On sait déjà comment ça va tourner. Mal. (Jollie #6)

Ce soir chez Boris c’est soirée disco. Non, c’est pas vrai, c’est pas soirée disco, mais elle se passe vraiment chez Boris. Je ne le connais même pas réellement, je suis la pote d’une pote à qui il a dit qu’elle pouvait venir si elle voulait. En gros je suis là pour faire la fête avec pleins de gens que je ne connais pas – et réciproquement, mais typiquement c’est le genre de sortie que j’aime. Y’a du bon son, des gens sympas, de l’alcool et je profite des trois comme si je ne bossais pas dans deux jours parce que ouais je suis en repos et je l’ai bien mérité ! La fête bat son plein, les fûts de bières et les bouteilles d’alcool se vident, ce qui signifie que le niveau d’ébriété augmente, le mien compris. Je suis en train de danser comme une possédée quand un type commence à taper un scandale. Au début je ne m’en préoccupe pas vraiment, jusqu’à ce que le reste de sa bande débarque. J’ai pas les idées hyper claires mais ça parle drogue, remboursement et le mec sort un flingue. Merde ! Là ça pue. La soirée est en train de mal tourner, je m’éclipse discrètement et me planque pour passer un appel à la première personne qui me vient en tête pour réclamer du renfort : Joey. Je me concentre pour avoir l’air dans mon état normal, les sonneries s’enchainent… pourvu qu’elle décroche. Finalement j’entends sa voix, toujours aussi aimable « Hey Black, salut. Euh… je suis à une soirée là et c’est en train de se gâter. Tu pourrais venir ? » elle va croire a une feinte pour l’attirer à une fête, je pourrais le parier « J’te jure c’est pas un piège. Y’a une histoire de drogue, le mec est armé… Je peux rien faire seule. Tu peux venir ? S’il te plait. » je rajoute les mots magiques, elle peut pas refuser là. Je l’entends qui ronchonne « Préviens peut-être du renfort aussi. Je t’envoie l’adresse par texto. » je lui dis ça un peu précipitamment avant de raccrocher, j’ai entendu du bruit, un mec me trouve « Tu fous quoi ici ? Tous le monde dehors on a dit ! » je jette un œil à sa batte de baseball et souris connement pour me faire passer pour encore plus bourrée que je le suis « Ah pardon j’étais partie vomir. » et je prends la direction de l’extérieur en titubant exagérément. Ou pas tant que ça. C’est quoi se délire, ils se la jouent prise d’otage ou quoi ? Je pianote rapidement l’adresse sur mon téléphone et l’envoie à Joey.

On est un binome, alors on a les mêmes jours de repos. Ça m’arrange pas, je crois que des fois j’aimerai bosser quand elle est pas là. Enfin c’est ce que j’essaie de me faire croire, mais la vérité c’est qu’elle a réussi à m’apprivoiser, un petit peu, et je la supporte bien mieux qu’avant, et surtout bien mieux que mes autre coéquipiers qui l’ont précédée. Elle a beau être une petite bleue, elle n’en est pas moins douée, même si je ne lui dis pas, faudrait pas la flatter non plus, on en est pas là. Ce soir, j’ai décidé de rester tranquille chez moi, et c’est simplement vêtue d’un boxer et d’un débardeur que je suis affalée sur le canapé, clope au bec, et que, grand moment, je regarde un film. J’ai pris au hasard au vidéo club, je savais même pas que ça existait encore ces trucs là. Bon, j’en suis pas à avoir encore un lecteur VHS chez moi, mais j’ai l’impression que même les DVD c’est dépassé. Le monde va trop vite pour moi je crois. Je suis rentrée dans le film, c’est plutôt pas mal même si les flics sont un peu mous, j’aurai pas dû prendre un truc avec des flics finalement. Et voilà que je croyais à un peu d’action, mais non, c’est mon téléphone qui sonne. J’étais prête à laisser sonner mais en voyant l’appelant, je me ravise. Elle m’intrigue plus qu’elle m’inquiète. A peine j’entends sa voix au bout du fil, que je comprends qu’elle a bu. C’est pas difficile à entendre, je la connais suffisamment maintenant. « […] J’te jure c’est pas un piège. Y’a une histoire de drogue, le mec est armé… Je peux rien faire seule. Tu peux venir ? S’il te plait. » J’étais à la limite de lui rire au nez, mais elle parlerait pas de drogue et d’arme si c’était pas vrai, elle sait qu’on ne joue pas avec ça, pas nous les flics en tout cas. « J’arrive. » ll ne me faut pas plus de dix secondes pour être habillée, clés de ma bagnole en mains, flingue coincé à l’arrière de mon jean, a peine l’adresse reçue que je file droit sur le quartier en question. Mon coeur bat plus vite, il ne s’agit pas d’une enquête, d’une filature, il s’agit de Willie. Et c’est différent, même si je ne veux pas l’avouer. Je préviens notre QG mais je suis déjà presque arrivée, le temps qu’ils arrivent, j’ai intérêt d’être prudente. Je descends de ma voiture et me dirige à la hâte vers la maison où il y a de la musique, beaucoup de gens sont dehors, certains s’enfuient, d’autres ne sont pas très conscients du danger. Je cherche Willie du regard mais ne la trouve pas. Si elle est retenue, il n’est pas question que je l’appelle. Je demande à tout le monde s’ils l’ont vue, mais personne semble la connaître. C’est quoi cette blague sérieux ? Et alors que j’allais prendre les devants et entrer dans la maison, j’aperçois Willie et la choppe par le poignet pour l’attirer sur le côté, derrière un cabanon de jardin. « Ça va ? » Mis à part ses pupilles dilatées, ça a l’air d’aller. « T’as pris un truc ou t’as juste trop bu ? » C’est le monde à l’envers…

J’ai appelé Joey à la rescousse, elle a dit qu’elle arrivait donc elle va arriver. C’est une tête de mule, elle a un sale caractère mais c’est quelqu’un de fiable surtout quand il s’agit du boulot. Elle a bien comprit que je ne blaguais pas, je ne le ferais jamais sur un tel sujet… Cette soirée part en vrille, je ne peux pas gérer ça seule et mon état n’y est pour rien. J’ai bu, sans modération je l’admets et fumé un peu aussi, pas les conditions idéales pour intervenir. Et puis des Zorro y’en a pleins les cimetières et c’est pas franchement la destination à laquelle je pensais pour mes prochaines vacances ! Je me fonds dans la masse des autres invités, ceux qui n’ont pas réussi à s’en aller avant d’être maintenu dans une partie du jardin à l’extérieur de la baraque. Ouais donc c’est une sorte de prise d’otages, c’est bien ça. Génial, tout à fait ce que je voulais pour mon jour de repos. J’essaie de trouver comment je pourrais arranger les choses, histoire d’avoir un semblant de plan quand Joey arrivera. Je suis en pleine réflexion quand quelqu’un attrape mon poignet, m’entrainant derrière une cabane de jardin. Comme si c’était le moment de se mettre à l’écart pour… Ah bah voilà ! Ma super coéquipière est arrivée. Donc si on est derrière la cabane c’est pas pour échanger quoi que ce soit, ni drogue, ni rien d’autre. Elle me demande si ça va, je n’arrive pas à me retirer ce petit sourire con de sur mon visage, je hoche la tête « Ouais. » simple, clair, limpide. Elle fronce les sourcils, oh non… ça arrive, la leçon, j’le sens. Joey me demande si j’ai pris quelque chose ou simplement juste abusé de l’alcool « Jeeee… » ça part mal « Juste trop bu. » même si c’est légal en Californie, je vais omettre le passage Marie-Jeanne, j’crois pas trop que ce soit une pote de Black. Cela dit elle est pas stupide, du moins pas que je m’en sois rendue compte, alors elle finira peut-être par comprendre. « Et toi ? » je précise « Ça va ? » remarque niveau consommation d’alcool j’ai déjà eu la preuve qu’elle n’a pas besoin d’être en soirée pour se mettre la tête à l’envers. Oui c’est triste, je fais toujours ce constat. « Alors tu as appelé les renforts ? La cavalerie arrive ou faut qu’on se démerde ? » je parle à voix basse, comme si nous étions au beau milieu d’un braquage. C’est pas totalement ça, même si la situation est délicate. « Merci d’être venue en tout cas. J’ai presque cru que tu décrocherais peut-être même… » j’entends des pas qui approchent, sûrement encore un de ces mecs qui fait une sorte de ronde. Ils se sont crus dans un film de gangster ou quoi ? Oh merde s’ils se croient vraiment dans ce genre de film, faut pas qu’on se fasse démasquer. Une idée… vite. M-J et l’alcool la trouvent pour moi, bonne ou mauvaise je n’ai pas le temps d’y réfléchir, il en va de notre survie, non ? Sans prévenir je plaque mes lèvres contre celles de Joey pour faire croire qu’on est juste là à se bécoter comme des adolescentes. Les bruits de pas se rapprochent encore et j’entends un « Oh pardon. ». Comment ça, il s’excuse ? Je recule et regarde notre potentiel assaillant, une blonde ses talons à la main et la mine dépitée « Je voulais me planquer pour pisser… on peut plus rentrer dans la maison même pas pour aller aux toilettes ! Ces gens sont fous. » je hoche la tête, je ne sais pas quoi dire et surtout je n’ose absolument pas tourner le regard vers Joey. Elle va me tuer et fera passer ça pour une bavure. Reste droite et digne Willie.

Je lui demande si elle va bien, un ‘ouais’ est censé me rassurer, mais je demande quand même si elle a fait autre chose que trop boire. C’est la première fois que je la vois comme ça. « Jeeee… Juste trop bu. » Je plisse les yeux en la regardant. Elle ment. Je ne suis pas assez conne pour gober ça, et surtout je suis flic, c’est mon métier de savoir si les gens mentent ou pas. Elle se fout de ma gueule. Mais en même temps, elle est défoncée, je suis pas sûre que lui faire la morale à ce moment précis servirait à grand chose, j’attendrai demain pour ça. « Et toi ? Ça va ? » « J’aurai préféré rester tranquille pendant mon jour de repos plutôt que de venir sauver ton cul d’un règlement de compte entre ados en quête de sensations fortes. » Ce genre de soirées, c’est plus de mon âge, ils ont tous vingt ans, l’âge de ma fille. Putain ça y est je suis vieille, bordel. Je viens d’avoir quarante ans, et personne ne le sait, j’ai préféré ne rien dire, pas question qu’on me fête ma ‘dizaine’ comme si c’était génial d’avoir 40 piges. Non merci. « Alors tu as appelé les renforts ? La cavalerie arrive ou faut qu’on se démerde ? » « Je les ai appelés, mais je sais pas dans combien de temps ils vont arriver. » J’ai pas prévu d’aller me foutre dans la merde toute seule, j’aurai pu simplement attendre dans la voiture que les renforts arrivent, pour y aller tous ensemble, mais bizarrement, j’ai eu peur pour Willie, et c’est pour ça que je suis là. Accroupie avec elle en train de chuchoter derrière un cabanon de jardin. Y’a qu’elle pour me faire faire des trucs pareils. « Merci d’être venue en tout cas. J’ai presque cru que tu décrocherais peut-être même… » On est un binome maintenant, j’ai plus envie de changer de partenaire de boulot, ça a déjà été assez difficile de la supporter, maintenant que je la tolère, pas question qu’elle se fasse descendre et que je doive tout recommencer avec quelqu’un d’autre. J’au d’autres chats à fouetter. J’aurai bien aimé lui dire ça, mais pas le temps de dire quoi que ce soit que j’entends des pas qui se rapprochent. Je glisse ma main instinctivement vers mon flingue se trouvant dans mon dos, mais pas le temps d’agir, que déjà Willie se jette sur moi pour m’embrasser. Attends, QUOI ? Prise de cours, j’essaie de lui demander ce qu’elle fout tout en la repoussant un peu, mais c’est qu’elle met de la ferveur dans son action en plus. Et c’est quoi cette putain de chaleur qui irradie mon corps tout entier ? Sérieux ? C’est bien le moment !! Les pas continuent de se rapprocher et je comprends à peine le cheminement et l’idée de Willie qui cherche visiblement à nous protéger en faisant croire qu’on est juste là pour se bécoter. Non mais vraiment ? Alors dans un léger moment de panique, à moins que ça ne soit juste une vague d’envie, je glisse ma main dans son dos pour l’approcher un peu plus contre moi, et prends part au baiser en y mettant du mien. N’importe quoi. « Oh pardon. » Une vois féminine. Quoi ? Willie se détache de moi et j’ai du mal à reprendre conscience de ce qui m’est arrivé d’un seul coup. « Je voulais me planquer pour pisser… on peut plus rentrer dans la maison même pas pour aller aux toilettes ! Ces gens sont fous. » Mon souffle est plus court mais j’essaie de le contenir pour ne rien laisser paraître. La blonde finit par s’en aller et je regarde Willie en grognant un peu. « La prochaine fois préviens putain ! » C’était pas une si mauvaise idée en soi, mais me prendre de cours comme ça, ça m’a plus retourné le cerveau qu’autre chose. Et je déteste ce sentiment d’avoir même ressenti du plaisir en l’embrassant. « T’en as d’autres des idées lumineuses comme ça ? » Je soupire et guette les environs. Les sirènes au loin donnent le top départ. Je me remets debout et sors mon flingue avant de vérifier si le chargeur est bien plein. « Toi tu bouges pas de là, t’es pas armée et t’as pas de gilet. » J’ai pas de gilet non plus. C’est qu’un détail.

L’instinct de survie se mêle à mon état d’ébriété et du coup je suis pas sûre que j’agisse vraiment de la manière la plus safe possible, mais au moins j’agis, spontanément en embrassant Joey pour nous faire passer pour deux nanas en train de se bécoter à l’abris des regards. Ouais deux agents sous couverture, c’est ça. Pourquoi ? Parce que je pensais que c’était encore un caïd avec une batte de baseball – ou pire qui ramenait ses miches avec l’intention de peut-être nous faire passer un sale quart d’heure à faire des messes basses sans curé. Bon au final il s’avère que c’était juste une blonde qui cherchait un coin où pisser… mais ça je ne pouvais pas le savoir et vaut mieux prévenir que guérir, non ? J’en suis plus très sûre maintenant que l’inconnue s’éloigne et que la sentence de Black approche. Regard assassin, elle m’aboie que j’aurais pu prévenir. Je hausse un peu les sourcils, surprise par sa remarque, ça n’a pas de logique puisqu’on était dans l’action « Comment ? Par  fax, mail, sms, appel téléphonique ? » je l’observe puis lève les yeux « Fallait agir vite, j’ai pas réfléchis. » ou d’une façon complétement décalée qui m’a amené à faire ça. Bon le point positif c’est qu’elle ne m’en a pas collé une directement, et elle a même joué le jeu, mais ça je ne le commenterai pas. Est-ce que c’est ma seule idée lumineuse ? Sans doute, le générateur de secours de ma caboche a l’air de rendre l’âme « Bah je sais pas. ». En fait pour que je puisse vraiment répondre à cette question faudrait que je sache ce qu’elle met derrière “idées lumineuses“. Pas le temps de m’aventurer sur ce terrain, des sirènes se font entendre au loin et Joey a déjà la main sur son flingue vérifiant qu’il est chargé. Son ordre est limpide, je bouge pas de là parce que je ne suis pas armée. « Il fait pas froid, pas besoin de gilet. » oui, éméchée j’ai un humour encore plus douteux que sobre… Je ris bêtement alors que ma coéquipière est déjà dans le feu de l’action, concentrée, je la trouverais presque sexy comme ça. « Ouuh les méchants n’ont qu’à bien se tenir. » plaisanté-je. Les sirènes se rapprochent, un haut-parleur crachouille aux “preneurs d’otages“ que la zone est sécurisée et qu’ils peuvent se rendre. Oh yeah cow-boy ! Les caïds n’avaient sans doute pas prévu ça, petit vent de panique, ils entreprennent de se faire la malle. Je me retourne, Black est déjà plus loin, je regarde autour de moi. Elle m’a dit de pas bouger de là, mais depuis quand j’écoute tout ce que l’on me dit ? Je rentre dans la cabane de jardin, attrape le premier truc qui me tombe sous la main, et ressors, prête à en découdre si nécessaire. Un des fuyards arrive dans ma direction et je dégaine ma pelle avec une maitrise insoupçonnée, le coup dans l’estomac le stoppe net et je le regarde se tordre de douleur au sol avec un petit sourire triomphant « Et ouais mec ! Ça se passe comme ça à L.A. » mais à fanfaronné je ne suis plus attentive, je me fais bousculée et m’étale à mon tour, je roule sur le côté pour éviter de me faire piétiner, que se soit par les gens qui fuient ou mes collègues qui les poursuivent. Je me relève, ma tête tourne mais ça va aller. L’agitation semble retomber. Si j’avais su que la soirée se passerait ainsi…

J’y crois pas. J’arrive pas à croire que je suis entrée dans son jeu de gamine. Elle aurait pu trouver tout un tas d’autres idées, non il a fallu qu’elle choisisse celle là. Et moi comme une conne qui entre dans son jeu. Et comment je vais réussir à oublier ça moi hein ? Ça me bouffe déjà depuis longtemps, fallait qu’elle en rajoute une couche. Elle fait chier, et je râle, comme d’hab. « Comment ? Par  fax, mail, sms, appel téléphonique ? Fallait agir vite, j’ai pas réfléchis. » Je soupire et la fusille un peu des yeux. « J’ai vu ouais. C’est bien ça que m’fait peur justement ! » Bon, ok, elle est pas dans son état normal, j’ose croire qu’elle aurait eu une idée plus intelligente si elle n’avait pas bu et fumé des trucs pas franchement clean. En espérant qu’il n’y ait que ça d’ailleurs. J’essaie de discuter avec elle mais je fais face à une pâle copie, on dirait qu’elle est complètement dans le brouillard, je sais même pas pourquoi je discute avec elle, c’est ridicule, je perds mon temps. Lorsque j’entends les sirènes, je me sens prête à bondir, et voilà que Willie se met à faire de l’humour franchement pourri. Je la regarde avec un air dépité, pas du tout amusée. Je n’entends pas sa dernière phrase, je suis déjà partie, concentrée. Et il vaut mieux, je pense que je lui en aurai retourné une. Je rejoins mes collègues et je sens que l’interpellation va être musclée. S’il m’arrive quoi que ce soit je pourrai m’en prendre qu’à moi-même. Y’en a un qui se fait la malle, je lui cours après, arme au poing, lui hurlant que s’il s’arrête pas je lui tire une balle dans la tête. J’suis la meilleure de ma section niveau tir, il fera pas long feu. Mais c’est un coup de pelle qui le met au sol, et Willie qui fanfaronne. Mais c’est pas possible celle-là. Elle se fait bousculer et se retrouve à terre, recroquevillée sur elle-même. Il était à deux doigts de mettre la main sur son flingue l’enfoiré, mais je l’en empêche avant qu’il ne fasse le con, et le menotte direct. J’aide Willie à se relever et nos collègues prennent le relais pour foutre les deux dangers derrière les barreaux. Je prends ma coéquipière par le bras et la traîne jusqu’à ma voiture. « Et toi j’te ramène, t’es pas en état de conduire. » Je la laisse grimper dans ma voiture et conduis jusque chez elle, en silence, avec en fond sonore un vieil album des Stones. Je choisis finalement de faire un - petit - effort. « T’as passé une bonne soirée quand même, malgré la fin un peu chaotique ? Non parce que t’as bien niqué la mienne quand même. » Pas tout à fait vrai, parce que je me faisais chier, et voler à son secours, c’était pas si mal. Le baiser non plus c’était pas si mal… Non putain Black ne repense pas à ça. Et voilà c’est mort, j’en frissonne à nouveau. Chier.

Les choses finissent par s’envenimer, Joy part à l’action et moi, malgré ses recommandations, je fais ma part de boulot aussi. C’est à la hauteur de mes moyens du moment, l’esprit un peu embrumé pourtant je n’ai pas tant fumé que ça. Je stoppe un fuyard, fini au sol, bousculée par je ne sais qui et finalement j’échappe de peu à me faire piétiner. Hey les gars je suis pas un paillasson ! C’est Black qui m’aide à me relever, je l’ai même pas vu réapparaitre. « Tu vois, t’es pas venue pour rien. » lui dis-je comme si j’avais besoin de la convaincre. Toujours pas d’humeur à la fête apparemment, elle me prend par le bras pour m’emmener vers sa voiture « Tu pourrais me passer les menottes à moi aussi, tu me traites presque comme une délinquante. » je sens le reproche dans sa voix, et je sais que c’est pas malin de ma part de me mettre la tête un peu à l’envers… mais j’avais besoin de souffler, de lâcher un peu prise avec le boulot. Je peux pas en parler avec elle, je veux pas qu’elle me pense trop faible pour faire le job, j’ai pas envie de la décevoir. Même si c’est peut-être un peu le cas ce soir. « De toute façon je suis pas venue en voiture et je savais pas comment rentrer. » je lui adresse un sourire comme elle en a horreur, un peu forcé, un peu hypocrite « Merci Uber. » Je grimpe dans sa voiture et passe le voyage en silence, écoutant simplement la musique en regardant les rues de L.A défiler dans la nuit. Je suis perdue dans mes pensées ou à moitié en train de commencer ma nuit, je sais pas trop, quand Joey rompt le silence. Wait, what ? Je mets quelques secondes à analyser ce qu’elle vient de me demander, ai-je passé une bonne soirée ? « Ouais c’était cool jusqu’à ce que ça parte en couilles. Ces mecs ont déboulés de nul part, tapés leur scandale avant de la jouer preneur d’otage où je ne sais pas quoi. » j’échappe un petit rire « Mens pas. On sait toi et moi que ta soirée était merdique. » je la regarde et arque un sourcil « Laisse moi deviner. Toi, ta bière et ta télé, j’ai juste ? » je ne la juge pas elle le sait mais pour l’avoir vu en “action“ je sais de quoi je parle. « J’ai pimenter ta soirée ! Tu devrais me remercier. » je lui souris « Allez avoue, ça va on est entre nous. T’es pas obligée de garder ton masque de blasée là. » c’était quand même sympa cette petite intervention imprévue. Nous arrivons devant chez moi. « Je t’offre une bière ? Pour te remercier de ton aide, et me faire pardonner d’avoir pourri ta soirée. » je tire sur la poignée, ouvrant ma portière « Mes colocs sont pas là, tu croiseras personne. Même pas besoin de faire semblant d’être sociable. » je ris « Pas que t’en sois pas capable, mais t’as compris l’idée. » quoi que quand il s’agit de  faire semblant de s’embrasser elle ne fait pas vraiment semblant. « D’ailleurs je te connaissais pas des talents d’actrice. » j’esquisse un sourire en coin sûre qu’elle sait très bien à quoi je fais référence « C’est toujours agréable de bosser avec des gens investis dans leur boulot. » ajouté-je avec malice.

« Tu pourrais me passer les menottes à moi aussi, tu me traites presque comme une délinquante. » Je lui adresse un regard assassin. « Garde tes fantasme pour toi tu seras gentille. » Je lui adresse un regard plissé, bien conscience que ce n’est pas vraiment le genre de réponse à laquelle elle s’attendait. Je commence à la connaître maintenant. Elle m’appelle Uber, et commence à me chauffer les oreilles. Je préfère ne rien répondre plutôt que de commencer à m’énerver. Mais je fais un effort et lui demande quand même si sa soirée s’est bien passée. Visiblement pas trop mal jusqu’à ce que ça parte en couilles. « Mens pas. On sait toi et moi que ta soirée était merdique. Laisse moi deviner. Toi, ta bière et ta télé, j’ai juste ? » Je lui adresse un regard réprobateur mais ne réponds rien. Parce qu’elle a raison. Cette garce. « J’ai pimenter ta soirée ! Tu devrais me remercier. Allez avoue, ça va on est entre nous. T’es pas obligée de garder ton masque de blasée là. » Je secoue la tête. « Elle était très bien ma soirée avant que tu viennes me faire chier. J’étais en train de parfaire ma culture cinématographique. Donc ferme-la un peu ! » Tu parles. Dans mes rêves elle finirait par la fermer, et encore, même pas sûr. J’arrête ma voiture devant chez elle et serre le frein à main. « Je t’offre une bière ? Pour te remercier de ton aide, et me faire pardonner d’avoir pourri ta soirée. Mes colocs sont pas là, tu croiseras personne. Même pas besoin de faire semblant d’être sociable. Pas que t’en sois pas capable, mais t’as compris l’idée. » Je grogne un peu, elle fait exprès c’est pas possible. Elle est déjà invivable mais alors quand elle a bu - et fumé, elle me la fera pas à moi - c’est encore pire. « D’ailleurs je te connaissais pas des talents d’actrice. C’est toujours agréable de bosser avec des gens investis dans leur boulot. » Je fronce les sourcils, un peu irritée qu’elle remette ça sur le tapis. Parce que non. J’assume pas. « Tu m’as pas trop laissé le choix en même temps j’crois ! J’avais pas envie de risquer ma vie avec tes conneries. » Je sors de la voiture pour monter chez elle, je m’efforce de ne pas trop réfléchir. « Tu me dois une bière ouais, même plus que ça. » Ok alors là c’est chelou. On se demande qui a fumé. « Un truc plus fort. » Je sais pas si je suis pas en train de m’enfoncer là non ? Déjà qu’elle est chiante, je vais devoir faire gaffe à tout ce que je dis, sinon elle va tout déformer. Pourquoi je suis montée au juste. « T’en as fumé combien ? » qu’elle me mente pas, vu la gueule de ses pupilles, y’en a pas eu qu’un, ou alors il était bien chargé.

Mes fantasmes. Les menottes n’en font pas vraiment partie, peut-être parce que c’est un élément trop banale de notre boulot de flic et moi j’aime plutôt les trucs qui sorte de l’ordinaire, de mon ordinaire. Mais ça me fait rire d’entendre ce genre de réponse de la part de Joey, un rien me fait rire à vrai dire. Et je pourrais même m’esclaffer quand ma coéquipière prétend que je lui ai gâché sa soirée, on sait l’une comme l’autre que c’est faux. Elle râle, pour la forme, tout en sachant que j’ai raison, je le sais. Le trajet se termine en silence pour son plus grand plaisir, mais ça veut pas dire que je ne cogite pas pendant ce temps. Puisque j’ai pourri la soirée de Madame Black je vais me racheter en lui offrant une bière. Mon offre n’a pas l’air de totalement la convaincre, j’argumente que mes colocs sont absentes, même pas besoin d’un quelconque effort de sociabilité. Je sais que ce petit jeu de la piquer comme je le fais pourrait se retourner contre moi, sauf que dans mon état ma confiance et mon esprit taquin sont décuplés. Je dis encore un peu plus ce que je pense et ça ça doit pas lui plaire des masses. Suffit de voir la tête renfrognée qu’elle tire. J’en rajoute une couche, évoquant dans un sous-entendus que j’ai bien noté combien elle s’était investie dans notre petite improvisation théâtrale. « Risquer ta vie… tout de suite les grands mots. » je hausse les épaules « Bon alors tu la veux cette bière ou pas ? Je peux rajouter des cheetos aussi, je suis pas radine. ». Enfin elle bouge, sortant de la voiture avec cette mine agacée qui étrangement lui donne un petit côté sexy. Je souris en l’entendant réclamer plus qu’une bière, un truc plus fort « Oh Black s’encanaille. » je ris « Tu déteins sur moi avec tes expressions de dix huit cent je ne sais combien. ». Nous arrivons devant la porte de l’appartement, je galère un peu avec la clé ce qui me vaut un commentaire ou plutôt une question de la part de Joey. Je me retourne, me retrouvant nez à nez avec ma coéquipière que je ne pensais pas si près derrière moi, ou c’est juste mon appréciation des distances qui est un peu erroné « Combien de ? » j’arque un sourcil « De l’herbe ? » je ris, on dirait une mère qui va gronder son ado « J’ai tiré quelques lattes. Mais c’était de la bonne, top qualité. Et je crois qu’ils avaient bien dosé ce pétard. » je hausse les épaules « C’est légal Joey. J’avais besoin de déconnecter un peu. Tu peux comprendre ça ? » je n’ai pas quitté son regard « On est pas des machines. Même si toi t’essaie de le faire croire, j’sais que t’en est pas une. » je me retourne et ouvre la porte, l’invitant à entrer à ma suite « Poses toi où tu veux, j’vais chercher à boire. Vodka, rhum ou bourbon ? » elle a dit un truc fort, non ?

Elle voit bien que j’en rajoute un peu, mais c’est juste une forme de protection. Je ne suis pas prête à ce que Willie soit au courant de mon ancien-très-vieux penchant pour les femmes. Enfin en réalité ça ne m’est arrivé qu’une fois ou deux de loucher sur une fille, sûrement à cause de l’alcool, je vais pas en faire une généralité. Et je préfère passer outre le bordel dans mes entrailles quand Willie m’a embrassée tout à l’heure. Elle propose de cheetos et moi je finis par lâcher la bride, espérant qu’elle ait quelque chose de plus fort qu’une simple bière. « Oh Black s’encanaille. Tu déteins sur moi avec tes expressions de dix huit cent je ne sais combien. » Cette fois je lui fous un coup de pied au cul. Elle méritait que ça. Heureusement qu’elle sait pas que j’ai passé la barre des 4. Je le crie pas sur tous les toits, personne sait de toute manière, et ça date pas d’hier en plus. En la voyant galérer je lui demande combien elle en a fumé. Ça sous-entend de joints. Parce que bourrée, je l’ai déjà vue, mais pas planer comme ça. Elle a déjà un sens de l’humour douteux en règle générale, mais alors là c’est le pompon. « J’ai tiré quelques lattes. Mais c’était de la bonne, top qualité. Et je crois qu’ils avaient bien dosé ce pétard. C’est légal Joey. J’avais besoin de déconnecter un peu. Tu peux comprendre ça ? » Je soupire un peu. Parce que même si c’est légal, ça n’empêche que c’est de la merde. Ça grille les neurones, plus que la clope ou l’alcool, et c’est pas des cellules qui se régénèrent en plus de ça. « Ecoute, t’es grande hein. Légal ou pas, si tu veux te griller les neurones c’est ton choix. » Je dis ça de manière un peu blasée, après tout je suis pas sa mère. « On est pas des machines. Même si toi t’essaie de le faire croire, j’sais que t’en est pas une. » Je hausse les épaules. Je veux rien faire croire à personne, surtout pas à moi-même. La différence entre nous c’est que moi j’ai rien d’autre dans ma vie que mon boulot. Elle, elle a des amis, sans doute une famille, et je n’ai pas cette chance. Enfin chance, j’en sais rien. J’me sens pas mal comme je suis, seule, acharnée de boulot. « Poses toi où tu veux, j’vais chercher à boire. Vodka, rhum ou bourbon ? » « Vodka c’est bien. » Je la laisse aller chercher de quoi me satisfaire, pendant que je laisse mon regard traîner un peu partout. C’est un appartement qui vit, un peu le bordel mais pas trop. C’est assez grand, de quoi faire une colocation, puisque c’est le cas. « Vous êtes combien à vivre là dedans ? » Je visite, je fais comme chez moi, j’ai pas honte. J’ouvre pas les portes non plus, mais passe ma tête quand elles sont ouvertes. « Ah, c’est ta chambre ça. » Je sais pas pourquoi, mais je le ressens. « J’espère que t’as un coffre pour ton arme ? » quoi ? C’est une petite bleue, je me renseigne quand même…

Je prends un coup de pied au cul, sûrement plus pour l’ensemble de mon œuvre que mon insolence, depuis le temps que Black doit en rêver j’espère au moins qu’elle a prit son pied. Sans mauvais jeu de mot – en fait si. Moi ça me fait rire, parce que je sais qu’elle en rajoute à son côté bourrue, j’ai eu l’occasion de voir un peu au delà de ça. Alors quand je sens un peu de jugement de sa part quant au fait que j’ai fumé, j’explique à Joey que de un c’est légal – même si elle le sait – et que ça me permet de décrocher un peu d’un quotidien, qui, elle le sait aussi peut-être parfois trop prenant. Je sais qu’elle comprend, elle veut juste pas l’admettre. Finalement elle admet que je fais ce que je veux, je hoche la tête « Un truc comme ça ouais. » et je conclue que nous ne sommes pas des machines. J’arrive à ouvrir la porte, fallait juste la bonne clé c’est tout. J’invite ma coéquipière à entrer et s’installer pendant que je vais chercher à boire, mais elle préfère se faire une petite visite des lieux. Libre à elle ça ne me dérange pas, j’ai rien à cacher, et puis j’ai vu sa caverne alors… « On est trois. » répondis-je en faisant le service. Je me rapproche alors que Joey est dans le couloir menant aux chambres, elle regarde au delà des portes ouvertes, pas intrusive, juste curieuse. Ça me fait sourire qu’elle reconnaisse laquelle est ma chambre. « Oui, pourquoi ? Tu la cherchais ? » dis-je en me tenant juste derrière elle, lui tendant son verre lorsqu’elle se retourne. J’arque un sourcil à sa question sur le coffre « Je suis jeune, pas débile. » je hausse les épaules « Bien sûr que j’en ai un. ». Je me mets à rire « Tu veux vérifier ? Il est sous mon lit. » d’un geste de la tête je l’invite à entrer dans ma chambre si elle souhaite « Mènes ton enquête Lieutenant Black. » je ne sais pas bien pourquoi en disant ces mots mon ton est devenu un peu plus suave, charmeur. C’est le genre de truc qui arrive quand on traine avec Marie-Jeanne. « Qu’est-ce qui t’as mise sur la voie ? » je précise après un petit blanc « Que c’est ma chambre et pas celle d’une de mes colocs. » je ris légèrement « Je sais que tu as des talents d’enquêtrice mais là comme ça d’un coup d’œil, ça m’impressionne presque un peu. » dis-je en la regardant dans les yeux. Je l’ai jamais trop laissé paraître, mais j’admire Black pour sa carrière, c’est une bonne flic et j’ai de la chance d’être sa coéquipière malgré son caractère de merde. Puis on s’y fait à son humeur ronchon et il lui arrive même d’être sympa, presque.

Je sens bien qu’elle n’apprécie pas ma manière de lui dire ce que je pense concernant le cannabis. Je sais bien que c’est légal mais ça n’en est pas moins de la merde. Comme tout un tas d’autres trucs, mais bon, je ne suis pas irréprochable, j’ai pas tellement de leçons à donner. Je fais le tour rapide de l’appartement, ils sont trois à vivre là dedans. Je sais même pas comment elle fait. Sans doute parce que je suis de nature légèrement asociale. Je trouve sa chambre. Bingo. « Oui, pourquoi ? Tu la cherchais ? » demande-t-elle me faisant me retourner en entendant que sa voix est si proche. Je me retrouve nez à nez avec elle, un peu trop proche d’ailleurs à tel point que mon coeur s’est accéléré d’un coup. Espace vital pénétré. Je prends le verre qu’elle me tend en la remerciant avant de lui poser une question rapport à son arme. J’suis con quand je m’y mets. « Je suis jeune, pas débile. Bien sûr que j’en ai un. Tu veux vérifier ? Il est sous mon lit. Mènes ton enquête Lieutenant Black. » La fin de sa phrase est… étrange. On dirait un vieux film porno des années trente. Erk. Je fais un pas en arrière, et de ce fait, entre dans sa chambre, mon dos repoussant la porte déjà entre-ouverte pour l’ouvrir davantage. « Qu’est-ce qui t’as mise sur la voie ? Que c’est ma chambre et pas celle d’une de mes colocs. Je sais que tu as des talents d’enquêtrice mais là comme ça d’un coup d’œil, ça m’impressionne presque un peu. » J’ignore pourquoi son regard me trouble à cet instant. J’ai la sensation qu’elle se fout de ma gueule, et en même temps, elle est défoncée. Je bois une bonne grosse gorgée du verre qu’elle m’a servi et me retourne pour regarder la chambre en question. « C’est ni rangé ni vraiment en bordel. Le lit pas fait ça m’étonne pas de toi. Et puis ce t-shirt. Tu le mets souvent. » Je récupère le t-shirt en question qui était posé sur le rebord du lit, en lui montrant. Je sais pas bien si c’était une bonne idée de me justifier. Me rendre compte soudainement que j’en viens à reconnaître sa garde robe, c’est quand même inquiétant. Et puis faut qu’elle arrête de me regarder comme ça aussi. Je me racle un peu la gorge, sentant un instant de légère gêne, et gobe la fin du verre que j’avais entre les mains. Bravo Black. Belle perf. « Et du coup tes colocs, c’est des mecs, des nanas, un mec une nana ? » Voilà change de sujet, c’est la bonne idée. Et pourquoi j’ai encore son t-shirt dans la main au juste ? Je m’en débarrasse en le jetant sur le lit près de là où je l’ai trouvé, et repose mon regard sur Willie qui répond à ma question.

Black s’offre une rapide visite des lieux pendant que je nous sers à boire et reconnaît rapidement ma chambre. Taquine et un peu désinhibée par l’effet de la drogue je lui demande si elle la cherchait. Le genre de vanne habituelle pour moi, surtout quand je suis dans cet état, lucide avec juste ce qu’il faut de brouillard dans la tête pour me sentir un peu éloignée de la réalité. Ma coéquipière se retourne, à son regard j’ai presque l’impression de la prendre en faute, alors que je m’en fous qu’elle ai reconnu ma chambre, je trouve juste amusant que ça lui ai pris si peu de temps et pas la moindre hésitation. Son côté terre à terre n’est jamais loin, elle me demande si j’ai un coffre pour ranger mon arme. Je sais pas si c’est qu’elle me prend vraiment pour une truffe ou juste par soucis de me protéger, en quelque sorte. Ouais, non, c’est Joey faut pas pousser. Je continue sur ma lancée, l’invitant à vérifier dans une intonation un peu tendancieuse. Elle recule d’un pas, entrant dans ma chambre. C’est moi ou elle est un peu nerveuse ? Ça m’amuse, mais c’est vrai que présentement il me suffit d’un rien. Impressionnée par sa capacité de déduction je l’interroge, qu’est-ce qui l’a mise sur la voie ? Je la fixe, sans même vraiment m’en rendre compte, sourire aux lèvres, attendant qu’elle me révèle son truc. Un certain équilibre dans le désordre, le lit défait et… un t-shirt à moi. Voilà les indices qui l’ont mené à cette juste conclusion. J’échappe un petit rire « Tu devrais faire flic. » je hausse les épaules « C’est vrai j’aime bien ce t-shirt. » et je suis un peu surprise qu’elle ai remarqué que je le mets souvent. Comme quoi elle se fout pas de tout, pas totalement, c’est juste ce qu’elle cherche à faire croire. Joey termine son verre d’une traite, il lui aura fait deux gorgées mais pas le temps de lui faire une remarque à ce sujet, elle me demande si mes colocs sont des nanas ou des mecs. « Coloc de filles. » répondis-je simplement alors qu’elle repose mon t-shirt avec une certaine précipitation. Je lève les yeux, elle a vraiment une attitude étrange et pourtant c’est moi qui suis un peu défoncée. « Il est propre t’en fais pas. » dis-je avec un sourire amusé « Et me regarde pas comme ça, t’es pas entrée dans un temple d’orgies hein… » je suis bi, ça ne fait pas de moi une totale débauchée. Je me mets franchement à rire, on dirait un peu un lapin dans les phares d’une voiture « T’es tendue un peu, non ? Tu veux une autre vodka ? » et parce que je suis une sale gosse je m’approche « Ou autre chose qui pourrait te détendre ? » j’approche encore, jouant clairement avec elle et ses nerfs, je suis bien plus près que nécessaire mais c’est là tout le côté amusant de la situation. Je tends la main et attrape son verre « Ça tient toujours pour le rhum ou le bourbon… Je dois même avoir du gin et de la tequila qui traine si c’est plus ton truc. ».

« Tu devrais faire flic. » dit-elle en riant. Je trouve ça moyennement drôle. A moins que ce soit le fait qu’elle soit bizarre et que sa manière de se comporter me mette mal à l’aise. Je tente de trouver un sujet de conversation, pose des questions, sur sa coloc pour le moment. La réponse se fait rapide, des filles, uniquement des filles. « Et me regarde pas comme ça, t’es pas entrée dans un temple d’orgies hein… » Je fronce les sourcils, qu’est-ce qu’elle raconte ? « T’es vraiment bizarre quand t’es défoncée. » C’est le principe en même temps. Mais je suis sans doute aussi bizarre qu’elle, sauf que moi, je sais que c’est de sa faute. La voilà qui se remet à rire, et je la regarde sans bouger, pas un sourire au coin des lèvres. Elle se fout de ma gueule ou c’est juste qu’elle plane ? « T’es tendue un peu, non ? Tu veux une autre vodka ? Ou autre chose qui pourrait te détendre ? » Elle s’approche, pourquoi elle s’approche. Je me tends encore plus, mais je suis incapable de bouger, je me redresse juste, le buste un peu en arrière. « Je suis tendue parce que t’es cheloue là ! » Elle attrape mon verre, elle est près, trop près. « Ça tient toujours pour le rhum ou le bourbon… Je dois même avoir du gin et de la tequila qui traine si c’est plus ton truc. » Je hoche à peine la tête.  « Tequila c’est bien. » Qu’est-ce que je fous encore là sérieux ? Je ferai mieux de fuir le plus rapidement possible. Willie s’éclipse jusque dans la cuisine et je me retrouve seule, lâchant un souffle pour essayer de me détendre. Mais j’y peux rien, dès qu’elle s’approche j’ai l’impression qu’elle va encore me sauter dessus pour m’embrasser. Le pire là dedans, c’est que je sais pas si ça me dégoûte ou si ça me fait envie. Bordel de merde. Je passe mes mains dans mes cheveux, lâche un nouveau souffle et d’un pas décidé, je sors de la chambre. Sauf que Willie arrivait en même temps, et que le verre qu’elle m’apportait finit sur mes fringues. Je serre les mâchoires. « J’espère que les effets se seront dissipés demain parce que t’es juste une grosse empotée. » Je lâche un rire nerveux, j’ai besoin de craquer. Je soulève mon t-shirt pour le sentir, ça sent l’alcool à plein nez, et il est trempé. Génial. « Bon, bah puisqu’il est propre… » Je sais pas trop ce qui me prend. Je fais demi-tour, une fois dos à elle je retire mon t-shirt et enfile le sien que j’avais jeté sur le lit un peu plus tôt.

Je me trouve pas bizarre quand je suis défoncée, juste plus franche et spontanée peut-être. Pas que je ne le sois pas habituellement mais surtout dans le cadre professionnel j’essaie de ne pas trop faire dans l’extravagance. De un parce que c’est souvent mal perçu et de deux je ne vois pas mon métier comme un terrain de jeu, je prends ça très au sérieux. Ce soir un peu moins, mais je suis en repos, pas en service donc... et puis si vous voulez mon avis c’est plutôt Black la plus étrange de nous deux. Je sais pas si elle est pas plus rabat-joie maintenant que quand on est en plein boulot, comme si fallait qu’elle compense mon état, mais y’a pas besoin, faut lâcher du leste un peu ! Plus franche donc, je donne mon opinion à ma partenaire sur son attitude, je la trouve tendue et s’il lui faut un verre de plus pour se détendre, pas de problème je veux bien le lui offrir. La raison de sa tension ? Moi. Parce que je suis sois disant cheloue. Je ne peux m’empêcher de rire un peu avant de continuer à la pousser dans ses retranchements. Je vois bien qu’elle est d plus en plus mal à l’aise à mesure que je me rapproche et ça m’amuse beaucoup. C’est pas tout les jours que je vois Joey reculer comme ça. Son choix se porte sur la tequila, un petit hochement de tête plus tard et je m’en vais en direction de la cuisine pour lui servir son verre. Je le lui ramène en partant du principe, qu’elle compte rester dans ma chambre, mais au moment où j’entre elle sort et la collision est inévitable. L’alcool se répand sur son t-shirt et un peu sur le mien mais beaucoup moins. Forcément Black râle, il ne peut pas en être autrement, quant à moi je me retiens de ne pas éclater de rire. J’y peux rien si je trouve ça drôle. « Ça va c’est un petit accident de rien du tout et ça aurait très bien pu m’arriver à jeun. » déclaré-je pour minimiser la gravité de la situation et avant même que je ne lui propose de se changer, c’est Joey qui prend l’initiative de le faire, réquisitionnant mon t-shirt favoris ou presque. Elle ne prend pas la peine de me demander de sortir, se contentant de se tourner dos à moi pour se changer. Je penche légèrement la tête sur le côté en la regardant faire, surprise par son comportement , peut-être aussi un peu par ce que je vois et ce que ça me fait. Bon ok là clairement mon état est maitre de ma réaction. Lorsqu’elle me refait face je secoue un peu la tête pour clarifier mes esprits « Ouais… il est propre. » répété-je avant de faire une moue embarrassée « Mais c’est aussi un de mes favoris, et je sais pas si je te fais assez confiance pour te laisser partir avec. » à nouveau je me rapproche, plantant mon regard dans le sien « T’es pas facile à cerner Joey. » j’attrape le bas de mon t-shirt lorsque je suis assez proche pour le faire « Tu me promets d’en prendre soin ? » je m’avance un peu plus « Est-ce que je peux avoir confiance ? Tu vas pas le prendre en otage, n’est-ce pas ?» comme petite vengeance personnelle pour le fil que je lui donne à retordre « Sinon je vais devoir te le reprendre. ». Je fronce légèrement les sourcils, je lis dans son regard comme une crainte, une appréhension « T’as peur de moi ? » je ris parce que ça me paraît totalement absurde.