brand new chapter | ft Theo

Passant ta paume contre le miroir, écartant la buée, tu observais ton reflet flou, et humide, les prunelles perdues et perplexes. Tu penchas le visage d'un côté, puis de l'autre, étirant ta nuque, ouvrant lentement la bouche. Mais rien. Juste un souffle, léger, simple, à peine audible. Aucun son ne quittant ta gorge. Aucun son n'y ronronnait – comme déserte. Tu le savais. Elle était partie, ta voix. Tu ne savais pas où elle était allée mais elle y était sans toi. Et toi tu restais là. A attendre. Qu'elle revienne ou au contraire – tu restais là pour l'empêcher de revenir. Rien de bon ne se passait quand tu parlais. Rien de bon n'arrivait quand des syllabes frôlaient tes lèvres. Parler, ce n'était pas pour toi. Parler amenait le malheur, les mauvaises choses, le mauvais sort. Parler mettait tes proches dans des situations délicates, voire dangereuses, mortelles. Plus jamais tu ne voulais vivre ça. Plus jamais tu ne voulais connaître la peur de ne pas comprendre, de ne rien contrôler mais d'être la cause de ce brusque changement. Tu fermas les yeux dans un souffle, plus court, tentant de ne pas laisser les images de l'accident revenir à toi. Tu secouas le visage, t'habillant, rangeant, allant te perdre dans ton salon ensuite.
Salon qui avait connu pas mal de vie dernièrement. Et ce n'était pas plus mal. C'était agréable même. Liam y apportait du bruit, des sons, de la voix. Quand il venait avec Theo, ils amenaient autre chose. Un petit quelque chose que tu n'arrivais à définir mais qui faisait du bien.

Tu n'eus pas le temps de te perdre dans tes pensées plus longtemps, le visage se tournant vers la porte d'entrée où l'on venait de toquer. Tu observas l'heure, confus. Liam n'avait pas prévenu qu'il venait. Tu te rendis sans plus attendre à l'entrée, ouvrant délicatement la porte, laissant uniquement la moitié de ton visage visible. Mais la surprise l'était entièrement alors que tu observais Theo. Tu ouvris la porte en grand, regardant autour de lui pour le regarder à nouveau, une interrogation silencieuse sur les lèvres. Tu lui fis signe d'entrer dans un sourire, oubliant la surprise pour l'accueillir comme il se devait, et tu refermas la porte une fois qu'il fut à l'intérieur. Les prunelles tournant dans le vide, tu semblais chercher quelque chose – ton carnet mais n'ayant rien d'autre tu pris ton téléphone. « Tout va bien ? Liam n'est pas avec toi ? Il s'est passé quelque chose ? », et tu tournas l'appareil vers lui, l'air quelque peu perplexe mais surtout soucieux.

Une humidité presque gênante sur le nez, un souffle chaud, une haleine, des plus matinale et tu ouvrais doucement les yeux. Heureusement que la langue qui venait de lécher allègrement ton nez était une bien connue. Elle appartenait à un être qui ressemblait à un nuage, un rêve ambulant avec un sourire angélique et un regard envoutant. La main venait même se perdre dans les poils blancs de sa fourrure pour un câlin du matin. Le message était pourtant simple: lève toi feignant. Mais ce que le cerveau voulait comprendre était qu'il cherchait une présence humaine, cherchant des caresses flatteuses dès le matin. Rapidement laissé pour quelques vocalises. " Ok ok je me lève Cloud. " Finalement le chien avait toujours raison. Un des seuls qui arrivaient à te faire quitter ce pyjama parsemé de panda. Pour remettre un jogging. Une bonne heure plus tard tu prenais ta douche, les vêtements officiels de la journée enfilés. C'est pile à ce moment que l'idée te venait. Aujourd'hui, aucun devoir n'était prévu avec ce trou du cul de Liam, mais l'envie de retourner chez son frère se faisait. Pourquoi? Tu étais bien accueilli. Il était gentil Aiden. Allait il t'accepter alors que tu venais seul? C'était un risque que tu décidais de prendre.
Dans un courage presque instantané, les livres de cours fourrés dans un sac, les chaussures enfilées tu prenais ce chemin bien connu. Et en un rien de temps tu arrivais devant sa porte, sonnant.

C'est à ce moment que le courage même parti, sans prévenir, te laissant devant la porte comme un idiot. Que faisais tu ici? Qu'allais tu dire? Quoi prétexter? Bonjour je viens te voir, n'étant pas une option. La panique. Elle montait doucement et ton regard cherchait au plan b, c même z par une fuite, mais rien. Trop tard la porte s'ouvrait, faisant tendre un corps pas vraiment prêt à entrer, mais pas  non plus à partir. Son regard observait tes côtés, droite gauche, pas de Liam. C'était étrange hein? Le saluant poliment tu finis par entrer la porte se refermant derrière toi pour seul indicateur que tu étais : dans la merde. Ce n'est qu'après quelques minutes, chaussures délaissées, après qu'il te fit lire ce qu'il venait d'écrire. "Oui... alors non.. enfin si .. enfin non rien de grave.  " Quoi? L'incompréhension. tu voulais lui demander exactement la même chose. Que faisais tu ici ? "Ah..  "Illumination, index levé. "Je venais parce que je voulais te remercier d'avoir été si patient et gentil avec nous. Je sais qu'on est .. agité ensemble.  " De vrais cons qui font plus de bruit qu'une équipe de foot serait une bonne définition. "Alors je suis venue te remercier, seul.. comme un grand, en évitant d'être trop bruyant.  " Il avait compris une première fois. Mais tes doigts en cessaient de jouer entre eux, signe de stress qui ne voulait pas s'en aller. "Je.. te dérange ?  " Bah oui parce que les gens avaient une vie.

" "

Parfois, tu aimerais parler. Laisser vibrer ta voix dans ta gorge, la sentir ronronner sous ta peau, frôler ta bouche, fendre l'air – mais t'avais peur. T'étais qu'un gamin effrayé dans le fond. Un gamin traumatisé par des mots, des menaces, des images. Une crainte invisible qui faisait grimper les battements de ton cœur. T'avais la frousse – pourtant, parfois, tu aimerais parler. Répondre aux autres, leur poser des questions. Tu avais tant de choses à dire (mais rien à la fois). Tu aimerais pouvoir raconter tes journées à Liam, riant avec lui d'une anecdote ou d'une autre. Tu aimerais pouvoir tout lui raconter dans les moindres détails, précisant tout et rien, y mettant les intonations. T'aimerais pouvoir te mettre en colère, t'isoler quelque part et hurler une bonne fois pour tout libérer. Mais même si tu essayais, rien ne venait. Car elle était tout autant effrayée que toi, ta voix. Tu ne voulais pas prendre le risque. Alors tu t'enfermais. Heureusement ton frère et Theo étaient venus apporter un peu de lumière dans ton appartement dernièrement.

Theo que tu retrouvais seul aujourd'hui, devant ta porte. Tu ne voyais pas Liam à ses côtés, et c'était plutôt surprenant, vu qu'ils venaient ensemble. Devais-tu t'inquiéter ? Etait-il arrivé quelque chose à ton frère ? A l'école, sur le chemin, ailleurs ? Tu clignas des paupières, curieux, perplexe et totalement paumé, attendant la réponse. Réponse qui rendit la confusion sur ton visage un peu plus visible. Tu penchas le visage en attente d'une suite, d'autres réponses. Tu clignas encore une fois des paupières avant de secouer le visage et de sourire – le soulagement brillant dans tes pupilles mais aussi la tendresse sur ta bouche. Tu agitas quelque peu la main, les pommettes rosies, l'esquisse froissant toujours tes lèvres. Tu plissas le nez à ses mots suivants, amusé, avant de secouer négativement le visage. « Tu n'as pas à me remercier pour ça, c'est normal et ça me fait plaisir de vous avoir ici. Sans vos chamailleries c'est un peu trop vide », tu tournas l'écran vers lui dans un autre sourire, les pommettes toujours un peu roses. « Merci, d'être venu pour me le dire. Et non tu ne déranges pas. Tu veux boire quelque chose ? Manger ? Les deux ? », tu voulais pas encore lui demander s'il avait pris son bain ?? Tu l'invitas à passer au salon, lui indiquant de savoir, restant debout pour savoir ce que tu devais aller chercher. « J'ai oublié mais tu vas bien ? », cette fois-ci ce ne fut pas ton écran que tu tournas vers lui mais ton carnet que tu avais récupéré.  

Certains diraient que t'avais pas d'amis. Et ils auraient raison. C'était peut être pour ça que tu sentais ce besoin presque urgent de revoir une personne t'ayant apporté autant. Comme un gosse qui avait découvert le tiroir à bonbon de mamie, ou bien qui avait compris que mamie donnait les bonbons. Finalement t'étais toujours un gosse. Un gosse qui pouvait faire ce qu'il voulait et qui se retrouvait maintenant bloqué devant une porte, le discours flétrit dans des excuses indécentes. Qu'est ce que tu allais dire? Bonjour j'ai vu des bonbons la dernière fois? Tu attendais la brillante idée, tellement qu'il avait fini par ouvrir avant même que tu n'aies pu en trouver une.

Fort heureusement t'étais quelqu'un d'intelligent, quelqu'un qui avait un cerveau. Quelqu'un qui mentait très mal. Mais ça fera l'affaire, ça devait passer, alors t'insistais, histoire de passer pour un vrai débile. Et en même temps ce n'était pas si faux. Vous étiez horribles ensemble, et rien que l'idée de retrouver Liam le mal de crâne venait pointer le bout de son nez. Alors t'avais du mal à imaginer le pauvre Aiden qui vivait dans le silence. Il refusait poliment ces excuses comme l'ainé d'une fratrie se devait d'accepter son destin. Les yeux lisant rapidement alors l'écran, ton expression feinta la surprise, se brisant dans un sourire amusé. " A ce point? Tu te sens tout seul? " Mettre les pieds dans le plat en manquant de respect: fait. La bourde ainsi faite tes doigts vinrent couvrir tes lèvres, les pommettes rougissant d'un coup. " Enfin je veux dire que .. heu.. personne ne vient t'embêter? " Continue vas y Théo t'avais pas encore atteint le fond. "Heu je veux bien.. de l'eau ou qu'importe merci. OH TES CrEPES.. très bonne crêpes ! J'étais venu dire ça aussi... " Ou pas mais c'était vrai encore une fois qu'elles étaient bonnes. Bien élevé et prévenant il faisait étirer des lèvres imprudentes. Les mains prenant le carnet avec douceur pour y lire les quelques mots. " Ca va oui merci. Et toi? " Dans un réflexe un peu idiot tu venais de le noter, lui rendant alors le carnet avant de t'installer au salon. "C'est calme sans Liam. " Sans blague ? Peut être parce que tu le cherchais H24 aussi. Attendant l'hôte de cette maison tu restais poliment sur le bord du canapé, les doigts pianotant tes cuisses. "Dis, tu crois que je pourrai revenir manger tes crêpes? " Que tu demandais, venant chercher son regard du tien. T'étais vraiment sans gêne.

" "

Ca t'isolait, le silence. Les mots invisibles contre les lèvres. T'étais comme soudainement à part. De l'autre côté d'un miroir. Ta voix résonnait mais ne faisait écho qu'à un vide que tu avais toi-même créé. Tu n'avais plus aucune idée du son de ta propre voix. Quelle timbre elle avait. Etait-elle rauque, douce, chantante ? T'en savais rien. Personne le savait. Tu te souvenais même pas de ta voix, plus jeune. Tu ne savais même plus comment résonner les notes dans ta gorge. Tu ne savais même plus ce que ça faisait, cette sensation de sentir sa gorge vibrer. Mais tu étais le seul fautif, pas vrai ?

Trop calme jusqu'à ce que Theo arrive. Comme s'il avait su. Comme s'il avait entendu. C'était cependant étrange de le voir débarquer sans Liam et t'en concluais qu'il était arrivé quelque chose à ton frère. Ce n'était pas possible autrement Si ? Eh bien si. Les joues rougissant furieusement, tu baissas un peu le regard, les lèvres pincées dans un air embêté, avant de lever tes doigts pour mimer un petit espace entre eux. Un peu. Tu te sentais un peu seul – un peu beaucoup même. Tu souris doucement, timide mais attendri avant de secouer le visage. « Personne ne vient m'embêter. A part Liam, même si en soit il ne m'embête pas spécialement », au contraire, il mettait des couleurs par ici. Tu le laissas lire la note avant de lui désigner le salon. Une esquisse amusée tu le regardas un instant. « Tu as fait tout ce chemin juste pour me dire que mes crêpes sont bonnes ? », tu plissas le nez, vraiment amusé mais aussi contenté, le remerciant en te baissant légèrement en avant. Tu clignas des paupières observant Theo puis le carnet, le coin des lèvres finement levé. « Je vais bien merci », répondis-tu en lui montrant, le regard tournant ensuite dans le salon. Tu bougeas un peu les épaules. « Tu dis ça parce que tu trouves l'endroit silencieux ou parce qu'il te manque ? Ou peut-être les deux ? », tu le taquinais gentiment tout en mimait l'air insouciant. « Mais c'est vrai que c'est calme sans lui. Sans vous, même », tu souris, amusé, appréciant la vie qu'ils apportaient dans ton appartement. Tu le laissas ensuite pour aller chercher quelque chose à boire, revenant au salon, déposant le tout sur la table, l'invitant à se servir. Tes prunelles glissant dans les siennes, tu lui offris un air penaud, avant de retenir un rire. « Elles t'ont marqué à ce point mes crêpes ? Je pensais pas. Je peux t'en faire si tu veux, c'est vite préparé. Je voudrais pas te laisser mourir de faim », tu lui lanças un sourire mutin, la frimousse malicieuse mais aussi satisfaite, les pommettes faiblement rosies. « Tu veux que j'appelle Liam ? Pour lui demander de venir ? », redressant vers lui un regard curieux, tu patientas. T'étais pas la meilleure compagnie qu'il soit, avec ton carnet et ton stylo. Totalement perdu sans tu pourrais même pas communiquer. C'était ridicule. T'étais ridicule. Tu baissas un peu les épaules, le regard sur le sol, perdu dans tes pensées avant de relever le visage. « Vous avez réussi à finir votre devoir ? »