drunk and angry, perfect combo. (kezai 2)

Quand je mets les pieds chez ma grand mère ce soir, j’ai du mal à y voir clair. Je sais que je dois faire doucement, tout le monde doit dormir. Toute manière je m’en fous, je dors sur le canapé. En bas, y’a que la chambre de Nonna, et elle met des boules kies pour dormir, ça devrait aller. J’ai bu. J’ai pas l’habitude faut dire, mais là c’était de circonstance aussi. J’ai juste un peu découvert que mon mec craquait sur un autre mec. Ça me vrille le cerveau. Moi qui était jalouse de le voir aller dans une coloc avec que des filles, dormir dans la même chambre qu’une fille, avoir peur qu’il me trompe avec une fille. BORDEL c’est vers les mecs qu’il se tourne ? Je sais même pas ce que je dois penser, croire, imaginer. J’ignore si c’est sérieux, si c’est juste parce qu’il était bourré. Mais c’est quoi cette putain de manie qu’ont les gens autour de moi de tous virer gay là ? C’est une épidémie ou quoi ? Merde. J’ai envie de vomir. Pour une fois que c’est pas volontaire et que c’est pas moi qui me force à le faire. Cela dit, ça pourra pas me faire de mal, j’ai l’estomac en vrac, et j’ai rien mangé.

En sortant des toilettes, je me rince la bouche, j’ai l’habitude, sauf que manque de bol, même si j’ai décidé de ne pas partager la même chambre que Kezia, y’a toujours mes affaires dans la salle de bain attenante à la chambre, et le seul moyen pour aller chercher ma brosse à dent, c’est de passer par la chambre. Bon. On se concentre. Je m’aide de la rambarde pour monter à l’étage et ouvre doucement la porte de la chambre. Ma chambre. Où Kezia dort. J’ai bien failli allumer la lumière, quelle conne. Le tout c’est encore de me repérer dans l’espace avec juste la lumière de la lune, heureusement elle n’a pas fermé les volets. Manque de bol, y’a un truc qui traîne par terre et je me rétame en beauté. Si là j’ai pas réveillé toute la baraque je comprends pas. La lumière m’éblouit et je me cache les yeux un instant, avant de retirer ma main, les yeux plissés pour pas devenir aveugle. « C’est que moi, j’allais chercher ma brosse à dents. Pas de panique, tu peux te rendormir. » Je tente de me relever mais wooow ça tangue et je suis obligée de me retenir au mur pour ne pas me casser la gueule à nouveau. « C’est bon tu peux éteindre, je gère ! » Ou pas.

C'est dur pour moi de trouver le sommeil. Il y a trop de choses dans ma tête. Trop de pensées que je n'arrive pas à contrôler. Dans des moments comme celui-là, je rêve de pouvoir appuyer sur pause. Arrêter définitivement de penser, tout oublier. Mais malheureusement ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. Finalement la fatigue s'empare de moi et je finis par m'endormir sans que je puisse m'en rendre compte. Plongée dans un rêve dont je me souviendrais certainement plus au réveil, je n'entends pas la porte de la chambre s'ouvrir. Je suis très loin d'imaginer ce qui est en train de se passer. BAM. Un énorme bruit me fait alors sursauter. Je me relève brusquement en position assisse et allume la lumière. C'est Kai, complètement étalée sur le sol. Putain, faut pas être cardiaque dans cette maison. J'ai eu la peur de ma vie. « C’est que moi, j’allais chercher ma brosse à dents. Pas de panique, tu peux te rendormir. » Plus facile à dire qu'à faire après l'énorme barouf qu'elle vient de provoquer. Dans le genre discret, y'a pas mieux. Les yeux légèrement plissés, je lui lance un regard un peu assassin. « Non mais t'as vu l'heure ! » En réalité, je ne sais même pas quelle heure il peut bien être. Mais de toute évidence ce n'est pas le matin. Loin de là même. Elle n'a pas d'autres choses à faire que de se brosser les dents en plein milieu de la nuit ? Kai se relève difficilement et manque de peu de tomber à nouveau. Plus de doute possible, elle n'est pas dans son état normal. « T'es bourrée ? » Génial. Je ne savais pas qu'elle était de sortie ce soir, c'est bizarre. Bon, d'accord, c'est pas comme si on se disait tout elle et moi depuis mon retour mais quand même. On vit sous le même toit toutes les deux et je suis quand même vaguement au courant de ses allées et venues. « C’est bon tu peux éteindre, je gère ! » Ce n'est pas vraiment dans ses habitudes de boire. Du moins, ça ne l'était pas. Peut-être qu'elle a pu changer de ce côté là mais quelque chose me pousse tout de même à croire que ce n'est pas normal. « Pas vraiment on dirait. » Soufflais-je doucement d'entre mes lèvres. Résignée, je me lève pour lui venir en aide. Je viens soutenir son bras gauche pour la maintenir en équilibre et la guider jusqu'à la salle de bains. Je plonge alors mon regard dans le sien. « Qu'est-ce que t'as foutu Kai ? » Je ne compte pas lui faire la morale, loin de là même. Mais j'essaye quand même de savoir ce qui a pu la pousser à se mettre dans cet état. Si c'est à cause de la maladie de son père, je peux tout à fait le comprendre.

Je ne suis pas dans mon état normal, et ma gamelle dans ma chambre - où Kezia dort - n’est pas tant une surprise que ça. Ça tourne pas mal là dedans, dans ma tête, dans mon ventre aussi encore, et dans mon coeur. Putain là c’est Bagdad. « Non mais t'as vu l'heure ! » qu’elle me demande visiblement excédée. Ouais. Enfin nan. J’ai pas vu l’heure, je m’en tape un peu à vrai dire, là tout ce que je veux c’est récupérer ma brosse à dents et me casser d’ici. C’est pas une bonne idée d’être bourrée et dans la même chambre que Kezia. Certainement pas. « T'es bourrée ? » Haha captain obvious en action. Je soupire fortement, je crois qu’elle n’a pas besoin de réponse, elle l’a sous les yeux, en pleine lumière en plus, ça me vrille le cerveau. Je lui demande d’éteindre, j’ai pas envie qu’elle continue de me regarder comme une bête de foire, ça va, je vais m’en sortir. C’est pas comme si c’était la première fois que j’étais bourrée non plus. « Pas vraiment on dirait. » Je grogne légèrement et l’entends se lever pour venir m’aider. « Ça va j’te dis ! » Mais c’est qu’elle est têtue, et elle vient m’aider quand même. Dans le fond, c’est mignon, mais l’avoir si près de moi comme ça, sentir sa peau frôler la mienne, c’est pas bon. Pas bon du tout. « Qu'est-ce que t'as foutu Kai ? » Je ricane bêtement. « Bah j’ai bu ! » Voilà le résumé. Je pense qu’elle avait pas besoin de ma réponse pour comprendre. Soudain, un haut le coeur me prend au tripes et je hâte le pas pour foncer vers la salle de bain et me baisse au dessus des toilettes. C’est reparti pour un tour. Glamour. Kezia est la seule au courant de mes troubles alimentaires, j’en ai jamais parlé à personne d’autre qu’elle, même Todd n’est pas au courant, surtout pas Todd. Je me souviens du jour où elle m’attendait à la sortie des toilettes chez mon père, les bras croisés, presque comme pour me demander des comptes, pour savoir ce que je foutais. Et je lui ai tout raconté ce jour là, le harcèlement scolaire, mon obésité, ma prise de conscience, mon envie de changer. Mais ça n’a pas été une période facile, et encore aujourd’hui j’ai de belles rechutes sur ma maladie. Je fais juste en sorte que personne ne sache. Je me suis toujours planquée pour aller vomir, même de Kezia, parce que c’est franchement pas le truc le plus sexy qui soit. J’espère simplement que là elle mettra tout sur le compte de l’alcool et rien d’autre. « Sors de là Kezia ! » J’ai pas envie qu’elle reste, pas envie qu’elle me voit comme ça. Mais je crois que là, c’est pas moi qui décide.

L'état de ma demi-soeur n'est pas bien joli à voir. Certes, je l'ai déjà vu guillerette par le passé après quelques verres en soirée mais jamais à ce point là. Jamais bourrée au-delà des limites au point de se casser la gueule par terre comme elle vient juste de le faire. Elle tient à peine debout, c'est grave. Je ne suis pas dans sa tête, je ne sais pas ce qui a pu se passer mais c'est bizarre. Sur le coup, je ne réfléchis pas à deux fois. Je viens rapidement l'aider comme si c'était plus fort que moi. Je ne peux pas la laisser comme ça sans rien faire. Malgré notre relation conflictuelle, Kai reste et restera toujours importante à mes yeux. C'est comme ça, je ne peux pas faire autrement. « Bah j’ai bu ! » Réponse conne, merci. De toute évidence, ça se voit. Elle pue l'alcool à plein nez et sa démarche ne laisse aucun doute sur le sujet. Il ne faut pas être débile pour comprendre le topo. La jeune femme se précipite vers les toilettes apparemment prise d'une soudaine envie de vomir. Génial. Elle a sacrément dû boire pour en arriver jusque là. « Sors de là Kezia ! » Surtout pas, il en est hors de question. « Non. » Je viens m'agenouiller à ses côtés enlevant ses cheveux de son visage. Je passe alors mon bras derrière son dos pour la maintenir du mieux possible veillant à tourner la tête dans la direction opposée pour éviter d'être directement témoin de la scène. Si je peux éviter de vomir à mon tour, ça serait pas mal. « Tu ne te débarrasseras pas de moi comme ça. » Je suis là pour elle, je lui ai toujours promis. Dans les bons comme dans les mauvais moments. Et surtout dans les mauvais moments. Mon intervention du soir en est la preuve vivante. Si ce n'est pas une preuve d'amitié, je ne sais pas ce que c'est. Peut-être même une preuve d'amour finalement ? Je chasse ces idées de mon esprit en me concentrant à nouveau sur ma demi-soeur. Ma main droite vient caresser le bas de son dos en guise de soutien. Un geste qui se veut le plus rassurant possible pour l'aider à évacuer l'alcool ingurgité. Après plusieurs minutes, la jeune femme semble reprendre quelques couleurs. Je l'aide à se relever et l'installe alors sur la cuvette des toilettes. « Qu'est-ce qui s'est passé Kai ? » Je plonge mon regard dans le sien pour l'inciter à se confier à moi. « Ne me dis pas que tu t'es mise dans cet état juste par plaisir... » Boire pour s'amuser, je suis d'accord. Mais de là à vomir ses tripes de la sorte, il y a une différence.

J’ai pas envie qu’elle assiste à ça. J’ai honte, j’ai peur, j’ai mal. Et j’essaie d’évincer Kezia mais je sais d’avance que c’est peine perdue. « Non. » dit-elle fermement. « Tu ne te débarrasseras pas de moi comme ça. » qu’elle ajoute sans me laisser le choix de lui faire changer d’avis. Toute manière là, mon ventre ne me laisse pas non plus le choix. Malgré ce que je peux me forcer à croire ou à penser, la présence de Kezia à mes côtés me fait du bien, m’apaise, me rassure. Je ne pourrai pas l’assumer à voix haute, c’est trop tôt, trop compliqué. Mais moi, je le sais, je le sens. Après de longues minutes à évacuer l’alcool que j’ai ingurgité, je crois que mon corps se calme, malgré la fatigue importante que je peux désormais ressentir. Kezia m’aide à me relever et je la laisse faire, acceptant son aide, et m’assieds sur la cuvette une fois refermée. Un long soupir s’extirpe de mes lèvres et je récupère une serviette pour m’essuyer le visage, perlant de sueurs froides. Je tends la main vers le verre sur l’évier et c’est Kezia qui me le donne avant que je ne le boive en entier. « Qu'est-ce qui s'est passé Kai ? » Elle est là, juste en face de moi, accroupie ses mes sur mes genoux à vouloir sonder mon âme. Il faut qu’elle arrête de faire ça. « Ne me dis pas que tu t'es mise dans cet état juste par plaisir... » Une boule se fraye un chemin dans ma gorge et déjà mes yeux deviennent brillants. Je secoue la tête. Mon menton se met à trembler, j’ai envie de pleurer, encore, mais je m’en empêche. « C’est… » J’arrive même pas à le dire. Est-ce que je dois ? « J’allais pas très bien ce soir, j’avais envie de voir Todd, mais il répondait pas… » Je sais même pas si elle savait que mon copain s’appelait Todd, enfin elle peut facilement le deviner. Ma voix est chevrotante mais je garde le cap et parviens à ne pas pleurer. Pas encore. « Alors j’ai été à la soirée où il était avec ses potes du foot, et je l’ai trouvé dans la cuisine… en train de…. flirter. Avec un gars. » Je passe mes mains sur mon visage et relève la tête pour essayer de repousser cette nouvelle vague de nausée que me prend rien qu’en y repensant. « C’est pas possible putain. Qu’est-ce que j’ai fait de mal hein ? » Cette fois c’est fini, les larmes roulent sur mes joues.

J'essaye de me montrer la plus rassurante possible. Je reste près d'elle, mon regard dans le sien, ma main se posant sur le bras de ma demi-soeur. Je veux qu'elle puisse me faire confiance, qu'elle puisse se livrer à moi comme elle le faisait avant. Je veux qu'elle comprenne que, malgré nos conflits, je suis là. Et je serai toujours là. A genoux devant elle, je lui prête une oreille et une écoute attentive. « C’est… » Je me demande bien ce qui a pu se passer pour qu'elle soit dans cet état. Elle est à deux doigts de pleurer, ça se voit, ça se sent. « J’allais pas très bien ce soir, j’avais envie de voir Todd, mais il répondait pas… » Je la laisse continuer sans la couper. Il ne faut surtout pas qu'elle se brusque. « Alors j’ai été à la soirée où il était avec ses potes du foot, et je l’ai trouvé dans la cuisine… en train de… flirter. Avec un gars. » Outch, quand même. Là, tout de suite, je n'ai sais pas quoi répondre. Une grimace s'installe inconsciemment sur mon visage. Faut dire que la situation n'est pas vraiment banale. Apprendre que son mec flirte avec quelqu'un d'autre, c'est déjà difficile à avaler. Mais si en plus c'est avec un garçon... d'autant plus quand on connait la réticence de Kai pour les homos. « Ah merde. » C'est tout ce qui sort de mes lèvres pour le moment. Rien de plus mais un regard compatissant et une main qui vient se loger dans la sienne. C'est déjà ça. J'ai envie d'être là pour elle et de la soutenir mais j'ai peur d'être un peu trop maladroite. Sans qu'elle s'en rende forcément compte, ça fait un peu écho à notre histoire. « C’est pas possible putain. Qu’est-ce que j’ai fait de mal hein ? » Kai s'effondre en sanglots et je viens enrouler mes bras autour de son corps pour la serrer fort contre moi. Une étreinte qui se veut douce et apaisante. Pour essayer en premier lieu de calmer la jeune femme. Je comprends mieux maintenant pourquoi elle s'est mise dans cet état. Je la relâche et viens plonger mon regard dans le sien caressant sa main de mon pouce. Mon autre main vient se positionner sur sa cuisse alors que je suis toujours à genoux devant elle. « C'est peut-être pas ce que tu crois... » Je ne sais pas exactement ce qu'elle a vu ou ce qui a pu réellement se passer entre eux concrètement. Et même si j'essaye de relativiser la situation, quelque chose me dit que c'est encore pire. Je secoue un peu la tête avant d'ajouter. « En soirée, il peut se passer des choses... des conneries sur un coup de tête, des jeux débiles ou ce genre de trucs. » Je m'efforce de trouver une explication ou une raison quelconque à ce débordement. « Mais ça ne veut pas dire que... enfin, ça ne veut peut-être rien dire. » Je commence à m'emmêler un peu les pinceaux. Et merde, je suis complètement nulle pour lui remonter le moral. C'est bidon ce que je raconte. Et bizarrement, ça me fait un peu penser aux belles paroles que je lui ai balancé la dernière fois pour justifier mon baiser. Tais-toi, Kezia, tu t'enfonces. J'ai peur qu'avec mes conneries la jeune femme s'emporte dans un élan de colère. L'alcool et le chagrin n'a jamais fait bon mélange.

Je m’effondre, genre littéralement. Mais Kezia est là, et l’espace d’un instant, j’oublie tous nos différends. J’oublie que je lui en veux encore un peu, j’oublie ce qui nous a éloignées, séparées presque. J’ai juste la sensation de revenir un peu plus d’un an en arrière, quand on était là l’une pour l’autre, quand on s’épaulait, qu’on se parlait, qu’on se confiait. Je n’ai aucune réticence à parler de ma soirée, de Todd, de ce pourquoi je suis dans cet état. Je me doute bien qu’elle pourra rien faire, je doute même qu’elle trouve les mots pour me rassurer, mais c’est pas grave, elle est simplement là et je crois qu’à cet instant c’est tout ce qui compte. Je voulais rester seule, finir par m’endormir complètement bourrée et me réveiller avec la gueule de bois en priant de toutes mes forces que tout ça n’ait été qu’un putain de cauchemar. Et au lieu de ça je suis assise sur la cuvette des toilettes, avec la nausée, mais surtout avec Kai près de moi qui, même si elle ne trouve pas les mots, est simplement présente. Et je crois que c’est tout ce qui compte à cet instant. Je m’effondre finalement lorsque je lâche le morceau et Kezia vient me récupérer dans ses bras pour me serrer contre elle. Je me nourris de l’odeur de ses cheveux, de sa peau, de la chaleur de ses mains dans mon dos qui visent à me rassurer, du mieux qu’elle peut. Je reste là quelques instants et finis par me redresser, les yeux rougis, alors qu’elle plonge dans le mien son regard noisette. « C'est peut-être pas ce que tu crois... » dit-elle en venant caresser ma cuisse. Je frissonne sans réussir à comprendre, à analyser. Je suis trop focalisée sur Todd et ce que j’ai appris ce soir pour avoir les idées claires envers les gestes que Kezia m’offre ce soir. « En soirée, il peut se passer des choses... des conneries sur un coup de tête, des jeux débiles ou ce genre de trucs. Mais ça ne veut pas dire que... enfin, ça ne veut peut-être rien dire. » Je secoue la tête, cette foutue boule toujours bien logée dans ma gorge. « J’ai vu comme ils se regardaient, ça date pas que de ce soir. J’suis pas conne… » Je soupire et passe mes mains sur mon visage, puis dans mes cheveux. « Et Sawyer, putain je vais lui éclater sa tête à celui là, il le sait que Todd est avec moi, et pourtant il continue de me provoquer ! » Je recommence à m’énerver. « Je sais pas quoi faire, j’ai l’impression que tout s’effondre autour de moi, y’a rien qui va putain… » Et je me remets à pleurer en m’apitoyant sur mon sort. J’ai pas été bourrée comme ça souvent, mais je sais pourtant que boire trop, ça me file pas seulement le mal de mer, mais j’ai l’alcool triste. On est pas sorties de l’auberge…

Il n'y a rien que je puisse dire - ou faire - qui soit en mesure de sauver la situation. C'est difficile de trouver les mots dans un cas comme celui-là. A part être présente pour elle et la soutenir, je ne peux malheureusement pas faire de miracle. Surtout au vue de l'état de ma demi-soeur. L'alcool jouant un peu sur son moral comme les montagnes russes. Elle n'est plus tout à fait lucide sur le sujet. « J’ai vu comme ils se regardaient, ça date pas que de ce soir. J’suis pas conne… » Merde, c'est plus grave que ce que je pensais. Peut-être que Kai se fait juste des films, j'en sais rien. Mais elle a l'air pourtant convaincue de ce qu'elle avance. Je viens à nouveau caresser sa cuisse alors que mon autre bras s'enroule dans son dos. « Et Sawyer, putain je vais lui éclater sa tête à celui là, il le sait que Todd est avec moi, et pourtant il continue de me provoquer ! » Elle balance des informations décousus et commence à s'énerver. La jeune femme passe du chagrin à la colère en une fraction de seconde. Comme si elle n'arrivait plus rien à contrôler. Sans doute l'effet de l'alcool qui accentue et décuple ses émotions. « Kai, calme-toi. » Je viens agripper son menton avec l'aide de mon pouce la forçant à me regarder dans les yeux. Un moyen de l'aider à se calmer et à se concentrer sur autre chose. En l’occurrence moi.  « Je sais pas quoi faire, j’ai l’impression que tout s’effondre autour de moi, y’a rien qui va putain… » Kai s'écroule de nouveau à chaudes larmes. La voir dans cet état me brise le coeur, vraiment. Elle qui a pourtant l'habitude de toujours garder la face. De sauver les apparences coûte que coûte en jouant les durs à cuire. Là, ce n'est plus le cas. Kai ne peut pas être plus vulnérable qu'à cet instant. Et cette Kai là, je la connais. Je sais que je suis une des seules à la connaitre réellement. Sous toutes ses facettes. « Ne dis pas ça... c'est pas de ta faute. » La maladie de son père, et maintenant ça. C'est vrai que le sort s'acharne sur elle. Mais ça ne sert à rien de broyer du noir et de tout voir de travers. Il faut qu'elle soit forte, qu'elle reste forte. Elle l'a toujours été, je le sais. Et même si c'est plus difficile de continuer à être forte en ce moment, je suis là, moi. Je vais l'aider à surmonter ces épreuves. « Tu n'es pas toute seule, je suis là. Je serais toujours là pour toi. » Mon regard plongé dans ses yeux, mes doigts se mêlant fermement au sien. « Et si Todd ne se rend pas compte de la chance qu'il a de t'avoir comme petite-amie, c'est qu'un con, voilà tout. » Il ne la mérite pas - tout simplement. Même si c'est délicat à encaisser et à entendre à voix haute comme ça. « Il ne sait pas ce qu'il perd. » On peut croire que ce sont des phrases toutes faites, de belles paroles balancées uniquement dans le but de la valoriser... mais non. Ce que je dis, je le pense sincèrement. Plus que jamais.

Je revois la tête de Sawyer, son insolence, son regard. J’ai envie de le tuer. Il faut que je me calme mais j’en suis bien incapable. Kezia essaie de me calmer mais en vain. C’est lorsqu’elle vient agripper mon menton de son pouce pour me forcer à la regarder que je me calme, un peu. Son regard me transperce, je sens qu’elle veut bien faire, qu’elle veut m’aider. Je lui en suis reconnaissante pour ça, ou du moins, je crois que je le serai quand j’aurai dessaoulé. C’est ce moment que je choisis pour lâcher prise, pleurer à chaudes larmes parce que je me sens totalement ensevelie sous les problèmes et que je n’arrive plus à rien gérer. « Ne dis pas ça... c'est pas de ta faute. » C’est peut-être pas de ma faute pour mon père, mais pour la dégradation de ma relation avec Todd, celle avec Kezia, j’ai mes torts, même si je ne veux surtout pas l’avouer. « Tu n'es pas toute seule, je suis là. Je serais toujours là pour toi. » Ses mots me rassurent, me font du bien, je ne pensais pas pouvoir à nouveau ressentir un apaisement certain en sa présence, et pourtant c’est le cas ce soir. Elle vient mêler ses doigts au mien et cherche mon regard que je lui offre, malgré les larmes. « Et si Todd ne se rend pas compte de la chance qu'il a de t'avoir comme petite-amie, c'est qu'un con, voilà tout. Il ne sait pas ce qu'il perd. » Je secoue la tête et baisse les yeux sur nos mains liées, pendant que je caresse son pouce avec le mien, sans trop m’en rendre compte. « Tu peux pas dire ça, tu sais pas comme je suis avec lui. C’est normal qu’il ait plus envie d’être avec moi. J’suis trop chiante, je suis jalouse, et possessive, et je le laisse pas respirer et… j’ai juste peur qu’il trouve quelqu’un de mieux que moi… » Les larmes se remettent à couler, je lâche toutes les barrières, parce que je me sens étrangement en sécurité avec elle. « Toute manière je mérite personne. J’suis pas quelqu’un de bien, je fais juste du mal autour de moi. J’devrai, j’sais pas. J’sais pas c’que j’fous là. » Je ne pense pas au suicide, je ne suis pas de ce genre là. Mais j’ai quand même vachement bien morflé, et ça continue encore et encore. Au final, ce qui m’est arrivé de mieux, c’est encore Kezia, et même ça, même nous, je l’ai foutu en l’air… Je sais pas ce que j’ai foutu dans une vie antérieure mais ça devait pas être joli joli pour que je sois punie comme ça. « Pourquoi tu restes ? Pourquoi tu t’accroches à moi Kezia ? J’mérite pas ça… » Je mérite pas qu’elle s’occupe de moi comme ça après tout ce que je lui ai foutu dans la gueule, à elle aussi.

Kai a l'alcool triste. C'est pas nouveau, je l'ai déjà vu à l'oeuvre par le passé. Mais cette fois-ci, c'est différent. Ma demi-soeur est à un stade encore supérieur. A fleur de peau, ses émotions deviennent totalement incontrôlables. Elles prennent le dessus sur tout le reste. Et même si ma présence à ses côtés semble tout de même lui faire du bien, son mal est profond. J'essaye de trouver les mots justes pour la calmer et tenter de la rassurer du mieux possible. Mais quoi que je puisse dire, j'ai l'impression que rien ne pourra être suffisant. C'est une sensation terriblement frustrante de se sentir à tel point impuissante. Mais je ne baisse pas les bras pour autant, c'est mal me connaitre. « Tu peux pas dire ça, tu sais pas comme je suis avec lui. C’est normal qu’il ait plus envie d’être avec moi. J’suis trop chiante, je suis jalouse, et possessive, et je le laisse pas respirer et… j’ai juste peur qu’il trouve quelqu’un de mieux que moi… » Non, je ne sais pas comment elle peut se comporter avec lui, c'est vrai. Mais je la connais suffisamment pour savoir que ses petits défauts font partie intégrante de son charme. Moi, elle me plait comme elle est. Insupportable et chiante aussi. Depuis le temps, je le connais le spécimen. Je secoue vivement la tête alors que mes doigts viennent serrer un peu plus fort les siens. « Toute manière je mérite personne. J’suis pas quelqu’un de bien, je fais juste du mal autour de moi. J’devrai, j’sais pas. J’sais pas c’que j’fous là. » Ça me fait tellement de mal de l'entendre dire des choses pareilles. Je sais que c'est l'alcool qui a pris le dessus sur sa raison, je sais qu'elle ne le pense pas forcément... mais même. « Pourquoi tu restes ? Pourquoi tu t’accroches à moi Kezia ? J’mérite pas ça… » Certes, après tout le mal qu'elle a pu me faire, tout ce qu'elle a pu me balancer à la gueule, j'aurais pu décider de l'abandonner. De tout abandonner. Mais elle aura beau tout faire pour que je la déteste, ça ne marchera pas. « Kai... » Je murmure son prénom d'entre mes lèvres avant de plonger mon regard dans le sien. « Je ne peux pas te laisser penser ça. » Ma main libre vient caresser sa joue avant de remettre une mèche derrière son oreille. « Tu es comme tu es, Kai. Une putain d'emmerdeuse, c'est vrai, mais pas que. » Je souris légèrement pour tenter de la faire rire avant de poser ma main contre sa poitrine au niveau de son coeur. « Là, au fond, je sais qu'il y a un coeur immense. Tu as beau vouloir à tout prix te créer une espèce de carapace, moi, je te connais. Je te connais vraiment. » Comme personne. Elle le sait tout autant que moi. « Tu es merveilleuse, Kai. Et tu mérites bien plus que tu ne peux l'imaginer. » Je ne veux surtout pas qu'elle en doute, jamais. Peut-être qu'elle aura tout oublier demain ou peut-être qu'elle fera semblant de ne plus s'en souvenir, mais peu importe. Ce soir, je lui parle à coeur ouvert. « Merveilleuse même dans un sale état, si si, je te promets. » Je tente une nouvelle fois de la faire sourire pour détendre un peu l'atmosphère. Elle a besoin de se reposer pour se remettre de ses émotions. Demain est un autre jour. Je récupère un de mes t-shirt dans le placard et lui tend, un sourire aux lèvres. « Tiens, enfile ça, tu seras plus à l'aise. »

Je sombre, à mesure que les minutes s’égrainent. Je laisse aller ma colère, ma peine, ma déception. Je suis à bout, à bout de souffle, à bout de courage. J’ai l’impression d’être écrasée sous un poids insoutenable et je n’arrive même plus à voir les choses qui pourraient m’aider, me faire sourire. J’en ai même plus envie. C’est la première fois que j’ai l’alcool aussi triste, et je me désole que Kezia soit là pour en faire à nouveau les frais. Ce n’est pas la première fois. « Kai... » Mon coeur se serre en l’entendant murmurer mon prénom, il se serre et s’accélère aussi. Je ferme les yeux, souffle un peu, me laisse porter par sa voix, ses mots, ses mains qui cherchent à me rassurer. « Je ne peux pas te laisser penser ça. » Je garde les yeux clos, penchant sensiblement la tête sur le côté quand je sens le contact de sa main sur ma joue, comme si je voulais poursuivre encore un instant ce moment. « Tu es comme tu es, Kai. Une putain d'emmerdeuse, c'est vrai, mais pas que. » Je réouvre les yeux en entendant ses mots, mais son sourire efface tout, tous les doutes, toutes les craintes. Sa main vient se poser sur mon thorax, au niveau du coeur, ou presque. « Là, au fond, je sais qu'il y a un coeur immense. Tu as beau vouloir à tout prix te créer une espèce de carapace, moi, je te connais. Je te connais vraiment. Tu es merveilleuse, Kai. Et tu mérites bien plus que tu ne peux l'imaginer. » Mon regard se met à briller d’une émotion toute particulière. Personne ne m’avait encore dit ces mots, et je crois même que personne ne les avait pensés avant elle. Je lui ai fait beaucoup de mal, je le sais, et pourtant elle est là, et pourtant elle me soutient. « Merveilleuse même dans un sale état, si si, je te promets. » Je laisse échapper un rire. Tout petit, mais présent. Silencieuse, je la laisse se lever et m’échapper, sentant comme un vide à l’intérieur de moi. « Tiens, enfile ça, tu seras plus à l'aise. » dit-elle en revenant avec un de ses t-shirt. Je ne réfléchis même pas, je n’ai pas le cerveau en état. Je retire alors mon t-shirt moulant, mon soutien-gorge et j’enfile le t-shirt de kezia. Je me lève, avec un peu de difficulté, et retire mon pantalon non sans me retenir à elle. « Faut que j’dorme. » Je passe mes mains sur mon visage en soupirant. Lorsque je réouvre les yeux, je plonge mon regard un peu trouble dans celui de Kezia, et sans réfléchir, je m’avance vers elle et viens me lover dans ses bras, attendant seulement qu’elle entoure les siens autour de mon corps ressemblant à une poupée de chiffon. « Merci… » que je souffle à peine, m’endormant presque contre son épaule, avec l’odeur de sa peau juste sous mes narines.

Mon coeur tambourine à mille à l'heure dans ma poitrine au fur et à mesure que les secondes défilent. Cette proximité soudaine qui nous rapproche est troublante. Je n'ai plus l'habitude d'y être confrontée. Et même si cette sensation risque d'être éphémère une fois la réalité revenue, je m'y accroche sans y réfléchir à deux fois. Je retrouve enfin cette complicité qui m'a tant manquée durant l'année écoulée. Ce contact, cette présence et ce besoin affectif. Juste elle et rien d'autre. Ça serait mentir de dire que je ne profite pas un peu de la situation pour avoir le loisir de laisser mes doigts glisser sur la douceur de sa peau. Comme à l'instant même où je viens frôler son visage. Mais c'est plus fort que moi, j'en ai besoin. Un besoin vital. Prise par l'émotion du moment, je ne réfléchis pas réellement avant de lui ouvrir mon coeur. C'est une déclaration toute aussi spontanée que sincère. Et lorsque le regard de ma demi-soeur devient brillant, je ne peux m'empêcher de sourire. Bêtement. Sa réaction prouve beaucoup de choses. Elle n'est pas insensible à mes mots. Elle n'est pas insensible face à moi. Et ça, ça vaut tout l'or du monde. Je m'éclipse quelques secondes pour récupérer un t-shirt à lui donner. Elle ne va pas rester habillée comme ça pour dormir. Par réflexe, je détourne un peu le regard lorsque Kai se déshabille devant moi. Peut-être que je ne devrais pas être gênée mais c'est instinctif. Je ne veux pas qu'elle s'imagine des choses. Ce n'est pas le moment de tout gâcher. Et pourtant mes yeux sont inévitablement attirés par la poitrine dénudée de ma demi-soeur. Comme un aimant impossible à contrôler. Kai se retient à moi pour retirer son pantalon alors que mon regard vient fixer le sol. Ne pas regarder, ne surtout pas regarder. « Faut que j’dorme. » Ça serait plutôt une bonne idée, oui. J'en ai besoin aussi si je veux me remettre les idées d'aplomb. « Merci… » Kai vient se lover dans mes bras et mon coeur manque un nouveau battement. Mes bras s'enroulent naturellement contre son corps pour attirer la jeune femme contre moi. « Je te prête mon lit pour ce soir. » Dis-je en laissant échapper un petit rire amusé d'entre mes lèvres. Ce n'est pas mon lit justement mais le sien. Et je ne vais pas la laisser retourner dans son canapé après la soirée de merde qu'elle vient de vivre. « On échange les rôles. » Je l'aide à s'allonger avant de m’asseoir au bord du lit. « Je vais rester là un moment le temps que tu t'endormes... et après je partirais. » Ma main vient se poser sur la sienne, mon regard agrippant le sien. Elle ne devrait pas mettre beaucoup de temps à rejoindre les bras de Morphée vu dans l'état où elle est. C'est pas plus mal finalement. Et pourtant, je rêve que cet instant puisse durer le plus longtemps possible. J'espère même secrètement qu'elle me demande de dormir avec elle. Lovée dans les bras l'une de l'autre. Comme avant.

Je ne réfléchis pas. Ce soir, mon cerveau est comme un peu déconnecté, il a marché trop fort un peu plus tôt dans la soirée lorsque je me suis retrouvée en face de Todd et de Sawyer. Alors maintenant que je suis un peu plus calme, que l’alcool a embué mes pensées, je me laisse aller plus facilement. C’est d’ailleurs le plus naturellement du monde que je viens me presser contre le corps de Kezia dans une étreinte douce et agréable. Je laisse traîner mon nez dans son cou, comme pour me remémorer le parfum si singulier de sa peau. La chaleur de ses bras autour de moi me fond du bien sans que je n’en sois totalement consciente. Ce n’est pas plus mal, je crois que sans l’alcool, je serai bien incapable d’un tel rapprochement avec la jeune femme. « Je te prête mon lit pour ce soir. » lâche-t-elle en riant le plus naturellement du monde. J’ai toujours adoré son rire enfantin, je comprends pourquoi Wyatt a craqué pour elle. « Tu me prêtes mon lit tu veux dire. » Je ris un peu, très légèrement, mais j’ai l’impression d’être au ralenti, c’est dingue. Je tiens à peine sur mes jambes. Kezia m’aide à me diriger jusqu’au lit, le mien qui est devenu le sien depuis qu’elle est arrivée. Elle a mis son odeur partout. C’est grisant. Elle m’aide à m’allonger et je me laisse couler sous la couette comme dans un petit nid douillet, enveloppée dans l’odeur de ma demi-soeur. « Je vais rester là un moment le temps que tu t'endormes... et après je partirais. » Je gigote un peu pour trouver ma place et grogne quand je l’entends dire qu’elle compte partir. Je souffle alors, dans un semi-sommeil. « Non, reste. » Je ne suis plus trop consciente, c’est mon coeur qui parle pour moi je crois. Je me pousse un peu et profite que sa main soit toujours dans la mienne pour l’attirer plus près, pour qu’elle se couche. Les yeux déjà clos, Morphée ayant déjà cherché à m’attirer à elle, je me contente de sentir le corps de Kezia s’allonger tout près de moi. J’entends sa respiration, je sens son odeur, et je me laisse sombrer dans les méandres de mon sommeil, rassurée par la présence de la brune, sans en comprendre les fondements.

Le réveil est difficile, j’ai du mal à émerger, j’ai mal à la tête et j’ai soif comme si je n’avais pas bu depuis dix jours. Mais lorsque mon corps se réveille, que mon esprit le suit doucement, je sens cette main au creux de mon ventre, enroulée autour de mon corps. Je sens la chaleur d’un autre corps dans mon dos épousant le mien et mon coeur s’accélère. J’ai du mal à me souvenir de ma soirée, tout revient morceau par morceau, comme un puzzle dont il manque un paquet de bouts. Je regarde cette main, remarquant qu’il s’agit d’une main féminine. Bordel. Mon coeur bat plus fort encore. Je regarde autour de moi, reconnais ma chambre, et je m’empresse de vérifier si je ne suis pas nue, fort heureusement. Doucement j’essaie de me retourner, et mon regard se pose sur Kezia. Merde. Qu’est-ce que j’ai foutu ? Qu’est-ce qu’elle fout là ?? Elle se réveille et je reste immobile à la regarder, comme une conne. Et maintenant on fait quoi hein ? Je sais même pas ce qu’il s’est passé, et ce que je fais ici dans ce lit tout contre elle…

Je joue peut-être avec le feu sans même en avoir conscience. Mais c'est un sentiment que je n'arrive pas à contrôler. Kai, c'est Kai et c'est comme ça. Elle seule a le don de me faire sentir aussi bien. Et me retrouver aussi proche d'elle me fait complètement perdre la tête. J'en viens même à m'imaginer des choses. C'est surement la fatigue qui me joue des tours. Elle m'a réveillé en plein milieu de la nuit, je n'ai pas les idées claires. Ou pas. Mon coeur, lui, n'a jamais été aussi sûr. « Non, reste. » Pendant quelques secondes, je me demande si les mots que Kai vient de murmurer sont vraiment réels. Peut-être est-ce simplement un rêve. J'ai dû le penser un peu trop fort. Mais quand je sens sa main dans la mienne me pousser à m'allonger à ses côtés, mon coeur s'accélère brusquement dans ma poitrine. Non, je ne suis pas en train de rêver. Dans mon esprit, c'est la folie. Mais je m'efforce de ne rien laisser paraitre. Surtout pas. Je m'installe confortablement près d'elle sans rien dire calant ma respiration au rythme de la sienne. Kai semble déjà dans un demi-sommeil alors que j'essaye doucement de me détendre. C'est elle qui m'a proposé de rester, je n'ai rien à craindre. Même si j'espère qu'elle n'oubliera pas ce détail à son réveil. Je ne veux surtout pas revivre un nouveau conflit. Finalement je m'endors peu de temps après ma demi-sœur, le coeur plus léger. Je sais que notre proximité retrouvée y est pour beaucoup. Inconsciemment pendant la nuit, mon corps vient se blottir en cuillère contre celui de Kai. Une habitude qui revient sans doute un peu trop facilement. Mais je me sens bien - mieux que jamais. C'est une sorte de réflexe que je suis incapable de maitriser. Je dors, c'est pas comme si je pouvais m'en rendre compte. Au petit matin, je sens le corps de la jeune femme commencer à bouger. Elle se retourne et j'émerge avec difficulté. Kai me regarde bizarrement et je comprends vite son incompréhension. Merde, elle ne doit pas se souvenir de ce qu'il s'est passé. La gueule de bois du lendemain. Je me frotte un peu les yeux avant de me redresser. Reste calme, ne panique pas. « Ça va mieux ? » Je tente un sourire un peu gêné avant de rajouter. « Tu n'étais pas dans un très bon état hier soir. » Ce n'est pas un reproche... juste une façon comme une autre de tenter de rétablir la situation. Mais Kai ne réagit toujours pas, le visage fermé. Et ça me fout une putain de boule au ventre. J'ai peur de sa possible réaction. « Tu voulais que je reste avec toi... » Je ressens rapidement un besoin cruel de me justifier. Je ne veux pas qu'elle se fasse d'autres films. Même si mon coeur se serre dans ma poitrine rien qu'à l'idée qu'elle ne se souvienne plus de ce rapprochement.

Le réveil est difficile, très difficile. Ma tête semble avoir envie d’exploser, les souvenirs ne me reviennent que par bribes, et encore. Et plus fou encore, un bras est enroulé autour de moi, un bras féminin, le bras de ma semi-soeur. J’ai du mal à comprendre ce que je fais la, mon cerveau ne semble pas vouloir se réveiller assez vite. Je me tourne face à elle, cherchant à trouver des indices qui pourraient me dire s’il s’est passé quelque chose ou non. « Ça va mieux ? » demande-t-elle encore un peu endormie. Je reste immobile, ne lui réponds même pas. « Tu n'étais pas dans un très bon état hier soir. » Cette fois je laisse échapper un soupire. Oui, ça y est, les images de la soirée me reviennent. Todd, Sawyer, mon retour à la maison est un peu vague, j’ai du mal à reconnecter tous les morceaux. Je ferme les yeux et passe frénétiquement mes mains contre mon visage comme si ça allait m’aider à me réveiller. « Tu voulais que je reste avec toi... » Je la regarde cette fois. Elle a sans doute raison, elle ne dirait pas un truc pareil si c’était juste pour me faire chier, pas avec cette tête en tout cas. « Si tu l’dis… ». Je lui suis reconnaissante d’avoir été là pour moi, mais j’ai un peu l’impression qu’elle en a profité, j’en sais rien, mais ça me met mal à l’aise, rien que d’imaginer à nouveau son bras autour de ma taille, sa main posée sur mon ventre… Pourtant, à cette pensée un frisson me parcourt. « Juste… » Je plonge mon regard dans le sien. « Il s’est rien passé ? Enfin j’veux dire, entre nous, tout ça… j’étais pas dans mon état normal… » Je me raccroche à son regard, espérant qu’elle me dise que non, il ne s’est rien passé entre nous. Je sens que ma question la déstabilise, plus encore elle a l’air de la blesser, et je m’en veux pour ça. Elle me rassure en me disant que non, et je viens chercher sa main avec cette fois un peu plus d’humanité. « Merci d’avoir été là Kez… » Je tente une esquisse de sourire, même si là, j’me sens pas super bien, repenser à mon mec qui me trompe possiblement avec un autre mec. Quelle horreur. « J’vais aller prendre une douche.. » Faut que je m’échappe un peu, que je me retrouve seule, que je pleure aussi, et j’ai pas envie de le faire devant elle…