• appel de Phet à Minhyuk

Courageusement, Phet amène son téléphone à son oreille. Il entend la sonnerie, les bips, longs et désagréables. L’attente est un calvaire, mais il résiste à l’envie de raccrocher. Cela fait trois jours qu’il n’est pas sorti de chez lui, qu’il a en quelque sorte disparu des radars. Sa joue droite est recouverte d’une compresse. Des bandes lui couvrent le dos et le ventre. Sa mère avait cru qu’il avait une côte cassée. Mais non. Tout allait bien, si l’on pouvait dire. Enfin, il entend qu’on décroche. Son cœur se gonfle d’appréhension. Il a réfléchit un long moment à ce qu’il allait lui dire. Ce qu’il avait fait, il l’avait fait pour le protéger, pour qu’il n’intervienne pas, qu’il ne découvre pas ce qu’il subissait. Il sait que les quelques démonstrations de douleurs qu’il avait vu l’avait mis mal. Alors, avant même que son interlocuteur ne puisse dire quelque chose, Phet se charge de commencer. « Allo, Minhyuk. » C’est le deuxième appel qu’il lui passe et dans celui-là, il n’a pas les larmes aux yeux. Mais il y a tout de même une urgence. L’urgence de se voir, de s’expliquer. Il ne veut pas laisser le roux ainsi. Mais il assumera son choix. « Il… Il faut qu’on se voie. Rapidement. J’ai quelque chose à te dire. » L’attente de la réponse est un enfer. Il pourrait compter l’infini jusqu’à enfin entendre la voix de Min. Il aurait aimé, pouvoir débarquer à l’improviste chez lui, et lui dire à quel point il l’aime, qu’il est désolé, qu’il ne le refera plus jamais. Mais la vie n’est pas une fiction et ce genre de choses ne marche pas. Il faut faire face à la réalité, il faut comprendre et expliquer. Minhyuk lui a promis qu’il le protégerait. Et bien, Phet veut savoir si ce n’était pas une promesse en l’air.

Le roux avait attendu. Attendu de ses nouvelles. Il était parti, comme ça, sans même le prévenir. Il s'était complètement décomposé ce jour là. Il avait perdu tout espoir. Les mots de Phet, il ne savait même plus s'il devait les prendre au sérieux, ou si ce n'était qu'une mauvaise blague. Fuir comme cela, alors qu'il lui avait clairement dit ce qu'il comptait faire. Tout ça à cause d'un message. Un message qui voulait sans doute tout dire. Il avait bien essayé de le rattrapé, mais Phet était déjà parti. Il l'avait cherché. Sans doute pas suffisamment. Des dizaines d'appels et de messages vocaux. Il avait même voulu se rendre chez lui, mais il hésita, ne voulant pas aggraver la situation. Quand il vit son téléphone sonné, il hésita. Mais ses doigts furent plus rapide que ses pensées. La voix de Phet raisonna. Minhyuk quitta son comptoir pour aller répondre dans la salle de repos. Il ne répondit pas tout de suite. Attendant sans doute une quelconque explication. Mais sa demande était évidente. Bien évidemment qu'il voulait le voir, le serrer dans ses bras, lui dire que ce n'était pas grave et qu'il n'avait rien ressenti. Mais le problème était là. C'est que cela l'avait blessé, plutôt profondément. Laissant un léger silence s'installer, il prit enfin son courage à deux mains. "J'imagine. Je suis toujours disponible, et tu le sais. Tu sais aussi où j'habite, et j'imagine que tu ne veux pas faire ça chez toi." Sa voix se faisait assez faible. Il avait pleuré, encore dans la journée. Mais plus rien ne le préoccupait à part le thaïlandais. "Phet...Qu'est ce que...Comment tu vas ? Tu..." Sur le moment, ses explications n'avaient aucune importance. Il voulait juste le voir, s'occuper de lui, et le protéger. Il se doutait que tout ne s'était pas passé correctement chez lui. Il le savait intérieurement. Les larmes aux yeux, il reprit doucement la parole. "Je veux te voir, Phet."

S’il savait à quel point l’entendre lui faisait du bien. Même si sa voix tremble, qu’elle n’est pas sûre d’elle, qu’elle est sur le point de craquer. Phet se sent méchant. C’est à cause de lui que Minhyuk, la seule personne au monde qui ne mérite pas cela, est en train de lui parler ainsi. Ce n’est pas sa vraie voix qu’il entend. C’est celle rediffusait par le téléphone. D’un microphone à un autre. La vraie, celle qui lui donne des frissons, il espère l’entendre bientôt. Le plus rapidement possible. Et pour toujours. « Oui… Je viens chez toi. » C’est une évidence. Ramener Minhyuk chez lui, c’est impossible. C’est déraisonnable, complètement. Ce sera se tirer une balle dans le pied. Ou alors, faire le nœud coulissant de la corde qui lui entourera le cou. Il a l’impression que jusqu’à, le roux ne lui parlait que comme s’il n’avait pas de sentiments. Rien d’autre à lui dire que cela. Un rendez-vous qui changerait beaucoup de choses. Mais soudain, il l’entend bégayer. Phet sent son cœur se serrer. Il se recroqueville légèrement, oubliant ses pansements qui lui tirent la peau. « Je… Je vais bien. Ne t’inquiète pas, je… vais bien. » C’est faux. C’est incroyablement faux et pourtant, il ne peut pas le lui dire. Mais il le lui montrera. Car Phet est trop intelligent pour l’inquiéter au téléphone. Là, où il ne peut pas l’embrasser pour le rassurer qu’il ne souffre pas. Et enfin, de nouveau, ses larmes traîtresses lui échappent et coulent sur ses joues à l’entente de sa dernière phrase. « Je veux te voir, Phet. » S’il savait à quel point lui aussi, il le veut. Il s’était pour rassurer, se convainquant qu’il ne pleurerait pas. Mais Minhyuk possède son cœur. Il est dirigé par lui et lui appartient. « Moi-Moi aussi… Je veux te-te voir. » Il se sent faible face à lui, tellement faible. Jamais il n’aurait pensé avoir besoin des bras de quelqu’un de cette manière là. C’était si fort, que cela lui prenait le corps. « Je-Je suis… tel-tellement désolé… Pardonne-donne-moi, Min… » Il lui expliquera que c’était pour son bien. Il lui expliquera que cela n’était pas contre lui. Qu’en faisant ça, Phet avait protégé la toute petite part de bonheur qui lui restait. Même si, ce bonheur semblait bien triste à l’heure actuelle.

Son corps frissonna à l'entente de son mensonge. Si tout allait réellement bien, ils ne seraient pas au téléphone en ce moment même. Il sait très bien la réalité au fond de lui. Si Phet pense que lui mentir le rassurera, il se trompait. Lui, il voulait entendre la vraie réponse. Celle qu'il ne comptait avoir que quand il le verrait en personne. Autrement, il ne voulait pas entendre ces paroles sans sens. L'envie de courir le récupérer chez lui était forte. Beaucoup trop forte. Un seul mot, et le métissé aurait tout quitté pour aller le retrouver. Ses jambes se collèrent à son torse, gardant collé son téléphone à l'oreille. Une larme glissa légèrement sur sa joue à ses paroles. Il voulait le sentir dans ses bras plus qu'autre chose. Mes ses excuses résonnèrent dans ses oreilles. "N-Ne t'excuse pas...Je...J'ai fais un truc qui n'allait pas ? D-Dis moi si c'est...Je voulais juste...Veiller à que tout ce passe bien et...Et...J-Je ne t'en veux vraiment pas Phet." Il mentait à moitié. En réalité, il avait l'impression que tout était de sa faute. S'il l'avait accompagné ce jour là, que serait-il réellement arrivé ? Il aurait pu garder un oeil sur ce qu'il se passait, et même si il ne l'avait pas emmené directement devant chez lui, il aurait pu passer un peu plus de temps à ses côtés. Mais ne pas agir n'était pas dans sa nature. Il aurait eu envie de sauter au coup de son paternel. Peut-être que Phet avait prédit cela, et que ses gestes étaient alors compréhensibles. Mais lui, ne comprenait pas. D'une voix tremblante, il avait besoin de lui faire savoir une énième fois. Qu'importe ses choix, ses décisions, les blessures qu'il lui causerait. "J-Je t'aime Phet. T-Tu le sais n'est-ce pas ?" Doucement, il s'empara de se veste, près à rentrer chez lui si le plus jeune voulait le voir maintenant. Il était près à tout pour lui.

« N-Ne t'excuse pas... Je... J'ai fais un truc qui n'allait pas ? D-Dis moi si c'est... Je voulais juste... Veiller à que tout ce passe bien et… Et... J-Je ne t'en veux vraiment pas Phet. » Mais il a toutes les raisons de lui en vouloir, de le détester, de ne plus vouloir lui parler. Leurs sentiments réciproques à peine révélés, Phet partait en courant de chez lui. Min n’avait pas à se remettre en cause. Ce n’était pas de sa faute. Oui, pour une fois, c’était la faute des autres. De celui qui faisait mal à Phet en toute conscience de cause. Posant la main sur sa bouche, il ferme les yeux en essayant de se calmer. Il n’avait pas pensé à que cet appel serait si dur, si éprouvant. Mais c’est un mal qui le rassure. Car, s’il pleure pour Min, c’est qu’il l’aime. « Tu-Tu n’y es pour rien. Ce n’est pas toi... J’ai-Je suis partie pour pas que tu… pour que tu ne vives pas ça et… » C’était si compliqué. Si compliqué de tout dire comme cela. Il aurait voulu être contre lui, à pleurer comme un enfant contre son torse, à chercher et à vouloir cette attention que seul le roux lui donne. Ses larmes redoublent en l’entendant. A-t-il compris que cette perpétuelle douleur dans son corps se fait guérir par ses mots à chaque fois ? Il est bien devenu le seul possesseur de tout cet afflux de choses qui coule en Phet. Il hoche alors la tête, vigoureusement, comme si Minhyuk pouvait le voir. « Oui-Oui ! Je le sais… » Ses doigts sont tellement serrés sur son téléphone que ses phalanges en sont blanches. « Je t’aime aussi. Tellement. » Il a peur que s’il bouge trop vite, tous ses soins se brisent. Alors il y va doucement. « Je veux te voir. Maintenant. » Plus rien ne compte, à part cette envie, affreuse, de se jeter dans ses bras et de s’excuser. De l’embrasser comme un fou, pour lui prouver que c’est réel. De le laisser lui transmettre ses sentiments de toutes les manières possibles. « S’il-S’il-te-plait… Attends-moi. »

Les larmes débordaient de son visage. Et sans même attendre, il sortit de la salle de repos pour saluer son patron, qui devait bien avoir compris que quelque chose n'allait pas au vu de son visage. Il se retenait d'exploser aux oreilles de Phet. Autant lui éviter ce carnage sentimental dont il était composé. "J-Je...Je t'attends ! C-Chez moi, j'y serai ! Promis ! " Sur ces mots, il se mit à courir comme un dératé dans la rue, complètement dépassé par ce qu'il ressentait. Il voulait tellement le serrer dans ses bras, le couvrir de baiser, le soigner. Le voir en face de lui pour de vrai.  Le roux voulait essuyer toutes ses larmes, et le garder contre lui pour ne plus jamais le voir partir. Ses pieds avançaient plus rapidement que son corps qui ne suivait plus du tout. Manquant parfois de trébucher, il se rattrapait aux murs d'une main, ne voulant absolument pas mettre fin à cet appel. "Phet...J-Je...Je t'attendrais toujours, quoi que tu puisses en penser." Que ce soit dans plusieurs heures, ou plusieurs jours, le métissé lui laisserait le temps. Il se retiendrait même s'il le fallait. Phet pourrait prendre n'importe quelle décision, il ne l'obligerait jamais à rien. Il l'aimait beaucoup trop pour cela. Le protéger, c'était tout ce qu'il souhaitait. L'aimer, le recouvrir et l'enrober de tout son amour. Quelques mots avait suffit pour le faire décoller, pour le faire accourir. Le roux le savait pertinemment. Il était complètement fou de lui. Ses sentiments étaient un vrai désastre, et pourtant, il savait qu'il ne voulait que Phet. Qu'importe son état, qu'importe son apparence, c'est lui qu'il aimerait. Il voulait lui répéter sans cesse, jusqu'à ce qu'il ne puisse plus supporter les entendre. Il était prêt à tout. Alors oui, il attendrait. Quelques pas encore et il y parviendrait. Qu'il vienne à lui, c'était tout ce qu'il souhaitait. Et s'il ne venait pas, il irait le chercher de ses propres mains. Il ne lâcherait pas aussi facilement. S'arrêtant alors devant son immeuble, il regarda la rue avec un regard déterminé, une légère inspiration plus intense."J-Je t'attends, Phet."

Il l’entend courir. Son souffle devenant haché contre le micro du téléphone. C’est alors qu’il décide que c’était le moment. Maintenant ou jamais. Il ne pourrait pas faire demi-tour. Pas cette fois. Il se l’était déjà dit, plusieurs fois, que de toute façon, rien n’est écrit dans le marbre. Que tout est effaçable d’un simple mouvement de main. Mais c’est faux. Pour eux. Pour eux deux. Pour les deux garçons qui se courent l’un après l’autre dans l’espoir de finir dans une étreinte passionnelle. Phet est déjà prêt. Comme s’il avait sentit que tout se jouerait à ce moment-là précisément. La balle est dans son camp. Lorsqu’il ouvre la porte, la voix de son père l’interpelle mais il n’y réagit pas. A la place, c’est Minhyuk qu’il entend. « Phet... J-Je... Je t'attendrais toujours, quoi que tu puisses en penser. » Il se met à courir aussi, rejoignant l’arrêt de bus le plus proche de chez lui. Il avance vite, pour une fois. Mais il a mal. Son corps souffre de tout. L’envie de son père à toujours était de le clouer une bonne fois pour toute au lit. De le laisser tremblant dans le froid et la douleur. Mais il n’y arrivera jamais. Car Phet est entouré de gens qui, malgré ce qu’il pense, font attention à lui. Il ne doit pas se laisser tomber tout seul. Zadig. Tian. Minhyuk. Il ne peut plus les écarter. Plus maintenant. C’est fini. « J-Je t'attends, Phet. » « J’arrive. » répondit-il aussitôt. Et en montant dans le bus, il coupe l’appel. Les dès sont jetés. Phet ne croit pas au destin. Alors, ce sera à lui de rendre tout cela possible.

F I N D E L ' A P P E L