how to save a life 101 (ft Darwin)

J'ai peiné à avoir une bonne nuit de sommeil. C'est probablement dû au fait qu'aujourd'hui c'est mon premier jour d'internat. Aujourd'hui je commence mon clinicat, aujourd'hui je deviens interne en chirurgie, officiellement. J'ai encore du mal à y croire. Mais je crois que c'est aussi dû au fait que j'ai passé deux semaines à ne pas faire grand chose de mes journées. C'était reposant, mais peut-être un peu trop. J'ai vraiment hâte de me lancer dans le grand bain, de bosser, de faire des gardes de 36h... Là je pourrais rentrer et m'effondrer comme une masse, dormir quelques heures et tout recommencer. Je suis impatiente !

Je vérifie pour la troisième fois que j'ai bien pris toutes mes affaires et je pars en direction de l'hôpital. Une fois là-bas je reçois mon uniforme et mon numéro de casier. J'attends d'être dans le vestiaire des internes et de m'être changée pour m'observer dans le miroir. Je porte la blouse blanche que j'ai reçue il y a deux semaines, quand j'ai été diplômée de l'école de médecine. Sur la blouse on peut lire "Docteur Sage McLain". J'ai toujours un peu de mal à y croire. Dans le vestiaire je ne suis pas la seule interne. On est une petite dizaine à se préparer. Il y a un médecin à l'entrée qui joue les coordinateurs et répartit les internes avec leur médecin de référence, des résidents de troisième année. J'attends patiemment mon tour. Puis j'entends mon nom. Je fronce les sourcils. « Est-ce qu'il y a un problème ? » je demande au médecin coordinateur. Il a l'air de penser qu'il y a eu une erreur. Mais il faut croire que non. Il me dit de me bouger et me lance un "bonne chance" avec un sourire qui m'a tout l'air d'être ironique. Étrange. Mais je n'ai pas le temps de me soucier de ça. Ma garde est sur le point de commencer et je dois trouver mon résident. Je demande à plusieurs infirmières avant de le trouver. « Docteur Miller ? » je demande avec précaution. « Je suis Sag... le docteur Sage McLain.  Je suis votre nouvelle interne. » dis-je alors pour me présenter.

Darwin pourrait dire qu'il n'en pouvait plus de la routine du quotidien, de ces journées de travail qui ne semblaient pas avoir de fin et de toutes ces conneries. Mais la réalité c'était que si il y avait bien un endroit où il se sentait un minimum bien c'était au travail. En effet, il avait beau avoir des problèmes avec ses collègues, avec ses supérieur même avec qui il n'arrêtait jamais de se prendre la tête et avec qui il se montrait insolent, ça n'en restait pas moins son sanctuaire... un sanctuaire où il n'arrivait à se montrer sous son bon jour qu'avec les infirmières qu'il respectait au plus haut point et surtout ses patients qui étaient absolument tout pour lui. Alors oui, les moments où il travaillait étaient les seuls moments de bons pour lui, là où il laissait ses idées noires de côté pour simplement prendre soin de ses patients. Bon l'amertume quand à elle... disons qu'à défaut de mieux c'était sur les autres qu'il déchargeait, faisant de lui un des résident les moins appréciés de l'hôpital hormis pour une toute petite poignée qui voyait en lui du potentiel, ce qu'il ne comprenait vraiment pas.

Mais voilà, les rumeurs allaient bon train sur lui, sa réputation n'était clairement pas au plus haut et on rechignait à devoir bosser avec lui ou d'être obligé de l'avoir dans les pattes. Si son talent était au moins reconnu son sale caractère lui était tout simplement légendaire. Mais il s'en fichait Darwin, bien au contraire même, au moins ça lui assurait qu'on ne vienne jamais l'emmerder à moins d'y être vraiment obligé. Et du coup c'était pour ça qu'il ne l'avait pas vu venir celle là. En effet, une jeune femme rousse était venu l'aborder, se présentant comme le docteur ilsenfout pour... pour quoi ? Lui annoncer qu'elle était son interne ? La regardant avec de grands yeux avant de lâcher un léger rire face à l'improbabilité de la chose « Sérieux ? Ils ont osé ? Putain, moi qui pensait qu'ils avaient fini par abandonner. » avait-il alors répondu, ne pensant pas sérieusement qu'ils allaient le mettre responsable d'une interne avec tous les problèmes qu'il représentait à lui seul « Sans vouloir être méchant avec toi je pense que tu devrais aller demander à être mise avec quelqu'un d'autre. Tu pourras même dire que c'est ma faute mais crois moi, t'as pas envie d'être mon interne. » Il était clairement pas apte à enseigner quoi que ce soit à qui que ce soit actuellement, c'était en tout cas ce qu'il pensait.

Le docteur Miller n'a pas l'air d'avoir été prévenu. Il a même l'air complètement halluciné. Vu son langage grossier et son attitude clairement je m'en foutiste, ça m'étonne même qu'il soit autorisé à exercer. Il doit avoir du talent. Je n'ai rien contre la mauvaise humeur, les jurons et tout le reste, je pourrais très bien m'en accommoder. Surtout si c'est pour apprendre auprès d'un médecin qui a un réel talent pour la médecine et pas seulement une bonne technique. Etre chirurgien c'est pas seulement connaître la théorie et la pratique, ce serait trop facile. Il faut être créatif, ingénieux, avoir de l'instinct, être téméraire, du moins jusqu'à un certain point. « Sans vouloir être méchant avec toi je pense que tu devrais aller demander à être mise avec quelqu'un d'autre. Tu pourras même dire que c'est ma faute mais crois moi, t'as pas envie d'être mon interne. » me lâche t-il finalement. J'écarquille un peu les yeux. J'ai envie de soupirer et de lever les yeux au ciel, mais je me retiens. Je ne veux pas être impolie. C'est mon premier jour et, même s'il n'est pas emballé par l'idée, il est censé être mon enseignant. C'est le moment de se montrer sous son meilleur jour. « Sans vouloir vous vexer, je pense que ce n'est pas à moi d'organiser les plannings. Je suis interne, c'est mon premier jour, je fais ce qu'on me dit. On m'a dit d'aller vers vous, c'est ce que j'ai fais. Le reste n'est pas de mon ressort. » je réplique tentant de ne pas paraître trop insolente ou caractérielle ou je ne sais quoi d'autre. Faut dire que je suis pas la plus douée en relations humaines, c'est pas mon fort, alors je fais comme je peux. « Mais croyez-moi, toute expérience est bonne à prendre. Bonne... ou mauvaise. » S'il veut m'éjecter, c'est lui qui devra aller le demander officiellement. De toute façon, je ne peux rien dire moi. Je ne suis qu'une interne, et je compte bien le rester. Je vais pas aller chipoter sur mes affectations dès mon premier jour ! « On m'a donné la liste de vos patients. Est-ce qu'on commence par les visites de routine ou vous préférez commencer par les post-ops ? » Je ne sais pas si je veux lui montrer que j'ai déjà commencé à bosser, que je peux lui être bien plus utile qu'il ne le pense ou si je veux simplement qu'il oublie cette idée de me bazarder, ou un peu tout à la fois. Mince, je ne sais même pas quelle est sa spécialité. J'aurais peut-être dû m'attarder là dessus en premier.

Lui coller un interne dans les pattes... sérieusement... comme ci il n'avait pas assez de difficultés à se gérer lui même ! Surtout que même dans l'administration on ne voulait plus de lui, beaucoup le traitaient d'inapte et il n'était protégé que par le fait que quelques rares collègues et le chef de chirurgie s'étaient mis en tête qu'il avait de l'avenir... Peut être était-ce ça au final, une tentative des uns de convaincre les autres qu'il ne valait rien ou au contraire une épreuves des autres pour le pousser à évoluer... allez savoir ! La seule chose dont Darwin était certain c'était que cette fille là... elle allait vite regretter son assignation et il était vraiment triste pour elle car il savait à quel point ça pouvait être la merde de tomber sur un mauvais référent. Enfin bref, il l'avait donc mise en garde face au fait d'être son interne et l'avait même encouragé à demandé un changement. Elle pourrait même dire que ça venait de lui il s'en fichait, il était prêt à assumer pour son bien car clairement rester avec lui... bref ! Et alors qu'il pensait juste retourner vaquer à ses occupations pendant que l'autre partirait sans doute hébétée vers le chef des résident afin de demander un changement et de comprendre quand elle entendra tout ce qui se dit sur lui, il fut surpris de voir que non, qu'elle restait là et surtout qu'elle insistait pour rester en plus. Enfin ça ressemblait plus à des plaintes mais le genre à dire qu'elle se laissait pas marcher dessus pour impressionner. Sauf que Darwin demandait pas à être impressionné, il demandait la paix. « Alors c'est bien, tu te laisses pas faire, t'as l'air d'avoir du caractère et c'est très bien, surtout étant donné notre domaine. Mais hey, crois moi, t'as personne à impressionner ici. Je disais pas ça pour te mettre à l'épreuve, je te dis ça car je suis une épave qui a un rapport sur le dos par semaine, c'était clairement pour te rendre service. » avait-il tenté de lui expliquer. Car oui, il n'était qu'un nid à problèmes ! Il était certes doué mais il n'était pas certain de pouvoir lui enseigner de bonnes choses pour bien se faire voir, lui n'était là que par pitié. Mais bon, si c'est ce qu'elle voulait... « Bon... après tout c'est ton avenir, tu fais comme tu veux. Moi au final je m'en fous. Et je vais surtout commencer par aller là, c'était là où je comptais me rendre à la base et tu me diras de quoi il s'agit comme ça. » avait-il dit tout en indiquant le fond du couloir où se trouvait la chambre d'un de ses patients.

Il s'y était donc rendu sans trop faire gaffe à sa nouvelle interne pour tomber face à un jeune patient d'environ douze ans allongé dans le lit, un bandage tout autour de la tête et en train de regarder la télé. « Hey petit diable ! Parait que t'as embêté les infirmières en jouant avec le bouton d'appel ? Non mais t'as pas honte ? » avait-il dit alors que le gamin s'était mis à rire. Darwin avait ensuite attrapé la planche se trouvant sur le lit et résumant la condition du patient avant de se tourner vers son interne « Alors docteur... Sage ? Petit exercice pour voir si t'as étudié mes patients avant de venir : Rien qu'en regardant l'état de mon petit patient, peux tu me dire à qui il correspond dans ta petite liste là et si c'est post op ou de routine ? » avait-il demandé l'air tout à fait sérieux tandis que le gamin souriait comme un beau diable. Et du coup à sa disposition elle avait plusieurs indice, comme ce bandage énorme sur sa tête, la perfusion qui semblait remonter sous sa manche ou encore le fauteuil roulant rangé dans un coin de la pièce. C'était des détails évidents ! Mais aussi trompeurs car la perfusion était fausse, une poche d'eau avec un tuyau juste scotché sous on bras mais surtout il y avait des affaires sur la table de chevet et ailleurs qui témoignait d'un séjour prolongé oui, mais pas d'un enfant, un sac à main posé sur un sac, une partie de son contenu et un téléphone portable sur la table basse, un livre aussi usé jusqu'à l'os et qui tenait plus du roman policier que du roman pour enfant. Sa vraie patiente était sa mère, Sana Acar qui avait eut un accident de moto et avait eut une commotion et une jambe cassée. Elle allait bien en soit, elle n'allait sans doute pas tarder à rentrer chez elle et actuellement elle devait même être dans les toilettes juste à côté mais autant lui jouer un tour, surtout que le fils adorait jouer les patients et faire des farces aux gens.

Super, je suis tombée sur le pire des résidents, celui totalement désabusé, misérable et qui n'en a rien à foutre de rien. C'est bien ma veine. A croire que quelqu'un essaie de me saboter et de saboter ma future carrière ! Même si en toute honnêteté, je n'en vois pas tellement l'intérêt. Certes je suis sortie major de ma promo à Stanford et je suis déterminée à devenir le meilleur médecin tout du moins de ma génération. Pourtant je ne vois pas pourquoi on voudrait m'en empêcher, ce serait parfaitement ridicule. Je suppose que c'est simplement un coup du sort, et dans tous les cas je vais devoir faire avec. Avec lui en l’occurrence. Je n'ai pas tellement d'autre choix. Alors je fais ce qu'il me dit et je le suis. En rentrant dans la chambre je regarde le numéro de la porte histoire d'avoir une idée du patient qui m'attends derrière. Seulement, une fois arrivée dans la pièce ce n'est pas le patient auquel je m'attends qui est installé sur le lit. Je fronce les sourcils et jette un nouveau coup d’œil rapide au numéro inscrit sur la porte pendant que le docteur Miller s'amuse. Je sens que chacun de ses gestes, de ses mots, de ses actions vont m'énerver. C'est mal barré. Mais soudain il se tourne vers moi pour m'interroger. Un test. Ahah, s'il croit me piéger si facilement ! « McLain. Dr McLain. » je répète avec un petit sourire. Un médecin qui a du mal avec la mémoire des noms. Ironique. « J'ai bien étudié vos patients Dr Miller. Et d'après les informations que l'on m'a données cette chambre est celle d'une femme d'une trentaine d'année, hospitalisée pour double fracture tibia-péroné et une commotion. Elle a du être surveillée toute la nuit pour s'assurer qu'il n'y avait pas de risques. Je suppose qu'elle a du partir plus tôt dans la matinée et que ce jeune homme ici présent est un nouveau patient. Au vu de l'heure ça ne peut pas être un pré-op, j'ai vérifié vous n'avez pas d'opérations prévues pour le moment. Donc je dirais que ce patient est là pour des analyses et des tests avant qu'un diagnostic ne soit fixé ? » je réponds alors tout naturellement. Après tout, c'est une question de logique. La logique n'échoue jamais. Enfin, excepté si les données de base sont faussées. Et vu la tronche que Miller tire, les données devaient être bien faussées. « Vous ne tiendriez pas deux secondes à une partie de poker. » je lance alors. Je l'imagine mal bluffer, même si au final il semblerait que ce soit ce qu'il vient de faire. Mais j'ai encore des doutes. Il est bien trop énigmatique pour que j'arrive à le déchiffrer en si peu de temps. Mais je suis prête à entrer dans son jeu. Ce n'est pas comme ça qu'il me fera fuir.