Destination unknown [Joy + Sasha]

La journée de cours s’était montrée interminable, entrainant Joy dans de drôles de rêveries. Ce fut un soubresaut qui la sortit de ses pensées lorsque la sonnerie retentit : sur le moment, cela avait fortement ressemblé au bruit de l’impact entre deux voitures. La Kelley-Moore secouait la tête, se maudissant d’avoir décroché de son cours d’histoire. Elle n’avait même pas vécu l’accident, pourquoi avait-elle l’impression qu’il se déroulait chaque fois devant ses paupières mi-closes. Une chose était sûre : elle portait très mal son prénom ces derniers temps. Ce fut sur cette pensée qu’elle sortait finalement du lycée et que son regard se posait finalement sur une silhouette qui lui était connue. Sasha. Son visage s’illuminait aussitôt, comme si son oncle était un rayon de soleil capable de lui transmettre ses bonnes ondes. « Hey puce ! » lui lançait-il alors que Joy se précipitait vers lui pour le serrer dans ses bras. Elle l’étreignit durant quelques longues secondes avant de finalement se reculer pour lui lancer d’un air taquin : « Hey ! Je suis super contente de te voir ! » Un sourire venait s’éteindre sur ses lippes alors que son visage continuait de s’illuminer un peu plus. « Mais j’avoue que c’est une surprise. Tu aurais une autre nièce ici, que tu aurais prévenue de ta venue ? » Elle le taquinait comme il la taquinait toujours. C’était leur façon à eux de communiquer et Joy se délectait de leur relation, si simple et si reposante. Quand elle était auprès de son oncle, la Kelley-Moore avait l’impression de trouver un oasis au milieu du désert. Un havre de paix. « Bon, ta mère est prévenue, on passe chez toi pour que tu prennes des affaires pour le week-end et non tu ne sauras pas où on va ... » Il jouait les mystérieux en agitant son index face au visage de Joy. Ce n’était pas crédible et forcément, cela fit rire la lycéenne. « Quoi que si tu es sage, peut-être... Tu sauras juste qu'on quitte L.A. et qu'on ne devrait revenir que dimanche. » C’était intrigant, la jeune femme n’allait pas mentir. Mais elle n’allait pas non plus le harceler pour savoir ce qu’il avait prévu. Si maman Loan était d’accord, c’était que la surprise allait lui plaire. Joy faisait totalement confiance à sa mère. Alors elle laissait la conversation dériver sur la nourriture qu’ils allaient prendre alors qu’ils passaient chez les Kelley-Moore pour récupérer les affaires de la lycéenne, puis se rendaient chez Sasha. « On peut aussi se cuisiner quelque chose, à condition que ça ne se termine pas en bataille de bouffe comme la dernière fois ! » finissait par lui lancer son oncle. D’humeur taquine, la blonde répondait du tac au tac : « Où alors je te cuisine sur ce que tu as prévu pendant qu’on attend notre livraison ? » Elle lui faisait confiance sur ce qu’il avait prévu, mais elle restait tout de même intriguée par tout ça. Ce n’était pas dans son habitude de se contenter de surprises. Elle aimait bien planifier les choses, garder le contrôle. Mais cela ne semblait pas être le programme cette fois-là. « Je prendrai bien un hamburger moi aussi. Végétarien, si possible. » ajoutait-elle. Ce ne devait pas être si compliqué à trouver, même en livraison. Après tout, ils étaient à Los Angeles – pour la soirée du moins. « Alors, tu me dis ce que t’as prévu ou tu gardes encore un peu le mystère ? »

Ce que Joy adorait chez son oncle, c’était qu’il n’avait l’air de se formaliser de rien. Avec lui, tout semblait toujours simple. Il était parfois un peu exubérant, mais c’était ce qui faisait son charme. Et la Kelley-Moore ne l’aurait jamais échangé contre aucun autre oncle. Elle se demandait simplement ce qu’il avait prévu pour le reste de la journée, mais Sasha ne semblait pas vouloir répondre à ses interrogations. A la place, il s’arrêtait à un tabac, en quête d’un paquet de cigarettes. Joy le regardait s’éloigner, un sourire aux lèvres, avant que son esprit ne se mette à cogiter de plus belle. Que pouvait-il bien avoir préparé ? Recherche vaine d’une réponse. Son oncle était bien trop insaisissable pour qu’elle parvienne à comprendre ce qui se tramait dans son esprit. Ou alors il lui faudrait beaucoup plus de temps afin de passer l’ensemble des options en revue. Cependant, Sasha ne lui accordait pas un tel luxe. Il ne tardait pas à revenir vers la voiture, s’installant directement derrière le volant, avant de lui lancer quelque chose. « Cadeau ! » Joy attrapait au vol l’objet pelucheux, mettant un temps avant de comprendre ce dont il s’agissait. Un chat en peluche. Un porte-clés, précisément. « Je sais que t'as un peu passé l'âge mais ça m'a fait craquer. » Joy se mettait à rire. Mais son fou rire redoublait d’intensité lorsque son oncle se mit à se tapoter la joue, montrant ainsi qu’il réclamait quelque chose. « Le bibi, le BIBI !! Sinon je redémarre pas ou je commande des burgers débordant de viande que je te fourrerais par la force dans l'estomac ! » Elle se penchait vers lui afin de lui donner ce qu’il réclamait, avant d’ajouter : « Merci beaucoup tonton ! T’es vraiment le meilleur tonton du monde, j’espère que tu le sais ça ? » Elle riait de plus belle avant d’accrocher le porte-clés sur son sac. Peu lui importait que cela fasse ‘gamine’ ou peu importe comment les gens pouvaient bien qualifier cela. C’était un cadeau de son oncle et c’était bien plus important que n’importe quel jugement. Sasha mettait d’ailleurs la musique en route et la suite du trajet se passait dans la bonne humeur. Ils chantaient et dansaient tous les deux en rythme avec les notes qui sortaient de l’autoradio. Et si son oncle semblait faire le fou, Joy ne s’en formalisait pas, avait totalement confiance en sa conduite. Même s’il eut assez peur lorsque Sasha fut obligé de piler à un feu rouge, à deux doigts d’écraser une personne âgée. Forcément, la vieille femme se mit à leur adresser un regard noir. La Kelley-Moore était presque convaincue que si un regard pouvait tuer, elle serait morte juste à cet instant. Son oncle ne semblait pourtant pas être intimidé du tout. « On aurait peut-être du la quiller en plein sur le passage piéton finalement ... ! » commentait-il avec humour. Joy arborait alors un air mi-choqué mi-amusé. « Bah quoi ?! » se défendait-il en se tournant vers l’adolescente. « Je trouve que tu es un grossier personnage. » commentait-elle d’une voix sérieuse. Elle prenait soudainement un air plus grave, avant d’ajouter : « Quitte à risquer la prison, fais au moins l’effort de choisir une meilleure cible. J’en ai toute une liste si tu veux. » Elle se sentait horrible de parler avec une telle légèreté des accidents de voitures alors que c’était ce qui avait emporté sa mère. Mais justement, il s’agissait-là d’une mise à distance qui lui semblait parfois être nécessaire.