and then... life changes (kelley family)

« Mme Kelley ? » Je sursaute en entendant une voix me rappeler à l’ordre et immédiatement je reprends conscience, serrant davantage la main de Stella dans la mienne, alors que je sais qu’elle est inconsciente. Ce sir, Rylee et Stella ont eu un accident de voiture, et si ma fille - dieu merci - s’en est plutôt bien sorti, avec quelques petites fractures et ecchymoses, mon ex femme elle, a eu beaucoup moins de chance. Je regarde son visage tuméfié, éteint, ses yeux clos et son thorax qui se soulève lentement, seulement grâce à la respiration artificielle. Ils ont été obligés de la plonger dans un coma artificiel, sans aucune certitude que ça puisse la ramener à la vie. Les médecins ont été clairs, elle est entre la vie et la mort, et seul l’avenir pourra nous dire si elle aura une chance de s’en sortir. En attendant, il faut seulement prier.

J’ai envoyé un message à Casey et à Joy, elles ne devraient plus tarder. « Je vais vous demander de quitter la chambre pour ce soir, allez vous reposer. » Il n’en est pas question, je dois encore veiller sur mon aînée. Je serre un peu les dents et me contente d’un léger hochement de tête, déposant un baiser sur le dos de la main de Stella avant de quitter la chambre. Je ne cesserai d’espérer son retour parmi les vivants. Je me dirige comme un zombie vers la chambre de Rylee, elle est endormie, elle a besoin de se réveiller. Marley est également au courant, je ne sais pas si elle viendra voir sa ‘meilleure amie’, mais je l’espère. J’ai besoin d’un café. Casey me prévient qu’elle vient d’arriver et je descends dans le hall pour aller la chercher. A peine son visage dans mon champs de vision, je me remets à pleurer, et je viens la prendre dans mes bras. Je ne sais même pas si des mots seraient bienvenus, je suis tellement perdue, mais je vais pourtant devoir dire à Casey ce qu’il en est pour sa mère, de qui elle a toujours été extrêmement proche…

Un accident de voiture. Des mots banals, qui peuvent vouloir dire tout et n’importe quoi, mais qui offrent une dichotomie importante. La vie ou la mort. C’était là qu’il fallait apporter des précisions. Etait-il grave ? Etait-il bénin ? Un accident de voiture. C’était trop vague. Je manquais d’information alors que je quittais l’appartement de Lou. Je ne lui avais pas dit exactement de quoi il retournait, simplement que ma mère me demandait de venir en urgence. Je préférais ne pas lui faire montre de ma panique, garder encore un peu de distance pour le moment. Elle n’avait pas regagné toute ma confiance.
Quand je quittais son immeuble puis le uber que j’avais appelé, mes pas me semblait incommensurablement lourds. Je portais les bottes de plomb de l’inquiétude et mon regard sur les portes de l’hôpital. Elles coulissaient régulièrement pour régurgiter quelques patients ou membres d’une famille anonyme. Une famille détruite ou éternellement soulagée. Je ne savais pas encore dans quelle catégorie j’allais me situer.

Je prenais cinq minutes de trop à sortir mon téléphone et à annoncer mon arrivée à Loan. L’amélioration de notre relation s’était vue brisée par la révélation de Rylee, même si ce n’était pas ce que celle-ci avait voulu en me l’annonçant. Mais comment faire autrement. Rylee était ma grande sœur, elle m’avait protégée quand on ne se tirait pas les cheveux, puis on se racontait tout, tout le temps, jusqu’au divorce. Le coup de la séparation s’était étendu les répliques d’un tremblement de terre. Avec Maman, ça avait été différent. On avait jamais été aussi proches.
Le temps que Loan mit à rejoindre le hall pour venir me chercher, j’envisageais déjà le pire, pour l’une comme pour l’autre. J’aurais dû demander des détails, des explications. Comment, pourquoi, allaient-elles bien ? J’espérais des égratignures mais me préparais à tellement pire.

Enfin, je reconnaissais la silhouette de la femme qui m’avait en partie élevée. Je la rejoignais rapidement et ce fut une boule de bowling qui tomba au fond de mon ventre quand je vis ses larmes. Je me précipitais vers elle et j’oubliais les conflits pour la prendre dans mes bras. Longuement. Il faisait trop chaud pour ça, mais sur l’instant je m’en fichais. Mes habits collaient ma peau, et je me souviens m’être dit qu’ils étaient trop rêches ce matin. J’aimerais retourner à cette considération si simple, si banale. Comme un accident de voiture.
Je relâchais finalement l’étreinte. Je devais savoir.
« Comment vont-elles ? »
Ma voix tremblait malgré mon masque de détermination à ne pas me laisser abattre. Soudainement, je ne voulais plus savoir tant que ça.

Je sais que mes relations avec Casey sont comme un yoyo, depuis mon divorce avec Stella, ça n’allait plus entre ma fille cadette et moi, et puis nous avons réussi à nouer quelque chose à nouveau, avant que tout ne tombe en lambeaux lorsqu’elle a fini par apprendre ma liaison avec la meilleure amie de Rylee. Tout s’est embrouillé, tout est allé trop vite, les filles ne savent même pas que j’avais réussi à retrouver un semblant d’équilibre avec Stella il y a quelques semaines. Nous avions décidé de garder ça secret en attendant de voir où ça allait nous mener, et tout est remonté à la surface, l’histoire avec Marley a brouillé tous les débuts de confiance que j’avais réussi à regagner chez mon ex-femme. J’arrivais enfin à voir le bout du tunnel, et notre dernière dispute à propos de Rylee me reste en travers de la gorge. La dernière chose que j’ai demandé à Stella avant son accident, c’est qu’elle me fasse à nouveau confiance parce que mes sentiments étaient réels. Elle le savait, je ne mentais pas lorsque j’étais avec elle.

Casey vient d’arriver et je descends la chercher, la prenant dans mes bras sans réfléchir, parce que dans ces moments là, je vous assure qu’on ne réfléchit pas. Je la serre contre moi, laisse mes larmes rouler le long de mes joues pour venir s’échouer sur le t-shirt de ma fille. Nous restons là l’une contre l’autre quelques longues secondes, une dizaine, une vingtaine, je la serre un peu plus fort avant de la sentir s’éloigner, plongeant son regard dans le mien. « Comment vont-elles ? » demande-t-elle avec cette peur inscrite sur ses traits fins. Je tends la main pour venir chercher la sienne et déglutis avec difficulté. « Rylee a eu beaucoup de chance, elle s’en tire avec quelques petites blessures, et une fracture, mais rien de grave. » Je serre un peu les mâchoires avant de passer à la suite, parce que je sais que vient alors le plus douloureux. « Et maman est… » Je souffle pour arriver à trouver le courage, serrant davantage sa main dans la mienne. « Ils l’ont plongée dans un coma artificiel, pour avoir une chance de peut-être la sauver, mais rien n’est sûr… » La fin de ma phrase est tellement soufflée, coincée dans ma gorge, que j’ai presque peur de devoir la répéter si Casey ne l’a pas entendue…

Je cherche des réponses dans le regard de Loan, comme l’enfant que j’ai été un jour, attendant des réponses à des questions difficiles. Qu’est-ce que la mort, où est parti Mitch le lapin nain du fils des voisins ? Aujourd’hui je savais mais j’aurais préféré ne pas comprendre parce que je ne voulais pas m’imaginer face à un trou qu’on s’apprête à remplir de bois de terre et de chair.
Un premier soulagement me saisit quand je l’entends me dire que Rylee va bien. Quelques blessures, un os brisé, mais réparable. Un miracle quand on se dit que c’était sans doute elle assise à la place du mort.
Je serre les mains de Loan pour l’encourager à continuer, j’ai besoin de savoir. C’est viscéral, je sens mes entrailles former un nœud quand je l’entends hésiter, puis mon cœur se stoppe un instant. Rien n’est sûr. Elle est plongée dans un coma artificiel. Ca voulait dire qu’ils pouvaient la réveiller non ? Si c’était artificiel… elle allait se réveiller non ? Ils pouvaient la sauver. Rien n’est sûr ? Ils étaient des médecins, bordel, ils passaient des années à étudier, s’il ne pouvaient pas sauver une vie, s’ils ne pouvaient pas sauver cette vie, la plus importante de toute, alors à quoi servaient-ils ?
Je sentais mon calme se perdre à l’annonce, alors que mes pensées se déroulent dans mon esprit traitre. Mes mains se resserraient sur celles de Loan bien malgré moi, tremblantes.
« Ils peuvent la sauver non ? Ils vont la sauver. Ce n’est pas possible autrement, elle ne va pas… elle ne peut pas. Je la connais je sais qu’elle va se battre et se réveiller. »
Malgré tous mes efforts la conviction dans ma voix est inexistante. Je la sens trembler contre la boule qui s’est formée dans ma gorge. Elle ne nous abandonnerait jamais. Des pas s’arrêtant devant nous attira mon attention et je me tournais vers l’infirmière qui venait de nous rejoindre.
« Excusez-moi, madame Kelley ? Votre fille s’est réveillée, nous sommes en train de la calmer mais elle vous réclame. »
Je me tournais vers Loan et attendait qu’elle prenne le pas pour suivre l’infirmière et rejoindre la chambre de Rylee. J’essayais de relayer Maman dans un coin de mon esprit pour me concentrer sur ma sœur un instant, sans réel succès.

Je déteste voir cette émotion dans les yeux de ma fille, je déteste avoir à lui dire une chose pareille. Il y a presque autant de chances que sa mère se réveille, comme autant qu’elle ne se réveille pas. Peut-être qu’elle ne pourra plus lui parler, lui sourire, rire avec elle, partager tout ce qu’elles avaient encore à partager. Mon dieu, ces simples pensées font encore rouler les larmes sur mes joues. Je ne veux pas mes filles orphelines d’une mère, me retrouver à finir de les élever seule, je ne suis pas assez forte, j’ai besoin de Stella, j’ai besoin qu’elle reste parmi nous. « Ils peuvent la sauver non ? Ils vont la sauver. Ce n’est pas possible autrement, elle ne va pas… elle ne peut pas. Je la connais je sais qu’elle va se battre et se réveiller. » Je hoche péniblement la tête, j’espère, au moins autant qu’elle si ce n’est plus. « On va tout faire pour que ce soit le cas chérie, je te promets. » Je me battrai avec elle s’il le faut.

Mais avant que nous ayons pu poursuivre cette discussion, une infirmière s’avance vers nous pour s’adresser à moi, je lâche alors une des mains de Casey mais garde l’autre bien au creux de ma paume. Elle m’explique que Rylee est réveillée et qu’elle me réclame. « Bien sûr, j’arrive. On arrive. » Je lâche alors la main de ma fille et me dirige vers l’étage où se trouve la chambre de Rylee pour la rejoindre au plus vite. « Chérie ! On est là mon ange, on est là. » Je m’approche du lit et la vois immédiatement rassurée de voir des visages connus. Je m’appuie sur le bord du lit et caresse doucement son visage. Je sais que la dernière fois qu’on s’est parlées, on s’est disputées à propos de Marley. Mais là, c’est différent, elle reste ma fille, je me suis inquiétée pour elle, c’est légitime, et j’en oublie tout, même nos querelles. « Comment tu te sens ? Tu as besoin de quelque chose ? »

Ses phalanges tremblaient, peinaient à tenir le smartphone. Durant de longues secondes, elle gardait son regard vrillé sur l’écran, même après que celui-ci se soit verrouillé, effaçant les mots. Parce que ce qu’ils racontaient n’avait pas disparu, que tout cela lui restait en tête, étouffait le reste de ses pensées. Stella et Rylee avaient eu un accident. C’était Loan qui la prévenait. Tout cela avait l’allure amère d’un mauvais rêve et la blonde fut même forcée de se pincer le bras pour vérifier si tout cela était réel. Mais oui, la douleur se faisait bien présente, la faisait grimacer légèrement. Elle était pourtant bien minime par rapport à la peur qui agitait son cœur. Elle devait dormir chez une amie ce soir-là, y avait déjà passé toute l’après-midi. Joy ne savait pas comment lui dire, comment expliquer pourquoi elle devait partir. Alors elle avait redressé son regard larmoyant vers elle, l’avait fixée pendant ce qui semblait être une éternité, puis lui avait montré le message sur son téléphone. Ces quelques pixels qui parvenaient à déchirer son cœur, eurent l’air de causer un raz-de-marée chez celle qui lui faisait face. Elle lui proposa tout de suite de prendre sa voiture pour aller le plus rapidement possible à l’hôpital et Joy la remercia d’une voix tremblante. Le trajet lui parut durer deux éternités et demi, au moins. Elle conduisait sans faire attention, fixant la route presque sans la voir, alors que le GPS de son téléphone lui soufflait la route vers l’hôpital. Les larmes continuaient d’inonder ses yeux alors qu’elle s’imaginait le pire – même si elle était encore en deçà de la réalité. Joy finit par garer la voiture de son amie sur le parking et rejoignit l’intérieur au pas de course. « Bonsoir. Je… Je cherche ma mère et ma sœur. Kelley-Moore, ça vous dit quelque chose ? » Des sanglots lui étranglaient la voix, sans qu’elle puisse les retenir. Derrière le bureau de l’accueil, une dame fit quelques recherches rapides avant de lui indiquer le bon étage et de lui fournir les numéros de chambres. Joy la remercia rapidement avant de se précipiter vers les ascenseurs où beaucoup trop de personnes attendaient. Tant pis. Elle empruntait les escaliers pour gagner du temps, jusqu’à atteindre le bon service. Elle errait en regardait les numéros de chambres fièrement affichés sur les battants de bois. Joy avait du mal à voir quoi que ce soit en raison de ses yeux humides. « Bonsoir, excusez-moi. Les visites sont terminées. » lui indiquait une femme du personnel soignant, faisant sursauter la blonde. « Ma maman vient de m’appeler. Ma- mon autre maman… Et ma sœur. Elles ont eu un accident. » Joy peinait à parler, à trouver les mots justes pour s’exprimer. « Rylee Kelley et Stella Moore ? » L’adolescente hochait vivement la tête, à la positive. « Il me semble que votre famille est dans la chambre de votre sœur, suivez-moi. » La soignante lui offrait un sourire triste, compatissant. Joy tentait de lui sourire en retour, mais ses lèvres s’étiraient plus en une grimace douteuse, emplie de douleur. Elle suivit néanmoins cette femme jusqu’au devant d’une porte. La chambre de sa sœur. Rapidement, elle la remerciait avant de venir toquer sur le battant, effleurant à peine le bois de son poing. Elle attendit quelques secondes avant d’actionner la poignée pour s’engouffrer à l’intérieur, refermant aussitôt derrière elle. Telle une ombre, elle vint se placer à côté de Casey, lui attrapant la main. Elle avait besoin de lui tenir la main, c’était plus fort qu’elle, même si elle n’était pas sûre que sa sœur apprécie le geste. Joy adressait un regard à sa sœur avant de reporter son regard vers Rylee. Etendue sur le lit avec des fils partout, des machines qui émettaient de puissants bruits… Joy en avait des vertiges.

Les couloirs étaient interminables. Les néons nous éclairaient, projetaient contre les murs des ombres nets et surréels qui me faisaient froid dans le dos. On s’arrêta dans la chambre de Rylee. J’entendais les machines avant de les voir : les bip réguliers étaient comme la respiration d’une bête endormie et inquiétante, qu’on ne voulait pas réveiller ou au contraire voir disparaître. Je restais immobile. J’adorais les couleurs mais je trouvais celles qu’arboraient ma sœur sans le vouloir horrible. Les traces d’une tragédie bien trop physiques.
Loan fut la première à venir s’installer sur le bord du lit et je voulais la suivre, contourner le matelas pour m’asseoir de l’autre côté, mais les paroles de Rylee avaient transformées mes jambes en pierres que je ne parvenais pas à bouger. Les tremblements, les larmes, l’hésitation, je ressentais sa peur comme la mienne. Je voulais la prendre pour la faire disparaître, rendre au monde sa lumière. Comme si rien n’avait changé, comme si on allait rentrer s’asseoir autour de la table pour boire un bon café – ou chocolat chaud dans le cas de Joy.
Ce fut à cette dernière de faire son entrée.
Mon visage livide se tourna vers elle.
Joy.
Elle vint me prendre la main et je me tournais complètement vers elle pour passer mon bras libre autour de son épaule. Et je la serrais. Je ne sais pas vraiment si je la serrais plus pour moi ou pour elle, mais mes doigts formèrent un poing là où j’attrapais la fabrique du tissu de ses habits comme pour m’y raccrocher. Son odeur me rassurait un peu. Je me disais qu’au moins elle allait bien, comme Loan, et presque comme Rylee, et quelque part dans mon esprit c’était un signe que tout allait bien se passer. Qu’il ne pourrait rien nous arriver.
Je suppliais un Dieu inconnu de nous venir en aide en cet instant pour exaucer mon souhait car si les médecins ne savaient pas, alors peut-être que Lui aurait une réponse à m’apporter. Mais c’était oublié la cruauté des Puissants, alors je décidais de prendre sa place au moins pour Joy.
Enfin, je la libérais. Je prenais son visage entre mes mains et j’essuyais le sillon des larmes qu’on pouvait encore voir avec douceur avant de déposer un baiser contre son front. Je sentais le besoin de la rassurer alors que notre mère faisait la même chose auprès de Rylee.
« Hey. Ca va aller, » répondis-je à une question encore informulée. Je déglutissais difficilement quand mon regard se posa de nouveau sur Rylee et je retenais mes larmes. Je devais être forte. « Viens. »
Je prenais de nouveau sa main et je nous avançais vers le lit, plus proche. Assez pour entendre ses dernières paroles qui me firent froncer les sourcils. Je contournais M’man pour poser nos mains dans son dos et me pencher vers Rylee pour déposer un baiser contre son front à son tour.
« Non. C’est pas ta faute. »
L’infirmière arriva ensuite et je retirais ma main du dos de Loan et de celle de Joy pour lui permettre d’aller parler avec l’infirmière en-dehors de la chambre si nécessaire, ou au moins se tourner vers elle.

 « Qu'est-ce qui s'est passé maman ? Où est Stella ? » Ma gorge se serre en entendant les mots étouffés de mon aînée, ses questionnements vis à vis de sa mère qui conduisait la voiture lorsqu’elles ont été percutées toutes les deux. « Elle… » Je n’arrive pas à parler, un seul mot est sorti et il est quasi inaudible, bloqué par cette boule qui entrave le passage, qui prend toute la place dans ma gorge. « On... On était dans sa voiture et après … Oh maman.. S'il te plaît ! » Je ferme les yeux un instant, serre un peu plus la main de Rylee dans la mienne. « Chérie… » « Où est-elle, Maman ? »[/color] Je prends une inspiration un peu plus importante, alors que je n’ai même pas entendu Joy arriver, trop concentrée à savoir comment répondre à ma fille sur l’état de sa mère. « C'est de ma faute… » Je prends une inspiration mais Casey est plus rapide que moi. « Non. C’est pas ta faute. » Je secoue la tête et tente une esquisse de sourire tout en caressant sa joue. « Bien sûr que non, ça n’est pas ta faute mon ange. Maman est dans une chambre, pas loin. Elle… » Mon dieu, je suis obligée de répéter ça alors que j’ai déjà eu du mal à le dire à Casey, et j’ignore même que Joy se trouve dans la pièce. Je sens la main de Casey dans mon dos, comme si elle cherchait à me donner de la force, et je retiens mes larmes au maximum. « Ils l’ont endormie, plongée dans un coma artificiel, pour essayer de la sauver, mais les… les chances sont minces… » Mon menton se met à trembler et je suis sur le point de fondre en larmes quand une infirmière s’adresse à moi. « Madame Kelley, votre fille doit rester en observation jusqu'aux retours des examens. » Je hoche la tête et me tourne vers la voix, me rendant alors compte que Joy est ici elle aussi. « Mon coeur… » Je ne me retiens pas et viens chercher son étreinte, la serre contre moi, fort, très fort, caressant ses cheveux pour m’imprégner de leur odeur, comme lorsqu’elle était enfant. « On est ensemble. Ça va aller. Ça va aller. » Je m’en persuade. Prenant la main de Joy et celle de Casey dans mon autre main, je viens les déposer une à une sur celle de Rylee, tout doucement. « On va s’en sortir, je vous le promets, et on va donner toutes nos forces à maman. Et à toi mon ange pour que tu sortes rapidement de là. » ajouté-je en plongeant mon regard dans celui de Rylee. Je dois être forte. Pour elles. J’ignore si je serai à la hauteur si Stella est amenée à nous quitter, mais je ne veux surtout pas penser à ça.

Joy était rassurée de sentir que Casey était réceptive. Que non seulement, elle ne lâchait pas sa main, mais qu’elle venait en plus l’enlacer dans une étreinte réconfortante. Ça avait l’avantage de lui réchauffer le cœur. La blonde fermait les yeux alors qu’elle enfouissant son visage contre l’épaule de sa sœur, sentant des larmes tracer leur route sur ses joues. Casey se reculait alors, essuyant ses larmes avec douceur à l’aide de son pouce. « Hey. Ca va aller. » lui glissait-elle, comme si elle avait réussi à capter les questionnements qui se bousculaient dans l’esprit de Joy. « Viens. » ajoutait-elle d’une voix douce alors qu’elle l’entrainait sans lâcher sa main, l’incitant à s’approcher un peu plus de maman Loan. Elles se plaçaient toutes les deux d’un côté et de l’autre de leur mère, leurs deux mains posées ensemble sur son dos. Casey était adorable, elle pensait au bien être de chacune alors qu’elle-même devait se sentir détruire. « Où est-elle, Maman ? » s’élevait la voix de Rylee. Une nouvelle fois, la gorge de Joy se nouait, les larmes menaçaient de rouler sur ses joues. « C'est de ma faute… » ajoutait Rylee. Joy aurait voulu répondre mais elle n’y arrivait pas. C’était pour ça qu’elle était restée silencieuse depuis qu’elle était entrée dans la pièce. Heureusement, Casey était là. « Non. C’est pas ta faute. » Maman Loan ne tardait pas à acquiescer à ces mots. « Bien sûr que non, ça n’est pas ta faute mon ange. Maman est dans une chambre, pas loin. Elle… » Joy se contentait d’hocher la tête pour montrer qu’elle était d’accord avec les deux autres. Rylee n’y était pour rien. Forcément. Maman Stella ne devait y être pour rien non plus. C’était juste la vie qui était injuste. « Ils l’ont endormie, plongée dans un coma artificiel, pour essayer de la sauver, mais les… les chances sont minces… » Joy plantait ses dents dans l’intérieur de sa joue alors qu’une nouvelle fois, les larmes lui montaient aux yeux. Pourtant, elle voulait rester optimiste. Maman Stella allait s’en sortir, c’était obligé. Elle ne pouvait pas les laisser. « Madame Kelley, votre fille doit rester en observation jusqu'aux retours des examens. » survint la voix d’une infirmière. La blonde ne se retournait même pas pour la regarder, contentant de fixer Rylee à travers ses yeux emplis de larmes. Mais cette interruption de leur discussion parut faire comprendre à maman Loan qu’elle était arrivée, qu’elle était là, avec elles. « Mon coeur… » Joy tournait son visage vers sa mère, remarquait à quel point elle était bouleversée, elle aussi. Et cela suffisait à réduire à néant ses maigres espoirs. Les chances que Stella se rétablisse étaient minces, bien trop minces. Cette fois, elle ne put réprimer un sanglot alors qu’elle se jetait dans les bras de sa mère, pleurant tout contre elle, comme un enfant ne parvenant pas à contrôler ses émotions. Parce qu’au fond, c’était exactement ce qu’elle était. Une enfant. « On est ensemble. Ça va aller. Ça va aller. » Elle se redressait en hochant la tête. Elle voulait faire l’effort d’y croire. Maman Loan attrapait sa main, venait la placer sur celle de Rylee avec délicatesse, comme elle le faisait aussi avec la main de Casey. Leurs quatre mains se trouvaient unies, et ça pouvait vraiment leur donner de la force, dans le fond. « On va s’en sortir, je vous le promets, et on va donner toutes nos forces à maman. Et à toi mon ange pour que tu sortes rapidement de là. » De sa main libre, Joy essuyait ses yeux toujours humides, pour venir offrir un semblant de sourire à Rylee. Elle devait faire comme Casey, essayer de se montrer forte. « Ça va aller. » répétait-elle d’une voix légèrement tremblotante. « Et quand on rentrera à la maison, ce sera comme avant. Et on te cuisinera ton plat préféré, Rylee. Pour te remonter le moral. Et on fera des jeux de société avec maman, et on rira comme avant. » C’était un bon plan, non ? Joy voulait se convaincre que les choses pourraient se dérouler ainsi, que le lendemain sa maman et sa sœur pourraient sortir de là, et que dans une semaine, tout au plus, ce mauvais passage de leurs vies serait derrière elles. Elle voulait vraiment y croire, parvenait même presque à se convaincre que les choses allaient bien se passer.

Nous nous devons, toutes les trois, de rassurer Rylee. Il est évident que rien n’est de sa faute. Je ne sais pas exactement ce qu’il s’est passé, j’ai eu juste quelques infos venant du personnel de santé. Un accident de voiture, Stella était au volant, et je ne vois pas comment Rylee pourrait être à l’origine de l’accident, à moins qu’elle ait volontairement donné un coup de volant mais je la pense totalement incapable de ça. Surtout vu dans l’état dans lequel elle est vis à vis de sa 2ème maman. nous nous réunissons toutes les quatre. Il est évident que nous pensons toutes à Stella, nous aimerions qu’elle soit là, elle aussi, pour s’unir à nous, comme la famille que nous étions, et que je rêvais que nous soyons à nouveau. Joy annonce à sa soeur aînée que nous lui lui préparerons son plat préféré et j’esquisse un sourire, juste avant que Rylee ne plante son regard dans le mien pour me demander « Maman, s'il te plait, je vais bien, fais-moi sortir d'ici ! Rentrons à la maison. S'il te plait ! » Son regard embrumé me brise le coeur, elle a encore des électrodes partout pour la surveiller, des pansements, et je me sens bloquée dans la réponse à lui donner, mais Casey prend le relais avant que je n’ai réussi à dire quoi que ce soit. « Il vaut mieux que tu restes Rylee. Un accident est traumatique, ils ne savent pas encore exactement dans quel état tu es, s’il n’y a pas… d’autres risques. » Je hoche alors doucement la tête en tentant de ne pas garder ces traits trop durs de par la fatigue et l’angoisse perpétuelle. « Casey a raison mon ange, il faut que tu restes, au moins cette nuit, on verra demain ce que les médecins dirons. Mais je reste avec toi. » Il n’est pas question que je la laisse seule. Casey prétexte un besoin de prendre l’air, et aller nous chercher de quoi boire et manger, mais en croisant son regard, je comprends exactement ce qu’elle veut faire. Elle veut aller voir Stella, et je ne peux l’en empêcher. Je hoche à peine la tête, doucement, lui faisant comprendre que j’ai compris, mais que je ne dirai rien. Elle s’éclipse et je reste avec Joy et Rylee quelques secondes, avant de plonger mon regard dans celui de ma cadette. « Chérie, tu restes avec ta soeur juste le temps que j’aille fumer une cigarette ? Je vais appeler Jazz pour la prévenir. » Cette dernière a le droit d’être au courant étant donné qu’elle est quand même la soeur de Stella. Je m’éclipse alors et me dirige vers la chambre de mon ex femme, y retrouvant Casey. Je glisse une main dans son dos doucement pour lui signifier ma présence, les yeux rivés sur Stella qui respire par la simple présence des machines.

Elle était à cette étape charnière de sa vie où les rêves de l’enfance se mêlaient à la lucidité de l’âge adulte. Son corps était la marque de perspicacité ; son estomac se tordait d’angoisse, son cœur se serrait de peine et son cerveau fourmillait d’un millier de pensées lugubres. Pourtant, ses mots restaient teintés de cette enfance qu’elle n’était pas encore prête à abandonner. C’était ça, l’adolescence. Lorsqu’elle avait dit à Rylee de ne pas s’inquiéter, qu’elles allaient rentrer toutes ensembles à la maison et qu’elles allaient lui préparer son repas préféré, elle voulait y croire. Pourtant, une voix dans sa tête lui criait qu’elle était une idiote de penser que tout serait si simple. Mais ses mots parurent trouver une résonnance chez sa sœur. Du moins, son regard semblait briller d’espoir et cela réconforta quelque peu Joy. « Maman, s'il te plait, je vais bien, fais-moi sortir d'ici ! Rentrons à la maison. S'il te plait ! » Elle tournait à son tour son visage vers sa mère, attendant, pleine d’espoir, sa réponse. A la place, ce fut Casey qui reprit la parole. « Il vaut mieux que tu restes Rylee. Un accident est traumatique, ils ne savent pas encore exactement dans quel état tu es, s’il n’y a pas… d’autres risques. » Le cœur de Joy se serra. Au fond d’elle, elle pensait que ce qu’il fallait le plus à sa sœur, c’était l’amour de sa famille. Mais elle n’y connaissait rien à la médecine. Alors Casey avait peut-être raison. « Casey a raison mon ange, il faut que tu restes, au moins cette nuit, on verra demain ce que les médecins dirons. Mais je reste avec toi. » Joy s’apprêtait à dire qu’elle voulait rester aussi, qu’elle était incapable de laisser sa sœur seule. Mais elle n’en eut pas le temps. « Dites moi ce que vous décidez, j’ai besoin de prendre l’air. Je vous ramène à boire et à grignoter. » Et un clin d’œil, Casey disparut, quittant la chambre. Joy ne l’avait jamais vue aussi dévaster et ça lui brisait le cœur. Elle ne savait plus à qui se raccrocher pour trouver un peu d’espoir. Finalement, son regard se plongea dans celui de sa mère, y trouvant une accroche. « Chérie, tu restes avec ta soeur juste le temps que j’aille fumer une cigarette ? Je vais appeler Jazz pour la prévenir. » Joy hochait la tête, sans comprendre ce qui se passait. Pourquoi elles partaient toutes ? Maman venait de dire à Rylee qu’elle restait avec elle et puis d’un coup, elle disparaissait, quittait la chambre. La plus jeune des Kelley prit une profonde inspiration avant de venir s’asseoir là où se tenait sa mère quelques instants plus tôt. « Je reste avec toi Rylee, ne t’en fais pas. » lâcha-t-elle en prenant la main de sa sœur dans la sienne. Elle avait besoin de lui montrer par ce simple geste qu’elle était là, présente pour elle. « Je peux même rester cette nuit, si tu as besoin. Si tu ne peux pas rentrer à la maison, alors c’est la maison qui viendra à toi. » Elle parlait pour ne pas laisser le silence venir encombrer la pièce. Ce silence étouffant avait tendance à lui retourner les tripes d’une façon bien trop désagréable.