Make it right ft. Ren Yamazaki

Le bus semblait  assez rempli. Ren s’assit sur l’un des sièges libres, tandis que Chul se plaça debout à ses côtés. Le japonais tenta de parler, mais il était beaucoup moins doué que Chul à ce jeu. Il espérait pouvoir le revoir s’illuminer, et esquissait toujours ces faux sourires emplis de tristesse. Rien à faire. Le Yun ne souriait pas, et ne répondait pratiquement pas à ce qu'il lui disait, ce qui attristait encore plus le japonais. Il ne voulait pas le voir aussi sombre pour de simples blessures. Soudainement, le visage du coréen se rapprocha rapidement  du siens, et souleva son visage de ses doigts. Il l’embrassa passionnément, comme pour le faire taire. Cette sensation lui avait manquée, sentir un contact avec lui le réchauffait. Ren était démasqué. Chul avait remarqué que ses sourires étaient ridiculement des impostures. Sa tête se rabaissa, les yeux rivés sur ses mains. Il se sentit rapidement embarrassé d'apparaître aussi ridicule face à son partenaire. Cela devait suffisamment l'embêter de devoir se balader avec lui dans cet état. Ses mots résonnèrent dans son esprit. Evidemment qu’il allait le remarquer. Ren ne ressemblait en rien aux personnes qui respiraient la joie de vivre toutes les secondes. De plus, il mentait extrêmement mal, et lorsqu'il le faisait, cela se voyait tout de suite. Il posa sa tête sur le torse du coréen pendant le restant du trajet. Leur destination approchait. Lors de la descente du bus, Chul lui offrit ses mains pour l’aider à ne pas rater la marche. Il était adorable. Simplement adorable. Il ne s'était pas plaint une seule fois, et pourtant il y avait de quoi.


Le long de la rue, de nombreux magasins s’offraient à eux avec de nombreuses insignes écrites en langues asiatiques. Les panneaux étaient lumineux, et les boutiques dégageaient des musiques d'ambiance plutôt agréables. Le japonais ne savait pas trop où ils allaient, alors il ne lâcha pas son partenaire d’une semelle. Il restait à ses côtés suivant tous ses pas. Les lanternes rouges défilaient, flottant avec le vent. Les mochis, il adorait ça. Cette texture moelleuse et gluante à la fois, ce petit goût de douceur qui s’enveloppait après en avoir avaler un était simplement exquis. Le coréen se mit à parler. Parler de quelques souvenirs. Ren l’écouta attentivement, heureux de le voir s’adresser à lui.  Le Yun se mit même à rire légèrement. Le japonais l’observa, le regard surpris, avant de se sentir soulagé, rassuré d’entendre sa voix revenir. Son visage s’éclaira, laissant apparaître un splendide sourire lorsqu’il se retourna vers lui. Chul s’arrêta au milieu de la route, passant ses bras autour de lui. Ce moment intime lui fit oublier ce qu’ils étaient venus faire ici. Lui ? Un mochi ? Il ne se pensait pas du tout aussi mignon, malgré l'avis du coréen. L’imagination de Chul était vraiment débordante de créativité. Si débordante qu’il ne put s’empêcher de rigoler en entendant l’analogie entre lui et un mochi. Leurs visages se rapprochèrent  à nouveau, sentant leurs nez s’entremêler. Ils se séparèrent, tandis que la main du coréen l’enveloppa de toute la longueur de ses doigts. Le japonais le regarda, un sourire aux lèvres, qu’il garda tout le long de leur marche. A cause de lui, ils ne pouvaient pas se déplacer aussi rapidement qu’il l’aurait voulu, lui qui d’habitude marchait plus vite que tout le monde, cela l’agaçait un peu. Le vent leurs frôlait le visage doucement, faisant virevolter leurs cheveux. Leurs doigts joints, ils continuaient de marcher jusqu’à apercevoir la devanture plutôt simple. Ils entrèrent donc à l’intérieur, et achetèrent un assortiment de divers mochis, pour ensuite allez les manger dans un parc se situant à côté.

De nombreux arbres étaient plantés ici, et la verdure étaient plus que présente. Les deux hommes marchèrent jusqu'à trouver un coin tranquille pour savourer leur sucreries. Ils s'assirent, côte à côte, leurs jambes dans l’herbe verte et leurs dos contre un arbre. Ren appréciait pouvoir passer encore un moment avec lui. Il prit un mochi à la pâte d’haricots rouges, puis tourna la tête vers Chul, qui se débattait en train d’en déguster un. Sa mâchoire bougeait, s’efforçant de séparer la pâte de riz en deux. Il le regardait, les yeux souriant pour lui. Son visage était éclairé par le soleil passant à travers les feuilles. Ses cheveux affichaient de beaux reflets orangés. Il était tout simplement magnifique aux yeux de Ren. Le bruit des oiseaux se laissait entendre, ce qui détendait un peu plus l'atmosphère. Il posa délicatement sa tête sur son épaule, continuant de manger sa friandise. Il voulait tenter d’ouvrir la conversation, mais revenir sur les questions qu’il lui avait déjà posé était maladroit. Il ne savait plus quoi faire et ne voulait en aucun cas paraître gênant. Il leva légèrement les yeux en direction de Chul et déposa un baiser sur sa joue. Il n’était pas très doué en ce qui concernait mener une discussion. Mais essaya tout de même. Après tout, qu’est-ce qu’il perdait.

« Au fait, je voulais te remercier en personne pour ce matin. C’était délicieux.»

Certes, il se répétait. Mais c’était mieux que de ne rien dire. Il reprit un mochi, et regarda aux alentours, il y avait peu de personnes. Il reposa sa tête et ferma les yeux. Sa nuque était dégagée par le T-shirt noir qu'il portait, laissant ainsi la lumière épouser sa peau. Il écoutait la voix de Chul, qui parlait de plus en plus. Elle était chaude et mélodieuse. Sa main se dirigea vers celle libre du coréen, située sur sa cuisse. Ses doigts se relièrent  aux siens. Il l’aimait tellement. La chaleur se mêlait aux courants d’air agréables. Il se sentait incroyablement bien auprès de lui. Quoi qu’il fasse, cela le reposait. Son profil le rassurai. Tout chez lui en fait. Il avait été le seul à lui provoquer cet effet. Sans doute avait-il été le seul à vraiment s’intéresser à lui, à le regarder tel qu’il était. Il lui laissa le dernier mochi. Chul semblait adorer ça. Le voir aussi radieux lui faisait plaisir, et c'est tout ce qui importait. Son bonheur à lui et rien d'autre, car il ne voulait surtout pas le perdre.  

Ils n’avaient pas lésiné sur la quantité de nourriture. Au plus grand plaisir de Chulhei qui était déjà excité de les dévorer. La boite dans la main, il pouvait quasiment sentir le sucre sur ses lèvres alors qu’il n’en avait pas encore goûté un seul. Un petit parc, coincé entre deux immeubles, se trouvait juste à côté. Il y avait de nombreux arbres, mais dans un espace restreint. Cela donnait un air confortable. Il y avait même un peu de pelouse. Ils s’y installèrent tranquillement, se laissant aller contre un tronc. Aussitôt, le coréen attaqua, s’emparant d’un mochi aux teintes vertes. Thé vert ? Pistache ? De toute façon, il allait bien le découvrir. Tandis qu’il s’efforçait de le manger sans s’étouffer, Ren posa sa tête contre son épaule. Un frisson lui remonta le long de sa colonne vertébrale. Si seulement il pouvait comprendre que ce simple geste, aussi adorable et simple, le mettait dans tous ses états. Il voulut le prendre dans ses bras, serrer cette petite taille fine contre son torse, enfouir son nez dans ses cheveux. Tous ces petits mouvements qui rendaient son univers tout doux, tout tranquille. Il adorerait passé des après-midi entier dans l’appartement à simplement profiter de la présence l’un de l’autre, sans rien demander en retour, sans rien vouloir. Juste eux deux.

Un bisou atterrit sur sa joue. Chul tourna la tête pour croiser le regard de Ren. S’il pouvait plonger dedans, il le ferait sans hésiter. Se perdre dans les méandres sombres et époustouflants qui caractérisaient ses pupilles noires. Un monde entier. Un univers complet. Rien que dans la prunelle de cet être qui, désormais, partageait sa vie. Chulhei n’avait jamais rêvé du grand amour, n’y avait jamais vraiment cru aussi. Pour lui, tout n’avait été que plaisir frivole et relation à demi-mot. Malgré les romans et les contes, il vivait dans ce qu’il appelait « la réalité ». Rêveur, il avait la tête dans les nuages, mais les pieds sur terre. L’amour, cela faisait partie de ce qui se trouvait sur le sol. Parce que, de ce qu’il en avait vu, rien ne mène à quelque chose avec. Mais maintenant, il découvrait qu’on pouvait vouloir garder quelqu’un pour soit. Il découvrait qu’on pouvait changer avec quelqu’un, par et pour amour. Il découvrait que, finalement, l’amour, ce n’était pas des promesses en l’air et des phrases romantiques. Il y avait tellement plus derrière. Une galaxie de sensations sans fin. C’est Ren qui lui avait appris ça, sans même s’en rendre compte. C’est Ren qui avait chamboulé tout son monde en un battement de cil. C’est Ren qui l’avait ouvert les portes d’un mystère de l’humanité.

« C’était la… moindre des choses, sourit-il. Je n’allais pas… partir... fuir comme un voleur ! »

Son anglais se perdait un peu. Parfois cela lui arrivait. Oublier un mot, sauter une syllabe, corner sa phrase. Pourtant, il avait progressé. On pouvait féliciter Kang-Dae et ses longs moments de réflexion intenses sur sa vie lorsqu’il corrigeait Chul durant un cours. Les premiers avaient été laborieux. Très même. Pourtant, à force d’entendre et de pratiquer à la sauvage, il avait développé une espèce de langage accordant son accent et ses tournures de phrases à la langue. Compliqué, n’est-il pas ? Néanmoins, il arrivait à communiquer – par paroles ou autres – avec un japonais dont l’apprentissage anglophone ne semblait pas plaire. Sa sociabilité défiait les lois même de la survie. Plus heureux encore, ils avaient réussis à tomber amoureux. Chulhei pouvait réellement transgresser toutes limites. Un super pouvoir caché ?

Ren lia ses doigts aux siens. Il lui sourit, tout en attrapant le dernier mochi. Parce qu’il adorait ça, oui, et que le plus vieux le lui laissait de bon cœur. Il le coupa en deux avec une main. La pate se retrouva  rapidement fourrée dans sa bouche, les yeux brillants par la saveur. Le sucre, il n’y avait pas vraiment le droit en règle générale. Pour diverse raison. Déjà, cela ne collait pas avec son hyperactivité. Lorsqu’il était tout petit, on lui avait offert un paquet de bonbon pendant un festival. Sa mère ne l’avait même pas vu disparaître. Elle l’avait finalement retrouvé en train de construire un stand entre deux autres avec une petite fille. Ils étaient dans le même état d’euphorie enfantine. Il avait cinq ans, et déjà, sa mère savait que la maison allait finir en champ de bataille. Résultat, cela n’avait pas changé. Diagnostiqué hyperactif avec petits troubles de l’attention, le Yun avait appris à s’y faire. Maintenant, il se contrôlait un minimum. Mais le sucre – tout comme le café et tout autre excitant – lui était défendu. Même s’il ne se privait pas d’en prendre quand même. Son mochi terminait, sa tête tomba contre celle de Ren. Il leva leurs mains enlacées, ses petites fossettes apparentes.

« Tu n’aurais pas dû me laisser manger du sucre ! »

Sou fou rire partie tout seul. Ses yeux brillaient un peu trop, son corps réagissait trop vite. Mais sa main resta accrochée à celle de Ren. Parce qu’il était son seul moyen de ne pas totalement laisser son cerveau déglingué prendre le dessus. Chulhei se pencha vers son amant, toujours tout sourire, et l’embrasse. Ses doigts se faufilèrent derrière l’oreille du Yamazaki, se glissant dans ses mèches sombres. Encore du sucre dans sa bouche. Tout était sucré. Ren lui avait toujours partie de porcelaine. Maintenant, il le sentait « sucre » sur sa langue. Et cela lui plaisait. Beaucoup. Sans doute beaucoup trop. Il resserra ses doigts autour des siens. Ils pouvaient rester ainsi pendant des siècles s’il le voulait. Chul ne bougera pas. Pour une fois, il était à une place qui lui allait bien, qui ne lui donnait pas envie de s’activer. Ren était et sera toujours la personne qui le calmera. Par son aura, sa voix, ses regards. Un seul mot et il s’asseyait pour ne plus rien faire. Leurs lèvres se quittèrent. Chulhei le regard dans les yeux. Ils étaient encore proches. Tellement proche qu’il pouvait voir toutes les blessures qui ornaient désormais ce si beau visage. Son pouce effleura la joue qui s’offrait à lui. Perle de douceur, beauté détruite par une main dévastatrice, ignorante. Il embrassa son front, sa tempe, sa joue, son nez, sa paupière, le coin de sa bouche, son menton. Aimer à l’infinie n’était pas un sort si terrible.

Le mochi avait disparu en à peine quelques secondes. S’il continuait à les avaler aussi rapidement, le coréen allait s’étouffer. Ren se régalait à sa façon, en observant les yeux lumineux de son partenaire. Il sentit la tête de celui-ci se déposer sur la sienne, avant de voir leurs mains entrelacées s’envoler vers le ciel. Cette vision de leurs deux corps joints sur un fond bleu clair, parsemé de taches blanches était tout simplement sublime. Soudain, la voix de Chul ramena son regard sur celui-ci. Il rigolait, à cœur ouvert, laissant apparaître ces fossettes que le japonais aimait tant. Sa voix claire et pourtant si profonde enveloppait la tête de Ren. Cette voix lui était si chère, n’importe lequel des mots qui en échappait réchauffait son petit cœur. Son visage se rapprocha, leurs lèvres pressées ensembles. Il pouvait sentir sa bouche s’étirer d’un sourire radieux, tout au long de ce baiser. Les doigts de Chul sur son visage le firent frissonner. Ce baiser sucré était plus que plaisant. Était-ce l’effet du sucre ou tout les autres étaient aussi savoureux ? Il ne savait pas, et ne chercha pas à comprendre. Il posa une main sur le nuque du coréen, intensifiant ainsi leurs sensations. Si seulement ce moment pouvait durer une éternité. Ren ferma les yeux. L’odeur de Chul mélangée à celle du sucre était particulièrement agréable. Le faire consommer toute cette dose de sucre n’était peut être pas une bonne idée, mais à ce moment précis, il aurait tout donné pour garder ses lèvres sur les siennes. Rien n’avait jamais compté autant pour lui auparavant. Son père n’en avait jamais rien eu à faire de lui et sa mère n’avait en aucun cas agit comme telle avec lui. Il n’avait jamais connu ou reçu l’affection de quelqu’un. Il n’avait  jamais connu autant de confort dans les bras de quelqu’un, autant d’amour. Pour le coup, l’amour il en recevait par vagues qui l'immergeait complètement. Il se laissait même noyer la tête la première dans celui que Chulhei lui offrait.

Leurs corps se séparèrent, laissant le regard de Ren dans ses rêves. Chul déposa ses doigts sur son visage et l’embrassa dans son entièreté, sous le regard surpris de Ren. Il ne comprenait pas pourquoi il l'aimait autant, lui qui semblait toujours si désagréable, et qui avait une tête bien amochée aujourd’hui. Et pourtant il était toujours là, à ses côtés, souriant et rigolant de son overdose de sucre. Le voir aussi souriant lui faisait oublier tous ses problèmes. Ils disparaissaient au moindre regard, au moindre toucher. Il reposa sa tête, un léger sourire aux lèvres. Sans s’en rendre compte, ses yeux se fermèrent, le faisant somnoler. Il était si bien ici, enrobé de la chaleur du corps du coréen. Il dût s’assoupir, car quand il réouvrit les yeux, le vent s’était rafraîchit et le soleil n’était plus aussi haut dans le ciel. Il  ne savait plus l’heure qu’il était, et tourna rapidement la tête vers Chul. Il était resté là, adossé à l’arbre, à le regarder. Cette fois-ci, il en était convaincu, il s’était forcément endormi, rien qu’une dizaine de minutes. Ren se redressa, le regard inquiet.

“Je...je suis désolé, je ne voulais pas m’assoupir comme ça.”

Qu’allait pouvoir penser Chul de le voir
s'endormir en plein milieu comme ça ? Il s’en voulait légèrement, et commença à frissonner légèrement. Il se pencha vers le Yun pour l’embrasser à nouveau, comme pour s’excuser de nouveau. Il ne se lasserait jamais de cette bouche et souhaitait en profiter autant qu’il le pouvait. Le temps se couvrit rapidement, annonçant la fin de leur excursion au parc. Chul semblait également trembler légèrement. Le japonais saisit sa main, et la coinça entre tous ses doigts. Ils se relevèrent, Ren avec quelques difficultés, et se mirent en route. Main dans la main, les conversation habituelles reprirent. Chul avait toujours l’air affecté par le sucre. Il rayonnait, illuminant ses yeux, les faisant briller et scintiller. Il ressera ses doigts autour de ceux de Chul, sentant la chaleur regagner sa paume. S’il pouvait continuer à s’accrocher à lui, en permanence, cela serait merveilleux. La sensation de sa peau sur la sienne, il ne l’oublierai jamais. Ses yeux et ce sourire non plus. Il se les graverait dans sa mémoire à tout jamais. Il protégerait ce visage radieux, par n’importe quel moyen. A n’importe quel prix. Il savait qu’il allait devoir éloigner ses harceleurs de lui, pour ne pas blesser encore plus son coréen. Par quel moyen, il ne savait pas. Mais il fallait le trouver et vite.

Ils marchaient jusqu’à l’arrêt de bus, défilant devant divers magasins. Ren se suffisait à écouter Chul, excité et bougeant partout. Il entraînait Ren par la main. Le trajet en bus passa rapidement. Ils ne se quittèrent pas une seconde, traversèrent plusieurs escaliers, pour passer devant les appartements. Ils se fixèrent, dans l’attente de leur séparation. Il redoutait ce moment, mais d’un côté, cela serait encore plus appréciable à leur prochaine rencontre. Il l’aimait tellement. Il s’appuya sur l’épaule du coréen, monta légèrement sur sa pointe de pied pour atteindre les lèvres de celui-ci. C’était un baiser rempli de passion, ses mains sur son visage l'effleuraient. C’était l’heure.

« Passes une bonne soirée. » dit-il en souriant.

Ren se retourna et traversa sa porte. Ses pensées étaient encore emplies du visage de Chul et de cette matinée. Le coréen arrivait à balayer toutes les idées sombres qui lui traversaient l’esprit. La nuit tomba, éclairant de sa lune le paysage, et parsemé de fines lumières. Le japonais mit du temps à s’endormir, les pensées rivées sur sa journée.

Ren était réellement tout l’inverse de lui. Il arrivait à s’endormir même après avoir mangé tout cela. Chulhei, lui, resta bien éveillé. Il pensa à mille et une choses durant les dix minutes – ou plutôt quinze – que compta la sieste de Ren. Ou plutôt, son mini-coma. Il ne bougeait plus, la tête sur l’épaule du Yun, les jambes allongées devant lui, sa main encore accrochée à la sienne. Malgré tout, le danseur ne paniqua pas. Il savait, au vu de son torse se soulevant doucement à chaque respiration, que le japonais était toujours vivant. Il pouvait même sentir la pulsation entre ses doigts. Calme et régulière. Tourna légèrement la tête vers lui, il se mit à redécouvrir ce visage qui lui était pourtant totalement connue. Peut-être le disait-il trop souvent, mais Ren avait une rondeur des joues si tranquille, si particulièrement mignonne. Assemblée avec ce minuscule nez légèrement aplatis, on aurait dit une poupée. Mais ses lèvres étaient les vraies perles de ce décor. Pulpeuses, roses, toujours prêtes à recevoir le moindre baiser. Bien sûr, il y avait plus que ce physique qui avait fait tomber Chulhei. Sa passion pour l’art, ses réactions aux compliments, son caractère froid et pourtant si tendre. Il adorait le voir rougir de gêne lorsqu’il l’embrassait ou alors croiser ses yeux mi-blasés  mi-amusé lorsqu’il faisait l’idiot. Ses doigts tâchés de peinture, son regard concentré lorsqu’il lisait, ses réflexions abruptes. Le coréen en avait une liste de trois kilomètres. Impossible de tout citer.

Le plus vieux remua légèrement, se rapprochant un peu plus de lui, murmurant quelque chose que l’autre ne comprit pas. Mais il devina du japonais. Un nouveau rire lui monta aux cordes vocales. Il pouffa, essayant de ne pas s’étouffer et réveiller le bel endormi. Sa main atterrit sur sa bouche alors que ses pommettes remontaient pour plisser ses yeux. Il avait un peu l’expression du fanboy par excellence. Mais s’il ne pouvait pas agir ainsi avec son copain, avec qui le pouvait-il ? Pensé au terme « copain » le fit frissonner. C’est vrai. Ils étaient ensemble. En couple. Il se surprit à le reformuler plusieurs fois dans sa tête, dans toutes les langues qu’il connaissait. La résonnance de ces mots était si étrange en réalité. Cela montrait du concret, du durable. On ne pouvait pas y échapper. Pas qu’il le veuille, bien au contraire ! Mais cela semblait si irréversible. Alors que pas du tout. Mais il ne voulait pas quitter Ren. D’ailleurs, pourquoi penser à cela ? Chulhei chassa rapidement ses pensées de son esprit. Cela ne lui avait jamais réussi de réfléchir à la Vie. Ren se réveilla alors, coupant un peu plus ce cheminement spirituel inutile. Il s’excusa, ce qui fit rire le Yun.

« Pas de problème ! » répondit-il en passant la main dans les cheveux du dessinateur.

Il sentit un baiser sur ses lèvres. Un nouveau plaisir l’envahit. Il ne s’en lasserait jamais, c’est sûr et certain. Ce sera plutôt Ren qui le lâchera un jour ou l’autre. Parce que Chulhei ne pourrait jamais le faire de sa pleine conscience. Et il savait ce qu’en pensait l’autre. Il y avait comme un fil rouge entre leurs petits doigts. Quoi qu’ils fassent, aucun des deux ne pourra le briser. Peu importe la distance, le temps, les intempéries. Jamais il ne se cassera, les libérant du sot de l’amour qui les reliait. Leurs lèvres se quittèrent. Avait-il vraiment refait un monde durant ses quelques secondes ? Oui. Son cerveau tournait à mille à l’heure, ne l’oubliez pas.

Effectivement, les nuages et la soirée commençait à tomber autour d’eux. Chulhei aida Ren à se relever et ils quittèrent tranquillement le parc. Puis Little Tokyo. En deux jours, ils avaient fait deux excursions ici. Peut-être reviendront-ils une autre fois, pour profiter du festival du nouvel an, ou encore plus simplement, pour aller manger une crêpe. En tout cas, ce samedi avait été un plaisir complet. Si on oubliait la fuite organisée du matin, la découverte des blessures de Ren, les blessures de Ren en elle-même, le fait qu’il avait repris trop de sucre, qu’il allait recommençait à pleuvoir. Mais tout allait bien, tant que Ren tenait sa main. Sa langue s’activait pour divertir son compagnon tandis qu’ils rejoignaient une nouvelle fois l’arrêt de bus. S’il savait trouver quelque chose dans cette ville, c’était bien les transports en commun. Par contre, le reste de Los Angeles était encore un mystère. Le trajet en bus ainsi que la montée de marche, Chulhei ne les vit pas. Ce qu’il comprit néanmoins, ce furent les lèvres de Ren contre les siennes. Ses mains étaient sur les épaules du plus grand, comme pour l’aider à tenir en équilibre sur la pointe des pieds. Les bras du danseur passèrent sur les hanches du plus petit, le pressant un peu plus contre lui. Sa place favorite, définitivement.

« Toi aussi, chuchota-t-il alors que Ren quittait ses bras. Je t’envoie un message ce soir. »

Puis son prince disparut dans son appartement. Après quelques secondes d’attendre idiote sur le palier, il leva les bras en l’air, un immense sourire aux lèvres. Ses joues rougirent toutes seules. Maintenant, toute l’énergie qu’il avait accumulée durant la journée se déversait dans son corps. Il fit un petit pas de danse, avant de descendre les escaliers en glissant sur la rampe. Enfin fois dehors, il salua toute les personnes qu’il rencontra, fit un câlin à un gros chien qui s’était approché de lui, récupéra un bouquet de fleur au vol et le rendit à son propriétaire. Une fois dans son immeuble, il monta les marches en quatre à quatre. Il défonça quasiment la porte de la colocation. Kang-Dae se trouvait dans le canapé, un bol de céréale dans les mains. Il regarda le nouvel arrivant avec des yeux surpris.

« Je vais épouser Ren ! » s’exclama le Yun en explosant de rire.

Kang recracha à moitié ce qu’il avait dans la bouche. Puis il comprit, au vu du regard un peu trop brillant, de cette jambe qui s’agitait frénétiquement, et de ce sourire beaucoup trop grand, que Chulhei était en pleine effervescence. Un soupire pour tard, il se rassit normalement et laissa son camarade s’agitait tout seul autour de lui. Ce dernier avait décidé de danser. Alors, la musique à fond, il se déchaîna dans le salon, bougeant dans tous les sens sans que cela ne donne quelque chose de constructif. Juste, se libérer un peu. Une seule personne lui emplissait l’esprit, mais il devait se défouler. Alors, il dansa en pensant à Ren.