J'ai l'habitude d'être dans cet état-là.. T'a pas à t'en faire. » réplique-t-il du tac au tac. Car en effet, ce n'est pas la première fois qu'il cherche la bagarre. Et ce n'est pas la première fois que certaines personnes veuillent l'envoyer à la morgue. Los Angeles n'est pas une ville aussi calme qu'on le pense. Au contraire. Surtout de ce côté-ci où ils se trouvent. Jae se redresse un peu, finissant enfin par tourner entièrement son visage vers son ami. Ce dernier veut les noms de ceux qui lui ont fait ça, mais ça risque d'être compliqué. « A vrai dire, je ne connais pas ceux qui m'ont frappé. On s'est juste crêpé le chignon dans la rue. Deux contre un.. J'ai pas fait long feu. » Il rit un peu, amusé. Ça l'amuse oui. Parce qu'il n'aime pas se lamenter sur lui-même. Être le centre de l'attention quand il va au plus mal. « C'est ton appel qui les a fait fuir. Si tu n'avait pas insister à m'appeler comme ça, j'aurais été sûrement à la morgue à l'heure qu'il est. » Il se mordille la lèvre une nouvelle fois. C'est parfois ce qu'il se dit. Au fond de lui, ce serait tellement plus simple s'il ne ressentait plus rien. Se renfermant de nouveau dans sa bulle, il observe devant lui, essayant de faire fuir ses idées noires. Il doit rester positif. Pour ses proches. Alors.. S'il doit souffrir pour avoir la chance de rester encore à leurs côtés, il le fera. Puis au final, comme dit avant, il en a prit l'habitude.

Son regard est attiré par le mouvement de main de Chulhei. Son ami qui a une sucette dans la bouche, lui en tend désormais une aussi. Jae ne peut se retenir d'esquisser un léger sourire en voyant que son ami ne baisse pas les bras. Et qu'il veut à tout prix lui remonter le moral comme il peut. Alors après avoir hésité quelques secondes, Jae prend doucement ladite sucette, enlevant l'emballage avant de la fourrer dans sa bouche. Il remercie gentiment Chulhei, avant de pencher légèrement la tête vers lui. « Plus sérieusement.. Qu'est-ce que tu fais là ? Je pensais que tu serais resté chez toi pour profiter de la grasse mat' ! » dit-il en croquant dans sa sucrerie. Ce qui lui vaut de grimacer un peu, car comme un con il se croque la lèvre au passage. Il pose ses doigts au niveau de ses lèvres, se fichant bien du petit rire de Chul qui a retentit. Clairement, il ne sait pas comment Chulhei fait pour être aussi positif. C'est d'ailleurs sa prochaine question qui sort de sa bouche. « Comment tu fais pour être toujours aussi joyeux comme ça ? J'aimerais bien avoir ton remède miracle.. » lance-t-il en remontant ses genoux contre lui, posant de nouveau son menton sur ses genoux en faisant une petite moue triste. Être heureux ? Jae peut-il vraiment l'être à cent pour cent ? Il en doute fort. Jae qui a toujours l'habitude de montrer sa joie, là.. Il n'arrive pas à cacher son mal être. Surtout pas à lui.

Encore une fois, ses épaules se haussèrent. Son sens de l’orientation est une légende. Aussi existante que la Petite Sirène. Le coréen ne s’en est jamais caché. Toutes les fois où il avait dû appeler au secours pour qu’on vienne le récupérer dans les rues de la ville des anges se multiplie avec pi. Tout le monde avait un jour subit l’un de ses appels désespéré. Chulhei ne le faisait jamais vraiment exprès. Juste que, parfois, sa bonne étoile lui disait qu’elle voudrait aussi prendre des vacances au lieu d’être toujours derrière ses fesses à le protéger de son environnement. Et comme ils ne communiquent pas beaucoup, l’un et l’autre, le Yun se laisse vivre, profitant de ses idées farfelues et ses envies. Ses yeux décryptèrent le garçon devant lui. Il retira la sucette d’entre ses lèvres.

« Amoché, c’est sûr, dit-il. Pauvre type, j’en doute. Et, tu as raison : je n’ai rien d’autre à faire ! »

Il remet la petite boule jaune dans sa bouche. Le sucre du bonbon pétillait sur sa langue. Il fit doucement tourner la sucette contre ses dents. Quelque chose le dérangeait profondément. Des bagarres, Chulhei aussi en avait eu. Comme tout le monde, sans doute, il avait autant été spectateur qu’acteur dans ces conflits. Mais à intervalle irrégulier. Jamais il n’aurait pu s’habituer aux coups qu’il recevait. Alors entendre que Jae Won, lui, en avait l’habitude, le dérangeait. Et cela ne l’empêchait pas de s’inquiéter. Il avala sa salive tout en continuant de le regarder, les sourcils froncés, la mine soucieuse. Le Seok avait cet air de bad boy qui pouvait faire fondre n’importe qui. Il l’entretenait beaucoup, cette image. Contre son grès peut-être, mais en tout cas, il n’y a pas à dire, Chul comprenait ce qu’il pouvait se passer dans la tête de Kang. Même si lui aussi, lorsqu’il portait sa veste en cuir, ressemblait plus au garçon assis au fond de la classe qu’à l’intello de service. Il détourna le regard de ce visage tuméfié. Le souvenir de Ren, tout aussi amoché, lui revint. Une colère sourde se déversa dans ses veines. Comment pouvait-on ainsi faire du mal aux autres ? Peut-être avait-il aussi cherché cet incident, mais cela ne valait pas ce qu’il avait sur le corps. Il se penche en avant, posant les coudes sur ses cuisses, regardant droit devant lui. Sa jambe commença à tressauter. Une sucette n’influencerait pas son état à ce point. Son état d’hyperactivité vient d’autre chose.

Jae reprit, expliquant qu’il ne connaissait pas les mecs qui lui avaient fait passer un seul quart d’heure. Deux contre un. De pire en pire, songea Chulhei en pinçant les lèvres. Si seulement il avait pu être là à ce moment. Là, ils auraient été à égalité. Ils auraient sans doute tous les deux finis dans des états déplorables, mais ce n’était pas si grave. Car, au moins, ils auraient été ensemble. Lorsque l’autre danseur lui précisa que c’est son appel qui les a fait fuir, Chul se redressa et lui offrit un regard intrigué. Son appel ? Celui en arrivant pour lui demander s’il était toujours en vie et s’il voulait passer du temps avec lui ? Un petit sourire, qui s’agrandit au fur et à mesure s’installa progressivement sur son visage. Alors, finalement, il n’allait pas simplement le ramasser avec une pelle. Il avait également permis une sorte de sauvetage impromptue. Bonne nouvelle. Mais son regard s’éteignit en remarquant celui de Jae. Il semblait si loin, si fermé à l’extérieur que cela effraya le jeune homme. Doucement, il posa la main sur la cuisse de son compagnon de banc.

« Hé… Tout va bien ? »

Une désagréable impression de pensées noires autour de son ami le mit mal à l’aise. Etre seul avec son esprit, il connaissait très bien. Se fermer à l’extérieur, refuser de l’aide, compromettre des sentiments. Tout cela, Chulhei en avait fait une expérience désastreuse. Mais maintenant, tout allait bien. Parce qu’il avait finit par attraper la main de quelqu’un. Dans son cas, il s’agissait de sa petite sœur. C’était elle qui s’était accrochée à lui, alors qu’il commençait à douter de tout, à tout remettre en cause, à se détester. Elle l’avait pris dans ses bras pendant ses interminables heures de silence où il ne pouvait pas parler. Si, désormais, il pouvait aider à tirer Jae Won de l’impasse dans laquelle il semblait se trouver, il ferait tout pour le hisser.

Ce dernier finit par accepter son petit cadeau. Chulhei fit un décompte des sucreries qu’il avait encore. Les soustractions, ce n’est pas une épreuve. Mais il voulait savoir s’il allait pouvoir en donner une à son colocataire, sans pour autant devoir s’en séparer à contrecœur. Quoi qu’il l’aurait fait malgré tout, offrir cette sucette. Parce que, finalement, il ne pouvait rien refuser à personne. Enfin, si. Mais que les choses qui lui déplaisaient, qu’il trouvait inacceptables ou tout simplement injustes. Tout le monde devrait être comme ça. Un joli rêve éveillé lorsque l’on voit ce qu’il en est de la réalité. Même s’il ne faut pas se voiler la face, garder les yeux rivés sur des pensées utopiques font du bien. Un jour, on se dit que, peut-être, tout ira bien. Partout. Et pour tout le monde. Jae lui posa alors une question, ce qui lui arracha un rire.

« Notre lave-linge a lâché ce matin ! Et comme je me suis chargé des toilettes de la semaine dernière, j’ai laissé le plaisir à Kang-Dae de s’en occuper. Et bien sûr, j’ai fait opter pour une retraite de mes forces hors de l’appartement. »

C’était idiot. Tout comme lui d’ailleurs. Entre les colocataires, il y avait une amitié forte, indéfectible, qui les rendait encore plus débiles. Toujours à s’envoyer des piques ou des remarques, ils ne pouvaient néanmoins pas se passer l’un de l’autre. Il y avait eu, bien sûr, de ces soirs où le silence remplace les mots, parce que cela n’allait pas et qu’ils n’en parleraient que lorsqu’il le faudra. Kang-Dae Kim, et ses sourires aux dents de devants légèrement en avant, et ses grands yeux ouverts sur le monde, et ses délires improbables, et ses références. Maintenant, Chulhei comprenait pourquoi le Seok avait craqué aussi. Parce que, oui, il le savait très bien. La manière dont Jae ne pouvait pas quitter Kang des yeux, ses gestes un peu trop proches de lui, ses sourires à effrayer les étoiles. Idiot, mais pas aveugle. Cela le fait replonger un instant sur Ren. Ren qui, avec un regard, pouvait lui demander n’importe quoi. Il lui offrit la voie lactée s’il le pouvait. Ses pensées furent coupées par Jae, qui lui posait une nouvelle question. Etait-ce un interrogatoire ? Son regard se planta devant lui.

« Je sais pas. C’est comme ça. Je souris parce que c’est ce que je sais faire de mieux. Et ça aide les gens. Ils se disent que tout va bien, si une seule personne sourit pour eux. Pour moi aussi, ça me fait du bien. La vie est trop courte pour que je la laisse filer en pleurant. »

Avec un sourire, il tourna la tête vers lui. Il n’y a pas de remède miracle, pas de sortilège caché, pas de recette magique. Juste lui, et son envie indéfectible de vivre. Juste lui, et son envie de rayonner. Juste lui, et son envie d’offrir un peu de bonheur. Certains disent qu’à être trop heureux, on en oublie la tristesse et que quand elle nous tombe dessus, il est difficile de se relever. Mais le Yun avait connu la tristesse, la vraie. Celle qui fait mal, qui laisse une cicatrice, qui fait poussé des cris de désespoir dans le silence de son existence. Mais il s’était redressé. Le monde peut s’acheter avec de l’argent, mais une personne, elle se gagne, elle partage, elle s’ouvre, avec un simple sourire.

   

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] ~ Même si Jae aurait voulu rester seul dans son coin, comme il le fait si bien à chaque fois qu'il lui arrive des emmerdes comme ça, il ne peut pas s'empêcher de remercier mentalement Chulhei de s'être perdu ici. Enfin.. Savoir que son ami s'est aventuré dans ce coin malfamé, ce n'est pas très réjouissant. Étant naïf, Chul aurait très bien pu aussi se faire emmerder par d'autres mecs plus chelous les uns que les autres. Pour Jae Won, entre ceux qui cherchent toujours la merde pour avoir de l'adrénaline et ceux qui ne font que le draguer ouvertement et sans pression, il ne voulait pas que son ami fasse leur connaissance. Le savoir à ses côtés en bonne santé le rassure un minimum. Il l'écoute alors d'une oreille, comprenant bien qu'il n'a rien d'autre à faire que de lui tenir compagnie. Oh si, tenir compagnie à un pauvre type, c'est ce que pense Jae. Enfin. Maintenant, Jae ne peut que raconter ce qu'il lui est arrivé pour être dans cet état. Une bagarre bien évidemment. Ce n'est pas la première fois, et ce ne sera sûrement pas la dernière fois. Car c'est clairement devenu une habitude pour le coréen, de chercher des noises. Même plus qu'une habitude, cela fait partie de son quotidien. Pourtant il ne s'en plaint pas. Et il ne demande aucune aide quelconque de la part de ses parents adoptifs, du reste de sa "famille" et de ses amis. Il préfère se débrouiller seul. Comme il a fait depuis son adolescence.

Jetant un œil vers Chulhei, Jae voit que ce dernier n'a pas l'air de cet avis. Quelque chose semblait le déranger, mais le jeune Seok ne dit rien, se contentant simplement de l'observer un peu. Ce doit sûrement être la vue de son visage abîmé qui le dérange un peu, vu qu'il décide de détourner le visage pour ne plus le regarder. Le regard de Jae Won se plante maintenant sur le bâtonnet de la sucette que consomme Chulhei, se perdant un peu dans ses pensées. Et il ne remarque pas que son partenaire de connerie contient une certaine colère en lui. Il continue donc d'expliquer la situation exacte dans laquelle il s'est trouvé, tout en rajoutant le fait que son appel lui a en partie sauvé la vie. A partir de là il croise à nouveau son regard. Un regard intrigué de la part de Chulhei. Ce dernier était simplement à la recherche du Seok, et ne se doutait pas de ce qu'il se passait au moment où il a taper le numéro de son ami. Il l'a sauvé indirectement de cette mauvaise posture dans laquelle il se  trouvait. Il lui revaudra ça. Enfin.. Pour le moment, il faut déjà que Jae Won arrive à changer sa façon de faire. Qu'il arrête de nager dans la violence. Mais ça.. Plus facile à dire qu'à faire. Soupirant légèrement, voilà qu'il replonge dans sa bulle, ne faisant plus attention à la présence de Chulhei. L'aura négative qu'il dégage de lui ne présente rien de bon. En temps normal, cela fait fuir les personnes qui sont autour de Jae Won dans ces moments-là. Le regard perdu au loin et toujours vide d'émotion, il essaie de faire le point. Cependant il ne s'attend pas à sentir une main se poser sur sa cuisse. La main de Chulhei. Sur le coup, il relève rapidement la tête avant d'avoir le réflexe de se décaler un peu. Serrant les dents et retenant un soupir qui allait s'échapper de ses lèvres, il le fixe d'un air plus froid qu'il ne le voulait. "Tout va bien oui. Dans le meilleur des mondes." Dit-il lentement. Ironiquement bien sûr. Lui ? Aller bien ? Pas vraiment.

Malgré tout il préfère ne pas en parler et se renfermer sur lui-même. Il n'aime pas en parler. Parler de son passé. Rare sont ceux à savoir la véritable identité de Jae Won, et c'est mieux ainsi. Cela lui suffit. Ses parents adoptifs l'ont poussé à extérioriser ces pensées, l'ont poussé aussi à aller voir un psychologue qui pourrait l'aider au mieux. Mais Jae a toujours refuser. Au plus grand malheur des autres. C'est comme ça que certains ont abandonnés l'idée de l'aidé, au vu de son caractère. Seule sa famille reste debout pour s'occuper de lui du mieux qu'elle le peut. Puisque rester dans sa bulle n'aide en rien. Combien de fois a-t-il eu des idées noires ? Combien de fois a-t-il pensé à passer à l'acte ? Jae ne pourrait les compter sur les doigts de ses deux mains. Et cela risque de continuer encore, s'il n'arrive pas à se contrôler. Et s'il ne se décide pas à accepter l'aide de ceux qui veulent être là à ses côtés. Mais pour le moment, il n'en ai pas à là. Et bien qu'il ai tout le temps des idées noires, il ne peut pas se résoudre à broyer du noir dans son coin. Surtout quand il a fait de belles nouvelles rencontres.

Comme Chulhei par exemple. En revenant à la réalité, Jae finit par s'intéresser un peu à la venu de son ami. Sucette en bouche, il se redresse pour le regarder et attendre la réponse à sa question. Jae pensait en effet qu'il allait profiter de cette journée pour faire la larve dans sa coloc', et pourtant il se trouve dehors en face de lui. En train de raconter sa mésaventure du matin, par rapport à sa machine à laver qui a cassé. Jae Won ne peut s'empêcher de rouler des yeux avant d'esquisser un micro sourire. Il imagine bien Kang-Dae, devant la machine, se tirant les cheveux à ne pas savoir comment la réparer. Le coréen secoue légèrement la tête, donnant un léger coup de coude à Chulhei. "Pauvre Kang... Tu as du culot pour le planter comme ça. Je pensais que tu serais un meilleur colocataire." qu'il dit avec une petite pointe d'amusement dans ses paroles. Plus sérieusement, il sait très bien que Kang et Chulhei sont les meilleurs colocs' qui existent sur Terre. Toujours là pour s'entraider, se soutenir, être présent l'un pour l'autre. Jae Won ne connaît pas ça, lui qui n'a jamais fait de colocations de sa vie. Si on enlève le fait que parfois, son meilleur ami abuse en squattant son appartement h24. Cependant, ça lui arrive parfois de rendre service à son voisin, Ren. Et a ses autres voisins bien sûr. Même si Jae entretient l'image d'un garçon impulsif, il est souvent aimable et serviable envers les personnes qui l'entourent. Envers les personnes qui ne le mettent pas en rogne quoi. Mais la colocation ? Très peu pour lui. Il préfère avoir son intimité et sa vie privée en sécurité derrière ses quatre murs.

Croquant légèrement dans sa sucette, Jae regarde devant lui après avoir poser sa deuxième question qui lui brûle les lèvres depuis qu'il connaît Chul. Ce dernier qui est toujours souriant et remplit de joie de vivre. Jae Won est sûr qu'il a un secret pour être comme ça. Mais il sait aussi que certains sourires qu'il esquisse peuvent être faux. Tout le monde a connu des périodes complexes et dures. Personne ne peut être à cent pour cent heureux. En tout cas, c'est ce que pense Jae. Il ne croit pas au bonheur ultime. Il n'y a jamais cru en faite. "Donc ça t'arrive de faire exprès de sourire alors ? Pour ceux de ton entourage ?" demande-t-il en tournant à nouveau les yeux vers lui. "Tu n'es pas obligé tu sais. C'est bien aussi de pleurer parfois. Ça nous libère un coup." Même si d'un côté il a raison, la vie est bien trop courte pour ne faire que verser des larmes. Soupirant doucement, il baisse un peu la tête en balançant ses jambes dans le vide. "J'aimerais bien te ressembler pour ça." murmure-t-il, alors qu'une brise de vent vient caresser son visage. Malheureusement, il se dit que ça n'arrivera jamais.

"Je suppose que tu n'es pas venu ici non plus pour rester assis à rien faire ? On peut bouger si tu veux." Au final, Chulhei à réussit son coup. Il a réussit à ne pas laisser Jae se morfondre dans son coin. Le jeune danseur finit par se relever lentement, posant une main sur sa tête qui lance un peu. Il espère simplement que le reste de sa mauvaise humeur ne va pas déranger son ami. "Tu aimerais faire quoi ?" Il le regarde du coin de l'œil, s'attendant à tout. S'attendant à encore faire le con avec lui. Y a que ça de vrai. Ça a le don de faire du bien à Jae. Chulhei peut donc se sentir soulagé de voir que ce dernier semble aller mieux dans sa tête.

Citer du Voltaire en plein milieu de cette conversation semblait quelque peu étrange. Bien sûr, aucun des deux garçons n’avaient dû se rendre compte de ce trait génie. Cette phrase, tout le monde la sortait à un moment donné, simplement car elle est facile, iconique, et qu’on oublie souvent d’où elle provient. Mais si l’on devait remonter à la source de toutes les citations de notre époque, cela prendrait des jours et des nuits. Alors, tout simplement, Chulhei abandonna l’idée que Jae allait bien. Répondre par ce sarcasme et cette nervosité agressive cachée sous ce masque froid n’était pas le signe avant-coureur d’un garçon qui pétait la joie de vivre. Mais il laissa couler, oubliant comme si de rien n’était ce regard peu sympathique sur sa personne. Sa langue fit jouer la boule sucrée dans sa bouche, le bâtonnet tournant frénétiquement entre ses lèvres. Un court instant, il se demanda s’il n’aurait pas dû aller voir Ren avant de partir à l’aventure. Le café où il travaillait n’était pas si loin de là où ils habitaient. Même s’il n’y avait jamais mis les pieds, il le savait. Voir le joli visage de Ren, ses yeux en amande remplies de galaxies et sa bouche de porcelaine, était pour lui un petit cadeau du quotidien qu’il acceptait précieusement. Et surtout s’il fallait affronter le sarcasme pointu de Jae Won Seok.

Rapidement oubliée, la conversation dérive alors sur le lapinou national qui lui servait de colocataire. Oui, il l’avait abandonné à la machine à laver sans aucune honte. Un rire lui échappe en entendant Jae l’accuser de mauvais camarade d’appartement. Une bonne blague lorsque l’on savait que les deux garçons vivaient comme des frères. Leur amitié dépassait largement la simple camaraderie. Pouvant entraîner petites jalousies parfois. Et oui, Chul aimait beaucoup le fait que Kang-Dae débarque en amour, pour lui parler d’un peu tout et n’importe quoi. De plus, depuis que le Seok était arrivé tel un bulldozer dans la vie tranquille du maknae, cela n’en devenait que plus drôle. Entre *gay panic* et *confident gay*, Kang faisait bien rire son meilleur ami durant leur longue conversation. Maintenant, cela allait mieux. Enfin, il l’espérait. Parce que surprendre les « love me tender eyes » des deux garçons alors qu’il se trouvait au milieu commencer à bien faire. Mais revenons à ce qu’ils se racontaient.

« Je me suis occupé de la fuite d’eau des toilettes la semaine dernière, argumenta-t-il, inutilement. Alors, il peut bien avoir le lave-linge ! »

Un nouveau rire lui échappa. L’atmosphère qui se détendait un peu lui faisait du bien. Parler légèrement de tout et de rien lui était plus favorable que remuer des idées profondément agaçantes. Et puis, les problèmes électroménagers, c’était leur truc. Comme s’il était écrit dans le contrat de transfert qu’ils allaient devoir affronter tous les dérèglements fonctionnels d’un appartement possibles. Bien sûr, ils avaient toujours tout plus ou moins bien réglé. Les fenêtres allaient très bien, les étagères n’allaient pas tomber, la gazinière était sous interdiction formelle de recommencer sa tragédie. Ils espéraient tous les deux que cela resterait comme ça. Malgré les derniers événements, ils y croyaient. Leur appartement ne finira pas en guerre civile. Enfin… Sauf si l’histoire des céréales revenait sur le tapis.

Encore une fois, le sujet changea. Chul était plutôt mal à l’aise avec le fait de parler de ses sourires. Il ne voulait pas se livrer comme ça. Sa réflexion précédente n’était que la vérité. Sourire pour les autres est toujours quelque chose qui lui tenait à cœur. Mais il se voilait clairement la face. Cacher ses réels sentiments, son ressentit, ses peurs sous un joli sourire marchait. La plupart du temps. On ne se disait pas qu’un garçon aussi joyeux, actif et exubérant garder un jardin secret remplie d’ombres. Ce que Jae lui disait, il l’avait déjà entendu. De Ren. Est-ce que tout était toujours obligatoirement relié au japonais maintenant ? A chaque fois qu’il le pouvait, le plus vieux s’infiltrait dans son esprit, s’installant confortablement dans ses pensées. Comme un Yamazaki miniature sur sa tête qui le suivait partout, lui rappelant constamment de sa présence. Mais il ne pouvait pas blâmer son aimé de cela. Il ne s’agissait que de lui et de son envie persistante de l’avoir toujours avec lui. Un déboire d’amoureux niais transi pour son trésor. Quelque chose en quoi Chulhei excellait. Surtout en ce moment.

Son regard se porta sur Jae qui le regardait aussi après avoir posé sa question. Répondre sincèrement était ce qu’il voulait faire. Mais il ne voulait pas ce faire sermonner sur le fait que « cacher ses émotions, ce n’est que retarder l’explosion ». Il y en a eu une. Une énorme explosion. Qui lui avait bien gâché une bonne partie de son adolescence. Pourtant, on ne change pas les habitudes. Et celles-ci sont très difficiles à perdre.

« Je ne m’oblige à rien ! contredit-il, un fin sourire aux lèvres. Je souris pour les autres et pour moi. Cela me plait. J’aime être comme ça ! »

Il haussa les épaules, avant de récupérer sa sucrerie entre ses doigts. Sa langue passa sur ses lèvres, récupérant, goûtant la douce sensation du bonbon sur ses croissants de chairs. Chul avait volontairement passé sous silence le fait de pleurer. Il ne pleurait pas. Il ne pleurait plus. Toutes les larmes qu’il avait versées auraient pu être utilisées pour trois autres vies que la sienne. Maintenant, ce qui lui permettait de se détendre, c’était s’épuiser jusqu’à ce que son corps ne le supporte plus. Il voulait danser sans s’arrêter, atteignant le point extrême de la fatigue où plus rien ne comptait que de fermer les yeux et de se laisser aller. En temps qu’hyperactifs avec léger troubles de l’attention diagnostiqué, cela prenait du temps. Beaucoup de temps. Des heures et des heures à refaire les mêmes gestes. Là où certains auraient arrêtés de frustration due aux erreurs, Chulhei travaillait mille fois plus pour étouffer cette impureté. Comme un besoin essentiel. Lui qui blâmait Ren de trop travailler, il ne faisait pas mieux en un sens.

Le murmure de Jae n’arriva pas jusqu’à ses oreilles. Mais il entendit bien la question suivante. Il est vrai qu’il commençait à s’impatienter, à prendre sur lui pour rester assis à attendre que Jae se calme un minimum. En le voyant se relever, il suivit le mouvement, bien plus rapidement. Chul n’avait pas de mal de crâne ou de blessures pour entraver ses mouvements. Un court instant, il réfléchit, alignant ses quelques neurones pour accomplir l’exploit de trouver quelque chose à faire. Déjà, il avait faim, n’ayant fait que grignoter rapidement son petit déjeuner pour fuir en quatrième vitesse la zone accidenté de leur appartement.

« Brûler des voitures, c’est pas trop mon délire. Mais on pourrait aller manger un truc avant de trouver quelque chose à faire ! »

Ce n’était pas sans doute pas aussi impressionnant que ce à quoi s’attendait l’autre coréen, mais c’est tout ce que le Yun voulait faire pour le moment. Alors, il se mit à marcher, l’incitant à se joindre à son départ d’un mouvement de main, sucette en bouche. Ils trouveront bien une connerie à faire tous les deux. Quoi que, ce serait plutôt l’inverse. Ce sont les emmerdes qui les rattrapent, la plupart du temps.

   

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] ~ Du côté de Jae Won, un sourire aux lèvres commence enfin à se dessiner. Les mésaventures des colocataites ont le don de toujours l'amuser. Et en ce moment précis, il en a besoin de s'amuser. De penser à autre chose qu'à sa journée qui a déjà mal commencée. Le coréen souhaite qu'elle se termine sur une jolie note. Et cette jolie note, c'est bel et bien Chulhei Yun. Il ne pouvait pas espérer mieux. Et sans s'en rendre totalement compte, sa bonne humeur finit par passer ainsi dans le corps et surtout dans la tête de Jae. Ce dernier ne peut que s'imaginer la tête de Kang-Dae en ce moment-même, qui doit sûrement être en train de galérer à trouver le moyen de réparer un lave-linge sans l'aide de son très cher et précieux coloc'. Puis, si Jae Won n'avait pas cette aura encore un peu négative autour de lui, il aurait sûrement accourut pour aller aider Kang, tout en abandonnant Chul sans aucune peine. Mais bon. Pour le moment, il ne préfère pas croiser son amoureux. Il n'a pas envie de l'embêter avec ses histoires. Déjà qu'il n'a aucune envie d'en parler à tout le monde. Encore moins à lui alors. Mais passons. Faisant tourner sa sucette dans sa bouche, il garde son regard penché vers le visage du Yun. Il attend sa réponse, patiemment. En savoir plus sur son ami, c'est aussi important. Peut-être que durant cette journée, il pourra avoir quelques détails de sa vie. À voir si Chulhei est du genre à se confier. Ce qui doit sûrement pas être le cas. Car rares sont les personnes, même toutes gentilles et sympathique, d'aimer raconter sa vie. On a tous rencontré des problèmes plus ou moins grave, ça, Jae Won en a conscience. « Alors c'est le plus important, si tu aimes être comme ça. C'est important de s'aimer soi-même. » C'est un début à tout en tout cas. Il pose doucement une main sur son épaule, tentant un sourire qui se veut plus rassurant. « Mais saches que je suis là si tu as besoin. N'oublie pas. » Il marque une pause et reprend rapidement. « Merci à toi.. Je me sens un peu mieux ! » qu'il dit en souriant sincèrement.

Restant debout à le regarder, attendant le programme de la journée, il fronce les sourcils en entendant les paroles de Chulhei. « Brûler des voitures ? C'est pas encore dans mes compétences ça. » Pas encore, oui. Il en a fait des conneries, qui lui ont permis de dire souvent bonjour aux policiers de Los Angeles. Ça ne l'arrête pas, même s'il s'est calmé, n'ayant pas très envie de prendre une peine maximale de prison. Ce serait bien trop bête. De plus, maintenant, il a des proches qui compte énormément pour lui, en plus de sa famille. Ce qui lui permet de mieux se reprendre en main, sans aller trop loin dans ses bêtises. Le suivant un peu, il finit par lancer : « Eh bien tu sais quoi ? Je connais un petit restaurant asiatique pas piqué des hannetons, dans le coin. Je t'y emmène, et c'est moi qui offre ! » Jae Won lui sourit légèrement, et le tire alors doucement avec lui dans les rues, en sachant bien que Chulhei est arrivé ici en se perdant. A part si c'était un de ses rêves, d'aller se balader comme une fleur, dans le sud de la ville. Là où les coins sont pas forcément les plus rassurants. Enfin. Tout en gardant un œil sur le petit soleil qui trottine derrière lui, il arrive enfin devant le bâtiment en question. Un petit bâtiment tout coquet, comparé aux autres qui sont assez abîmés avec le temps. « Nous y voilà. Après toi. » que Jae lance en lui tenant la porte, en signe de galanterie. Galanterie envers un homme oui. Et alors ? Bref. Le coréen rentre à son tour et s'assoit sur une petite table, toujours proche de la fenêtre. Allez savoir pourquoi Jae aime les fenêtres. C'est une longue histoire d'amour. « Prend tout ce que tu veux, il y a du choix ! » dit-il alors que le serveur leur donne les menus. Pour Jae, ce sera du Bibimpap au bœuf. Sans hésiter. Il regarde alors Chulhei, se demandant bien ce qu'il va prendre, et pose alors la tête sur la vitre, regardant en dehors. Pensif, très pensif, il se demande maintenant ce qu'ils pourraient faire ensemble pour passer l'après-midi. Sûrement des conneries comme toujours. Mais ça, ça plaît toujours à Jae Won. Sortir son côté rebelle, c'est toujours autant excitant.

Avoir amené un petit sourire sur le visage du Seok ne put que faire d’autant plus plaisir au Yun. Son but dans la vie, ce n’était pas de dispensé la joie et le bonheur dans le monde en riant. Non, il voulait juste que les gens se sentent mieux en sa présence. Déjà que tout le reste n’était que déboire de gris, un peu de couleur ne ferait jamais de mal. Même s’il avait appris à ses dépends qu’à trop s’occuper des autres, on s’oublie un peu. Maintenant, il ne le faisait plus, s’oublier. Il avait assez donné dans ce domaine pour continuer d’en souffrir. Malgré tout, la petite attention de Jae à son égard le surprit. Peu de gens avait un jour eu un mot gentil pour lui dire qu’il pouvait toujours venir leur parler. Bien sûr, il excitait. Et Chul vivait avec eux en ce moment même. Ren, Kang-Dae, Jae Won désormais. Mais il fallait croire que tout le monde n’était pas calé sur leur portrait. Ces trois garçons étaient des types biens. Même s’ils ne s’en rendaient pas forcément compte.

Son dernier petit commentaire lui fit chaud au cœur. Le faire se sentir un peu mieux avait donc réussi. Sa mission de la journée était faite. Il pouvait donc faire des mauvaises actions en toute impunité ! Enfin, non. Mais il pouvait tout simplement laisser un peu plus les choses couler. Même s’il allait sans doute sauter sur n’importer quelle occasion pour faire du bien à son entourage. On ne change pas un Chul qui gagne. Une fois debout sur ses deux pieds, il lança une petite blague que Jae ne sembla pas prendre au second degré. Bien sûr qu’il ne brûlait pas encore des voitures, voyons ! La petite remarque sur les compétences fit rire le coréen. Il espérait, d’un côté, que Jae ne soit jamais capable de faire ça. Même si, soyons clair, tout semblait possible dans la vie. Et Chulhei ne doutait pas que le Seok pouvait tout rendre possible. Même les films d’actions les plus invraisemblables.

Sans transition, Chul suivit Jae jusqu’à ce fameux petit restaurant. Comment refuser une invitation si joliment proposée ? L’expression toute mignonne de « pas piqué des hannetons » avait faillit faire de nouveau rire le Yun. Oui, ce genre de chose le fait marrer. Surtout sortie de la bouche de Jae Won, qui semblait plus que familier avec ces paroles. C’est mignon et perturbant en même temps. Pour une première fois à l’entendre. Après, il s’y habituera. Enfin… Normalement. Ils marchèrent un peu et Chulhei en profita pour observer autour de lui. South L.A. avait la plus redoutable des popularités. Tout le monde s’accordait à dire qu’il ne fallait absolument pas fréquenter ce genre de lieu si l’on voulait garder son porte-monnaie ou juste rester en vie. Mais pour le moment, de ce qu’il voyait, cela ne semblait pas si terrible. La pauvreté se sentait oui, tout comme l’abandon visible des priorités de la ville, mais Chulhei avait vu des choses similaires en Corée. Alors, cela ne le surprenait plus vraiment.

Il faillit rentrer dans Jae lorsque celui-ci s’arrêta devant le restaurant. Petit c’est le cas de le dire, mais adorable. Tout sourire, le plus vieux passa devant l’autre danseur pour entrer. Sa galanterie lui plaisait bien en plus de l’amuser. Jae alla directement s’installer prêt d’une fenêtre. Cela lui allait, alors il suivit le mouvement. Quelques instants plus tard, ils commandèrent. Ce sera du kimchi. Celui de sa mère lui manquait un peu, lui qui adorait ça quand il était jeune. Ou même les hotteok d’après école. Il en raffolait et ceux de sa mère étaient – comme pour beaucoup d’autres enfants aussi – les meilleurs. Plus tard, avec Haneul, ils avaient trouvé leur propre vendeur d’hotteok dans la rue qu’ils empruntaient pour aller au collège et au lycée. Alors, tout les matins et plus particulièrement en hiver, ils allaient en acheter, prenant même le risque d’être en retard pour ça. Trop de souvenirs pour une simple commande de plat. Ses yeux tombèrent sur Jae qui semblait perdu dans un instant mélancolique puissant, la tête ainsi, contre la fenêtre. Chulhei sourit, posant alors ses bras sur la table en le regardant, attendant tranquillement leur commande.

« Tu veux que je lance une musique d’ambiance mélancolique pour aller avec tes pensées ? »

Ce n’était qu’une supposition. Si Jae ne pensait pas à sa vie triste de petit coréen à Los Angeles, il devait alors se demandait ce qu’ils pourraient bien faire plus tard, dans l’après-midi. Après tout, ils avaient encore du temps, même si Chulhei était quasiment sûr que Kang-Dae allait l’appeler d’un instant à l’autre pour qu’il rentre dans sa fugue improvisée. Mais, si cela se trouve, les deux coréens seront dans les problèmes jusqu’au cou et il ne pourra donc pas répondre et donc ne pourra pas rentrer. Comme c’est dommage ! Franchement, à bien choisir, le Yun préférait tomber dans une embuscade que retourner à l’appartement avec un lave-linge en perdition et un Kim furieux. Il est sûr de plus survivre dans la première situation que dans la deuxième. Il pencha alors la tête sur le côté, voulant quand même savoir ce qui travaillait l’esprit de son ami.

« A quoi tu penses ? » demanda-t-il en souriant toujours.

Le savoir n’allait pas forcément changer la face du monde mais cela aurait au moins le mérite de modifier leur journée. Parce que si Jae ne semblait pas très compétent en brûlage de voiture, il trouvait néanmoins toujours un moyen de leur faire courir comme des dératés dans les rues pour fuir une quelconque nouvelle connerie. Serait-ce un superpouvoir ? Assez impressionnant quand même. Et puis, Chulhei aimait bien s’investir dans la vie des autres. Pas de manière trop envahissante. Enfin, il évitait un peu quoi. Mais il ne savait pas vraiment où se trouver la limite. Pour certaine personne, il devait aller plus loin. Pour d’autre non. Que c’est complexe. Mais là, il n’avait pas dépassé de limite, non ?

   

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] ~ La voix de son ami le sort rapidement de sa transe. Rapidement, dans un petit sursaut, il tourne le regard vers celui du Yun. Ce dernier n'a pas manqué de lui faire remarquer sa petite mélancolie. Avait-il vraiment l'air mélancolique ? Sans doute. De toute manière, après cette journée de disputes et de bagarres, c'est sûr que Jae Won ne peut pas garder un visage tout sourire. Ce serait mentir de dire qu'il va bien en ce moment-même. Cependant, il va mieux que tout à l'heure. Tout ça grâce au jeune coréen assis en face de lui. Chulhei le rayon de soleil. Secouant lentement la tête, il réprime un soupire, le détaillant lentement du regard. Son sourire contagieux le fait aussi doucement sourire, avant qu'il ne se redresse un peu au fond de sa chaise. « Je me demandais ce qu'on pourrait faire après avoir grignoter un petit quelque chose. Tu as une idée ? » qu'il demande en haussant un sourcil. Ils ont l'habitude de se retrouver dans des situations pas possible, et c'est ce qui amuse toujours Jae quand il est avec Chulhei. Car avec lui, il arrive à se permettre de faire le con. Chose qu'il ne ferait jamais en la présence de Kang, ou bien de Ren. Pourquoi ? Aucune idée. Certainement parce qu'il n'a pas envie de se montrer idiot, justement. Ren ne comprendrait pas ses délires, tellement il est coincé. Et Kang pourrait rapidement le juger, avant de détaler comme un lapin. Chul est donc bien le seul avec qui il se sent plutôt à l'aise pour ce genre de chose. Bien évidemment, ils ne partent jamais trop loin dans leur connerie. Leur but n'est pas de se retrouver en taule, tout de même.

En attendant sa réponse, il commande un plateau de viennoiseries, et choisit un petit café de son côté. Il laisse ensuite le temps à son ami de choisir sa boisson, son regard se perdant encore un peu, pensant à pas mal de choses dans le même temps. Soupirant quelque peu, Jae lance un petit coup d'œil vers le coréen, et penche sa tête de côté. « Sinon... Comment se passe ta petite vie ? » Autant en apprendre plus, et apprendre des petits détails croustillants qui s'est passé durant ces derniers jours. Jae raffole des petits potins. Surtout quand tout cela concerne des personnes qu'il connaît bien, et que ce soit des choses amusantes. Enfin. Se redressant un peu mieux en voyant le serveur revenir avec les viennoiseries et boissons, il le remercie gentiment avant d'attraper un pain au chocolat, mordant dedans comme un homme qui n'a pas manger depuis deux cents soixante-dix huit jours. Il se fiche même totalement du regard que peut lui porter son ami, l'écoutant toujours attentivement, mâchant lentement son bout de pain. « Et ça se passe bien avec Ren ?~ » qu'il dit en esquissant un petit sourire en coin. Le Chen, c'est bien le couple qu'il ship et qu'il shippera encore et toujours. Il sait leur relation depuis peu, mais il les trouve vraiment adorable. Chulhei et Ren ont deux caractères totalement opposés. Et pourtant. Ils sortent ensemble. Si c'est pas magnifique ça, hein ? Mais bref. Attendant toujours des petits détails intéressants, il vient souffler légèrement sur sa tasse de café avant d'en boire une grande gorgée. S'il doit se préparer à faire le fou dehors, en compagnie de Chul le mignon, il se doit d'être prêt. Et qui dit prêt, dit être rempli d'énergie. Et qui dit remplit d'énergie, dit grande dose de caféine. Le Seok finit donc rapidement sa tasse de café et en redemande une autre au serveur. Serveur qui s'exécute et qui revient quelques instants plus tard, déposant une nouvelle tasse de café qui sent vraiment bon. Parfaitement parfait. Maintenant qu'il est servit, il peut se concentrer de nouveau sur Chulhei. Il reste attentif, ne voulant pas rater une seule miette de leur conversation. Ainsi, il pourra peut-être se permettre de le taquiner. Comme il en a l'habitude avec lui.  

Chulhei n’avait pas vraiment prévu de faire quelque chose de particulier durant sa journée. A vrai dire, il avait juste espérer pouvoir un peu visiter, voir découvrir de nouveau horizon. De tous ses amis, il était encore le seul à se perdre dans la ville. Un peu honteux lorsque l’on y pensait comme ça. Mais il avait un sens de l’orientation désastreux et son côté tête en l’air ne l’aidait en rien à se repérer autour de lui. Il avait bien pris l’habitude de ne jamais sortir dans sa carte de papier et l’application si célèbre ouverte sur son téléphone. C’est un minimum de survis pour s’en sortir sans trop d’embuches. Même si cela ne l’empêchait pas de finir dans des situations d’un peu n’importe quoi. Il ne pouvait pas vraiment y faire grand-chose. C’était dans sa nature, après tout.

Se mettant alors à réfléchir à la question de Jae, il regarda par la fenêtre. Le jour était clair et plutôt bien dégagé. Il faisait beau en somme. Tout cela s’annoncer bien. Même s’il savait que lorsqu’il rentrera, ce sera le retour de la guerre des colocataires, Chulhei ne peut s’empêcher de se dire que tout va bien se passer de toute façon. Tentant de trouver une idée, il posa sa joue dans sa paume, son coude sur la table. C’était difficile de dire ce qu’ils pourraient bien faire. Après tout, des deux, Jae Won était le plus calé sur la ville des anges. Et puis même, ce quartier lui était complètement inconnu. Même s’il en avait entendu parler bien sûr. Mais il avait voulu tout voir de ses propres yeux. Et pour le moment, rien ne semblait si terrible. Le souvenir de sa recherche internet refleurit alors dans son esprit. Son regard se redirigea vers Jae alors qu’un nouveau sourire lui éclairait le visage.

« Ça te dirait d’aller voir les murs de street art ? Il y en a plein apparemment par ici et je n’en ai jamais vraiment vu ! »

Devenant tout excité à cette idée, il ne remarqua même pas ce que commandait son ami. Mais s’il l’avait fait, il aurait trouvé cela étrange. Le dessert avant le repas consistant ? Même le serveur sembla hésité. Mais le client est roi ! Alors ce n’était pas trop grave. D’un autre côté, Chulhei ne pouvait pas non plus vraiment critiqué. Quand il était petit et qu’il mangeait au McDo avec sa mère, il commençait toujours par le dessert de son Happy Meal. En grandissant, il s’était rendu compte que personne ne faisait cela. Alors il avait en quelque sorte arrêté. Mais voir Jae avoir cette mauvaise habitude le fait quelque peu rire. Enfin, il aurait rit s’il avait remarqué.

Mais il saisit tout de même cette chance pour commander du Sprite. La boisson sacrée des dieux. Pour lui en tout cas. Au lycée, il n’avait plus juré que par elle. Même si elle lui était interdite. Ses médicaments, son hyperactivité, son déficit de l’attention. Il s’était retrouvé privé de beaucoup de choses qu’il adorait. Même s’il avait souvent enfreint les règles. Parce quoi voilà quoi ! On ne vit qu’une fois, et s’il fallait bien vivre, on ne ferait plus rien d’excitant. Chul n’était pas née pour rester coincé dans une routine stressante. Il était là pour rayonner. Et ce rôle lui allait très bien. Il en était comblé. Regardant alors de nouveau Jae, il s’adossa à sa chaise, haussant les épaules.

« Ma petite vie va bien. Elle profite de son erasmus tant qu’elle le peut encore. Et la tienne ? Et Tae ? »

En deux points cruciaux : de un, Chulhei venait d’avouer qu’il devrait repartir au bout d’un moment, de deux, Tae. Voilà à peu près à quoi se résumer ce passage. Kang-Dae le savait et maintenant Jae. Mais pas Ren. Si son université refuse de lui accorder un doublon dans son projet d’échange, lui réactualisant son VISA, il devra repartir. Mais il n’y a aucune raison qu’ils refusent, non ? Après tout, sa carrière décolle enfin un peu ici. L’un de ses professeurs lui ayant demandé de participer à un concours en plus du spectacle annuel de fin d’année. Un honneur pour lui, qui n’est qu’un simple étudiant transféré.  Alors, même si c’était un peu gros de le faire participer avec les élèves ayant un peu plus de cachet que lui, il s’en trouvait toujours plus heureux. Et puis, il y avait Tae. Ahlala… Ce petit chien hyperactif peureux des chats le fera toujours rire. Avec ses jambes minuscules et sa manière de courir après Jae. Adorable. Chul aurait aimé avoir un chien. Même en appartement, c’est impossible. Et maintenant, à la colocation, c’est d’autant plus compliqué que Kang lui casse déjà les pieds à vouloir s’adopter un staff. Mais le proprio est contre. Ils le savent très bien. C’est un peu triste, mais ils devront attendre. Autant l’un que l’autre.

Le serveur revint avec la commande de gâteaux et les deux boissons. Regardant alors Jae manger comme un morfal, Chulhei décida de se joindre à lui en lui piquant ce qui ressembler à un croissant. Autant être étrange à deux. C’est toujours plus marrant. Et puis, le Seok lui donnait faim à lui mettre de telles saveurs sous le nez. Commençant à mâchonner son petit bout tranquillement, il fit tourner la paille verte dans son verre. Un petit rire lui échappa en songeant que cela ressembler à une date, avant de rapidement se calmer. Si Ren l’apprenait, il lui piquerait une crise avant d’aller s’enfermer dans son appartement. Mais déjà, ce n’était pas un rendez-vous, c’était un concours de circonstances. Et deuxièmement, Chul n’ait pas un de ses mecs qui trompent à bout de bras. Il est fidèle, comme un labrador. Peut-être un peu trop. Car cela peut rapidement passer à de la jalousie. Quasiment maladive par moment. C’était d’autant plus complexe que Ren, lui, n’en faisait qu’à sa tête en plus d’être d’une fierté sans nom. Tout cela pouvait être bien complexe. Mais terminait toujours bien. Ou plutôt, ils essayaient. Et d’ailleurs, en parlant de Ren, Jae mit le sujet sur le tapis. Il cherchait aussi à lui faire passer un interrogatoire où c’était comment ?

« Bien sûr que ça se passe bien ! s’exclama-t-il alors. Franchement, c’est sans doute la meilleure relation que j’ai jamais vécu. Il me fait… Tu sais… Avoir le cœur qui fait vraiment boom boom. »

Uniquement Ren avait réussi à lui faire vivre cela. Et c’était assez surprenant de ce dire qu’il s’agissait d’un petit mec, plus vieux que lui, qui, en plus d’un naturel adorable, pouvait avoir un sacré sale caractère quand il s’y mettait. Mais c’était sans doute pour cela que Chulhei l’aimait autant. Parce qu’il ne lui rendait pas la vie facile. Et que tout était toujours plus en musique lorsqu’il se trouvait près de lui. Une sorte de conte de fée où les deux protagonistes sont complètement opposés et totalement complémentaires. Un peu comme le Jang d’ailleurs. Kang-Dae était le type de mec à avoir une vie simple, sans trop de soucis ou de prises de tête, un vrai petit bébé dans sa manière de voir le monde – même s’il cachait très clairement son jeu pour certaine chose – tandis que Jae Won était l’archétype même du badboy à l’esprit torturé et au tourment profond particulièrement prenant. Oui, deux opposés aussi. Ce qui amena bien sûr le plus à lui retourner la question.

« Et avec Kang ? C’est l’amour fou, hein ? se moqua-t-il légèrement. Je veux toooouuut savoir ! »

Pour tout avouer, il voulait aussi en savoir plus. Car, même s’il parlait beaucoup, beaucoup, beaucoup avec Kang, leur vie amoureuse restait tout de même un sujet intime qu’ils ne partageaient pas vraiment. Non, eux, ils se battaient sur le premier pour aller se laver, ou alors sur le planning des tâches ménagères, même si Chul faisait quasiment 90% du travail et que Kang passait toute sa vie dans la salle de bain. Et le Yun ne voulait pas savoir ce qu’il faisait dedans. Un souriant taquin sur les lèvres, il observa les réactions de Jae. Les détails sont toujours les meilleurs.