Just a little help (Rayden #10)

Je pose mon portable sur la table basse, rassemble les papiers qui trainent dessus pour en faire un tas, autant pour faire un semblant de rangement que faire quelque chose de mes mains alors qu’un sentiment d’appréhension me gagne. Je viens de réclamer l’aide d’Eden, de l’inviter à passer ici chez moi et qui plus est à grignoter un truc en ma compagnie. Ça sans réfléchir, presque tout naturellement… En quoi est-ce un problème ? Peut-être parce que depuis notre dernière et houleuse discussion j’ai pas mal réfléchis à l’issue de cette dernière, à mes mots, aux siens et à ce baiser échangé juste avant que je ne quitte son bureau. Comment est-ce possible de faire preuve de tant de spontanéité et même d’audace pour se poser autant de questions ensuite ? Une chose est sûre la quadra a le don de me mettre dans tous mes états, la liste serait même trop longue à dresser. Et cette fois encore, après une vague d’assurance suit un léger vent de panique. J’ai envie de la voir, mais j’appréhende, j’ai effectivement de quoi préparer un petit truc à grignoter mais j’ignore si c’est suffisant, si ça lui conviendra si… Je lâche un profond soupir. « Respire Rayan. » voilà que je me parle toute seule maintenant ! « Ok. Allez bouge toi et arrête de cogiter. » le pire c’est que je m’écoute, me levant docilement pour faire un bref inventaire de ce que j’ai à ma disposition pour cette visite imprévue jusqu’à il y a quelques minutes. J’aurais peut-être mieux fait de l’appeler, non ? Stop ! Je m’engage vers le coin cuisine, et m’occupe l’esprit en m’affairant à préparer quelques petits trucs rapides. Je n’ai aucune idée du temps que va lui prendre sa dernière conf call et donc dans combien de temps elle arrivera. Même en cuisine je me questionne, je veux la recevoir convenablement mais sans en faire trop. Quoi qu’après ce que j’ai dis la dernière fois je crois que rien ne pourrait vraiment porter à mauvaise interprétation. Et puis interpréter quoi au juste ? Elle sait qu’elle me plait, sème le trouble dans mon esprit, fait valser de vieilles barrières pour laisser ressurgir des désirs soigneusement enfouis. Qu’est-ce que je peux craindre de plus que cela ?
Coup d’œil sur ma montre, tout est prêt, ça ne m’a pas pris beaucoup de temps et il m’en reste peut-être pour prendre une douche. J’en ai déjà prise une aujourd’hui et en dépit de ma volonté de préserver l’environnement avec un comportement écologique, je décide qu’en prendre une maintenant me détendra. Je me dépêche, implorant le karma de ne pas faire retentir la sonnerie de l’interphone avant que je n’ai terminé, et il se montre plutôt compréhensif en m’offrant le temps nécessaire pour que je sois rhabillée avant l’arrivée d’Eden. J’ai même quelques minutes pour regarder une énième fois les informations sur les agents dont j’ai retenu le nom. On sonne, je décroche l’interphone et indique à la productrice que mon appartement se trouve au deuxième étage, à gauche en sortant de l’ascenseur. Il s’écoule peu de temps avant qu’elle ne frappe à la porte d’entrée. Ok, j’ai les mains moites, tout va bien. On dirait une foutue adolescente… ressaisie toi ! Je vais ouvrir et offre un sourire à mon invitée « Hey ! Merci de m’accorder du temps, je voyais pas trop à qui d’autre demander de l'aide. » dis-je tout en m’écartant pour la laisser entrer chez moi. Je referme la porte et l’invite à s’avancer vers le salon « J’espère que t’es pas claustrophobe… c’est beaucoup moins grand que chez toi. » plaisanté-je, c’est encore le meilleur moyen de me détendre. « Qu’est-ce que tu veux boire ? J’ai du vin ou de la bière. » demandé-je en allant vers le coin cuisine, je sais pas elle mais un verre me fera du bien.

Au moment où je reçois le sms de Rayan me demandant de l’aide, je ressens comme une victoire en moi. J’attendais ce moment depuis des jours, et c’est comme un soulagement. Je crois que j’ai eu peur qu’elle prenne peur, qu’elle ne veuille plus me voir après mon attitude de la dernière fois. Depuis quand je me montre jalouse exactement ? Jamais. Jamais je n’ai été jalouse, avec personne. Ni mon premier mari, ni ma compagne actuelle. Jamais. Et voilà que les choses ont l’air de changer. Je préfère encore ne pas me poser trop de question, j’ignore totalement où cette histoire va me mener. En tout cas, je suis heureuse de lire le message de la jeune actrice, et je crève d’envie d’y répondre malgré la réunion qui se passe actuellement. Je me retiens, professionnelle. Une fois la réunion terminée, je prends le temps de lui répondre, le rendez-vous est donné. Chez elle, après mon dernier appel en conférence. Je suis impatiente, mais je dois rester concentrée un dernier instant. Heureusement, ça ne dure pas longtemps. Une fois ma journée de boulot terminée, je m’enferme dans mon bureau, passe sous la douche rapidement - heureusement que j’ai fait aménager une salle de bain privative attenante à mon bureau, pour les jours où je ne peux repasser par chez moi. J’ai même quelques affaires de rechange, au cas où. J’enfile un nouvel ensemble de lingerie, un tailleur un peu plus décontracté que celui que je portais, un pantalon légèrement évasé, un chemisier et une veste cintrée. Me voilà partie pour rejoindre l’adresse de Rayan que j’ai récupéré dans les fichiers des acteurs. Je me gare devant l’immeuble et sonne à l’interphone, avant qu’elle m’indique l’étage. Je monte, le coeur battant, et laisse mes phalanges rencontrer le bois de la porte, qui s’ouvre sans attendre. « Hey ! Merci de m’accorder du temps, je voyais pas trop à qui d’autre demander de l'aide. » Je lui rends son sourire et entre chez elle la laissant refermer la porte derrière nous. « Je suis contente que tu aies demandé. J’allais pas te laisser te débrouiller seule si tu avais besoin d’un coup de main ! » C’est la promesse que je lui ai faite, depuis le début. « J’espère que t’es pas claustrophobe… c’est beaucoup moins grand que chez toi. » Un rire amusé et décontracté vient franchir la barrière de mes lèvres et je secoue la tête. « Ne dis pas de bêtises, c’est très mignon chez toi. » Moi aussi j’ai vécu dans des appartements de cette taille avant de grimper dans les échelons de mes divers boulots. Ma fortune me me vient pas de ma famille, je l’ai créée de mes mains et j’en suis fière. Je dépose mon sac à main sur le canapé, et ma veste sur le dossier de ce dernier, avant de rejoindre Rayan dans le coin cuisine. « Qu’est-ce que tu veux boire ? J’ai du vin ou de la bière. » « Je dis pas non à un verre de vin, ça pourra pas me faire de mal vu la journée! » Je m’appuie sur l’encadrement de mur et la regarde faire, laissant mon regard se délecter de cette vue agréable. Elle me donne mon verre et je la remercie, la suivant jusqu’au salon. « J’ai vu que tu avais quelques jours de repos, ça doit te faire du bien ? » Commençons pas les banalités avant de parler du sujet pour lequel je suis ici.

Je sais Eden très occupée et j’ai parfaitement conscience que son aide est précieuse et un véritable privilège. C’est une femme de parole, elle m’avait promis son aide à mes débuts et s’est tenu à son engagement. Il prendra bientôt fin lorsque j’engagerai un agent pour m’aider à gérer certains aspects de ma carrière dont les rouages m’échappent encore. Je suis plutôt du genre à avoir la tête sur les épaules et le sens des responsabilités, mais il faut savoir admettre quand les choses dépassent nos compétences, c’est mon cas. Et puis clairement le temps devient une denrée rare pour moi aussi. J’adore ce que je fais, j’ai envie de pouvoir continuer, avoir une vraie carrière… donc je ne veux pas me tromper. Qui d’autre que la productrice pour m’aider dans ce choix capital ? La boucle sera bouclée, en quelque sorte. Mais si l’enjeu de sa visite est important pour moi ce n’est clairement pas juste au plan professionnel. C’est pas faute d’avoir essayé de mettre de côté cette attirance inéluctable, je me suis résolue à l’accepter et même à la laisser s’exprimer. La situation n’a rien de simple, au contraire et nous en somme parfaitement consciente. Rumeurs et interprétations précipitées se créent si vite, les risques de me forger une mauvaise réputation ou démarrer ma carrière sur de mauvaises bases sont bien réels. Et pourtant la quadra vient de débarquer chez moi, pour des raisons professionnelles bien entendu mais sans rien d’officiel, dans le secret d’un échange de messages à l’allure privée. Il y a un double enjeu, je ne me voile pas la face et c’est sans aucun doute pour ça que je suis un peu tendue. Heureusement je joue assez bien la comédie, il paraît que c’est mon métier, et donne le change en plaisantant sur la taille de mon appartement. Eden rit à ma remarque, décontractée, et ce seul constat tend à m’apaiser légèrement. « Oui… j’aime bien cet appartement. » répondis-je avant de lui fausser compagnie pour remplir mon devoir d’hôte. Je propose du vin ou de la bière, me rendant compte qu’elle veut peut-être de l’eau je m’apprête à l’ajouter à la liste mais la jolie blonde a déjà fait son choix, du vin. « Va pour du vin alors. » j’attrape la bouteille de blanc – presque sûre que ça soit ce qu’elle préfère, au frais et l’ouvre pour nous servir. Je lui tends son verre « J’avais aussi de l’eau, évidemment. Ne pense pas que je cherche à te saouler. » affirmé-je avec un petit sourire complice. La première et seule fois où je l’ai vu un peu trop alcoolisée ce n’était pas non plus mon intention… Surtout que les conséquences je les connais. Nous repassons dans le salon, je l’invite à s’asseoir tout en prenant moi-même place sur le canapé. Elle évoque les quelques jours de repos dont je dispose, j’acquiesce le sourire aux lèvres « Oui deux jours off. Je crois que je n’avais pas vraiment mesuré mon état de fatigue. Ce matin j’ai fait une grasse matinée comme ça ne m’étais plus arrivé depuis… Je ne sais même plus quand. Mon adolescence ou mes vingt ans. » je ne suis pas vraiment du genre à me lever à midi. « C’est bien de pouvoir se poser un peu. » ajouté-je avant de lever légèrement mon verre puis de le porter à mes lèvres « Enfin tu sais ce que c’est, même les jours de repos le boulot n’est jamais loin. » et toute la journée ou presque je l’ai passé à tenter de choisir l’agent qu’il me faut et qui voudra bien de moi. « Je dis ça mais connais-tu seulement le mot repos ? » plaisanté-je, posant mon verre sur la table basse puis quittant le canapé direction la cuisine pour en revenir l’instant d’après avec de quoi grignoter. Non je n’ai pas la bougeotte et je n’évite pas son regard… Elle a bien dit “Je meurs de faim“ dans son message, non ? Du regard je l’invite à se servir « Je t’en prie. Je garantis pas que ce soit bon mais c’est pas empoisonné. » nouvelle gorgée de vin et enchaine « Et toi cette journée ? Eprouvante ? » j’échappe un léger rire « Qui donc à bien pu oser se mettre en travers de ton chemin ? » j’ai bien compris que c’est un truc qu’elle déteste.

« J’avais aussi de l’eau, évidemment. Ne pense pas que je cherche à te saouler. » Je ris un peu tout en ne la lâchant pas des yeux. « Maintenant que tu le dis, je vais commencer à me poser des questions. » Je me souviens de cette fois où elle avait voulu m’offrir un verre, et il est clair que je ne tiens pas aussi bien à l’alcool qu’elle. Elle dit que ce sont les gênes, moi je pense que c’est surtout parce que mon métabolisme ne le supporte pas. Au delà d’un certain seuil en tout cas. Un ou deux verres de vin ne m’ont jamais fait de mal. De temps en temps, qu’on soit bien d’accord. Une fois toutes les deux sur le canapé, je prends de ses nouvelles, ses jours de congé qui doivent lui faire du bien vu le tournage qui est visiblement assez éprouvant pour l’équipe, comme beaucoup de tournages. « Oui deux jours off. Je crois que je n’avais pas vraiment mesuré mon état de fatigue. Ce matin j’ai fait une grasse matinée comme ça ne m’étais plus arrivé depuis… Je ne sais même plus quand. Mon adolescence ou mes vingt ans. » Je ris un peu, hochant la tête parce que je comprends bien de quoi elle veut parler. Je ne m’arrête que très rarement, et quand j’ai quelques jours de vacances, il me faut un certain temps pour arriver à me décontracter, et une fois fait je dors pour tout ce qu’il me manque de sommeil dans l’année. Heureusement je n’ai jamais été une très grosse dormeuse, même jeune. Après 7h c’est une grasse matinée pour moi, peu importe l’heure à laquelle je me couche. Elle me demande l’air de rien si je connais le repos, et je lui offre un sourire entendu. Elle ne pose pas la question pour elle, elle sait que je suis une acharnée du boulot. Mais c’est parce que j’aime ça aussi. « Ça m’arrive. Rarement. Mais ça m’arrive. » Je lui souris et la laisse filer dans la cuisine sans perdre une miette de cette silhouette si parfaitement dessinée. « Je t’en prie. Je garantis pas que ce soit bon mais c’est pas empoisonné. » Je ne perds pas de temps pour venir récupérer un des petits amuse-gueule qu’elle a préparé - j’imagine exprès pour moi. « Merci de me nourrir. J’ai pas eu une minute aujourd’hui ! » Je soupire un peu et goûte finalement ce qu’elle a préparé, qui s’avère être très bon, même si simple, je n’en demandais pas plus. « Et toi cette journée ? Eprouvante ? Qui donc à bien pu oser se mettre en travers de ton chemin ? » Je lève les yeux au ciel, tout en finissant ma bouchée, avant de lui répondre. « J’ai eu l’impression d’avoir tous les boulets du monde sur les épaules aujourd’hui, je sais pas ils ont dû se donner le mot pour venir me faire chier, tous aujourd’hui. » Je secoue la tête d’un air dépité. « Mais c’est pas grave, je suis plus au bureau, j’ai coupé mon téléphone pro, y’a plus que toi et moi. » Le sourire que je lui offre est plus charmeur. « Alors raconte-moi, tu t’es perdue dans les agents et tu sais plus lequel choisir ? »

Bourreau de travail, Eden n’a même pas eu le temps de manger un petit quelque chose aujourd’hui. Passionnée et exigeante, elle est prête à faire des sacrifices pour que sa boite fonctionne parfaitement. Ça lui réussi, je crois, je suis nouvelle dans ce business mais j’entends de bon échos. Néanmoins j’espère qu’elle connaît ses limites, le corps humain est une machine formidable mais il peut lâcher quand on le sollicite trop… je suis bien placée pour le savoir même si les circonstances étaient différentes. Je m’intéresse à sa journée, puisque celle-ci à tout l’air d’avoir été plus que bien remplie. Son seul soupir est une première indication, une véritable foire aux boulets, comme s’ils s’étaient tous donnés le mot pour l’ennuyer précisément aujourd’hui. La loi des séries sans doute. Je m’en veux presque un peu de solliciter son aide alors qu’elle a visiblement eu une journée compliquée, mais ses propos tendent à me rassurer, de même que son sourire un peu plus charmeur « J’ai pensé un instant que j’étais encore un boulet de plus. » plaisanté-je « Mais je suis un boulet qui te nourrit, ça compense. » je lui adresse un regard complice, teinté d’une pointe de charme. Il est temps d’entrer dans le vif du sujet, le pourquoi de mon appel à l’aide, d’ailleurs ça a l’air d’amuser Eden de me voir un peu perdue face à ce choix. Je secoue la tête et me penche pour attraper les trois feuilles posées sur la table basse « J’ai quand même pas mal réduit la liste. Il en reste trois, et c’est là que tu entres en jeu… » je lui tends les papiers « Tu dois les connaître. J’aimerais avoir ton avis. » parce qu’elle connaît le milieu, le métier et surtout j’ai confiance en elle, et ça ce n’est pas rien. Je mange un petit amuse-gueule la laissant prendre connaissance de mes choix « Je me suis peut-être plantée sur toute la ligne, c’est pas exclu… » commenté-je, attendant avec une légèrement pointe d’impatience la réaction de la jolie blonde. Elle relève le regard, un peu énigmatique comme elle aime l’être, je sais quand elle joue avec moi, avec mes nerfs. Je lève les yeux « Oh non me torture pas. » j’enchaine, sachant pourtant que c’est ce qu’elle veut « Je me suis plantée c’est ça ? Ils sont nuls ? J’ai si peu d’instinct ? ». Je soupire et bois une nouvelle gorgée de vin « Tu te sens partout en terrain conquis, hein ? C’est moi qui devrais l’être. » dis-je faussement contrariée, fixant mon regard dans le sien, avant de me mettre à rire.

« J’ai pensé un instant que j’étais encore un boulet de plus. Mais je suis un boulet qui te nourrit, ça compense. » « Ce qui est un sacré avantage ! » que je réponds la bouche à moitié pleine, avant de poser ma main devant cette dernière, laissant échapper un petit gloussement. Il y a très peu de personnes avec qui je peux me permettre ce genre de comportement totalement détendu, elle a de la chance, il faut bien l’admettre. Je lui demande où elle en est de son choix, de ce pour quoi elle m’a fait venir, aussi et surtout. Visiblement, elle a bien travaillé, réduit la liste à trois, voyons voir ce que ça donne. « Tu dois les connaître. J’aimerais avoir ton avis. » me dit elle en me tendant les feuilles. Je frotte un peu mes mains machinalement pour retirer le surplus de nourriture sur ces dernières, et attrape les feuilles. Des impressions wikipedia. Je souris. « Je me suis peut-être plantée sur toute la ligne, c’est pas exclu… » Je regarde donc les trois noms, ne suis pas si étonnée de voir que ma compagne y figure, mais je ne dis rien, évidemment. Je relève sur elle mon regard énigmatique comme à mon habitude, sans rien répondre pour le moment. « Oh non me torture pas. Je me suis plantée c’est ça ? Ils sont nuls ? J’ai si peu d’instinct ? » Je me mets à rire alors qu’elle soupire, et me penche juste après elle pour récupérer mon verre de vin aussi, dont une gorgée coule déjà dans ma gorge. « Tu te sens partout en terrain conquis, hein ? C’est moi qui devrais l’être. » Je la regarde, son petit air presque un peu renfrogné, avant qu’elle ne laisse échapper un rire qui m’est plus qu’agréable. Je souris et hausse les épaules. « On peut dire ça oui, presque partout en tout cas. C’est une question d’habitude, et de caractère. On peut dire que j’ai des talents d’actrice moi aussi d’une certaine manière ! » Je ris un peu et me re penche sur les trois noms. « Hum, celui là on exclut pour le moment, il ne travaille qu’avec des acteurs qui ont une carrière d’au moins dix ans, les carrières naissantes ça l’intéresse pas vraiment. Je me demande d’ailleurs pourquoi je l’ai laissé dans la liste que je t’ai donnée. » Et puis c’est un homme aussi. Je n’ai pas une entière confiance en eux, en tout cas, pas pour bosser avec une créature aussi divine qu’est Rayan. Je repasse sur Cora, grimace un peu et regarde le profil de la troisième et dernière. « Entre les deux mon coeur balance. » En réalité, je suis face à un choix que j’aurai préféré ne pas avoir à faire, ou en tout cas, aider Rayan à le faire. Lorenzini est une très bonne agent, je n’ai aucun doute sur son parcours, sa hargne et sa manière de bosser. L’autre est peut-être un peu trop jeune et pas assez expérimentée, bien que très prometteuse. Si Cora n’avait pas été ma compagne, il est certain que je l’aurai orientée vers elle, mais j’ai trop peur des représailles. « Je connais bien Cora Lorenzini, je sais qu’elle s’occupe de pas mal d’acteurs en ce moment, je sais pas du tout si elle aura le temps de s’occuper de quelqu’un d’autre, mais je peux essayer de lui en toucher deux mots. » Comment ? Ça j’en sais rien. D’ailleurs, je ne me rends pas immédiatement compte que je me suis un peu renfermée en parlant d’elle. « Miller est très prometteuse, elle a réussi de belles prouesses cette dernière année, deux de ses poulains ont été récompensés comme espoirs du cinéma hollywoodien. Ça peut être une belle carte à jouer. » Je bois une gorgée de mon verre et repose les feuilles près de moi sur le canapé, à l’opposé de là où se trouve Rayan. « Les deux pourraient correspondre, dans un registre assez différent. Quoi qu’il arrive je veillerai à ce que tu sois entre de bonnes mains. » Si je peux éviter qu’elle soit littéralement entre les mains de Cora, ça m’arrangerait.

C’est plaisant de voir Eden si naturelle et détendue surtout que ce n’était pas évident après une journée comme la sienne. Parfois la pression met du temps à redescendre, mais là ce n’est pas le cas et ce constat me fait plaisir. Bien qu’elle soit là pour des raisons professionnelles, c’est agréable de retrouver cette complicité entre nous, sans doute parce que depuis le début du tournage en plus de nous voir moins souvent, notre dernière discussion a été un peu houleuse. Au moins la blonde a fait connaissance avec un autre aspect de ma personnalité, celui plus explosif… Ça aurait pu mal tourner, ce n’est pas le cas. Tout ça est derrière nous désormais. Pourtant le sujet central de sa visite est le même, m’aider à trouver un agent. J’ai fait une bonne partie du boulot en sélectionnant trois profils parmi tous les autres, néanmoins pour cette dernière partie je veux l’avis de la productrice, bénéficier de son regard avisé. Elle joue son rôle, lit la fiche de chacun des agents puis repose son attention sur moi. Il n’y a rien de défiant dans son attitude, juste un mélange de neutralité et de mystère. Elle joue avec mes nerfs, commençant à connaître mon côté un peu impatiente dans certaines circonstances. Ça l’amuse beaucoup de me voir galoper tout droit dans la direction qu’elle souhaite, à savoir me faire douter sur la qualité de mon travail de recherche et de tri. Je trépigne, me renfrogne presque mais rien de tout ça est bien sérieux, l’ambiance est légère, comme elle ne la plus été depuis un moment entre elle et moi, j’apprécie. Je souligne combien Eden a la capacité de sembler à l’aise partout, même quand elle n’est pas sur son terrain de jeu. Même si en l’occurrence elle l’est en partie puisque c’est son expertise que je réclame. Mais nous sommes chez moi et elle se paye le culot de me faire mariner un peu. Je hoche la tête vivement à la réponse donnée « Oh ça oui, tu peux le dire. D’une certaine manière tu es bonne actrice. » mon rire se joint au sien un bref instant avant que le sérieux ne s’installe pour le verdict. Enfin. Le seul homme retenu fini directement sur la touche, il s’occupe uniquement d’acteurs confirmés. Next. Je vois que la productrice est tiraillée en regardant les deux profils restants. Deux femmes, l’une dont l’expérience et la réputation n’est plus à faire, l’autre plus jeune dans le métier mais avec des résultats concluants également. Je finis mon verre en attendant une suite à cette hésitation… La blonde exprime l’objet de sa réflexion. Elle connaît bien l’une des deux agents et s’engage à lui parler de moi si tel est mon souhait. Mais j’ai comme l’impression qu’elle aimerait éviter cette alternative. Au bout de sa réflexion je ne suis pas plus avancée, ça se jouera entre les deux. Comme si elle mettait le sujet de côté Eden repose les feuilles, à l’opposé de moi, me donnant la sensation qu’elle prend à son compte ce choix final, j’arque un sourcil « C’est tout ? ». Elle va s’assurer que je sois entre de bonnes mains et c’est apparemment tout ce dont j’ai à me soucier à cet instant « Je n’en doute pas. Je te fais confiance. » déclaré-je souriante. Je désigne son verre presque vide « Un autre ? » je ris légèrement « Ou de l’eau, l’offre tient toujours. » ajouté-je avec malice en me levant pour aller chercher la bouteille de vin que j’avais remis au frais. De retour sur le canapé, nous resservant je lui adresse un léger sourire « Tu noteras que j’ai délaissé le physique comme unique critère de choix. » faisant référence à l’une de mes provocations durant notre échange d’il y a quelques temps. « Dans la liste y’en avait un vraiment canon. Mais il s’occupe que des sportifs et il est gay. » j’ignore comment il s’était retrouvé dans la liste d’ailleurs.

Tout un argumentaire pour lui dire ce que je pense de ses trois prétendants au titre d’agent. Enfin, ça c’est s’ils veulent bien s’occuper d’elle. Choisir un agent c’est déjà pas donné à tout le monde, en général, c’est plutôt beaucoup de démarchage, et ce sont les agents qui choisissent leurs poulains. Mais comme Rayan est sous mon aile, elle a de la chance, je vais pouvoir appuyer son dossier, et faire plier qui je voudrai pour s’occuper d’elle. Elle a du potentiel, c’est indéniable, et je sais que malgré son talent, ça ne suffira pas si elle n’a pas un bon agent qui croit en elle. C’est pour ça que je mets de côté le seul mâle qu’elle a choisi, ça m’arrange. Quoi que je ne suis pas plus rassurée par la gente féminine, surtout par Cora, qui risquerait bien de trouver Rayan très à son goût, et je la comprendrai sans aucun mal si tel était le cas. Pour le moment, je ne suis pas encore décidée moi-même sur le fait de proposer à Cora le contrat, parce que ça risquerait de foutre pas mal le bordel dans mes affaires, mais si je ne dois penser qu’à la carrière de Rayan, j’ai bien peur que ce soit elle qu’il lui faille. Pour autant, je me laisse le temps de la réflexion, et c’est avec cette idée que je pose les feuilles sur le côté, l’air de dire que le chapitre est clos. « C’est tout ? » Je bois une gorgée et la regarde en arquant un sourcil. « Tu pensais qu’on allait passer la nuit dessus ? » Non parce que j’ai d’autres idées si elle demande. Pour la nuit je veux dire… « Je n’en doute pas. Je te fais confiance. » Bien. C’est tant mieux. Je hoche d’ailleurs la tête comme si c’était entendu. Elle me demande si je veux un autre verre de vin, et je regarde ce dernier, qui effectivement n’est plus très loin du seuil minimum. « Ou de l’eau, l’offre tient toujours. » « Je dis pas non à un deuxième. Et puis j’ai plus rien à cacher, tu m’as déjà vue bien alcoolisée. J’ai plus besoin de faire croire que je tiens bien à l’alcool, tout ça… » Je lui adresse un sourire complice. Il faut avouer que les personnes avec qui je me comporte comme avec elle, se compte quasiment sur les doigts d’une main. Deux mains si je dois compter ma famille, et encore. « Tu noteras que j’ai délaissé le physique comme unique critère de choix. Dans la liste y’en avait un vraiment canon. Mais il s’occupe que des sportifs et il est gay. » Je ris en l’entendant me dire ça, et décide de continuer à jouer. Je sais très bien de qui elle parle, et je m’en amuse. « C’était le piège de ma liste justement. Je voulais voir si tu allais chercher jusqu’à leurs photos, voire leur vie privée. Et pour ton information… » Je me penche vers elle pour lui dire comme un secret. « Josh n’a pas toujours été gay. » Je laisse planer le doute quant à un potentiel secret à demi avoué et lui demande finalement, le plus naturellement du monde. « Tu m’as même pas fait visiter ! Je suis obligée de te demander où sont les toilettes… » Aucune barrière avec elle, c’en est presque fou.

Je secoue légèrement la tête à la question de la productrice. Sans parler de passer la nuit entière pour faire ce choix, je pensais que ça durerait quand même plus d’une dizaine de minutes et surtout que l’affaire serait en quelque sorte réglée ou du moins un choix arrêté. Finalement deux agents sur trois sont encore en comparaison et Eden prend cette ultime décision à son compte. C’est en tout cas ce que je comprends à la manière dont elle clos le sujet, mettant mes fiches de côté, à l’opposé d’où je me trouve. Je n’y vois pas d’inconvénient, j’ai confiance en elle et n’hésite pas à le lui dire. Je sais qu’elle fera ce qui est le mieux pour moi, pour ma carrière. C’est en quelque sorte une affaire classée, pour ce soir du moins. Je propose à Eden un autre verre de vin ou de l’eau, elle opte pour l’alcool mettant en avant que l’ayant déjà vu éméchée elle n’a rien à me cacher de ce côté là « Non, c’est vrai tu n’as plus à faire illusion. Je sais que tu ne tiens pas l’alcool. » mon sourire répond au sien avant que je ne m’éloigne un instant pour aller chercher le vin au frais. De retour à ses côtés je reviens sur mon travail de sélection à partir de la liste de noms qu’elle m’avait fourni lors de notre dernière discussion en date. Ce jour là, agacée par son comportement j’avais laisser entendre que mon choix serait influencer par le physique de mon futur agent… Evidemment je ne l’ai pas fait, pourtant il y aurait eu matière. La réponse de la blonde me surprend un peu. Un piège ? J’arque un sourcil mais ne trouve pas le temps de la questionner puisqu’elle me fait une révélation sur les préférences de ce fameux Josh. J’échappe un rire « Tu parles en connaissance de cause ou ? » demandé-je, véritablement intriguée par cette information.
Sans me répondre et conservant ce petit air énigmatique, qui je dois bien l’avouer contribue à son charme, la quadra me demande où sont les toilettes. Je ne m’attendais pas à ça. L’art du suspens selon Eden. Cependant elle a raison, j’ai omis la partie visite des lieux, vu la taille de mon appartement ça ne me semblait pas nécessaire… et peut-être étais-je un peu trop tendue pour y penser sur le moment. « Je manque à tous mes devoirs. » je lui désigne le couloir « C’est tout droit, la porte du fond. Et juste à côté sur la droite c’est la salle de bain. » je lui souris « Ne te perds pas, tu n’es pas habituée à un tel palace ça peut surprendre au début. » plaisanté-je alors qu’elle se lève. J’apprécie l’ambiance naturelle et décontractée qui règne entre nous à cet instant, je ressens même un peu de soulagement à ce constat. C’est difficile d’être constamment partagé entre l’aspect professionnel et celui plus personnel de notre relation. J’ai l’impression de constamment marcher sur un fil, consciente qu’à tout moment les limites peuvent être franchies. Une part de moi, confiante et prête à prendre des risques me pousse vers ces limites et l’autre me retient, mettant en lumière tous les risques que ce la représente. Chaque moment de répit est bon à prendre, celui-ci en fait partie. Je grignote tout en regardant mon portable, la productrice est assez rapidement de retour, je la suis du regard « Ravie de voir que tu as retrouvé ton chemin jusque là. » et je n’ai pas oublié ma question avant qu’elle ne s’éclipse « Alors Josh ? Pourquoi m’avoir tendu un piège ? » ça m’intéresse de le savoir.

Elle m’avoue avoir finalement délaissé le physique pour choisir son agent, elle aurait pu s’arrêter dessus comme elle l’avait suggéré la dernière fois que nous en avons parlé. Je m’en amuse, et lui avoue même un petit ‘behind the scene’ à propos de Josh. « Tu parles en connaissance de cause ou ? » C’est volontairement que je ne réponds pas à sa question, me contentant d’un haussement de sourcil. Sans attendre et sans transition aucune, je lui demande de m’indiquer les toilettes. Je m’étonne presque d’être aussi naturelle avec elle. « Je manque à tous mes devoirs. C’est tout droit, la porte du fond. Et juste à côté sur la droite c’est la salle de bain. Ne te perds pas, tu n’es pas habituée à un tel palace ça peut surprendre au début. » Je ris tout en me levant et hoche alors la tête. « Si je me perds je t’appèlerai à la rescousse c’est promis. » Je m’éclipse finalement et reviens assez rapidement auprès de la jolie brunette. « Ravie de voir que tu as retrouvé ton chemin jusque là. »[/color] « J’ai dû utiliser mon GPS, question de fierté. » Taquine, je lui adresse un sourire équivoque et reprends place près d’elle sur le canapé, tendant la main pour attraper mon verre de vin, et un petit truc à me mettre sous la dent. « Alors Josh ? Pourquoi m’avoir tendu un piège ? » Je hausse légèrement les épaules. « Josh est un très bel homme, et même si je savais qu’il ne serait pas intéressé par ta carrière naissante, je l’ai glissé dans la liste juste pour voir si tu allais le choisir, juste pour m’irriter. » Je ris un peu et hausse les épaules. « C’est toi qui a dit la dernière fois que tu espérais qu’il y en ait des canons dans la liste… » Je lui souris et bois une gorgée de mon breuvage avant d’ajouter. « C’était un piège gentil, plus une curiosité qu’autre chose. Je voulais simplement voir si tu étais focalisée réellement sur ta carrière. » Rayan est une femme sérieuse, plus le temps passe et plus j’en ai conscience. C’est sans doute ce qui la poussera au sommeil, je l’espère pour elle en tout cas. « Et pour répondre à ton interrogation, non je n’ai pas eu d’aventure avec lui, je n’ai connu qu’un homme dans ma vie, le père de Maé. C’est tout. » J’ignore pourquoi j’en viens aux confidences. La situation sans doute, le fait que je me sente en confiance ici auprès d’elle. Je préfère ne pas me poser la question. Tendant la main vers elle pour glisser mes doigts le long d’une de ses mèches de cheveux, je lui demande alors. « Et toi, raconte-moi. Qui est cette femme qui t’a perturbée au point d’avoir cherché à enfermer cette attirance dans une boîte ? » Elle a vaguement évoqué le sujet une fois, pour me faire comprendre que c’était là au fond d’elle mais qu’elle n’avait jamais réussi à l’assumer. Je ne peux pas dire que je ne suis pas fière d’avoir été celle qui a réussi à réouvrir cette boîte…

Un teasing et elle s’éclipse. Eden dans toute sa splendeur, joueuse et énigmatique. Mais ça marche, elle le sait pour l’avoir expérimenter au fil du temps et pas seulement sur moi. De retour sans avoir eu besoin de mon aide pour retrouver son chemin, la jolie blonde se fend d’un trait d’humeur sur sa fierté. Mon sourire répond au sien alors qu’elle reprend sa place sur le canapé. Je reviens à la charge, laissé sur ma faim quant à ce piège tendue par la productrice. Amusée par sa manière de présenter les choses pour justifier sa façon de faire je ris légèrement « Un gentil piège, une curiosité. » je fixe mon regard dans le sien « Appelle les choses par leur nom, c’était un test. » j’arque un sourcil et bois une gorgée de vin, attendant la suite, parce qu’elle n’a pas encore répondu à toutes mes questions à propos de ce bel agent. Mais si Eden a laissé planer le doute sur une éventuelle aventure avec lui, c’était juste pour capter un peu plus mon attention. Comme si elle avait besoin de ça… Confidence faite au passage, le père de Maé est le seul homme qu’elle ai connu. Finalement je ne sais que peu de chose sur le passé de la productrice, si ce n’est que tout ce qu’elle possède elle ne le doit qu’à son travail. Je suis admirative de sa force de caractère – si ce n’était que ça. Comment ne pas l’être ? J’aimerais en savoir plus, des questions me viennent déjà mais son geste vers moi interrompt ma réflexion. Je n’ai pas anticipé sa question, mais elle allait être posée un jour ou l’autre. J’ignore si je suis totalement à l’aise sur le sujet, de l’eau à coulé sous les ponts depuis et Eden n’y est pas pour rien mais ça reste délicat pour moi d’en parler. Je lui souris, je dois lui reconnaître un talent fou pour éloigner la discussion d’elle « L’art de la transition selon Eden. ». Nouvelle gorgée de vin, un léger soupir, je me laisse happer par son regard magnétique « C’était une de mes coéquipières de l’équipe de volley. Nous avions une vraie complicité, sur le terrain mais aussi en dehors… petit à petit j’ai commencé à ressentir quelque chose de plus. Je pensais beaucoup à elle, j’étais impatiente de passer du temps en sa compagnie. » je hausse les épaules « Les trucs classiques d’un crush. Puis une des filles de l’équipe a fait son coming-out un jour… L’entraineur et les autres, notamment la capitaine ont été très durs avec elle, au point qu’elle a quitté l’équipe. Cette fille qui me plaisait, elle était de celles qui l’ont rejeté. Ça a été plus blessant que je ne l’aurais pensé. J’ignore si elle avait fait ça pour suivre le reste du groupe, de peur de représailles si elle les contredisait. » et je ne le saurais jamais, mais ça n’a plus d’importance « Alors forcément j’ai pris peur face à ce que je pouvais moi-même ressentir. Et entre des hésitations de jeune femme un peu paumée et le volley j’ai vite fait mon choix. J’ai renié tout ça, enfermé cette attirance. ». Je la regarde attentivement. Même avec toute la volonté du monde, comment pourrais-je lui résister ? « Et un jour j’ai croisé la route d’une productrice froide, impassible, diablement charismatique et séduisante qui a fait trembler le couvercle de la boite jusqu’à ce qu’il finisse par s’ouvrir… » je hausse les épaules « La suite je crois que tu la connais. » je lui adresse un sourire complice avant de terminer mon verre de vin. « Qu’est-ce qui n’a pas marché avec le père de Maé ? » un confidence pour une autre, ça me semble équitable, non ?

« Un gentil piège, une curiosité. Appelle les choses par leur nom, c’était un test. » J’arque un sourcil, en même temps qu’elle. Un test, si elle veut. Au fond, je dois bien avouer qu’il s’agissait bien là d’une sorte de test, même si je l’ai camouflé d’une autre manière, comme je sais si bien le faire. Mais elle n’a pas l’air de le prendre mal, et c’est tant mieux. Je n’ai aucunement envie de plomber cette soirée qui débute plutôt pas mal, si on exclut la mention de Cora dans l’équation. Je préfère ne pas y repenser. Sans trop tarder, j’entre dans le vif du sujet, et quel sujet. Je suis là désormais, et je ne compte pas parler affaires toute la soirée. Pas avec elle. J’ai envie d’apprendre à la connaître davantage, et ça passe forcément par des questions un peu plus ciblées, un peu plus intrusives. « L’art de la transition selon Eden. » Je ris un peu, il est vrai que je n’ai pas vraiment pris de chemin détourné pour lui poser la question. Mais pour quoi faire après tout ? Je ne la lâche pas des yeux, la regarde boire une gorgée de son verre comme pour prendre une dose de courage. Je ne la force à rien, elle peut refuser de répondre si elle veut, elle m’a largement prouvé qu’elle avait du caractère et la force de dire non. Je n’ai plus envie de prendre des pincettes - en ai-je déjà pris ? - pour m’adresser à elle. Si elle veut tant mieux. Si elle ne veut pas tant pis. Mais elle a l’air encline à répondre à mon interrogation puisque la voilà partie dans une explication. Je bois littéralement ses paroles, mon regard alternant entre son regard parfois fuyant, et ses lèvres merveilleusement dessinées. J’écoute chaque mot, chaque intention, et ce petit côté peu assuré que j’aime tant. C’est une histoire intéressante, un peu plus originale que ce qu’on peut entendre à propos des coming-out ratés. « Et un jour j’ai croisé la route d’une productrice froide, impassible, diablement charismatique et séduisante qui a fait trembler le couvercle de la boite jusqu’à ce qu’il finisse par s’ouvrir… » Je ne peux me retenir de sourire en entendant le portrait qu’elle dépeint de moi, et finalement de la situation. « Alors je suis contente d’avoir fait trembler le couvercle. Ça aurait été dommage de te priver de ça plus longtemps, non ? » Nouveau sourire charmeur, et je viens glisser délicatement mes doigts sur son bras. « Qu’est-ce qui n’a pas marché avec le père de Maé ? » Je vois. C’est donnant donnant. Je comprends. A moi de me confier alors. Je soupire légèrement avant de répondre à la question posée. « On avait pas les mêmes attentes. Il rêvait de fonder une famille, moi je vivais beaucoup pour mon travail. Trop d’ailleurs. Et puis je suis tombée enceinte, il m’a convaincue de le garder, et quand Maé a eu cinq ans j’ai eu une proposition de poste important à New York et j’ai accepté. » Je ne suis pas fière de ce que j’ai fait vivre à ma famille mais c’est aussi ce qui constitue mon histoire. « Jude a demandé le divorce, et je voyais Maé une à deux fois par an. Jusqu’à l’année dernière quand je suis revenue m’installer ici suite à un souci de santé. » Je ne parle de ça a personne. Il y a très peu de gens au courant de cette histoire, mon histoire. Mais maintenant elle fait partie de ceux qui savent.

Petit à petit la raison professionnelle de cette visite s’éloigne, laissant la place à une discussion plus personnelle. Eden est maitresse dans l’art de diriger l’échange dans la direction qu’elle souhaite, c’est une de ses nombreuses compétences dont elle n’hésite pas à user. Ça m’amuse. Elle me questionne avec franchise sur un sujet plutôt délicat me concernant, même si je me rends compte qu’à son contact il semble l’être de moins en moins. Complices nous le sommes c’est indéniable, mais nous avons chacune notre part de mystère et il est légitime que la jolie blonde veuille en savoir plus sur moi. Je prends ça comme une preuve d’un intérêt réel qu’elle me témoigne, allant un peu au delà de la simple attirance physique, que nous ne cherchons plus à dissimuler, du moins entre nous. Avec sincérité je m’ouvre, dévoile cette partie de mon histoire enfouie depuis une douzaine d’années. A vrai dire Eden est la première personne à qui je raconte ça et je le fais en toute confiance. C’est là une de ses grandes forces, arriver à m’apprivoiser alors que j’ai été élevé avec comme leitmotiv de toujours rester sur mes gardes. J’ai déjà dérogé à ce principe, je l’ai payé durement et un cœur brisé plus tard j’ai bon espoir d’avoir appris de mes erreurs, de savoir un peu mieux évaluer les gens. Son regard sur moi ne m’aide pas franchement, c’est un fait et je détourne parfois le mien pour ne pas flancher totalement. C’est d’autant plus difficile quand elle commente mes aveux, ses doigts glissant délicatement sur mon bras. Est-ce que je pourrais me jeter sur ses lèvres là maintenant ? Oui, sans l’ombre d’un doute. Cependant je mets ce moment au service de ma propre curiosité, une confidence pour une autre, je tente ma chance pour en apprendre plus sur la mystérieuse productrice. Pourquoi son mariage a t’il échoué ? Tout semble lui réussir, elle ne laisse visiblement que peu de place à l’échec dans sa vie, alors je veux comprendre. Des envies différentes, son ambition et un départ pour une opportunité de carrière, voilà ce qui a eu raison de son union au père de sa fille. Elle a fait des choix, certains les jugeront égoïstes, ils le sont peut-être un peu mais au moins elle a eu le courage de les faire « Tant que tu ne regrettes rien. », c’est là l’important.
Je ne suis personne pour la juger, je ne le fais d’ailleurs pas, déjà reconnaissante de ces bribes de son histoire qu’elle veut bien partager avec moi. Je la sais secrète, peu encline à se confier sur sa vie privée, son histoire et à cet instant elle me donne même plus que ce que j’espérais. Un souci de santé ? Sans doute quelque chose d’assez important pour être la raison de son retour. Mon regard ancré dans le sien je ne me risquerais pas à poser plus de questions, et certainement pas sur ce point là. Eden m’en a dit assez, je sais me contenter de peu, la connaître est un long chemin et j’en ai parfaitement conscience. Quelques secondes s’égrainent dans le silence, j’esquisse un sourire en coin « De quoi me suis-je privée si longtemps… ça ? » j’approche mes lèvres des siennes, ne quittant pas son regard, je souris un peu plus, nos souffles se mêlent et je comble finalement la faible distance restante. Ma main se glisse dans son cou jusqu’à sa nuque, je recule légèrement et murmure « Tu as raison ça aurait été vraiment dommage. ». Mon cœur bat fort, je le sens tambouriner dans ma poitrine, il y a longtemps que personne ne m’a fait un tel effet, personne capable de m’attirer ainsi comme un véritable aimant. Eden a su faire tomber mes barrières une à une, sa présence et son contact n’ont plus rien d’étrange, c’est simplement grisant et je sens mon corps se réchauffer progressivement. Le vin n’y est pour rien, elle est seule responsable de mon désir grandissant. Je recule, mets fin à notre échange tout en glissant ma main dans la sienne, je lis dans son regard de la perplexité se mêler au reste de ses émotions. Je me lève, tirant sur sa main pour l’inviter à faire de même, l’entrainant à ma suite vers le couloir qu’elle connaît déjà. Je la regarde par dessus mon épaule, lui adressant un sourire complice, les yeux pétillants d’envie « La visite de mon palace est incomplète il me semble… ».

Je suis heureuse qu’elle s’ouvre d’avantage, qu’elle ne cherche pas à détourner la conversation. Ses aveux sont touchants, criants de vérité, et c’est ce qui me fascine d’autant plus à mesure qu’elle laisse les mots franchir ses lèvres. Je suis absorbée, son charisme, sa simplicité, la manière dont elle raconte les choses. Elle a tous les ingrédients pour réussir dans ce métier, je l’ai senti dès le premier jour. J’aime ce qui se développe entre nous à chaque nouvelle entrevue, cette complicité, cette attirance évidente. J’en joue, je sais qu’elle adore ça, je peux le lire dans ses yeux, et j’en suis d’autant plus flattée. Sans attendre elle me pose une question à son tour. Donnant donnant. Si je suis plutôt du genre à bien me débrouiller d’habitude pour retourner la discussion à mon avantage et éviter de parler de moi, ce soir, je n’ai pas envie de jouer de mes tours de passe-passe habituels, et dont je garde précieusement le secret. Ce soir, je veux être authentique face à elle, qu’elle me voit telle que je suis réellement, sans mes grands airs de productrice à qui tout semple réussir. Alors je fais aveu de faiblesse, et montre pour la première fois depuis bien longtemps, une certaine vulnérabilité. Mon mariage avec mon ex-mari a été un échec, et les premières années de vie de ma fille ont été rythmées par mon absence. Je culpabilise encore beaucoup, même si j’essaie au maximum de faire en sorte que tout s’estompe, jour après jour. « Tant que tu ne regrettes rien. » Je me contente d’un haussement d’épaules, léger, mais qui dit tout ce que j’ai à dire. Des regrets j’en ai, c’est certain, mais je vis avec, je n’ai pas le choix. Je suis étonnée que Rayan ne relève pas mon dernier aveu rapport à mon souci de santé. La question viendra plus tard j’imagine, et à vrai dire je suis contente qu’elle n’arrive pas maintenant sur le tapis, je crois que j’ai assez plombé l’ambiance. Enfin, pas tant que ça si j’en crois son regard malicieux. J’en ai un frisson dans le dos tellement j’y prend goût. « De quoi me suis-je privée si longtemps… ça ? » Je la laisse approcher, ne fais pas un pas vers elle, c’est encore plus délicieux de la sentir faire d’elle-même le premier pas. « Ça oui… » Je souris et me délecte de ses lèvres qu’elle m’offre avec un plaisir non dissimulé. Je frissonne en sentant sa main dans mon cou et la mienne vient se glisser sur sa cuisse. « Tu as raison ça aurait été vraiment dommage. » Je plonge mon regard dans le sien, sentant mon coeur qui bat plus fort, et ce désir si significatif lorsqu’elle est dans les parages. Elle se saisit de ma main et, d’un regard interrogatif je cherche à comprendre ce qu’elle a derrière la tête. Je la suis sans broncher, me levant du canapé sans lâcher sa main. « La visite de mon palace est incomplète il me semble… » Vraiment ? Elle est vraiment en train de m’emmener dans sa chambre ? Merde alors… Nous y sommes. Je pose un regard sur le lit, puis le repose sur elle, sa main toujours dans la mienne, ou inversement. « C’est vrai qu’il me manquait une information essentielle. La décoration de la chambre à coucher révèle beaucoup de la personnalité de son propriétaire. » Je lui souris et m’approche, glissant mes mains à sa taille pour que son corps vienne reposer contre le mien. « J’aimais déjà bien ton canapé, mais si tu m’offre de tester aussi le lit, je vais pas dire non… » Sans attendre je m’approche pour venir quérir ses lèvres que j’aime tant, dans un baiser au départ délicat, qui devient rapidement plus charnel, traduisant de l’envie qui me dévore. Mes gestes sont lents bien qu’appuyés, je n’ai aucune envie de la brusquer, de lui faire peur, de la faire fuir. Loin de là d’ailleurs. Mes baisers s’éloignent jusqu’à l’arrête de sa mâchoire, puis son cou, alors que le bout de mes doigts vient chercher le contact de sa peau, en dessous de son t-shirt. « Tu es sûre de toi ? » que je lui murmure au creux de l’oreille, avant d’aller plus loin et de sentir une frustration énorme si elle me coupe dans mon élan.

Oui, Eden a des regrets quant à certains de ses choix et comme n’importe qui d’autre, elle vit avec. Le vernis de son apparente perfection se craquèle un peu plus à mesure qu’elle me laisse entrevoir ses failles. Ça retire rien à son charme, bien au contraire, je me sens d’autant plus attirée par elle, flattée de pouvoir découvrir une version authentique et sincère de la femme qu’elle est. J’ai vu certains de ses défauts, mesuré combien elle a du caractère, affronté sa froideur et tempéré ses ardeurs… mais rien de tout ça ne m’incite à m’en éloigner. C’est plus qu’il m’en faut en terme d’aveux, cependant je garde dans un coin de ma tête ce problème de santé qu’elle a évoqué, remettant mes questions à plus tard. J’en ai d’autres à lui poser, une plus particulièrement, sur ce dont je me suis privée jusque là en brimant certains de mes désirs. Prétexte parfait pour venir chercher le contact de ses lèvres auxquelles il semblerait que j’ai pris goût. L’effet est immédiat, c’est tout mon être qui s’éveille d’avantage et le désir qui se manifeste. Je repense à nos actes manqués, aux situations délicates, à ce flirt quasi constant avec l’interdit… Autant de choses dont nous n’avons pas à nous soucier présentement. Alors, Eden à ma suite j’entre dans ma chambre, sous couvert d’une visite incomplète. Elle joue le jeu, parle de la déco et je lui souris sans qu’elle ne me laisse le temps de l’interroger sur ce que ma chambre dit de moi. Ses mains sur ma taille, la jolie blonde installe une nouvelle proximité entre nous. J’échappe un léger rire sur sa remarque à propos de mon canapé et de mon lit… elle ne va pas dire non ? Encore heureux. Je me serais sentie incroyablement bête dans le cas contraire. Comme preuve elle m’offre un nouveau baiser dont l’intensité grimpe rapidement, réchauffant encore un peu plus mon corps. Sentir son envie fait grandir la mienne, délicieux cercle vertueux dont l’effet s’intensifie à chacun de ses gestes. Prise d’un irrépressible frisson lorsque ses lèvres rencontrent mon cou je ferme les yeux, laissant échapper un soupir. Depuis combien de temps ne me suis-je pas sentie ainsi désirée ? C’est grisant, tout autant que le contact de ses doigts sur ma peau. Suis-je sûre de moi ? Etonnamment sa question ne provoque aucun regain de peur, de questionnement. Je crois que même cette légère appréhension que je trainais depuis l’heure de son arrivée s’est envolée à l’instant où mes lèvres ont retrouvées les siennes. Il y a des tas de raisons qui pourraient ébranler mes certitudes, mais à ce moment précis je suis sûre d’une chose, j’ai envie d’elle. J’apprécie cette retenue dont Eden fait preuve, alors que je la sais capable de bien plus d’impétuosité, et je lui suis tout aussi reconnaissante de prendre en considération mes doutes éventuels. Je recule légèrement afin de capté son regard et feins la perplexité « Sûre de moi pour la déco ? Tu es bien venue uniquement pour ça, non ? » dis-je avec cette malice à laquelle la quadra doit probablement commencer à se familiariser. Je sens un mouvement de recul de sa part, sans doute pour entrer dans mon jeu, mais je ne lui laisse pas l’opportunité de s’éloigner trop, la retenant en agrippant délicatement son chemisier sur les boutons duquel mes doigts se mettent déjà à l’œuvre. J’écarte doucement le tissus, pose une main sur son ventre que je caresse allant jusqu’à sa taille fine. Je me souviens que la toute première fois où j’ai cédé, c’était précisément ce détail, la finesse de sa silhouette qui m’avait fait prendre conscience de la bêtise que j’étais sûrement en train de faire… Aujourd’hui c’est un élément parmi tant d’autres qui m’ont amené ici, dans ma chambre avec elle. Je me rapproche à nouveau, ma main remonte vers sa poitrine au même rythme que mes lèvres frôlent les siennes « Ça répond à ta question ? » soufflé-je avant d’initier un nouveau baiser, la passion prenant rapidement le contrôle, mes doigts se resserrant sur la dentelle cachant encore son sein. J’aurais tout le temps de réfléchir plus tard, demain… Là maintenant je veux savoir de quoi je me suis privée durant des années, laisser libre cours à mon envie.