les yeux mouillés de pluie. (rylee #2)

J'ai mal à la tête. J'ai mal aux jambes. J'ai mal aux bras. J'ai mal aux yeux. J'ai mal au coeur. Bref. J'ai mal partout. Pourtant ma douleur n'est pas la plus importante. Pourtant ma douleur n'a rien à voir comparée à celle qu'elle peut ressentir ou celle que peut ressentir sa famille. Alors je ne dis rien. Je serre les dents, je serre la mâchoire et je reste à côté de ce lit. A la voir endormie avec ces machines qui bipent, ces bleus sur son corps et ce visage tuméfié. Elle ne dort pas paisiblement, mais elle dort. Moi j'y arrive pas. Noa m'a apporté une couverture et de quoi manger mais j'ai rien pu avaler. Je n'y arrive pas. Alors je reste là, assise sur le fauteuil que j'ai traîné jusqu'au lit, prostrée sous la couverture je tiens la main de Rylee. Cette main froide qui ne bouge que lorsqu'elle se contracte. J'espère que ce n'est pas de douleur, vraiment pas. Pourtant je suis certaine que si. Alors dans ces cas là, je serre ses doigts, doucement, juste pour lui monter que je suis là. Juste pour lui dire qu'elle n'est pas seule. Parce qu'elle ne l'est pas. Je suis là et je ne partirai pas d'ici. Non, personne ne pourra m'en déloger. Même pas la blondasse à l'accueil. Alors celle là que je la recroise pas où je lui refais le portrait. Heureusement que Loan était là. Oui. Heureusement. Je veille sur Rylee, c'est la seule chose qui m'importe maintenant. Je n'ai accepté de la laisser que lorsque les infirmiers ont du l'examiner. Examen de routine durant lequel j'en ai profité pour aller fumer. Juste une clope, juste quelques bouffées de poison pour tenter de me calmer avant de retourner auprès d'elle. Je ne sais pas quelle heure il est mais on est déjà demain, c'est certain. Je retrouve ma place, j'entoure à nouveau sa main des miennes. La fatigue me guette de plus en plus, l'épuisement moral et physique se fait sentir. Je pose ma tête sur le bord du lit, juste à coté de nos mains liées. Juste quelques secondes. Juste pour me reposer. Avant de m'endormir bercée par le bipbip mécanique des battements de son coeur.

Rylee n'était clairement pas à son aise à l'hopital mais qui pouvait bien s'y sentir comme chez lui ? Peut-être qu'elle se serait sentie mieux chez elle si elle n'avait pas été coincée dans cette chambre dépourvue d'âme mais était-ce vraiment ce qui l'occupait ? Non pas vraiment, même si tout le monde disait le contraire, elle se sentait responsable de l'accident de voiture de sa mère. Pour elle, si elle n'avait pas été aussi hystérique en voyant que Stella était entrain de la ramener chez elle, Stella aurait été plus attentive sur la route et rien ne se serait passé comme ça. Cela dit, pour ne pas faire plus souffrir Loan, elle avait préféré rentrer dans une sorte de mutisme pour éviter que les mots douloureux sortent et que les larmes coulent encore. « Votre fille devra rester le temps des examens et des résultats... » Elle avait réagit aussitôt, Rylee voulait quitter cet endroit mais évidemment, c'était les personnes à blouse blanche qui avaient le dernier mot. Ayant particulièrement mal à la tête, elle avait passé un IRM de contrôle et avait eu le droit à un calmant au nom imprononçable pour le commun des mortels pour son bras cassé. Ils ne savaient toujours pas si opération, il devait y avoir. Réussissant enfin à s'endormir d'un sommeil agité, elle revoyait encore les circonstances de l'accident dès qu'elle fermait les paupières. Deux choses l'une, soit elle était coupable alors ses images la hanteraient jusqu'à la fin de ses jours si jamais Stella ne se réveillait pas soit, elle se punissait elle-même en pensant qu'elle l'était vraiment. Oui, la culpabilité la rongeait même durant son sommeil. Elle se réveilla en sentant une larme esseulée qui coulait sur sa joue. D'un geste, elle voulu s'en débarrasser mais quelque chose la bloqua. Le temps qu'elle émergea du brouillard médicamenteux, elle se rendit compte qu'une main la gardait prisonnière. Elle pensa tout de suite à Joy. Elle avait bien vu que sa petite sœur allait avoir besoin de temps pour s'en remettre mais en baissant doucement la tête (pour ne pas réveiller ses migraines), elle remarqua une tête chatain, tirant légèrement sur le clair mais elle la reconnaîtrait entre mille : Marley. Elle prit une profonde respiration mais la douleur dans ses cotes lui rappela qu'elle devait y aller doucement. Elle n'avait rien, d'après le médecin, seulement des hématomes et des brûlures dû aux airbag. Marley dormait, profondément, elle le voyait à sa respiration lente et profonde. Confuse, Rylee n'osa pas trop bouger mais au bout de quelques minutes, sa main commençait à fourmiller alors elle retira doucement sa main. A contre cœur puisque ce contact l'apaisait beaucoup. Toujours avec douceur, elle frôla la joue de la jeune femme d'une caresse timide, volatile. Le geste avait sûrement dérangé la belle endormie puisqu'elle avait gémit en retroussant son petit nez alors Rylee en profita : « Marley... réveille-toi ! » avait-elle appelé doucement. Lorsque cette dernière commença à emerger à son tour, la blonde lui sourit de toutes ses dents : « Comment vas-tu ? (puis elle attrapa une mèche de cheveux pendant que Marley se redressait) sympa la couleur ! » En dehors des douleurs physiques, Rylee souffrait intérieurement mais il n'était pas concevable pour elle de le montrer tout de suite, elle n'était pas prête pour en parler. C'est pour cela qu'elle arborait quand même un petit sourire, ça rassurait tout le temps ça, en générale.

On ne peut pas dire que j’ai dormi d’un sommeil réparateur. J’ai reposé mes yeux, repoussé la fatigue pour quelques heures mais je n’ai pas fait ma nuit. L’installation précaire sur ce fauteuil, le bruit des machines qui me dérangeait, l’angoisse et la peur qui me rongeaient le bide. Malgré tout ça, ce qui me réveilla ou commença à le faire, c’est lorsque je senti la chaleur de sa main s’éloigner de moi. Ca pour le coup, ce fut suffisamment désagréable pour m’extirper partiellement de mon repos. Une caresse sur ma joue me fait frémir et reprendre peu à peu conscience de l’endroit dans lequel je suis. Puis cette voix au loin. ” Marley... réveille-toi ! “ J’ouvre un oeil, observe ce qu’il y a autour de moi, comprend que je suis à l’hôpital, remets peu à peu tout le contexte. Mon regard se pose sur Rylee, réveillée. ” Hey. “ Je tente un sourire avant qu’il ne se transforme en baillement. ” Comment vas-tu ? “ Je me redresse tandis qu’une de mes mèches de cheveux se retrouve prise en otage. ” Sympa la couleur ! “ Je cherche à comprendre de quoi elle parle avant de me souvenir de ce test de couleur chez le coiffeur. ” Merci. “ Je m’étire les jambes, les bras, le dos. Je me remets de cette position douloureuse avant de laisser tomber mes bras sur mes genoux. Maintenant qu’elle est consciente, j’ose pas la toucher. Je ne sais pas par quoi commencer. ” Tu veux un verre d’eau ? “ Je m’en sers un de toute façon, histoire de faire passer la sécheresse de ma gorge causée par l’air sec de l’endroit. Ah les hôpitaux…Je n’aime vraiment pas ça. Reprenant ma place, je glisse ma main sur le lit et caresse distraitement de mes doigts sa paume. ” Ca va j’ai juste eu .. peur. “ Et pas qu’un peu. ” Et toi ? Comment tu te sens ? “ Je parle plus du physique que du mental, parce que ça, j’imagine que ce n’est pas la grande forme.

Sa tête lui tournait, elle n’était pas bien du tout. Evidemment, elle cherchait sa mère, Stella, la dernière personne qu’elle avait vu avant l’accident. Rien, elle ne pouvait voir qu’une jeune femme endormie près d’elle, lui tenant la main. Bordel, cela faisait combien de temps qu’elles ne s’étaient pas touchées. Le cerveau de Rylee vibrait trop pour tenter de se mettre à compter les jours, les heures et les minutes qui la distançaient de la femme qu’elle aimait. Ne sachant pas quoi faire, la douleur dans son bras l’empêchant de réfléchir, elle décida de réveiller Marley. Oui, c’était Marley qui veillait sur elle mais depuis combien de temps. Quand la brunette fut réveillée, Rylee la laissa s’étirer et souria lorsque cette dernière la remercia du compliment. Intérieurement, elle bougea un pied, un genoux et ainsi de suite jusqu’à ce qu’elle se rende compte qu’elle était entière. Impossible pour elle de savoir comment elle avait attéri à l'hôpital. “Tu veux un verre d’eau.” Un verre d’eau. La bouche pâteuse, Rylee tenta de saliver mais asséchée, elle acquiesça doucement de la tête : “Oui, s’il te plait !” répondit-elle en se redressant. Tous ses membres étaient engourdis. Elle répondit : “ça va, j’ai juste.. eu peur.” Mon regard se porta sur Marley : “Oui, je vais b-… Dis-moi, ça fait combien de temps que je suis là ? Et Stella ? Ma mère, comment va t-elle ?” demanda t-elle aussitôt. Son cerveau commençait enfin à reprendre un rythme de travail normal. Peu à peu, les souvenirs lui revenaient. Maman qui était venue la chercher au travail, maman qui essayait de calmer sa fille. Rylee qui commençait à hurler qu’elle ne voulait pas revoir Loan. Et puis trou noir.