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Les flammes. Couleur scintillante, flamboyante. Virevoltant dans les airs. Fasciné, tu ne t'en lasse pas. On y a jamais fait attention à cette partie de toi. On pensait que c'était parce que tu étais petit. Que tu étais curieux. Pourtant, ils auraient dû s'occuper de ce "problème" dès le départ. Avec ça, vous serez encore à Stockholm, en Suède. Ton pays natal. Qui te manque tant, à toi et ta famille. Ils ne l'ont jamais dit, mais ils t'en veulent. Tu le sens. Tu le sais. Du haut de tes huit ans, tu as brûlé l'entièreté de ton appartement, alors que tes sœurs et toi étaient encore présents à l'intérieur. Aucun blessé a déplorer, mais une vie partie en fumée. Vous avez eu du mal a retrouver un endroit pour vivre. On ne voulait pas de vous, ou plutôt pas d'un petit garçon pyromane. Los Angeles vous tendait les bras, pour tourner une page et recommencer alors une nouvelle vie. Tu ne voulais pas t'en aller, toi qui avais tout encore à Stockholm. Des amis... Un amoureux. Tu ne les as plus jamais revu. Seule ta brûlure sur ta hanche droite te rappelle tous ces souvenirs que tu as laissé derrière toi. Tu as dû te faire à l'idée qu'une nouvelle ville encore inconnue t'attendait. Ce que tu ne savais pas, c'est qu'elle te réservait encore bien des surprises. Des bonnes, comme des mauvaises.

Derrière les fenêtres de ta maison située dans le quartier de Bel Air, tu observe les enfants aller à l'école. Attendre le bus scolaire jaune que tu voyais dans les séries télévisés avant de venir à cet endroit. Toi, aller à l'école ? Tu n'as jamais pu. Tu as tout fait, ou alors, on a tout fait pour que tu continues dans la voie des études, mais tu as bien vite décroché. Tu n'avais pas envie de te lever tôt pour apprendre des choses que tu savais déjà. Tu ne voulais pas avoir à apprendre des choses qui ne te serviraient sûrement à rien dans la vie de tous les jours. C'est vrai ça. Est-ce qu'en allant faire des courses, le théorème de Pythagore nous aidera ? Non. Puis, tes parents ont eu aussi peur de te laisser aller dans une école en sachant ta maladie. Ton addiction pour le feu. Le plus logique aurait été de t'emmener voir un psy, mais là encore tu n'en as fait qu'à ta tête. Tu ne parlais pas durant les séances. Il y a même une fois où tu t'es échappé du bâtiment en sautant par la fenêtre. Heureusement, vous étiez au rez-de-chaussée.

Qui dit maladie mentale, dit pas de relation sociale. Mis à part tes amis de Stockholm, personne ne veut de toi. L'information que tu aime mettre le feu à fuité, tu ne sais toujours pas comment ni pourquoi. Mais c'est ainsi que tu t'es retrouvé seul durant bien plus de cinq ans au moins. Jusqu'à tomber sur une bande de potes qui ne te juge pas sur ce que tu es. Ils t'ont pris comme ça, et c'était parti pour de nouvelles aventures. Ce sont eux qui t'ont mis dans la tête ces histoires bizarres, de paranormal. Ils t'ont initiés à ces expéditions urbaines, dans des bâtiments abandonnés ou soi-disant hantés. C'était ce que tu aimais. Ressentir des frissons, de l'adrénaline. Sans ça tu ne te sens pas vivant. Sans eux, tu ne sais pas ce que tu serais devenu à Los Angeles. Ces personnes font désormais partie de ta vie, et ils n'en ressortiront pas de si tôt.

Tout comme ce garçon que tu as croisé pour la première fois dans ton centre équestre. L'équitation est ta deuxième passion, et cela t'a permis de trouver l'amour sans t'y attendre. Une fille ? Nooon... Ce sont les garçons qui t'ont toujours fait de l'effet. Tu ne sais pas pourquoi, mais tu n'as jamais cherché à comprendre. Et ce garçon dont tu as croisé le regard t'a immédiatement fait tomber amoureux de lui. Le courant est passé bien vite entre vous, et vous n'avez pas mis si longtemps que ça pour vous mettre ensemble. Tu lui as déclaré ta flamme, et i' y a répondu. Tu ne comptes pas le nombre de fois où il t'a rendu fou. Autant positivement que négativement parlant. Vous vous aimiez énormément. Peut-être un peu trop. Les disputes s'enchaînaient de plus en plus. Les crises de jalousie. Lui qui était acteur, tu ne pouvais pas t'empêcher de sentir cette jalousie te consumer quand tu le voyais proche d'un autre que toi. Tu savais que ce n'était que de l'acting. Que tout était faux. Mais c'était bien trop fort pour quelqu'un comme toi. Tu as donc fini par prendre une décision lourde de conséquences : te séparer de lui. Il n'a pas compris sur le coup, mais au final, c'était le mieux pour vous deux. Vous n'arriviez pas à avancer. Cette histoire ne menait à rien. Alors tu as pris le large. Durant plus d'un an. Et c'était bien la plus mauvaise décision que tu as prise de toute ta vie.

Durant cette année, tu as voyagé. Passant des États-Unis au Canada. Tu as fait des rencontres. Que ce soit des bonnes ou bien des mauvaises qui t'ont parfois valu des coups et des points de sutures sur ton corps. Tes parents te demandaient des nouvelles, tu leurs en donnait quelques temps. C'est surtout avec tes sœurs que tu échangeait beaucoup. Avec Aïna en particulier. Ta grande-sœur préférée. Ce choix de voyager tout seul t'a fait énormément de bien. Tu as pu réfléchir sur toi-même. Sur l'avenir qui t'attendait. Tu as fait un grand point pour que tu puisses avancer et ne plus te sentir mal au fond de toi. Tu as compris que pour en arriver à là, il faut aller au bout de soi-même et ne pas avoir peur de l'inconnu. De ne rien lâcher. Et de suivre son cœur tout simplement. Tu l'as suivi. Et il t'a ramené à bon port, dans ta deuxième ville d'attache : Los Angeles. Cela fait deux semaines que tu es revenu, et tu as passé une partie de ton temps avec ta famille avant de reprendre tes affaires. En particulier l'équitation. Ton cheval t'a attendu. Mais est-ce que lui t'a attendu ? Tu n'en sais rien. Tu ne l'as pas revu depuis ton retour. Peut-être que c'est mieux ainsi, qu'il vaut mieux que vous en restez vraiment là. Pourtant, tu ne peux pas t'empêcher d'avoir l'envie de le retrouver. De le prendre dans tes bras. De sentir sa peau contre la tienne. Ton téléphone a toujours le numéro enregistré de Nino. Cependant, tu n'as jamais eu la force de lui envoyer un message.

Tes journées étaient donc vouées à l'équitation. Aucun boulot en vu encore, tu te tâte et tu espère en même temps de trouver quelque chose pour éviter de dépendre encore et toujours de tes parents. Avoir un CV presque vierge, c'est plus que compliqué en 2021. Ce n'est pas en traversant la rue qu'on peut trouver un travail, et non monsieur le président de la France, Emmanuel Macron. Ce serait bien trop beau pour toi. Mais tu ne lâches rien. Pour une fois que tu as envie de rendre fier tes parents, tu ne vas pas baisser les bras à la moindre réponse négative. Ce n'est pas ton genre. Il doit bien y avoir un endroit, une personne qui n'attend que toi pour commencer à bosser. Au point où tu en es, tu accepterais tous les jobs. Même s'ils pourraient te rabaisser plus bas que terre.

Tout allait pour le mieux ces derniers jours. En plus d'avoir remporter un prix au concours de saut d'obstacle, tu as su trouver quelqu'un qui t'a proposé de travailler avec lui. Sur un chantier. Tu allais enfin pouvoir avoir la chance de ramener des sous et ne plus devoir compter sur l'argent de tes parents. Cependant, le jour-même où tu allais signer ton contrat, tu as reçu un appel. Un appel de la part de ta mère. Ses mots n'ont pas percuté dans ta tête durant les premières secondes, mais plus tu entendais ses pleurs à travers le combiné, plus tu comprenais ce qu'il venait de se passer. Aïna n'était plus là. Aïna venait de perdre la vie lors d'une fusillade, alors qu'elle était dans une ville du Wisconsin avec son petit-ami. Ce dernier avait survécu, mais elle n'avait pas eu cette chance. Le premier jour de sa disparition, tu as voulu tout casser. Tu en as voulu à la Terre entière. Pourquoi elle ? Pourquoi ? Tu ne sais pas combien de litres de larmes tu as laissé couler, mais encore maintenant, elle se compte par milliers. Ta grande-sœur était tout pour toi. Et te dire que tu ne la reverras jamais, c'est bien trop douloureux. Le deuxième jour, son corps a été rapatrié ici, à Los Angeles. Pour qu'elle est un enterrement digne de ce nom. Toute la famille était réuni. Le jour le plus sombre et cruel que vous avez connu. Tu te souviens du visage creux et baigner de larmes de ta mère, de ton père et de ta plus jeune sœur. Votre vie ne sera plus la même désormais.

Aujourd'hui, tu n'es plus le même non plus. Cela fait deux jours que tu as enterré ta sœur. Deux jours où tu as sombré dans une légère dépression. Tu ne réponds plus à tes parents qui demandent de tes nouvelles. Qui te disent qu'il faudra retourner en Suède pour y faire une seconde cérémonie. A quoi bon... Tu as arrêté d'aller au centre équestre. Tu es resté prostré dans ton appartement, à broyer du noir. Noyer ton chagrin dans l'alcool. Les secondes, les heures paraissaient une éternité. Tu aurais pu rester avec ta famille, mais c'était bien trop dur. Tu n'aurais fait que penser à Aïna. Rien que d'être seul chez toi est compliqué de ne pas penser à elle, alors loger un temps dans la maison où on peut sentir sa présence dans toutes les pièces, voir sa tête sur les cadres photos... Non. Tu ne peux pas. Tu ne peux plus. En une fraction de seconde, tu es devenu un petit être fragile. En une fraction de seconde, tu as compris la douleur que Nino avait dû éprouver étant petit. Et c'est à cet instant-là que ton envie d'être dans ses bras s'est embrasé.