Karma has a strange sense of humor sometimes. | ft. Eliot

J’ai un peu l’impression que le destin se fout royalement de ma gueule. J’essaie de faire les choses correctement, enfin correctement selon la vision que j’ai de la vie. En vrai ? J’en ai rien à foutre. De tout. Pas de tout le monde, il y a encore quelques personnes qui ont mon respect. Depuis ma séparation avec Sofia, j’ai tendance à faire n’importe quoi. Ok, j’ai toujours un peu fait n’importe quoi, mais là c’est pire. En plus évidemment, j’ai pas assez de flic pour me payer un appartement, et pas envie de chercher non plus. J’ai squatté longtemps chez ma meilleure amie, mais j’ai bien senti qu’à un moment donné c’était abuser, alors j’ai fait en sorte de l’alléger au maximum de ma présence, pour la laisser respirer. J’emmerde tout le monde en fait, c’est ça la conclusion, et je suis chez moi nulle part. Y’a qu’Ellen que j’ai la sensation de pas déranger, parce que je fais en sorte aussi de lui rendre ce qu’elle me donne, à savoir un toit sur ma tête. Elle est seule, je lui tiens compagnie, je fais quelques travaux chez elle et elle me laisse dormir dans la chambre d’amis. C’est un deal qui me plait pas mal, et puis elle est sympa, y’a pas à dire. J’aime bien me foutre de sa gueule.

Enfin quoi qu’il en soit, la vie suit son cours, j’ai un peu abandonné les cours d’italien depuis quelques semaines mais je dois y retourner, ce soit justement, parce que je ne perds pas à l’esprit mon objectif. Reconquérir Sofia. J’ignore pourquoi j’ai décidé que ça passerait par l’italien, mais j’ai envie de croire qu’elle trouvera ça mignon quand elle saura, que je fais un effort, un pas vers elle, j’en sais rien. Enfin bref, c’est donc en allant aux cours du soir, que je prends le métro, en pleine heure de pointe, et que je me retrouve bloquée à une station. Heureusement le métro repart, et c’est là que la vie me fait un pied de nez. Sofia. Merde. Mon coeur s’emballe d’un seul coup, et si il y a encore quelques secondes je ne sentais que l’odeur de la transpiration de ces cinquante personnes au mètre carré agglutinés les uns sur les autres, là, je ne sens plus que le parfum de mon ex. Il me fait vriller le cerveau, c’est dingue. Le métro redémarre et je me trouve propulsée en avant, poussée par un gars derrière moi, et bouscule Sofia sans le vouloir. Visiblement, elle avait pas fait attention à ma présence mais en se retournant, elle bloque complet. « Pardon… j’ai été.. je… » Je fais un signe de mon pouce vers l’arrière pour désigner le con qui m’a poussé mais y’a rien de plus qui sort. J’ai bloqué. Et nouvel à coup du métro, propulsant cette fois Sofia quasiment dans mes bras, ou peut être que ce sont mes bras qui se sont avancés pour l’empêcher de tomber, je l’ignore. Elle peste contre le metro et moi je souris, parce que j’ai toujours tout aimé d’elle, surtout quand elle se mettait à râler. « Je... » Je me pince un peu les lèvres et la laisse se redresser pour finalement lâcher mon bras qu’elle tenait fermement pour son équilibre. « Ouais. Je aussi. » Ça ne veut rien dire, mais j’ignore pourquoi, j’ai eu envie de faire un peu d’humour, la faire sourire comme je savais faire avant. Mais ça semble pas vraiment fonctionner. Tant pis. La voix du conducteur annonce une panne électrique et déjà les lumière de la rame clignotent. Ça n’annonce rien de bon. Je sais de mémoire que Sofia n’aime pas trop longtemps les endroit confinés avec trop de monde. « Ça va aller ? » que je lui demande, réellement inquiète pour elle.

Ok. Ça l’a pas fait rire. En même temps je sais pas à quoi je m’attendais, depuis le temps qu’on s’est pas vues, et que la dernière fois c’était quand elle a appris que je la trompais, pire même qu’elle y assistait, je comprends qu’elle ait pas envie de rire à mes blagues vaseuses. Mais elle m’inquiète, je la connais suffisamment pour savoir que ce genre de situation n’est pas une bonne chose pour elle. Alors je lui demande si ça va, mais de toute évidence, j’aurai mieux fait de fermer ma gueule au vue de la réponse. « Parce que ça t'intéresse maintenant? T'avais pas l'air aussi concernée par mon bien-être quand tu te tapais la première gonzesse venue dans notre lit. » Je serre les mâchoires face à sa réponse cinglante. Elle a raison, je n’ai rien à dire rien à répondre, je sais que j’ai merdé, ça date pas d’hier, mais je m’inquiétais juste pour elle. Je ferai sans doute mieux de dégager de son champs de vision, de toute évidence. « Désolée, je... j'aurais pas du être aussi dure. C'est toute cette situation qui me fout hors de moi et toi t'es... là. » Je secoue la tête un peu en soupirant. « T’excuse pas. T’as raison. » Un haussement d’épaules, je fuis son regard, par honte, sans doute. Si je pouvais bouger, je crois que je fuirai, parce que je suis une pro pour ça, fuir. Ça a toujours été, je ne suis pas un modèle d’intégrité. Mais je n’ai pas le choix que de rester là, puisque je suis bloquée et que même en essayant de me faufiler je n’irai pas bien loin. « Ça peut aller. Je vais bien, mais tu sais comme moi à quel point j'apprécie ce genre de situations. » Je hoche la tête et relève finalement les yeux vers elle. « Je sais oui… » Je ne sais pas quoi dire de plus, j’aimerai pouvoir l’aider, la soutenir, lui faire penser à autre chose, mais j’ai le sentiment que ma présence lui est plus pénible qu’autre chose, alors je choisis la facilité : fermer ma gueule. Oh parce que oui, ça je sais bien faire, mieux que personne même. « Tu as l'air d'aller bien. » lâche-t-elle alors qu’elle semble tenter de s’occuper avec un vulgaire stylo entre ses doigts. « Ça va. » C’est pas tout à fait la vérité, parce que j’ai bien galéré quand elle m’a foutue à la porte, mais en même temps je l’avais mérité. Après avoir fait chier Willie pendant plusieurs semaines, j’ai finalement réussi à trouver l’hospitalité chez une nana que je connaissais à peine. Mais au moins, j’ai pas l’air de l’emmerder elle, et puis elle a une grande baraque et elle a besoin de compagnie.

Sofia semble avoir besoin de bouger, je plisse un peu les yeux en la regardant se déplacer jusqu’aux portes closes. J’ignore si c’est parce qu’elle n’a pas envie de me voir, de m’entendre, de me sentir, quoi qu’il en soit elle fuit. Je la laisse quelques secondes et je sens en moi ce truc étrange qui me pousse à la rejoindre. C’est peut-être une connerie, mais c’est plus fort que moi. Alors je me faufile à mon tour, faisant râler les utilisateurs du métro, et rejoins Sofia près des portes. « Tu sais que tu as pas la tête assez dure pour les ouvrir juste avec ton front ? » Encore une blague ratée, j’crois qu’il faut que j’arrête. Je me racle un peu la gorge et me mords l’intérieur de la joue. « J’peux aller à l’autre bout du métro si tu veux pas que je reste… je veux pas t’infliger ma présence tu sais… » Non et pourtant je suis là, prête à l’aider si elle en a besoin. Je pourrai tenter de la rassurer sans même qu’elle en fasse la demande, mais j’ai trop peur de me recevoir une beigne…

J’essaie à nouveau de faire de l’humour mais Sofia n’est pas du tout encline à rire de toute évidence, et mes tentatives sont ratées. Zero pointé. Je lui demande quand même l’air de rien si elle préfère que j’aille m’expatrier à l’autre bout du métro. Si c’est ce qu’elle veut, je peux le faire, braver les éléments, les gens, les transpirations, les coups de coudes, pour m’éloigner d’elle le plus possible, si c’est ce qu’elle souhaite. Il est évident que ce n’est pas ce que je veux moi, mais je la mets tout de même à l’aise. Sans entendre de réponse de sa part, j’imagine que ça veut dire qu’elle veut pas que je reste dans les parages. C’est alors à contre coeur que je décide de commencer mon exil. Mais je sens rapidement la main de mon ex petite amie attraper mon poignet fermement, visiblement dans l’optique que je ne m’éloigne pas, finalement. « Reste... per favore. » finit-elle par dire une fois mon regard plongé dans le sien. Sa manière de parler italien comme ça de temps en temps, me rendait toujours folle, et je vois que les choses n’ont pas changé de ce côté là quand je sens un long frisson me parcourir. « Enfin c'est comme tu veux. Si tu veux vraiment partir je te retiens pas. » Je secoue vivement la tête. « Non, j’ai pas envie de partir, je voulais juste pas t’obliger à supporter ma présence si tu en avais pas envie. » Je tente un sourire, un peu mince mais empli de bienveillance. Elle lâche mon poignet et je regrette déjà ce contact qui s’estompe. « Et... t'as trouvé un endroit où dormir? » demande-t-elle comme pour débuter une discussion qui se voudrait banale. Mais je la connais, je sens une sorte de culpabilité dans le son de sa voix. Ce serait mentir de dire que ça ne me touche pas au moins un peu, qu’elle s’inquiète pour moi. « J’ai dormi chez Willie pendant quelques semaines, mais j’ai fini par partir parce que je sentais bien qu’elle en avait marre mais qu’elle voulait pas le dire. » Je ris légèrement, comme pour tenter de détendre l’atmosphère. Ma meilleure amie est ce qu’elle est, elle a le coeur sur la main, et quand il s’agit de moi, elle n’oserait pas me dire que je la dérange. Alors je suis partie avant qu’elle ne se sente obligée de me virer. Volontairement, je ne parle pas de ma rencontre avec Ellen ni notre accord tacite pour que je vive chez elle en échange de bricolages à faire dans sa grande maison. « J'ai toujours des affaires à toi à la maison... » Je hoche la tête, juste un peu, avant de sourire. « Je pensais que t’avais tout foutu à la poubelle, ou brûlé même. » Je laisse échapper un petit rire amusé, pour dédramatiser la situation. « C’est sympa de pas avoir tout jeté. Je passerai les prendre quand tu voudras. » Je reste à sa disposition, elle a toutes les cartes en main, c’est moi qui ai fait des conneries, je ne peux plus rien lui demander désormais. « Comment tu vas toi ? J’veux dire, enfin pas maintenant… » Ouais parce que là elle est un peu pâle quand même. « Le boulot tout ça… » J’ose pas demander si elle a rencontré quelqu’un même si ça me brûle les lèvres.

Un sourire. Un sourire de la part de Sofia et mon coeur fond, je ne pensais pas que je serai aussi réactive, après tous ces mois loin d’elle. Parce que même si je l’ai trompée plus d’une fois, ça n’a jamais brisé les sentiments que j’avais pour elle, l’amour véritable qui pulsait dans ma poitrine chaque fois que je la regardais, que je la faisais rire, chaque fois que je la prenais dans mes bras. Sofia est spéciale, elle l’est pour l’unique raison qu’elle a été la seule à me donner envie d’autre chose, me donner envie de me poser, me livrer entière à quelqu’un. Elle n’a peut-être pas conscience que malgré les écarts que j’ai pu faire à notre histoire, elle n’a jamais été que plus importante à mes yeux, chaque jour nouveau, me rendant compte que malgré mes envies passagères d’aller voir ailleurs, je n’ai jamais eu, jamais au grand jamais, l’envie de me poser avec quelqu’un d’autre. Mais j’imagine qu’elle ne le comprendra jamais, ou jamais vraiment comme je le ressens au plus profond de moi. Depuis qu’elle m’a dégagée de chez elle, de ce chez nous qu’on avait bâti, je fais en sorte de me détacher de mes regrets, de cette envie de la retrouver pleinement, parce que j’ai beaucoup trop peur d’être déçue, et puis je doute que j’arriverai un jour à changer, et je doute qu’elle arrive à l’accepter. Alors je me fais une raison. Mais l’avoir face à moi, si près, je sens que mon coeur ne tient pas trop le coup, même si la raison cherche à repousser tous les sentiments qui subsistent en moi. « Ma nouvelle adresse. Que tu ne te pointe pas à notre ancien appart pour tomber sur un visage inconnu... » lâche-t-elle en griffonnant quelques mots sur ce que je devine être une carte de visite. Mon coeur se serre un peu malgré-moi en comprenant qu’elle a eu besoin de déménager pour se séparer des souvenirs que nous avions construit ensemble dans cet appartement. « Ça va, j'ai pas à me plaindre. Les affaires tournent bien et je manque clairement pas de boulot. J'allais justement voir un fournisseur quand... tout ça est arrivé. » Je hoche la tête en l’écoutant avec grande attention. Ça a l’air d’aller plutôt pas mal, niveau boulot en tout cas. Enfin, j’imagine qu’elle ne me dirait pas si ça n’allait pas. Elle finit par me tendre la carte sur laquelle elle a noté sa nouvelle adresse, et je sens ses doigts frôler les miens, accélérant mon coeur dans ma cage thoracique. « Merci. » que je souffle en récupérant ladite carte, la glissant dans la poche arrière de mon jean. « Mais du coup, si tu t'es auto-virée de chez Willie, tu vis chez quelqu'un? » Je me racle un peu la gorge, légèrement mal à l’aise face à cette question. « Euhm. Ouais. Enfin, c’est un peu particulier. » Je sais bien que la vraie question était de savoir si j’avais rencontré quelqu’un. Et la réponse est non, pas tout à fait en tout cas. Je m’empresse alors que rétablir un semblant de vérité, tout en exagérant quelques points. « J’ai bossé pour une femme, pas toute jeune, enfin j’sais pas, elle doit avoir un truc comme 50 ou 60, j’ai jamais été douée pour ça. Elle est veuve et elle a une super grande maison où elle vit seule. On a sympathisé et elle me laisse dormir dans sa chambre d’amis, en échange je fais tous les petits travaux qu’il y a besoin dans sa maison, et puis ça lui permet de pas être seule… » Je glisse une main dans ma nuque. C’est pas tout à fait tout à fait vrai, Ellen, est moins vieille que le portrait que je dépeins d’elle, plus sympathique aussi, pas trop désagréable à regarder, et puis notre rencontre… ouais nan, je me voyais pas dire à Sofia que j’apprends l’italien juste pour elle. « Enfin voilà, j’fais du old-sitting pour payer mon loyer. » je laisse échapper un petit rire histoire de détendre un peu l’atmosphère. « Et toi tu… tu vis seule, dans ton nouvel appart ? » Bah quoi, moi aussi j’ai le droit de me renseigner !

Je sens bien qu’au moment où j’avoue à Sofia vivre chez quelqu’un, elle a l’air de se décomposer. En un sens, ça me fait un peu plaisir, je me dis que tout n’est pas perdu, que peut-être au fond, elle préfèrerait savoir que je n’ai pas totalement tourné la page, tout comme je l’espère dans l’autre sens. « Elle en a de la chance ta petite vieille, d'avoir une âme charitable comme toi pour l'aider et lui tenir compagnie. » Je me contente de sourire, même si à l’entendre, je vis vraiment chez une grand mère. Ellen est loin d’être un grand mère, et si elle a peut-être pas loin de vingt ans de plus que moi, elle reste quand même une femme soignée, élégante, très gentille, et ma foi pas si désagréable à regarder que ça en a l’air. Mais ça, je ne compte pas en parler à Sofia. Certainement pas. Qu’elle croit que je vive avec une grand-mère, ça m’arrange bien au final. « Si tu as de la chance elle pourra te tricoter un pull à Noël. » Je laisse échapper un rire, sentant que mon ex est en train doucement de se calmer, puisqu’elle en vient à plaisanter. C’est bon signe, et j’aime à croire que je n’y suis pas pour rien. « Un pull avec un cerf, j’suis sûre que tu me trouverais sexy avec ça. » Je continue de rire un peu, sans penser à mal, sans me dire que peut-être cette phrase pourrait sembler déplacée. Dans mon esprit, ça n’était pas du tout le cas.

Finalement, c’est à mon tour de lui retourner la question, parce que moi aussi je suis curieuse, et que moi aussi je veux savoir si elle vit avec quelqu’un. « Non, y a personne... » En une fraction de seconde, je sens mon corps se détendre, comme envahie par une vague de soulagement. Je me contente pourtant d’un simple hochement de tête, bien consciente qu’il ne vaut mieux pas que j’affiche une satisfaction trop visible. « Mais j'ai adopté un poisson rouge. Me demande pas son nom, il en a même pas. Il se contente de buller dans son bocal en faisant... des trucs de poissons. Je voulais pas être toute seule chez moi et... je pouvais plus adopter un chien. » Je souris tout le long de sa tirade sur le poisson, je trouve ça plutôt amusant, surtout sa manière de raconter la chose. Mais je ne comprends pas réellement la fin, pourquoi l’emploi de la forme négative concernant le chien. Mais avant que je n’ai à poser la question, Sofia semble avoir lu dans mes pensées et répond à mes interrogations. « Je voulais qu'on ait un chien tu sais... » Mon coeur se serre en entendant cet aveu, et mon regard reste bloqué sur le visage de la jeune femme, mon palpitant reprenant une course folle. « C’est vrai ? Tu m’en as jamais parlé… » Alors qu’elle sait à quel point j’aime les animaux, particulièrement les chiens. J’ai toujours rêvé d’en avoir un, elle m’aurai fait un cadeau magnifique. Je ne sais pas si ça aurait changé grand chose entre nous, je préfère ne pas y penser, ne pas y réfléchir. « J’aurai adoré qu’on ait un chien. » Cet aveu de ma part est sortir dans un souffle, comme un peu étouffé par ma gorge que je sens se serrer par les regrets. Je soupire un peu avant d’ajouter. « Et tu veux pas en prendre un quand même ? Je suis sûre que tu ferais un heureux, et puis il aurait beaucoup de chance de vivre avec toi. » Pourquoi j’ai dit ça ? Pourquoi j’ai dit ça ????

Un chien. Avoir un chien avec Sofia, ça aurait été juste un rêve. Elle sait à quel point j’adore les animaux, et les chiens n’en parlons même pas. Je suis surprise de cet aveu, et le coeur un peu serré aussi d’apprendre une telle nouvelle. Enfin bon, ça n’aurait pas changé l’issue de notre couple et le chien aurait été à qui finalement ? Trop compliqué à gérer, déjà qu’une rupture ce n’est pas simple, avec un autre être vivant à gérer au milieu… Bref. De toute manière, ça ne s’est pas fait. « Ça devait être une surprise... » Lâche-t-elle finalement. Une surprise oui. Je hoche légèrement la tête pour encaisser la nouvelle du mieux que je peux. Je lui propose finalement d’en adopter un toute seule, si ça lui tient à coeur, après tout pourquoi pas ?  « Je sais pas, on verra. Un jour peut-être, quand... » Je suis pendue à ses lèvres, attendant la suite. Quand quoi ? Quand elle aura retrouvé quelqu’un avec qui vivre une histoire d’amour passionnée et passionnelle ? A cette simple pensée mon corps se tend tout entier. J’ai pas envie d’entendre ça. Elle ferait mieux de se taire effectivement. Et je finis par baisser les yeux, un peu penaude. « Mais qui sait, c'est peut-être toi qui finira par en avoir un la première. » Je hausse les épaules d’un air un peu nonchalant, tout en enfouissant mes mains dans mes poches. « Faudrait déjà que j’ai un toit à lui offrir. Donc c’est pas demain la veille. » J’ai jamais été défaitiste, ni trop optimiste non plus d’ailleurs. Je suis du genre à me laisse porter tout simplement par le courant, laissant la vie me mener là où elle aura envie. Pas du genre à acheter une maison ou même une voiture, mon scooter, c’est un peu tout ce que j’ai désormais. Un silence s’installe, lourd, désagréable, et seul le soupir de Sofia rompt un peu cette sorte de malédiction. Je baisse les yeux, joue avec mes pieds, je sais pas quoi dire, pas quoi faire, je sais même pas si elle a envie que je reste là, elle a l’air d’aller mieux. « Eliot, je... » Je relève les yeux vers elle, comme happée par son intonation, comme si elle allait dire un truc super important. Mon coeur bat à tout rompre. Tu quoi Sofia ? Tu quoi ? Mais avant qu’elle n’ait pu mettre fin à l’interrogation incessante de mon cerveau, la voix dans les haut parleurs annonce que le métro va redémarrer. Quant à moi, je n’ai pas lâché ses yeux, attendant une suite à sa phrase, ou au pire même une fin, je m’en contenterai. « Je suis contente qu'on ait pu parler. » Quoi c’est tout ? Je suis déçue, je ne peux le cacher. Je me pince les lèvres un peu, hochant la tête pour encaisser le coup. « Ouais, moi aussi. » Ça se sent là dans ma voix que j’ai juste envie de disparaître dans un bain brûlant ? Qu’est-ce qui ma prit d’espérer quoi que ce soit moi aussi. Quelle conne. Je me racle un peu la gorge pour éclaircir ma voix alors que le métro arrive presque à la station qui nous permettra à tous de descendre. « Bon. Bah à la prochaine hein. » Génial Eliot, très constructif ça. Je soupire un peu et ajoute malgré tout « Prend soin de toi. » Comme une petite touche finale un peu moins morose…